they can't steal the love you're born to find (aelya)

Il s’était réveillé avec cette sensation de froid sur la peau, ses sourcils se fronçant alors qu’il avait gardé ses yeux fermés, encore à peine éveillé, tâtant le lit autour de lui pour se rendre compte qu’Aelya n’était plus là. L’incompréhension avait immédiatement habillé ses traits, son esprit se noyant sous les questions et les incertitudes, tellement qu’il avait peiné à maîtriser ses émotions, se saisissant bien trop rapidement de son portable pour bombarder Aelya de messages. Il avait peur d’apprendre qu’elle avait changé d’avis pendant la nuit, ou bien même d’apprendre qu’Evan avait réussi à la retrouver et qu’il ne s’en était même pas rendu compte, trop profondément endormi, bercé par leur étreinte dans laquelle il puisait toutes ses ressources. Il était rentré chez lui le coeur lourd, sans nouvelles d’Aelya, son portable finissant par vibrer lorsqu’il passa le seuil de la porte, voyant le prénom de Sienna s’afficher à l’écran. Il ouvrit son message, son coeur s’arrêtant de battre à ce qu’il y découvrit. Elle était enceinte, de lui, et c’était elle qui avait informé Aelya de sa grossesse. Tremblant derrière l’écran de son téléphone, il l’appela immédiatement, désirant avoir des explications sur cette grossesse dont il n’était pas au courant et qu’il n’avait jamais désiré. Il s’était surpris à hausser le ton, hors de lui, accusant Sienna de vouloir ruiner sa relation avec Aelya, admettant volontiers qu’elle était et resterait la seule femme avec qui il désirerait fonder une famille. Il avait raccroché sèchement sous le coup de l’énervement, peinant à croire que Sienna ait pu être aussi vicieuse pour arriver à ses fins, pour l’obtenir lui, un coeur condamné à en aimer une autre jusqu’à la fin des temps. Il s’était précipité sur son portable pour continuer d’envoyer des sms à Aelya, des messages qui restèrent sans réponse pendant quelques jours avant qu’elle ne daigne enfin lui montrer un signe de vie. Il sauta sur l’opportunité pour lui demander de le laisser la rejoindre, elle qui lui avait confié qu’elle ne vivait plus à Bowen pour le moment, livrée loin de la ville dans les bras de son bourreau. Après son acceptation, il avait trépigné d’impatience jusqu’au lendemain, démarrant à la première heure pour rejoindre celle qu’il choisirait toujours, son coeur se jonchant de doutes à mesure que la route défilait, comme s’il n’était plus sûr qu’il arriverait un jour à recoller les morceaux. Parce-qu’il savait très bien ce qu’Aelya pensait, ce qu’elle pouvait ressentir, croyant qu’il avait joué sur deux tableaux alors qu’il n’avait toujours voulu qu’elle. Il était incapable de prédire la suite, ni même de savoir si leur relation resterait debout à l’issue de cet entretien, Niels savait simplement qu’il se battrait jusqu’à la dernière goutte de sang pour la récupérer. Il était arrivé des heures plus tard, épuisé de cette route qu’il avait avalé d’une traite, incapable de faire la moindre pause lorsqu’il pensait à Aelya, lui qui mourrait d’envie de la revoir, de lui montrer qu’il ne pouvait pas être plus sincère avec elle. Il se gara en face de l’adresse indiquée, découvrant un grand portail derrière lequel se cachait une résidence luxueuse, Niels comprenant immédiatement qu’il avait frappé à la bonne porte. Il s’avança d’un pas hésitant jusqu’à l’entrée, vérifiant son apparence dans la vitre avant de souffler un bon coup et d’appuyer sur la sonnette, son coeur menaçant d’imploser dans sa cage thoracique. Il entendit des pas se rapprocher de lui, avant de finalement apparaître devant ses yeux, son regard croisant le sien, lui adressant déjà tout ce qui se passait de mots. « Hey… » Souffla-t-il, peinant à ne pas rester figé, s’obligeant à reprendre ses esprits, ses yeux déviant vers la bouteille qu’il tenait en main. « Je t’ai rapporté une bouteille. Ta préférée… » Ajouta-t-il, d’un ton hésitant, finissant par lui tendre la bouteille en question.

Elle s'était enfouie dans le manteau du désespoir qui refroidissait son âme en profondeur, maintenant incapable de s'accrocher à la lumière qui disparaissait derrière la vapeur épaisse et noire de sa déprime amère, Aelya qui avait finalement décidé de jeter l'ancre de son coeur dans une mer déchirée, teinté de l'encre des larmes qu'elle avait trop versé pour Niels, pour eux, pour leur relation qui se mourait dans les images incisives qui tournaient en boucle dans son esprit tourmenté, celles des sms échangés avec Sienna, sa Némésis, celle qui avait finalement réussi à la priver définitivement de l'homme de sa vie, de son souffle de vie qu'elle ne possédait maintenant, s'asphyxiant dans ses propres regrets. Elle aurait tant voulu revenir en arrière afin d'empêcher Niels de s'enfuir, de trouver cette femme qui avait jeté son dévolu sur lui depuis le début, et qui avait gagné en puissance dans la patience pour arriver à ses fins. Elle avait l'impression qu'il ne restait plus rien, que du verre brisé contre lequel elle se prenait à s'écorcher dans sa détresse, rejoignant son bourreau qui n'avait aucune compassion pour elle, bien au contraire. Il lui avait longtemps répété quand elle était revenue à ses côtés, à quel point elle méritait tout simplement sa destinée, lui qui avait dès à présent tout le pouvoir de la priver définitivement de ses ailes, de son âme en lambeaux dans laquelle baignait tant de maux indicibles. Elle avait accepté les conséquences de ses actes sans broncher, Aelya dont la vie s'était évadée de ses iris désséchés par toute la peine qui avait coulé, portant de nouvelles marque sur sa peau maltraitée. C'était fini. C'était tout ce qu'elle savait, tout ce dont elle se rappelait jour et nuit alors que Niels tentait de la faire réagir par sms. Elle avait éteint son portable, bien consciente qu'elle ne devait pas céder après tout le mal qu'il lui avait fait, et pourtant, elle l'avait rallumé quelques jours plus tard, incapable de couper tout contact avec lui. Parce que les sentiments ne se contrôlaient pas, qu'ils étaient là, bouillonnant dans son palpitant amorphe qui battait toujours douloureusement pour Niels. C'était sans doute pour ça qu'elle lui avait donné la chance de venir s'expliquer, parce qu'une partie d'elle était toujours consciente des émotions qu'elle ne pouvait nier, elle qui vivait en plein cauchemar et qui aurait désiré se soustraire à sa propre vie.

Elle ne s'attendait à rien mais elle avait profité du départ d'Evan vers l'Europe pour inviter Niels dans sa nouvelle bâtisse qu'elle quitterait dans tous les cas très bientôt pour rejoindre son fiancé, à contre coeur, à contre courant de tout ce qu'elle lui avait toujours dit à Niels, mais qui se dressait devant elle comme son dernier espoir, comme si elle allait trouver le remède à sa souffrance en fuyant pour mieux se fuir. Elle s'était préparée à le recevoir, habillant son corps meurtri pour ne laisser aucun hématome transparaître, n'ayant aucunement envie de débattre sur ses choix qui retiendrait Niels trop longtemps près d'elle, et qui la pousserait encore une fois dans ses bras. Elle entendit la sonnette retentir entre les murs de son immense résidence, et elle se maudissait de ne pas pouvoir user de l'indifférence de le voir, parce que lorsque son regard traversa le sien, son coeur s'était remis à battre, Aelya tentant de garder son visage fermé pour ne rien laisser transparaître quand elle ouvrit la porte.

- Hey, souffla-t-elle de manière neutre.

Ses yeux dévièrent rapidement vers la bouteille qu'il avait entre les mains, consciente de ce qu'il essayait de faire, de rattacher leur relation à toutes ces choses qu'ils partageaient mutuellement.

- Merci. Mais tu devrais pas boire, toi, parce que tu prends la route dans cinq minutes j'te rappelle, répondit-elle en haussant les épaules tout en s'emparant de la bouteille. Entre, l'invita-t-elle, posant la bouteille sur la table présent dans la salle à manger où elle l'attira. Alors ? Ca fait quoi... De devenir père ? Demanda-t-elle, pouffant d'un rire amer. J'crois que j'vais avoir besoin d'un verre, tu me connais bien, ajouta-t-elle en s'occupant d'ouvrir la bouteille.

Il s’était senti mourir sous les mots incisifs d’Aelya, ceux qui mettaient définitivement fin à leur relation, cette seule force dont il se voyait déposséder. Il avait peur de comprendre que c’était le coup de trop, celui qui aurait raison d’eux, parce-que s’il avait toujours pensé que leur relation tiendrait le coup qu’importe la profondeur des ténèbres qui les engloberaient, il n’était maintenant plus certain de rien devant les mots que lui renvoyait Aelya, de manière sèche, lui faisant savoir que la conversation qu’elle acceptait d’avoir avec lui ne s’éterniserait de toute façon pas. Il conduisait avec une nervosité certaine, terrifié à l’idée de confronter son regard, terni par les échecs, par les désillusions qu’il y avait inscrit sans même le vouloir. Il s’en voulait, parce-qu’il savait qu’il échouait encore, chose qui n’était d’ailleurs plus vraiment surprenant, commençant à croire qu’il finirait toujours par la faire souffrir. Il avait réfléchi à tout ce qu’il pourrait lui dire pour essayer de la rattraper, songeant à cette nuit qu’ils avaient passée ensemble, décidément bien trop courte, et au bout de laquelle, tous leurs espoirs étaient retombés en morceaux, se fracassant en miettes au sol. Pourtant, il l’avait aimé avec son âme cette nuit-là, et il refusait de croire qu’elle ne l’avait pas ressenti. Il avait le coeur qui s’effritait à l’idée qu’il n’aurait peut-être plus jamais l’occasion de se rattraper, même s’il continuait à clamer qu’il n’avait jamais choisi ce destin. Parce-qu’il n’aimait pas Sienna, et dans sa tête, l’être qu’elle portait dans le creux de ses entrailles n’était qu’un accident. Il avait eu le temps de revoir les souvenirs de leur vie passée défiler dans sa tête, de leur fille qui n’avait pas eu le temps de voir le jour, et il comprenait qu’ils étaient passés à deux doigts du bonheur, eux qui l’avaient pourtant frôlé de si près. Quelques heures plus tard, le regard tiré par un épuisement évident après ces longues nuits d’insomnie, il était arrivé devant la porte d’Aelya, s’apercevant qu’Evan avait encore une fois joué le grand jeu en la confiant dans une résidence immense. Il était fébrile devant l’encadrement de la porte, attendant avec anxiété l’apparition d’Aelya, son regard accrochant immédiatement le sien lorsqu’elle ouvrit finalement la porte. Il ne percevait aucune douceur, aucune compassion, comprenant qu’elle n’était pas là pour renouer avec lui, et que ses tentatives seraient probablement vouées à l’échec. Mais il avait fait cette route pour elle, pour lui prouver qu’il ne mentait pas, qu’il était victime de ce coup du sort sur lequel il n’avait pas eu son mot à dire. Il lui tendit la bouteille qu’il avait précautionneusement choisi, conscient que ce geste n’y changerait rien, Aelya lui rappelant d’ailleurs qu’il n’aurait pas même le temps de boire un verre. « Oui, je sais. » Répondit-il, baissant très légèrement le regard, préférant aller dans son sens pour ne pas la braquer d’entrée de jeu. Il entra dans la résidence lorsqu’elle l’y invita, glissant ses mains dans ses poches en épiant les lieux qui l’entourait, son coeur loupant un battement en entendant la réflexion d’Aelya. « Ça fait que je suis condamné à vivre une vie que j’ai jamais voulue. » Il avait mal de la voir prendre un ton aussi léger en parlant de ça, alors qu’elle savait très bien que le sujet le touchait en profondeur. Il hocha doucement la tête à sa remarque, la regardant ouvrir la bouteille, décidant de prendre son courage à deux mains. « Aelya… J’sais que t’en as rien à faire de ce que je vais te dire mais… j’te jure que je savais pas. C’était pas prévu, j’aurais jamais accepté de lui faire un enfant. Elle m’avait dit qu’elle se protégeait, j’ai pas cherché à vérifier si c’était le cas. » Lâcha-t-il, le coeur serré, comprenant qu’il avait fait une belle erreur en lui faisant confiance. « S’il-te-plaît… Faut que tu me crois. » Il s’approcha lentement d’elle, cherchant désespérément son contact, sa main glissant dans la sienne. « Tu peux pas me faire oublier tout ce qu’on s’est promis cette nuit-là… » Souffla-t-il, caressant doucement sa main, son regard plongé dans le sien. « On peut s'en sortir mon amour, j'te promets qu'on peut y arriver... »

Elle s'était refermée sur elle-même, accueillant les ténèbres dans lesquelles elle se complaisait pour éviter de ressentir tout l'amour qui débordait encore de ses cellules, qui vibraient encore pour Niels sans qu'elle ne puisse rien faire y faire, parce qu'il était toujours là, partout et nulle part à la fois, accroché à sa peau qui respirait encore son parfum, qui portait encore les marques que ses lèvres lui avaient laissé lors de leur nuit d'amour, ce moment où plus rien n'avait compté, où l'éternité s'était ouverte à eux pour simplement les laisser espérer, Aelya comprenant maintenant qu'elle avait simplement pris une bouffée d'air frais dans ses bras pour maintenant survivre en apnée, sans lui, sans eux, sans plus rien qui ne vienne à mériter de la voir s'accrocher, son corps tanguant au bord d'un gouffre duquel elle ne désirait pas être sauvée.

Elle ne pouvait plus penser à Niels sans voir les messages de Sienna, sans songer à cette grossesse qui prendrait fin dans quelques mois et qui ferait de Niels un père, pour la première fois, ses pensées s'intoxiquant dans une rancœur noire, parce qu'elle avait nourri ce souhait avec lui, celui de les regarder mettre un pied dans la parentalité à deux, Niels prenant une avance considérable, le genre à conduire Aelya à reculer, à s'éloigner parce qu'il était hors de question qu'elle ne s'imagine passer le restant de ses jours à admettre qu'il avait un autre enfant à sa charge, qui plus est avec une autre personne. C'était la goutte d'eau, c'était le trop plein, cette vague qui avait finalement réussi à ravager l'entièreté de son destin parce qu'elle n'avait plus rien.

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait accepté de le revoir, ou plutôt, elle n'avait pas eu envie de se l'avouer, parce cette vérité n'était plus admise dans son esprit qui rejetait en bloc la seule idée qu'elle se faisait de Niels, pendant que son cœur lui, se noyait dans les souvenirs d'une vie qui ne lui appartenait plus. Elle s'était forgée tout une carapace pour lui tenir tête, pour qu'il ne puisse jamais réussir à la persuader avec ses beaux yeux pour lesquels elle crevait d'amour, bien trop en colère et déçue pour daigner lui laisser une chance. Elle ne s'imaginait pas vivre leur liberté avec ce nouvel enfant qui serait forcément un frein à leur spontanéité, et elle n'avait aucune envie de se priver pour Sienna, puisque c'était tout ce qu'elle voulait.

Debout devant lui, confrontant son regard, elle avait l'impression que chaque pièce de son être s'effrondrait tandis que son comportement ne montrait rien, Aelya l'invitant dans sa nouvelle résidence en gardant ses distances.

- Fallait mieux choisir ta copine, haussa-t-elle les épaules, consciente que dans tous les cas, ce n'était pas à elle de le plaindre pour avoir daigné accueillir Sienna dans ses bras puisque c'était lui qui avait rompu.

Elle profita de l'ouverture de sa bouteille pour perdre son regard ailleurs que dans le sien, tendant le bras pour attraper un verre dans le meuble qui se trouvait à côté de la table, écoutant ses mots alors qu'elle versa la liqueur dans le verre.

- En quoi c'est mon problème ? C'est le résultat qui m'intéresse. Qu'est-ce que ça change qu'elle te l'ai dit ou pas ? T'auras quand même un enfant dans neuf mois. C'est tout ce que je retiens, admit-elle sur un ton posé mais ferme.

Son regard se détourna sur sa main qu'il vint chercher, la faisant lâcher son attention sur son verre, la conduisant à redresser le regard vers le sien, le cœur à la renverse, Aelya secouant vivement la tête pour l'arrêter dans son espoir.

- Dis moi quelque chose que je sais pas déjà ? Prouve-moi que t'as jamais couché avec Sienna et qu'elle a eu un enfant toute seule et qu'elle raconte que des conneries et là ouais, on pourra s'en sortir. Pour le moment je vois pas, répondit-elle, déçue, sa main se détachant de la sienne pour avaler d'une traite le liquide dans son verre. C'est fini, Niels. Y'a plus rien que tu puisses faire pour me rattraper, admit-elle faiblement, se forçant à ne pas s'effondrer devant lui.

Son regard fit le trajet entre ses lèvres et ses yeux, comme pour se remémorer une dernière fois la beauté de ses traits.

- Pense à ton enfant parce qu'il aura besoin de toi. Moi, je m'en sortirai. Comme toujours t'inquiètes pas. J'arriverai à oublier tout ce qu'on s'est dit parce que j'ai pas le choix, si je veux survivre à une vie sans toi.

On lui demandait d’accepter l’inacceptable, Aelya lui montrant à travers ses messages son désir de le voir l’oublier. Et il savait qu’il était bien trop incapable de répondre à sa requête, parce-qu’elle était en lui, partout, tout le temps, son coeur voué à battre pour le sien pour le restant de ses jours. C’était comme ça qu’il marchait, comme ça qu’il avait appris à vivre depuis qu’il s’était rendu compte de l’amour éternel qu’il lui vouait. Pour rien au monde il ne changerait quoique ce soit, même si c’était sans doute douloureux d’aimer autant, Niels restait persuadé que c’était la meilleure chose qui lui soit arrivée. Son silence avait pesé sur son coeur, sur son âme qui s’était défraîchie, supportant mal son absence, peinant à croire qu’il y a encore quelques jours de ça, elle s’était endormie dans ses bras après avoir partagé une étreinte amoureuse qu’il n’oublierait jamais, comme toutes celles qu’ils avaient pu échanger. Celle-là avait marqué leur renouveau, c’était ce qu’il avait pensé en s’endormant tout contre elle, bercé par son parfum et sa chaleur si rassurante, jusqu’à ce qu’il ne se réveille dans la panique en découvrant qu’elle n’était plus là. La raison de son absence l’avait bien vite fait déchanter, comprenant alors ce que Sienna avait mis en oeuvre pour l’éloigner de lui et lui faire penser qu’il avait joué avec elle. S’il appréhendait de s’expliquer devant elle, il savait qu’il n’aurait pas meilleure occasion de lui montrer qu’il était sincère, conscient que son regard parlerait bien plus que n’importe quel message qu’il aurait pu lui envoyer. Incapable de ferme l’oeil de la nuit, il s’était élancé dés l’aube dans ce périple jusqu’à elle, son esprit se voyant accablé sous toutes les réflexions qui le hantaient depuis leur séparation, imaginant qu’il n’y aurait peut-être aucune issue après leur discussion. Il arriva quelques heures plus tard devant sa porte, ayant encore du mal à réaliser qu’il la verrait dans quelques instants, se demandant quelle serait sa réaction. Il ne fut pas tellement surpris de la voir aborder ce visage fermé, elle qui parvenait parfaitement à ne transmettre aucune émotion lorsqu’elle le désirait, laissant Niels livré à lui-même parce-qu’il était incapable de lire en elle lorsqu’elle était aussi braquée. Ses premiers mots furent aussi tranchants que des lames de rasoir, son coeur déjà écorché vif par la distance qu’il ressentait entre eux, celle qui contrastait complètement avec la proximité dont ils avaient fait preuve lors de leur dernière nuit. Il soupira à ce qu’elle ajouta après qu’il soit rentré dans la demeure, préférant ne pas renchérir, sachant très bien qu’Aelya aurait le dernier mot. Il avait l’air désespéré, et c’était sûrement le cas, lui qui s’accrochait à ses espoirs tant bien que mal, tentant de lui faire réaliser ce qu’une rupture signifierait pour eux. Il fronça les sourcils à sa réponse sèche et sans équivoque, se prenant un nouveau coup au visage alors qu’elle lui fit clairement comprendre que tout ce qu’il pouvait lui dire ne changerait en rien l’avis qu’elle avait de lui. « Alors c’est tout ce qui compte ? Tu t’en fous à ce point-là de tout ce que je peux te dire ? » Lâcha-t-il, le coeur en vrac, tentant une nouvelle approche, sa main venant se lier à la sienne qu’il trouvait particulièrement froide, à la hauteur du comportement qu’elle arborait devant lui. Il l’écouta lui répondre, perdant pieds en comprenant qu’il n’y aurait aucun retour en arrière, ses mots suivants venant sèchement le lui confirmer. Et c’était comme s’il avait pu entendre son coeur se briser au sol, comme le ferait un verre qui viendrait se fracasser en mille éclats. Il cilla, regardant leurs mains se délier, prenant enfin conscience qu’ils venaient d’écrire les dernières tristes lignes de leur histoire. « Tu peux pas faire ça… Tu peux pas. Tu voulais que je me batte pour toi, comme toi tu l’aurais fait. Aelya, s’il-te-plaît, me laisse pas… » La supplia-t-il, la voix chargée d’émotions, tentant de rattraper son regard qui fuyait déjà. Elle lui assena le coup de grâce en lui parlant de son enfant, de cet être qu’il avait conçu malgré lui, dans un contexte qui ne lui inspirait que le néant, avec une femme qu’il n’aimait pas. Il ferma les yeux une demi-seconde, finissant par remettre ses mains dans ses poches avant de se diriger vers l’immense baie vitrée qui donnait vue sur l’extérieur. « C’était faux… T’es pas prête à tout pour moi. T’as essayé de t’en persuader, mais c’est faux. Je te répète que c’est toi que je veux, que je t’aime à en crever mais ça te suffit pas… Tu te battras plus pour nous. » Finit-il par dire, sur un ton calme, presque comme des réflexions à haute voix. Il se retourna finalement vers elle, croisant son regard avant de regarder la pendule accrochée à son mur. « Finalement, je t’aurais encore moins gâché ton temps que prévu. Moins de cinq minutes, ça doit te satisfaire. » Lâcha-t-il, amer.

C'était comme si on lui avait tout pris, jusqu'à la dernière miette de son âme brisée dans cette énième rupture, eux qui avaient été si proches du but, celui de s'aimer sans limite dans cet univers obscur qu'ils avaient appris à appréhender main dans la main sans daigner s'imaginer se lâcher. Ce jour était pourtant bel et bien arrivé. Vidée, confinée dans cette tour d'ivoire qui la retenait prisonnière dans son cauchemar, Aelya rêvait de pouvoir s'échapper de ses pensées qui la maintenaient dans une ivresse amère noire, elle qui ne pouvait maintenant qu'imaginer Niels en compagnie de Sienna à cause de cet enfant qui vint changer tous ses plans. Sans doute qu'elle aurait fait éclater sa rage si la blonde s'était trouvée devant elle, cette même fierté qu'elle avait perçu par sms habillant ses traits. Mais quelque part, elle se savait au pied du mur. Elle savait qu'elle ne pouvait pas lutter contre cette réalité qui se dressait devant elle, parce que Sienna avait tapé justement là où ça faisait mal, là où résidait sa faiblesse, elle qui avait le besoin incisif d'avoir Niels entièrement pour sa propre personne afin de construire leur vie à deux comme ils l'avaient toujours désiré depuis le début. Toutes ces belles images prenaient l'eau, et Aelya se laissait étouffer dans les sables mouvants d'une destinée qu'elle n'avait jamais choisi.

Elle se mentait, se persuadant que la présence de Niels devant ses yeux ne modifiait en rien sa rancoeur, quand même bien les battements anarchiques de son palpitant s'évertuaient à lui prouver le contraire, sa fierté parlait plus fort, elle qui était profondément blessée par toute cette histoire, et qui avait besoin d'un certain recul pour cicatriser. Aelya irradiait de douleur à la seule pensée qu'il allait devenir père, lui, l'homme de sa vie avec qui elle avait retrouvé son souffle, et qui lui avait repris.

- Ouais. Le fait que tu vas devenir père, c'est tout ce qui compte. Parce qu'on s'était promis de connaître ça ensemble. Elle, elle aura la chance de connaître ça avant moi avec toi. Ca me tue, ajouta-t-elle, la mâchoire serrée, baissant le regard, à bout de nerfs.

Elle n'était plus là sous l'effet de la souffrance, perdue dans les limbes qui lui donnaient cette impression de ne plus être vivante malgré les palpitations cardiaques qui pulsaient du verre pillé dans ses veines, lui rappelant à quel point tout ce dont elle avait dès à présent pour se raccrocher à la vie, était de tout simplement souffrir le martyr. Elle ne sentait plus la douceur de sa main qui était venue s'infiltrer dans la sienne, bien trop occupée à ressentir le vent glacé qui s'agitait autour d'eux, et qui la poussa à rompre le contact. Il ne pouvait pas la ramener, elle était déjà trop loin pour être rattrapée, et c'était tout ce qu'elle avait essayé de lui dire. Aelya cilla néanmoins à ses mots qui faisaient écho à toutes ces belles promesses qu'ils s'étaient faites, à ces sourires, et ces murmures énoncées dans le creux de leur bulle indestructible qui avait pourtant explosé.

- Faut croire que tout le monde change. Et que moi, ça m'a pris une nuit pour changer. On n'est plus compatibles... Murmura-t-elle, sa voix se brisant sur la fin, elle qui peinait à croire que ces mots soient réellement sortis de ses lèvres.

Ils avaient toujours été inséparables, tous deux se prenant à vivre l'un pour l'autre, et aujourd'hui, c'était comme si leurs âmes qui avaient été longuement liées se détachaient, et qu'ils devaient dès à présent apprendre à vivre avec ce vide qui s'ouvrait en eux. Elle le regarda se réfugier devant la baie vitrée, entendant ses mots qui la dévastaient parce qu'elle aurait tant aimé s'accrocher à lui, à eux, à lui dire qu'elle l'aimait encore désespérément et qu'elle ne faisait que de subir les choix de sa petite amie. Elle baissa la tête, soupirant tristement, ne sachant quoi dire parce qu'elle n'avait pas le droit de le contredire afin de ne pas le voir rester. Il avait réussi à lui retirer toute la colère qui s'était éparpillé dans son organisme pendant de longues heures, et maintenant, il ne restait que de la lassitude et de la résignation. Elle secoua la tête à sa remarque chargée d'amertume, s'approchant doucement de lui tout en captant son regard dans le sien.

- Bébé... Murmura-t-elle dans un souffle doux. Si tu m'aimes, tu dois me laisser partir. Je peux pas m'accrocher à quelque chose qui n'existe plus, tu comprends ? C'est pas ma faute si tu vas avoir un enfant. Et c'est pas à moi d'assumer toute la souffrance que ça implique de te voir rattaché à elle de cette façon, admit-elle, ses mains venant tendrement encadrer son visage. C'est pas une question de sentiments, tu le sais très bien. Tu me connais mieux que personne. Mais t'aimer suffit plus à m'enlever tout ça de la tête, et j'suis détruite là actuellement, avoua-t-elle, la voix tourmentée par les larmes qu'elle ravalait. S'il te plait, laisse-moi partir... Demanda-t-elle comme dans une supplication, comme le ferait une âme épuisée par tous les combats menés.

La chute n’aurait pas pu être plus douloureuse, il le savait pertinemment, lui qui avait atteint les nuages avant de s’écraser violemment au sol, le tout dans un temps limite, presque record. Il n’aurait jamais imaginé ce genre de retournement de situation, lui qui avait été certain d’avoir retrouvé celle qu’il aimait, pour de bon. Mais rien n’était fixé entre eux, et c’était le jeu d’être tombé éperdument amoureux d’Aelya, conscient qu’ils étaient faits pour se retrouver et se quitter encore et encore. Il voyait leurs rêves s’effondrer devant ses yeux las, incapables de rattraper le tir, ni même de préserver les fondations de leur relation. Tout tombait en ruines, et plus rien ne pourrait sauver ce qui ne pouvait plus l’être. Il avait cette sensation de malaise, d’amertume lorsqu’il pensait à son futur avec Sienna, celui qu’il n’avait jamais désiré, comprenant qu’il se retrouvait coincé au milieu d’un film où il n’avait jamais voulu jouer. Il ne savait pas ce qu’il faisait là, et pourtant, c’était au beau milieu de ce bazar qu’Aelya l’avait laissé, seule face à lui-même et face à cette réalité qu’il peinait encore à accepter. Il avait su au moment où il l’avait vu ouvrir la porte qu’elle n’était plus rattrapable, son regard fermé lui confirmant ce qu’il savait déjà au plus profond de lui. Et semble-t-il que même l’amour ne parlait plus assez fort pour les faire renouer. Il aurait pourtant aimé lui faire changer d’avis, et c’était encore la raison de sa venue, la raison pour laquelle il avait parcouru tout ce trajet jusqu’à elle, afin d’inscrire un peu d’espoir dans ses iris bien trop ternes à son goût. Mais les mots d’Aelya suffisaient pour lui faire comprendre qu’il s’épuisait dans ses tentatives qu’elle avorterait dans tous les cas, parce-que son destin était maintenant lié à celui de Sienna sans qu’il ne le veuille. Il avait cillé à ses mots, peinant à gérer la peine qui transparaissait à travers ses yeux, comprenant que cette nouvelle avait enterré leurs rêves, ceux qu’ils avaient nourri ensemble, lors de longues nuits où ils avaient imaginé leur futur quotidien. Il resta silencieux, son coeur se débattant à l’intérieur de sa poitrine, comme s’il désespérait de rejoindre le sien qui lui paraissait clôturé, intouchable, Aelya usant de mots forts pour lui faire prendre conscience de la gravité de la situation et du fait qu’il ne pouvait rien faire pour réparer les erreurs commises. « Alors tu préfères oublier tout ce qu’on a vécu pour une erreur… ? » Il avait senti son monde s’effondrer à ses derniers mots, brisé par cette vérité qu’elle admettait sans broncher, leurs chemins se voyant déviés, divergeant vers d’autres horizons où leur couple ne semblait plus permis. Il avait détourné le regard, bien trop incapable de soutenir le sien, parce-qu’il ne percevait plus aucune tendresse, cette vérité rendant les choses trop vraies et il n’était clairement pas prêt à admettre que tout était fini. Il avait soupiré avant de s’échapper vers la baie vitrée, ayant besoin d’espace pour réaliser peu à peu que leur histoire avait atteint un point de non retour, expiant des mots tranchants vis-à-vis des intentions d’Aelya qui ne ressemblaient en rien avec les promesses qu’ils s’étaient faites. Le silence pesait sur son coeur éparpillé en mille morceaux sur le sol, conscient qu’il repartirait avec la cage thoracique vide, laissant tout ce qu’il avait à l’intérieur entre les mains d’Aelya, parce-que c’était à elle qu’il avait tout confié, depuis le début. Il avait fermé les yeux en la sentant lentement s’approcher, sa gorge se serrant à ses mots, à l’émotion qu’il percevait dans sa voix, secouant vivement la tête au milieu de ses propos en se tournant vers elle. « Mais on existe encore mon amour… J’te jure qu’on existe. Tu le sens pas… ? Tu vois pas à quel point je t’aime, à quel point j’ferai tout pour retourner en arrière, pour qu’on ait notre bébé à nous deux… ? » Expia-t-il, ses yeux rougissant à mesure que son désespoir s’agrandissait, tentant de se raccrocher à ce mince contact de ses mains contre son visage, son regard finissant par accrocher amoureusement le sien. « Mais j’veux pas te laisser partir mon bébé… Je peux pas, c’est plus fort que moi… » Murmura-t-il en fronçant les sourcils, faisant glisser sa main sur la sienne afin de la retenir contre son visage, peinant encore à croire qu’il s’agissait d’un de leurs derniers échanges. « Laisse-moi t’embrasser… Une dernière fois mon amour. » Souffla-t-il, prenant l’initiative d’approcher son visage du sien, ses lèvres rejoignant les siennes dans un baiser doux et éternellement amoureux, cet échange ayant le goût d’adieu, alors que ses mains vinrent glisser sur ses hanches pour la sentir une dernière fois contre lui. « J’suis désolé. Je t’aime tellement… » Lâcha-t-il, son front calé contre le sien, finissant peu à peu par se détacher, le coeur en vrac. « Je vais y aller, ça sert à rien de se faire du mal plus longtemps. »

Les ailes brisées, elle s'était échouée sur le rivage dévasté de son désespoir, ses yeux ne captant plus aucune lumière pour leur avenir mutuel depuis qu'elle avait appris que Sienna portait l'enfant de Niels, celui qu'elle maudissait sans même le connaître, parce que son seul choix qui visait à le garder avait réussi à mettre en péril la stabilité de leur couple, et à justement, le détruire. C'était tout leur univers qu'elle regardait s’effondrer autour d'elle, ces images baignées d'amour dans le soleil de leur relation qui ne rayonnait plus, qui se mourait dans une distance qu'elle jugeait maintenant définitive, parce qu'ils ne pourraient plus jamais recoller les morceaux brisés contre lesquels elle s'écorchait le coeur, subissant l’hémorragie douloureuse de sa perte à lui, de tout ce qu'elle ne connaîtrait jamais avec l'amour de sa vie qu'elle aimait encore à en crever, qu'elle attendrait toute une éternité sans jamais se l'avouer parce que c'était lui qui la faisait exister. Elle ne savait même pas à quoi rimerait un quotidien sans Niels, parce qu'elle ne s'était jamais vraiment posée cette question, elle qui avait toujours su qu'elle le retrouverait dans n'importe quel Enfer, parce que son absence ne rimait qu'avec les ténèbres, celles qu'elle devait maintenant apprendre à tolérer parce que ce serait sans doute son nouveau refuge, sa nouvelle habitude, loin de l'étreinte chaleureuse de l'homme de ses rêves. Elle serait toujours sienne, parce qu'il resterait toujours dans ses veines, Niels dont l'empreinte était ancré bien trop profondément sur sa peau, là où son parfum deviendrait son nouveau fléau puisqu'elle devait dès à présent s'interdire de le vouloir. Piégée dans son regard qui irradiait de maux, elle plissa les lèvres à ses mots, consciente qu'elle donnait cet air de simplicité, de nonchalance, comme si jamais rien n'avait compté, alors que Niels représentait le monde entier, sa galaxie dont ses étoiles cherchaient encore les siennes pour le retrouver dans l'obscurité.

- Une erreur qui bientôt aura le statut d'être humain et te demandera de l'attention jusqu'à ta mort, ouais. C'est pas une simple erreur qu'on pourrait rayer et oublier, c'est ton enfant, lança-t-elle, insistant sur ses mots pour lui faire réaliser que ce n'était pas rien, ce qui lui arrivait.

C'était égoïste mais Aelya voulait que Niels ne vienne à donner du temps qu'à leur enfant et qu'à sa personne, comme elle comptait le faire si elle avait eu l'occasion d'être mère, et il était maintenant évident dans sa tête qu'elle ne le serait jamais, parce qu'il n'y avait qu'avec Niels que ce besoin avait émergé pour éclore dans le creux de ses entrailles, jusqu'à qu'on ne vienne lui en priver. Elle renonçait à tous ses espoirs, à toutes ses ambitions, faisant le deuil de ce qu'ils étaient à deux et de ce qu'ils ne seraient jamais, sa douleur perlant dans sa stature qui changeait alors que Niels lui tournait le dos pour laisser son regard s'évader dans le paysage. Le voile de fierté et d'amertume qui avait teinté ses yeux se transforma dans une lueur peinée et résignée, Aelya rompant les quelques mètres qui les séparaient pour laisser parler son coeur, ses sentiments, son amour qui pouvait aisément s'entendre dans son ton meurtri.

- Je sens tout ça... J'le sens... Mais on aura plus jamais de bébé à deux parce qu'on a pas été assez rapides faut croire, ou parce qu'on a eu trop de problèmes et que la réalité a fini par nous rattraper, répondit-elle en soupirant tristement, ses paumes caressant doucement son visage qu'elle détaillait comme s'il s'agissait du plus beau des chefs d'oeuvre. Je sais mon coeur... Mais tu dois... Je te le demande, faut juste qu'on soit forts encore une fois, lâcha-t-elle, les larmes roulant finalement sur ses joues alors qu'elle se remémorait le moindre de leur souvenir qu'elle comptait ensevelir très très loin dans son esprit.

Elle savoura le contact de sa main contre la sienne, rassurée de pouvoir toucher une dernière fois sa peau qu'elle connaissait par coeur, cillant à sa demande qui la laissa sans voix, Aelya hochant simplement la tête avant de voir son visage s'approcher lentement, son coeur tressaillant à la douce sensation de son baiser, comme d'une plume sur ses blessures, comme une dose massive d'amour dans le creux de son plexus, là où ses sentiments pour lui régnerait toujours. Ses mains glissèrent sur son torse pour apprivoiser une dernière fois sa chaleur, son regard triste rejoignant le sien à ce qu'il vint ajouter.

- Je suis désolée aussi. Désolée de trop t'aimer pour te partager comme ça, ajouta-t-elle, baissant le regard, effleurant doucement son front.

Aelya acquiesça douloureusement à sa remarque, consciente qu'il devait partir sinon elle ne serait plus capable de le faire partir, parce qu'elle mourait d'amour pour lui.

- Je vais partir... Je vais quitter Bowen pour de bon. Ce sera plus simple pour toi et moi, avoua-t-elle, ravalant ses larmes en les essuyant sur ses joues. Je voulais pas partir sans que tu saches à quel point je t'aime. Plus que ma propre vie. J'aurais tout accepté pour toi mon amour. J'aurais vécu n'importe où avec toi, j'aurais tout fait pour toi, j'aurais pu te donner ma vie si tu me l'avais demandé. Mais je peux pas concevoir que t'existes dans le corps de quelqu'un d'autre que moi. Je t'ai toujours voulu qu'à moi mon coeur. Parce que des trésors comme toi, je sais que j'en retrouverai pas, admit-elle, baissant le regard.

Il était prisonnier d’un destin qu’il n’avait jamais imaginé poursuivre, certainement pas aux côtés d’une autre qu’Aelya, et d’un enfant qui ne serait pas le fruit de leur amour. Tout semblait sonner si faux à présent, comme si la mélodie avait finalement déraillé, s’abimant au contact de cette femme pour qui il n’avait jamais éprouvé le moindre sentiment. C’était tout ce qu’il avait cherché à faire entendre à Aelya, qui ne voyait plus que leur destin brisé, heurté par ce coup beaucoup trop fort pour ne pas être fatal. Il comprenait qu’il n’y avait plus rien à faire, que même les meilleurs des arguments ne pourraient pas parvenir à la raisonner, parce-qu’elle avait décidé qu’elle était incapable d’accepter une relation avec lui tout en le sachant lié à une autre qu’elle. Et même si ça lui faisait un mal fou, Niels était incapable de la blâmer pour ce choix, parce-qu’il partageait son désir d’exclusivité. Et sûrement qu’il aurait réagi de la même manière si les rôles avaient été inversés, si Aelya était tombée enceinte d’Evan, lui qui n’aurait jamais pu accepter la voir porter un autre enfant que le leur. Là, devant elle et ses yeux las, il se détestait profondément pour tous les choix qu’il avait pu faire et qui les avaient mené jusqu’ici, jusqu’à la rupture définitive de leurs âmes qui ne parvenaient plus à s’accrocher l’une à l’autre. Parce-qu’il aurait tout donné pour remonter le temps, pour rester lorsqu’elle le lui avait demandé et tenté de sauver leur couple. Peut-être qu’il avait été ici le point de rupture, celui qu’il avait cru avoir réparé après qu’Aelya et lui se soient retrouvés lors de ces rendez-vous clandestins, pour s’aimer comme ils l’avaient toujours désiré. Son regard cherchait à rattraper le sien, même si c’était douloureux de le soutenir, parce-qu’il ne parvenait plus à reconnaître toute cette douceur qui avait autrefois bercé ses iris lumineux. Il baissa instinctivement les yeux à sa remarque, comprenant qu’elle cherchait à le marquer de cette vérité qu’il niait encore, parce-qu’il était incapable de se repérer sur ce terrain inconnu, celui qu’il aurait voulu ne fouler qu’avec elle, sa seule lumière à travers les ténèbres. Il se sentait piégé, incapable de prendre en main son propre destin, parce-que Sienna avait décidé de garder l’enfant qui grandissait dans ses entrailles, sans même demander à Niels s’il était d’accord avec l’idée d’élever un bébé avec elle. Il avait compris qu’il n’avait pas son mot à dire, parce-que Sienna réalisait un coup de maître en préservant cet être au creux de son corps, s’assurant qu’Aelya ne viendrait plus jamais s’immiscer entre eux. Elle les avait atteint, dans la profondeur, touchant à leur point faible sans chercher à les épargner. Le coeur trop lourd pour soutenir son regard, il s’était éloigné, faisant quelques pas vers cette baie vitrée où il posa son regard, un regard vidé par la peine et les regrets, finissant par expier ce qu’il redoutait le plus. Il se sentait mort à l’intérieur, comme si son âme venait de lui être arrachée, conscient qu’elle était en réalité restée accrochée à celle d’Aelya, parce-que c’était aux côtés de la sienne qu’elle devait reposer. Finalement, le coeur lourd, il chercha à puiser les dernières traces d’amour qu’il pouvait sentir en elle, sentant sa colère s’échapper pour laisser place à son coeur à vif qu’elle avait barricadé jusqu’ici, Niels la laissant caresser tendrement sa peau, se retenant de la supplier de ne jamais arrêter. « Bébé… Y’a rien qui est impossible si c’est nous, tu te souviens… ? On peut le faire. J’crois qu’en nous… » Il savait qu’il essayait de la convaincre, en vain, sentant que ses arguments ne tenaient pas la route à ses yeux, parce-qu’il était trop tard pour les voir continuer leur chemin ensemble. « Tu me demandes de vivre sans oxygène mon amour… J’suis rien sans toi, j’y arriverai pas, j’vais pas tenir… » Souffla-t-il, sa voix brisée par la peine, par l’échéance qu’il sentait arriver à grands pas, conscient que dans quelques minutes tout au plus, il serait seul pour affronter ce monde dans lequel il finirait par se perdre. Il attendit son approbation pour déposer ses lèvres contre les siennes, les pressant dans un échange amoureux qu’il voyait comme son dernier souffle de vie avant qu’il ne s’immisce dans l’inconnu, sur un terrain qui lui était bien trop effrayant sans la main d’Aelya pour le guider. Il rouvrit lentement les yeux, frémissant au contact de ses mains le long de son torse, son front tendrement calé contre le sien alors qu’il entendait ses excuses. « J’te laisse partir… Si c’est ce que tu veux, si ça peut te permettre d’oublier le mal que je t’ai fait et que je te fais encore, alors d’accord… J’renonce à toi… » Il aurait eu envie de s’effondrer sur place à la prononciation de ces quelques mots qu’il ne penserait jamais réellement. Il l’écouta, se retenant de lui demander où est-ce qu’elle comptait aller, parce-qu’il savait qu’il serait capable de la suivre, de tout quitter pour être au plus près d’elle et veiller de loin sur elle. Il cilla à sa déclaration d’amour, la dernière, s’imprégnant de chaque mot qu’elle pouvait souffler, Niels se chargeant de l’affection et de la dévotion qu’il pouvait palper, gravant chaque syllabe dans son esprit. « Je t’aimerai toujours. Je regrette que tu puisses pas le voir par toi-même, j’aurais voulu être le père de tes enfants, ton mari, tous ces trucs qui me donnent pas envie si c’est pas avec toi que je les partage… Prends soin de toi mon amour, c’est tout ce que je te demande maintenant. J’serai jamais loin si tu finis par changer d'avis. J'suis là si tu veux de moi. » Il profita de son visage baissé pour embrasser son front une dernière fois, souhaitant lui faciliter les choses en évitant son regard, finissant par s’écarter doucement pour rejoindre la porte qu’il avait franchie quelques instants plus tôt, tenant finalement la dernière promesse qu’il lui avait faite.