but they don't know that we know they know we know (lys)

— Arrête un peu, Vi ! rigolai-je, t’es pas vieille du tout !
Ma meilleure amie avait à peine la trentaine et le fait qu’elle soit casée ne signifiait pas qu’elle n’avait plus rien d’intéressant à raconter ! Certes, je ne voulais pas nécessairement connaître les détails de sa vie intime, cela ne me regardait absolument pas mais la vie de Violet n’était pas ennuyeuse pour autant. D’ailleurs, j’enviais ce qu’elle avait, j’enviais son couple avec Terrence ; malgré les nuages, elle avait aussi son lot de ciel bleu et cela devait être très agréable. Je marquai un sourire quand Violet me confia enfin qu’elle avait hâte des retrouvailles avec Terrence.
— Ah ! Tu vois !
Je bus une nouvelle gorgée de mon cocktail, puis le sujet de conversation dévia sur Viktor. J’affirmai que mon aventure avec cet ami d’enfance que j’avais longtemps perdu de vue, n’irait pas plus loin que le one-shot. Violet sembla s’en étonner. Je hochai la tête.
— Ca ne me déplairait pas que ça aille plus loin, ce n’est pas ce que je veux dire. C’était plutôt bien la première fois mais…je ne veux pas tout mélanger. Je couche déjà avec deux autres de mes amis, je ne vais peut-être pas pousser. Puis…il y a aussi sa petite sœur, Juliette que je considère comme la mienne. Ca me ferait bizarre, je crois…

Contrairement à ce que croyait Lys, les moments de répits entre Terrence et Violet n'avaient pas été nombreux. Bien évidement, ces moments, aussi courts avaient-ils été, comptaient bien plus que toutes les disputes qu'ils avaient pu avoir, les mensonges, les secrets et tout ça. La preuve, c'est qu'elle les avait toutes oubliées, ces mauvaises passes, au moment où elle avait entendu opération et malaise dans la même phrase, au moment où elle s'était fait convoquer d'urgence à l'hôpital. Ils avaient tout mis sur pause, leurs querelles, leurs désaccords, elle passait le voir tous les jours, elle qui avait eu peur de le perdre pour de bon. Évidemment, il faudrait en parler, aborder les irritants, pour avancer, pour mieux se retrouver, mais pas maintenant, pas alors qu'il avait frôlé la gravité de la mort. Violet gloussa à la réplique de son amie. « Oh arrête, je sais que je le suis », fit-elle en tirant la langue. « On en reparlera quand on fêtera ton trentième anniversaire, Lys! » Pour Violet, la trentaine avait été une étape redoutable qu'elle avait toujours appréhendée. Elle n'était pas si mauvaise qu'elle l'avait imaginé, mais elle savait qu'elle était sur une pente glissante, que sa peau prendre plis et qu'elle aurait bientôt envie d'avoir une famille... Mais tout ça, ce n'était pas possible maintenant. Lys lui parla de Viktor, Violet chercha à comprendre. « J'avoue que pour le coup... Tu es pas mal chargé à ce niveau », gloussa Violet, sans jugement. « Et lui, il en pense quoi ? »

La trentaine, à mes yeux, représentait l’épanouissement et non la vieillesse comme semblait vouloir me le faire croire mon amie Violet. Facile à dire, pouvait-elle sans doute me rétorquer, car, en effet, j’étais encore loin du compte. J’allais sur mes vingt-huit ans seulement. Malgré tout, je ne faisais pas partie de celles et ceux qui redoutait ce fameux cap des trente ans, bien au contraire. Mon père m’avait souvent confié que cela avait été la meilleure période de sa vie. Je n’avais pas encore dix ans à cette époque là et il connaissait un certain succès avec ses romans, je me souviens qu’il avait vécu une idylle avec une française, Colette, de passage en Australie. Un sourire nostalgique sur les lèvres, je secouai la tête et roulai des yeux.
— Je ne suis pas si loin que ça, répliquai-je en rigolai-je, puis l’âge n’est qu’un nombre.
Je le pensais vraiment, ça n’était pas juste une façon de parler. Nous vivions chacun à notre manière, chacun à notre rythme. De mon côté, je n’étais absolument pas terrifiée à l’idée de vieillir, pas du tout même. J’étais persuadée que chaque étape de notre vie avait quelque chose à nous offrir. Cette idée se vérifiait d’ailleurs quand je songeais au fait que j’avais retrouver un ami d’enfance que j’avais perdu de vue depuis quelques années. Comme quoi, l’univers pouvait toujours nous surprendre.
— C’est mon ami d’enfance et je ne le vois pas vraiment comme ça, et je pense que c’est pareil pour lui. Il est très séduisant, je ne dis pas mais…
Je pinçai la bouche en réfléchissant.
— Non. Viktor et moi, c’est pas physique. C’est arrivé une fois, et je ne regrette rien, mais c’est comme mon frère, en fait.
Je me mis à rire.
— Ouais, je sais, c’est bizarre dis comme ça !

L'âge n'était qu'un nombre. Violet commençait à peine à y croire. Elle avait passé le cap des trente ans et c'est seulement à ce moment qu'elle avait réalisé que la trentaine, ce n'était pas aussi pire qu'on le disait. Seulement, vieillir lui faisait tout de même peur. Les chiffres ne cesseraient d'augmenter d'année en année, la poussant plus rapidement vers le quarante que le trente, puis vers le cinquante et ainsi de suite. Si trente n'était pas si mal, elle n'était pas encore à l'aise de dire que quarante serait la même chose pour elle, ni même que cinquante lui conviendrait. Elle sentait qu'elle avait encore tant de choses à vivre, à découvrir, à créer, qu'elle n'avait pas encore écrit toutes les pages de son histoire, comme si après quarante ans son livre allait s'éteindre, même si la fin n'avait pas été écrite. « L'âge n'est qu'un nombre », répète-t-elle pensive. « Tu as encore quelques années avant de le vivre », lui rappela Violet en souriant. « Quand on le fêtera, j'aurais trente-quatre ans », s'écria Violet, presque choquée. « Je pourrai te faire savoir ce que c'est la trentaine, la vraie », ajouta-t-elle à la blague. Les deux jeunes femmes étaient du même mois, à quelques jours d'intervalles, une le trois juin, l'autre le cinq. Peut-être que cette année, elles pourraient faire leurs anniversaires ensemble. Violet lui parla ensuite de son ami Viktor, pour tenter de bien comprendre al relation qui les unissait. Quand Lys lui dit qu'ils n'avaient couché ensemble qu'une seule fois, qu'elle ne le regrettait pas, mais qu'il était plutôt comme un frère pour elle, Violet failli s'étouffer avec son cocktail. Elle le reposa devant elle, tentant de retrouver sa respiration. « Tu couches avec tes frères, toi ? », dit-elle à la blague. « Ouais, c'est très bizarre. Mais je comprends. » Violet lui sourit, ouvrant une porte sur sa vie. « C'est comme Liam et moi », fit-elle en se remémorant son meilleur ami qui avait quitté la ville. « On sortait ensemble à une époque. Et un jour, on a réalisé qu'on était plutôt des amis, qu'on s'aimait comme un frère et une soeur. Bon, on a couché ensemble un moment avant d'arrêter complètement.... Et donc je peux comprendre », gloussa-t-elle. « Il a quoi de différent Azriel ? », demanda-t-elle avec plus de sérieux cette fois.

J’éclatai de rire devant la plaisanterie de mon amie.
— Non…mais tu vois ce que je veux dire !
Viktor était comme mon frère, la nuance était importante. Car si le relationnel que nous entretenions, ou avec lequel nous étions en train de renouer pour le moins, avait quelque chose de fraternel, je ne me rendais pas aveugle pour autant. Vik avait beaucoup de charme, il savait très bien en user d’ailleurs. Mon ami d’enfance plaisait aux femmes, il ne suffisait que de se promener avec lui, au bord de la plage par exemple, pour voir les visages se tourner sur son passage et les yeux le détailler de haut en bas, comme une bête de foire. Viktor était beau, je ne pouvais pas nier ça, et nous avions eu un égarement…mais je ne me voyais pas remettre le couvert. C’était un peu comme avec Alexander. J’avais couché avec mes deux amis d’enfance au final, mes deux frères de cœur, mais une fois seulement. Ok…j’étais bizarre. Il fallait que je me calme avec ça. Violet me parla alors de son ami Liam, avec qui elle avait couché elle aussi, avant de connaître Terrence. C’était adorable de sa part de cherche à me faire déculpabiliser. Je lui souris. Je n’avais jamais entendu parlé de ce Liam.
— Merci, je me sens beaucoup moins bizarre pour le coup.
Je partis d’un petit rire franc, avaler une gorgée de mon cocktail, touchant le fond quand la question de Violet me fit plisser des yeux ;
— Hm…je sais pas. Enfin si…avec Azriel, je ne me pose aucune question. C’est naturel et sain. J’ai l’impression qu’il me comprend mieux que personne. C’est différent, tu as raison.
Je pris une longue inspiration. Réalisant, grâce à la question de mon ami qu’Az était sans doute davantage que mon meilleur ami. Notre relation, c’était vrai, était inexplicable, même pour nous. Azriel était spécial pour moi. Violet et moi continuâmes de parler d’amour et d’amitié une bonne partie de la soirée, nous trinquâmes à nouveau…un peu trop. Mais je passais une soirée exquise en compagnie de mon amie, et rentrait chez moi avec un sourire heureux accroché aux lèvres.

fini