but they don't know that we know they know we know (lys)

Messages échangés, cernes qui se creusaient sur le visage de la brune, baisé sur le front de Terrence toujours cloitré entre les quatre murs de sa chambre d'hôpital, Violet quitta l'établissement de santé sans pour autant lui informer qu'elle sera de retour le lendemain. Elle s'occupait de lui, même si rien n'était encore clair entre eux, même s'il leur manquait bien des étapes avant que la simplicité ne les rattrape. Le jour, elle prenait soin de sa boutique, jetait un oeil à celle de son amant, puis elle passait par sa caravane pour s'occuper de son jardin qui fleurissait, elle qui n'avait pas le pouce très vert. Elle avait emmené Stan chez elle, le fidèle compagnon poilu de Terrence, pour mieux s'en occuper. Il faisait compagnie à son propre chien qui, avouons-le, pouvait se sentir seul, ces derniers temps, alors qu'elle partageait son temps entre boutiques et hôpital. Et avec tout ça, dans l'urgence de se sentir près de celui qui lui avait pourtant fait tant de mal, Violet passait à côté de bien des choses, dont ses amitiés qui commençaient à en subir les conséquences. Elle avait manqué l'exposition de Lys, bien qu'elle avait reçu une invitation. Et elle s'était promis d'y aller, oui, mais la fatigue avait pris le dessus et elle avait fini par s'endormir sur son canapé, les deux chiens à ses pieds. Ce soir, la brune se reprenait, rendez-vous avec sa copine, prête à renouer avec cette amitié qu'elle avait quelque peu délaissée par mégarde.
Dès qu'elle posa les pieds dans la taverne, dès que l'odeur du Elm Street embauma ses narines, Violet fut projetée dans ses souvenirs, cette soirée où Terrence avait causé sa perte, cette soirée où elle l'avait ramené chez elle, lui ivre mort, et où il avait brisé, à nouveau, son coeur et toutes les raisons de croire qu'entre eux il y avait bien quelque chose de solide. Elle ferma les yeux, décidant de mettre cette histoire de côté, tous les endroits de la ville lui feraient penser à son militaire aigri, puis s'avança vers Lys qui était déjà assise au bar. Je me dois de te le dire à nouveau, mais en personne cette fois, félicitations pour ton exposition. Tellement déçue de l'avoir manqué. Elle se confondait déjà en excuse, elles avaient tant à rattraper.

Je ne venais plus très souvent au Elm Street, privilégiant le Hendrix où j’aimais pouvoir reluquer le barman sans passer pour une affamée – quoique. Depuis qu’Azriel bossait là-bas, c’était vrai, j’avais délaissé le bar que j’avais fréquenté si souvent pendant mes études. Ce soir, malgré tout, je retrouvai mon amie Violet, une amie chère avec qui je partageai énormément. Je savais que la vie n’avait pas été tendre avec elle au cours des dernières semaines, voire des derniers mois, et j’espérai que cette petite soirée entre filles allait lui remonter le moral. J’arrivai au bar un peu avant l’heure que nous nous étions fixé et commandai un Gin Tonic sans tarder. Violet me rejoignit peu après, me félicitant pour mon exposition de peinture et s’excusant de n’avoir pas pu venir à la soirée d’inauguration. Je collai un baiser sur sa joue pour lui dire bonjour et lui souris.
— Merci, et ne t’inquiète pas, je comprends totalement. Et puis tu peux encore aller la voir, les tableaux sont à la galerie pour un moment encore, tu n’auras juste pas le privilège de boire du champagne en déambulant dans les allées pleines de monde.
Je bus une gorgée de mon cocktail et pointai du doigt mon verre après l’avoir reposer sur le bar.
— Tu veux un truc ?

Elle culpabilisait, Violet, de son manque de présence pour ses amies. Elles n'en avaient que très peu, il fallait le dire, elle qui traînait bien plus souvent avec des hommes sur le bord de la plage, des surfeurs et des amoureux des vagues, elle n'avait que très peu de présence féminine autour d'elle. Et ces dernières semaines où elle avait plané entre dépression et abandon, n'avaient fait que creuser un fossé entre elle et celles qu'elle pouvait compter sur les doigts d'une main. Entre les déboires de sa vie amoureuse lamentable, elle avait manqué le vernissage de Lys, soirée à laquelle elle avait été invité, en avant-première, soirée où elle aurait pu la féliciter avant tous ces autres pour le travail acharné que la brune avait fait. Mais à ce moment, elle était bien bas, Violet. Elle avait été au plus bas de sa déprime, au point de ne plus sortir de chez elle, de se cloitrer entre ses quatre murs, refusant de s'exposer au reste du monde. Et elle s'en voulait. Non pas seulement pour Terrence, mais bien d'avoir mis de côté ses amitiés, aussi, et de n'avoir pensé égoïstement qu'à sa peine. Ça ne lui ressemblait pas, Violet la battante, celle qui se relevait après chaque coup, qui s'obstinait à rendre tout le monde autour d'elle heureux. Elle avait frappé un mur, elle avait touché le fond. Mais, à présent, la voilà mieux. En forme et disposée, offrant ses plus plates excuses à sa bonne amie. Violet hocha la tête quand Lys lui informa que ses tableaux étaient toujours affichés à la galerie. J'irai les voir, promit-elle. Je ne peux pas laisser passer cette chance. Un jour, peut-être, je pourrai me venter d'avoir été bonne copine de la célèbre Lys Rosario Kickett, s'esclaffa la brune en prononçant le nom complet de la peintre comme s'il serait son nom d'artiste, un jour. Le champagne, ça aurait été un plus, tout de même, fit-elle en haussant les épaules, pas du tout sérieuse. La même chose que toi ! Le serveur passa près d'elle, la brune l'apostropha pour lui demander un verre de la même chose, sans vraiment savoir de qui il s'agissait. Alors, raconte-moi tout, qu'est-ce qui se passe avec toi ! Elle détournait l'attention, détournait la conversation qu'elle désirait ne pas diriger vers elle. Pas maintenant. Plus tard, oui, mais pas tout de suite. Pour l'instant, elle avait envie de profiter sur moment sans se soucier des dernières semaines et du nuage gris qui planait au-dessus de sa tête.

Je pouffai en écoutant mon amie affabuler sur ma future célébrité dans le monde de l’art. J’avais d’ores et déjà une petite notoriété, dont j’étais très reconnaissante d’ailleurs, mais j’étais bien loin de devoir sortir les lunettes noires en sortant de chez moi. Je n’étais pas ma mère…l’évocation de mon nom complet me fit penser un instant à elle. Mon père m’avait donné « Rosario », en deuxième prénom par rapport à elle, Perla Rosario, actrice américaine connue pour ses frasques davantage que pour ses rôles. Mon l’aimait encore follement à l’époque de ma naissance, tandis qu’elle n’avait vu en lui qu’un homme-mouchoir, facile à jeter. Bref…Rosario, c’était comme son ombre sur mes papiers d’identité, et je n’étais pas fan de cela. Mais Violet ne pouvait pas savoir, je n’évoquai que très rarement – pour ne pas dire jamais – mais génitrice. Je chassais aussitôt son visage botoxé de mon esprit, puis demandai à un serveur un deuxième Gin Tonic pour mon amie.
— En plus, il était gratos et pas degueu, fis-je à propos du champagne servi pendant le vernissage, t’as loupé un truc.
Je la taquinai évidemment. Les vernissages étaient souvent pompeux, et tout le monde n’était pas toujours disponible pour des mondanités, je pouvais aisément le comprendre. L’absence de Violet ne m’avait pas vexée le moins du monde. Le Gin Tonic de Violet arriva et je levai mon propre verre pour trinquer avec elle, puis souris à sa question. Elle voulait savoir ce qui ce passait dans ma vie en moment…par où commencé ? Ma vie avait été assez mouvementé dernièrement
— Euh…et bien, j’ai revu de vieux amis…mon meilleur ami, d’abord. On s’était un peu perdu de vue vers nos douze ans et on s’est revu il y a peu. C’était…bizarre. Puis il y a Jackson, un acrobate que j’avais rencontré en voyage, il est venu s’installer à Bowen, le monde est…vraiment petit. Et toi, ça va ?

Avec les années, les arts avaient fini par prendre moins de place dans la vie de la surfeuse. Elles évoquaient, jadis, toute sa famille, ses parents et sa soeur, sa vie à New York. Et sans eux, elle ne serait pas là, Violet, sans cette discipline qui en avait fait tomber ses deux géniteurs amoureux. Petite, elle plongeait dans cet univers les yeux ouverts comme deux grosses billes, émerveillée par l'amour que ses parents pouvaient se porter et porter à la fois aux arts. Elle avait fait des cours de dessin et de poterie, des initiations aux arts modernes, mais elle, ce qu'elle voulait faire, petite Violet, c'était jouer de la guitare. Plutôt art classique, ses parents avaient préféré l'inscrire dans des leçons de piano, jusqu'au jour où ils réalisèrent que leur petite Violet était déterminée et qu'elle ne lâcherait pas le rêve de gratter les cordes d'une guitare. Et c'est bien la seule chose que la brune a gardé de New York et des arts, en général, sa guitare. En quittant la grosse pomme, en laissant derrière elle les gens qui l'étouffaient et qui engouffraient sa vie de négativité, elle laissa toutes les choses qui lui rappelaient son passé derrière. Tout, sauf sa guitare. Guitare qu'ils n'avaient jamais vraiment aimée. Quand Lys parlait d'art, Violet voyait à quel point les yeux de son amie s'illuminaient. Elle aimait ce champ et tout ce qui en découlait. Et Violet s'efforçait d'aimer tout ça, pour elle. Lys avait du talent, ses toiles étaient toutes fabuleuses, ce n'avait rien à voir avec son talent. C'était Violet, tout simplement, qui en gardait une amertume. Du champagne gratos et pas dégueu, ça donne envie tout ça, plaisanta-t-elle alors que son amie commentaire sa remarque sur le champagne. Mais, pour l'instant, je vais me contenter d'un gin tonic pas gratos, ça me va. Rapidement, Violet s'intéressa à la vie de son amie. La sienne, elle était percée de tous ces malheurs qu'elle tentait d'oublier l'instant d'une soirée. La brune lui parla de garçons, Violet se montra alors curieuse, posant ses coudes sur la table les séparant. Et... Ces garçons ce sont ?, demanda-t-elle, moqueuse, mais surtout envieuse de connaître les détails. On évoque jamais des mecs qui ne veulent rien dire, comme ça, quand une amie demande qu'est-ce qui se passe avec toi, gloussa Violet avant de remercier le serveur pour le gin qu'il venait de lui apporter. Elle inclina son verre vers celui de Lys. Dis-moi tout !

Violet n’avait pas tort, je n’avais pas évoqué Romeo et Jackson par hasard, bien que je n’en ai pas vraiment eu conscience en répondant à la question posée par mon amie. Les deux hommes comptaient, mine de rien, dans ma vie. Il y avait Azriel aussi bien sûr, mais lui était une constante, une base. Violet était déjà plus ou moins au courant de ma relation avec lui, ce qu’il y avait de neuf, c’était bel et bien l’arrivée des deux autres dans mon quotidien.
— Romeo et moi étions amis quand nous étions gamins. On s’est suivi de notre premier jour d’école jusqu’à notre entrée à l’école secondaire, ou un peut après, on avait genre…douze ou treize ans, je sais plus. Bref, on s’est un peu éloignés. Surtout lui. J’ai jamais trop su pourquoi. Puis on s’est recroisé, par hasard et…on s’est embrassé et…là aussi tu veux des détails ?
Je pouffai et avalai une gorgée de Gin Tonic. Je n’étais pas certaine de vouloir donner ces détails. Je n’étais pas certaine de savoir posé des mots sur ce qui s’était passé ensuite. C’était encore un peu trop bizarre pour moi, j’avais besoin de laisser tout cela décanter un peu.
— Jackson c’est différent. Je l’ai rencontré il y a deux ans, en voyage. C’était juste après la mort de mon père, quand j’ai fait mon espèce de pseudo tour du monde. Il était acrobate aérien dans un cirque, c’était…à Berlin, au début, je crois. Je suis tombée immédiatement sous son charme. On a accroché. Je l’ai retrouvé plus tard, en France. Je suis restée un peu plus d’un mois, avec lui…je me souviens encore de la douleur de mes courbatures. C’est…sportif, de sortir avec un homme de cirque !
Je ris à gorge déployée à ce souvenir. À voir la tête de mon amie, cela l’amusait aussi.
— Enfin bref, on est toujours plus ou moins resté en contact et il vient de débarquer à Bowen. Et je risque de me faire des courbatures à nouveau du coup…
Je trempais à nouveau mes lèvres dans mon cocktail, l’air faussement innocent.

Violet écouta les premières confidences de son amie sur sa vie sentimentale, elle qui avait évoqué des garçons sur sa route, mais qui disait qu'elle ne voulait pas dire grand-chose. C'était pourtant faux, Violet le savait, elle le voyait au travers des yeux de sa Lys. Alors elle l'écouta lui confier ce qu'il s'était passé avec Roméo, le premier de ces garçons-là. Et elle sourit à la question qu'elle laissa en suspens, quand son histoire fût presque terminée. Etcétéra, etcétéra ?, demanda-t-elle en riant, supposant bien ce qu'était la suite des choses avant de l'imiter et de prendre une gorgée de son Gin Tonic. Elle l'écouta raconter la suite de son histoire. Un acrobate, à ses paroles Violet posa ses coudes sur la table pour mieux écouter l'artiste. Elle souriait, moqueuse, mais aussi intriguée. Un acrobate, hein ? Elle gloussa un tantinet. Je ne peux qu'imaginer la moitié de vos égarements. Ça devait être tout un échauffement. Violet lui accorda un clin d'oeil complice avant d'ajouter : Mais alors, que représentent-ils, ces garçons, pour toi à présent ? Étaient-ils passagers, lui évoquaient-ils des sentiments particuliers ? Il n'y avait pas de mal de répondre l'une ou l'autre des options, il fallait seulement que la brune soit en mesure de reconnaître ses émotions. Elle connaissait vaguement son histoire avec Azriel, elle se permit donc d'ajouter un nouvel homme à l'équation. Jamais deux sans trois, non ? Et par rapport à Azriel, alors ? Il n'y avait pas de jugement dans sa voix, bien au contraire. Mais alors là, il nous faudra peut-être plus fort que des gin tonics !

Le plus difficile, pour moi, était de définir les choses, encore plus lorsqu’il s’agissait de relations humaines. J’étais une artiste, je voyais en couleurs, en reliefs. Mes nuances étaient infinies. Par contre, coller des étiquettes n’avait jamais été mon fort. Aussi quand mon amie me demanda ce que ces garçons représentaient pour moi, je me trouvai bien embêtée pour lui répondre. Je ne m’étais pas posé la question un seul instant.
— Ils comptent, parvins-je seulement à déterminer.
Ca c’était certain, ni Romeo, ni Jackson n’étaient des hommes de passage. Même si j’avais énormément de mal à cerner le premier. Mon ami d’enfance avait bien changé et je ne savais pas encore comment allait se dessiner le futur pour nous. Pourrions nous encore être amis ? Avions nous eu tort de nous sauter dessus ? Je n’arrivais pas encore à le savoir. Quant à Jackson…
— Cela me fait vraiment plaisir de retrouver Jackson, avouai-je en toute franchise. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il soit là, à Bowen. J’veux dire…on avait gardé contact sur les réseaux, mais pour moi il était une rencontre de vacance, un souvenir agréable. J’avoue que c’est assez différent maintenant, ça me plait assez de l’avoir dans ma vie.
Je pris une gorgée de Gin Tonic et un sourire se dessina sur mes lèvres au moment où Violet évoqua Azriel. Elle était au courant, comme la plupart de mes amis, de la relation que j’entretenais depuis de nombreuses années avec le bel italien.
— Az, c’est encore autre chose…
Ma relation avec ce garçon-là n’était comparable à aucune autre. Azriel était indispensable à ma vie, au même titre, presque, que l’eau ou l’oxygène. Il était l’un des rares à qui j’avais donné la clef de mon jardin secret, l’un des rares avec qui je me sentais pleinement moi-même. Comme à chaque fois que je pensais à lui, que ses yeux bruns et rieurs s’imprimaient dans mon esprit, mon sourire s’élargit.  
— C’est l’homme le plus ouvert et bienveillant que j’ai pu rencontrer. J’aime l’œil avec lequel il regarde le monde, j’aime la passion qu’il place dans chaque chose. Il est tellement humble, aussi…trop peut-être, s’il faut lui trouver un défaut. Azriel c’est…comme une boule d’énergie solaire, contenue dans une toute petite boite à peine ajourée. Il a un talent monstre, et ça me tue qu’il refuse de le montrer. J’aimerais qu’il se voit, comme moi je le vois…
Je restai songeuse un moment, avant de pouffer de rire.
— Mais ce n’était pas ta question, je crois…hum, par rapport à Azriel, ça ne change rien du coup. On a…pas le genre de relation que les gens peuvent s’imaginer. On est amis en fait, rien de plus. Enfin, oui on s’apprécie beaucoup, on passe du temps ensemble et nos rapports vont au delà de la simple amitié, mais…c’est juste un ami.

Violet était amoureuse de l'amour. Romantique éternelle, amoureuse des papillons dans son ventre et des sourires qui ne pouvaient quitter son visage. Et quand elle aimait, bon Dieu qu'elle aimait. Avec passion, avec douceur, avec dévouement, avec investissement, avec tendresse, avec chaos, aussi, parfois. Et quand elle aimait, c'était éternel, jusqu'à la fin de ses jours. C'était d'ailleurs sans doute pourquoi elle avait gardé une relation particulière avec ses ex petits amis, souvent devenus amis alors que l'amour amoureux, elle, avait pris fin. Elle n'avait jamais eu besoin d'un homme pour être heureuse, cela dit. Longtemps, elle s'était retrouvée seule, à apprendre à s'aimer, à apprendre à grandir des échecs amoureux, à apprendre à mieux offrir son coeur lorsque l'amour reviendrait, sans réellement le chercher. Parce qu'il lui tombait souvent dessus, l'amour. Comme Terrence, par exemple. Terrence qu'elle avait détesté pendant près de six ou sept ans déjà avant d'en tomber follement amoureuse. Cependant, elle ne partageait pas la même vision de l'amour que Lys. Lys étaient libre, personne ne pouvait avoir d'emprise sur elle. Et si Violet aspirait à la même chose, en couple, elle se résignait à aimer qu'une personne à la fois, qu'à ne consommer qu'un corps à la fois. Alors que sa meilleure amie, elle, n'avait pas cette limite. Et Violet admirait sa vision de l'amour, et de la vie en générale, qui la rendait si paisible, si calme, si peu anxieuse. Peut-être qu'au fond elle avait trouvé la solution à tous les maux, Lys. Et peut-être que tout le monde devrait suivre un peu de son mode de vie. Ce n'était pas pour la rendre mal à l'aise que Violet demanda à l'Italienne ce que représentaient ces hommes pour elle. C'était plutôt pour tenter de faire de l'ordre dans les informations que son amie lui livrait. Cependant, c'était encore un peu le bordel pour que la commerçante puisse totalement déchiffrer tous les éléments. Ils comptaient, c'était déjà ça. Puis, elle écouta son amie lui parler de Jackson, le plus récent, de ce qu'elle avait compris, de l'équation. Il avait fait un retour dans sa vie, un retour dont même la peintre n'avait pas su prévoir. Et il te fait du bien, je peux le voir, ajouta-t-elle à la liste des choses que Jackson lui faisait, au-delà du plaisir, il lui faisait du bien. Mais il manquait tout de même un homme à la liste, un homme qui, tous le savaient, était près de l'Italienne. Azriel. Le sourire de Lys se transforma complètement lorsqu'elle se mit à parler de lui. Et si elle ne connaissait pas assez bien son amie, Violet aurait pu jurer qu'elle en était amoureuse. Parce que lorsqu'elle parlait de lui, c'était tout son visage qui s'illuminait. Ce n'était effectivement pas ma question, gloussa Violet. Mais je trouve ça adorable de t'écouter parler de lui. Elle la laissa tout de même lui expliquer ce qu'elle pensait d'Azriel, par rapport à ces autres hommes. Je vois, lâcha-t-elle, sans cacher son sourcil arqué qui laissait parraître à Lys qu'elle ne croyait pas complètement la dernière partie de sa justification. Je vous vois, tous les deux. Je sais que ce n'est pas ce que tu veux. Mais je vous vois bien ensemble. Nouveau rire, elle s'empara de son verre. Tu peux blâmer mon côté hopless romantic, Lys, et bien rire de moi, ça m'est égal, finit-elle par dire en portant le verre à ses lèvres.

C’était vrai, Jackson me faisait du bien, au delà de nos échanges charnels, sa seule amitié m’apportait une grand sérénité. J’estimai énormément l’acrobate, rencontré deux ans plus tôt lors d’une tournée de son cirque, bien que nous nous connaissions peu, au final. D’abord je l’admirais pour la personne qu’il était, sa bienveillance, sa simplicité et ensuite pour son talent – quiconque l’avait déjà vu dans les airs, suspendu à ses tissus ne pouvait qu’être du même avis que moi, cet homme était un ange à qui il ne manquait que les ailes. J’étais heureuse, d’ailleurs, qu’il ait accepté de me servir de modèle pour ma nouvelle série de peinture. Il m’inspirait énormément. J’attrapai mon verre et bus une gorgée de ma boisson avant que la conversation ne dévie sur Azriel. Quand je parlais d’hommes à mes amis, c’était souvent le cas, comme si Azriel était le point repère, le barème de toutes mes relations – ce qui n’était pas vraiment faux au final. Je souris à la remarque de mon amie. Violet était une romantique, et c’était ce qui faisait son charme. J’aimais ce penchant de sa personnalité. Il ne me donnait pas envie de me moquer d’elle, au contraire. Son optimisme et son côté fleur bleue me faisait souvent sourire.
— On nous le dit souvent tu sais.
C’était vrai. Beaucoup de personnes, extérieures à notre relation, avaient tendance à croire qu’Azriel et moi pouvions former un couple. Nous nous entendions remarquablement, certes, et dans de nombreux domaines. Nous avions une complicité en or, malgré tout nous n’envisagions pas les choses sous cet angle.
— Mais Az et moi, ça ne marche pas comme ça. Oui, je tiens à lui. Et sans trop m’avancer, je pense pouvoir déclarer qu’il tient à moi. Mais il n’y a jamais eu d’amour entre nous. Pas sous la forme que tu penses, en tout cas. Et puis, de mon côté, le couple…j’ai déjà essayé et ça ne me convient pas. Mais assez parlé de moi, comment ça va, entre toi…et Terence ?

Il y avait toute sorte d'amour. Et des bien différentes des traditionnelles. Qui avait décidé de ce qui était acceptable ou non, en amour? Qui faisait les règles? Parce qu'une personne choisissait un chemin dont l'issue en était moins fréquente, fallait-il le pointer du doigt? Pour Violet, ça ne faisait aucun sens. L'amour, ce qui le rendait beau et merveilleux, c'était surtout ce qu'il faisait ressentir aux personnes concernées, de la façon dont ils souhaitaient le vivre. Et c'était tout. Pas de marche à suivre, de mode d'emploi, de règles, autres que celles fixées par les deux parties. Toutes choses étaient bonnes à vivre, tant et aussi longtemps que les deux acteurs principaux en étaient d'accord. Couple ouvert, couple fermé, ça changeait quoi? Le plus important, c'était de respecter ses limites. De se connaître assez pour savoir ce qui était acceptable ou non pour soi. Et de communiquer. C'était d'ailleurs la partie la plus complexe du couple, et pas seulement selon la commerçante. Bien des gens lui concédaient leur accord. Et, elle-même, amoureuse perdue, amoureuse éternelle, elle n'avait pas trouvé le secret pour exceller dans l'art de la communication. Son couple était loin d'être un exemple à suivre, il avait eu son lot de secret, en avait sans doute d'autres de bien enfouis. Mais elle avait choisi l'amour au-delà de la haine et elle avait accepté ces détails cachés comme une chance nouvelle pour leur histoire future. Je sais, acquiesça-t-elle à la remarque de Lys. Elle n'avait pas à s'expliquer, pas à se justifier. Elle lui avait déjà raconté, sa vision de l'amour et sa relation avec Azriel. C'était Violet qui fabulait, encore et toujours, qui voyait des sentiments là où peut-être il n'y en avait pas. Elle se trompait que très rarement, cependant. Et son sourire, perché sur son visage fatigué, laissait comprendre à sa meilleure amie qu'elle n'en pensait pas moins. Il y a tellement de façons d'être un couple..., ajouta l'Américaine en appuyant ses coudes contre la table qui les séparait. Et tellement d'appellations pour classifier différemment le couple. Elle sourit à nouveau, non pas moqueuse, mais bien empathique. Reste à voir si on prend le risque de faire des testes pour trouver ce qui nous convient. Elle termina là-dessus. D'une part parce qu'elle ne voulait pas faire sentir à Lys qu'elle s'imposait dans son mode de penser. D'une autre parce qu'elle la questionna sur Terrence. Les cernes sur le visage de la brune ne mentaient pas. Elle était épuisée. À force de s'occuper des autres, elle s'oubliait. Mais sa force, c'était lui, c'était Terrence. Ça faisait des semaines qu'on ne s'était pas vu..., commença la brune. Elle n'avait pas tout raconté à son amie, parce que les semaines qui venaient de passer avaient été dures. Autant celles avant les réconciliations que celles qui étaient venues après. Parfois, les malheurs font bien les choses. J'étais toujours son appel en cas d'urgence... Il est à l'hôpital. Elle attrapa son gin tonic et avant de le porter à ses lèvres elle ajouta : Il va bien. Il va mieux. Violet engloutit une gorgée, fit signe au serveur de leur amener une seconde tournée, elles en auraient besoin. Entre les histoires compliquées de Lys et les siennes, elles auraient besoin d'un remontant. J'peux pas lui en vouloir, Lys. Il m'a menti sur toute la ligne, mais... merde j'peux pas lui en vouloir... Violet se permit un rire doux avant de lever un regard brillant sur son amie. C'est ça l'amour..

J’écoutai mon ami parlé du couple en acquiesçant. Oui, chaque couple était différent bien sûr, et il n’était pas nécessaire non plus d’être en couple pour s’aimer. C’était du moins ma conviction profonde. S’il y avait de l’amour entre Az et moi ? Je n’en savais rien en fait. Il y avait plus que de la simple amitié c’était certain. Malgré tout nous ne nous étions jamais vraiment attardé sur la question, et cela ne nous ennuyait pas, pour le moment, de laisser les choses en l’état. Notre relation laissait beaucoup de personnes dans notre entourage un peu circonspects, beaucoup s’imaginaient que nous finirions ensemble, probablement mariés avec des enfants un jour, ou tout simplement amoureux fous, mais nous ne nous projetions nous même pas si loin. Et cela nous convenait très bien. Violet avait peut-être raison sur un point. Peut-être avions nous peur de faire le moindre test, peur que tout change…Je bus une gorgée de mon cocktail un peu pensive, avant que la conversation ne se tourne finalement vers Violet et son couple à elle. Je savais qu’entre Terrence et mon amie se jouaient souvent les montagnes russes mais ils s’aimaient profondément, cela ne faisait aucun doute. Cet amour agissait entre eux comme un ciment, et je les enviais un peu pour ça, je devais bien l’avouer. Malgré tout, ce qu’ils avaient traversé dernièrement n’avait rien du long fleuve tranquille. Je pinçai les lèvres, désolée pour mon amie lorsqu’elle me racontait un bout de l’histoire.
— Vi, je suis désolée…ça n’a pas du être simple. Et c’est beau ce que tu dis…Vraiment. Votre amour paraît si pur de l’extérieur. Compliqué, mais pur. Faut pas que vous perdiez ça.
Je me penchai pour attraper sa main et remerciai le serveur de nous apporter la commande qu’avait passé Violet. En effet, l’alcool, ce soir, serait d’un grand renfort. Je reconnaissais en avoir besoin, moi aussi.
— Que cet élixir magique nous donne la force et courage de supporter les mecs jusqu'à ce que nous demandions grâce ! fis-je en levant mon verre.

Évidemment qu'il ne fallait pas être en couple pour s'aimer. Violet et Terrence n'étaient pas un couple, ils ne l'avaient jamais vraiment été, d'ailleurs. Et, pourtant, entre eux, il y avait de l'amour. Beaucoup d'amour. De l'amour qui fait du bien, de l'amour qui fait du mal, de l'amour apaisant, de l'amour destructeur, de l'amour violent, de l'amour passionnel. Toutes sortes d'amour. Et tant que les limites de chacun étaient respectées, en quoi l'amour pouvait être à blâmer ? Dans le cas de Violet, l'amour fermé résultait. Elle n'avait pas besoin de mettre des mots sur ce qu'elle était, couple ou pas. Cependant, elle avait besoin de savoir, de sentir, du moins, qu'elle était la seule à partager ce sentiment. Avec Terrence, c'était ce qu'elle ressentait, à présent, bien que les choses n'étaient pas aussi simples qu'elle l'aurait souhaité. En vérité, elle était fatiguée de se battre, fatiguée d'être forte. Elle aurait souhaité un peu plus de simplicité. Mais ça, ça ne semblait pas exister. Violet exprima sa réflexion quant à sa relation avec Terrence à Lys qui pinça les lèvres, semblant être désolée pour son amie. Violet secoua la tête. Ne sois pas désolée, Lys., fit-elle en repensant à ce qu'ils avaient vécu, elle et Terrence. J'ai espoir qu'un jour ce soit plus simple, confia-t-elle quand son amie attrapa sa main pour l'apaiser au même moment que le serveur choisi pour leur apporter la seconde tournée. Lys leva son verre, prononça les paroles solennelles d'un souhait pour leur futur. Violet gloussa au discours de son amie. J'peux déjà demander grâce, dis ?, fit-elle avant de cogner son verre contre celui de sa meilleure amie et de prendre une grande gorgée de son cocktail. De mon côté, c'est plutôt ennuyeux, les hommes. Je veux dire, mis à part te parler de l'amant qu'est Terrence, je n'ai rien d'autres à te raconter. Rapidement, tu seras soulée de m'entendre te venter ses prouesses. Alors, si tu me parlais de tous ces hommes, j'suis encore un peu mélangée entre Jackson et... qui d'autre déjà ?

Spoiler:

Je pensais vraiment ce que je disais. L’amour qui existait entre Violet et Terrence, bien que je ne connaisse que très peu ce dernier, m’apparaissait comme très pur ; compliqué vraisemblablement, mais d’une beauté certaine. Je rêvais de vivre cela un jour, avec quelqu’un. Secrètement. Je ne l’avouais pas, bien sûr. Je n’étais pas certaine de savoir le verbaliser d’ailleurs, mais mon cœur n’était pas aussi étanche que je voulais bien l’admettre. Je concevais parfaitement le sentiment amoureux, j’avais juste peur qu’il me terrasse en un claquement de doigt comme il avait terrassé mon père pendant des années. J’avais peur. Peur d’aimer trop fort, peur de m’oublier. Pour éviter à la morosité de s’installer, je proposer un toast à ma meilleure amie et Violet leva son verre à son tour. Je ris en l’entendant dire qu’elle préférait demander grâce tout de suite. Oui. Décidément, sa relation avec Terence semblait compliquée. Je bus avec elle une gorgée de mon cocktail puis hochai la tête.
— C’est pas parce que tu es monogames que tu n’as pas d’histoires croustillantes à raconter, notai-je, je suis certaines que t’en as en rayon.
Je pouffai, puis souris à mon amie.
— Viktor. C’est…un ami d’enfance. On était très proches gamins, puis…on s’est éloigné, et…à nouveau rapproché il y a peu. Ca n’est arrivé qu’une fois, et je pense que ça s’arrêtera là.

Spoiler:

Avant Terrence, Violet n'avait jamais aimé de la sorte. C'était le genre d'amour qui transcendait tout, qui passait outre les grosses tempêtes et les disputes, qui allaient au-delà d'où les gens auraient sans doute abandonné avant eux. C'était violent et à la fois doux, brûlant et à la fois apaisant, brutal et à la fois rassurant. C'est tout ce qu'elle avait cherché, sans même le savoir. Et son coeur était sien, malgré tout, il lui appartenait encore. Et pour aimer, aimer trop fort, s'oublier par amour, Violet ne pouvait pas promettre que ce n'était pas le cas. Elle, elle aimait tellement, qu'elle s'épuisait, qu'elle s'époumonait pour lui, pour celui qu'elle avait choisi. Alors, non, impossible de rassurer Lys, de lui faire croire qu'elle n'aimerait pas à s'en oublier, à ne pas faire passer l'autre avant ses propres besoins, à s'arracher le coeur pour lui. Mais ce qu'elle pouvait lui promettre, c'était 'être là, pour elle, quand elle en aurait besoin. De l'écouter, de lui rappeler combien son coeur pouvait battre, à quelle vitesse il prenait de l'ampleur et de lui jurer qu'elle ne la laisserait jamais tomber. « Oui, certainement », gloussa Violet en pensant à ses dernières retrouvailles avec Terrence, l'amour qu'ils avaient fait sur sa la table de son arrière-boutique en clin d'oeil à leur première fois, l'urgence dans laquelle ils s'étaient fait enivrer à l'idée de se retrouver, tout ça avant de se laisser se séparer une nouvelle fois, parce que le contact physique, c'était bien, mais ils ne cessaient de se blesser. « Mais tu veux vraiment entendre une vieille comme moi parler de sexe ? », lança-t-elle toujours en riant. « Gagné, gagné, Terrence est un amant exceptionnel... J'ai déjà hâte qu'il se remette sur pied pour nous retrouver... » Mais ce n'était pas ce qui l'intéressait pour le moment. Elle porta une douce attention à son amie, elle qui lui expliquait ce qui s'était passé avec Viktor. « Tu penses ? », lâcha la brune en haussant les sourcils d'un air suggestif.