sometimes you gotta lose somebody just to find out you really love someone (nevann)

Les toits des grandes maisons se dessinaient dans l'horizon alors que Nevaeh s'installait dans l'herbe, sur une couverture d'extérieur qu'elle avait étendu au sol. Il était tôt dans l'avant-midi, un peu après 10h30 - et au fond, le plus tôt était le mieux. La brune ne se serait pas vu attendre jusqu'au soir pour avoir une discussion avec Juliann. Et en même temps, ça leur avait pris un mois pour reprendre contact. Ni lui ni elle n'avaient flanché à l'envie de se retrouver. C'était terminé, totalement terminé. Ils en avaient la preuve devant les yeux.

Le rendez-vous s'était donné sans trop de mal. Un parc, un endroit neutre. Du café et des couvertures pour se mettre au chaud, deux, séparées, pour éviter que leurs corps se touchent et créent un raz de marré dans le coeur de la brune. Et des aveux, il lui manquait. Elle aussi, un peu. Mais pas assez pour l'attendrir, pas assez pour qu'il lui pardonne. À son silence, à ses trois petits points qui pesaient lourd et à son à demain pour éviter de répondre que les bras de la brune, eux, ne lui manquaient pas autant ou de se blesser davantage, elle avait eu envie de répondre reviens-moi. Mais elle s'était tue. C'était déjà assez douloureux ainsi.

Alors elle l'attendait, assise sur la couverture d'extérieur, un thermos plein de café à ses côtés et une boite de pâtisserie. Elle l'attendait avec la boule au ventre, tirait sur les manches de son haut par nervosité, couvrant ses épaules d'une couverture tombante jusqu'à le voir s'avancer vers elle. Il était beau et son coeur flanchait déjà.

Harlem bougeait la queue, tirait sur sa laisse pour s'approcher de la brune au sol. Un sourire vint se loger sur son visage. Elle l'adorait. Et alors qu'il était assez près d'elle, Nevaeh vint caresser sa tête et le derrière de ses oreilles. « Comment tu vas, mon beau », soufflait-elle que pour lui, venant poser un baiser sur la cime de la tête de l'animal. « Tu m'as manqué », chuchotait-elle, presque interdite, avant de se lever pour faire fasse au maître du chien. « Bonjour », parvint-elle à dire sans trop de trémolos dans la voix. La journaliste s'avança vers lui et si naturellement elle aurait posé un baiser sur ses lèvres et se serait calée contre lui, elle ne posa qu'une timide bise sur les joues de Juliann. Et ce simple contact avec sa peau la fit s'enflammer. Elle baissait les yeux, mal, avant de se rasseoir. « Merci d'avoir accepté mon invitation... », enchainait-elle pour flouer le malaise.

Tu ne sais pas réellement dans quel état d'esprit tu te trouves, alors que tu quittes la maison avec Harlem pour rejoindre Mullers Lagoon. Tu as encore un peu de mal à digérer ce qu'il s'est passé au mariage malgré que Nevaeh te manque énormément. Elle était devenue ce petit rayon de soleil dans ton quotidien, la personne que tu désirais le plus voir à la fin de la journée. Et avec qui tu avais envie de faire l'amour avant de t'endormir. En quelques mois à peine, la journaliste est parvenue à prendre une grande place dans ta vie. Alors évidemment, après ce qu'il s'est passé, elle laisse un grand vide que tu parviens difficilement à combler. Ce qui fait que lorsqu'elle t'a demandé de te voir, tu n'as pas vraiment hésité avant d'accepter. Même si les mots qu'elle a employés tournent encore dans ta tête. Qu'est-ce qu'elle n'osait pas te dire par sms ? Tu ne peux pas t'empêcher de penser au pire sans savoir, pour autant, ce qui pourrait justement être le pire. Après quelques minutes de marche, tu aperçois la jeune femme sur une couverture, dans l'herbe, rayonnant de par sa beauté même si son regard, lui, semble quelque peu... éteint ? Ta chienne se précipite vers Nevaeh, autant heureuse de se revoir l'une que l'autre. Tu ne vas pas mentir, toi aussi, ça te fait du bien de retrouver la journaliste après ce mois qui t'a paru si long. Tu as demandé de l'air et elle t'en a laissé, au moins, elle a respecté ton choix. Mais quelque part, tu aurais aimé qu'elle essaie de se faire pardonner, de recoller les morceaux entre vous. Pour te montrer que votre histoire compte à ses yeux et qu'elle est prête à se battre pour vous. Malheureusement, tu n'as rien reçu d'autres qu'un grand silence. « Salut. » Dis-tu avec un faible sourire en sentant ses lèvres venir frôler ta joue. Tu t'installes à ses côtés sur la couverture, Harlem venant s'asseoir entre Nevaeh et toi. Comme si, inconsciemment, ta chienne maintenait la distance entre vous. « C'est normal... Et puis je dois dire que je suis assez intrigué par ce que tu as à me dire. Enfin j'devrais même plutôt dire inquiet. » Au moins, en sachant cela, Nevaeh ne mettra pas cinq ans avant de t'expliquer les raisons de ta venue ici. Enfin, tu l'espères. Néanmoins, n'étant pas sans coeur et voyant bien son regard fuyant et attristé, tu demandes : « Comment tu vas ? »

De l'air, c'est ce qu'il avait demandé. Et Nevaeh lui en avait laissé. Et bien qu'elle était le genre de personne dévouer, à ne pas lâcher prise devant des difficultés, cette fois, elle s'était abstenue. Juliann méritait qu'elle lui donne ce dont il demandait. Et il fallait bien avouer que dans le passé, trop s'investir avait mené Nevaeh à sa perte. Non pas en mentionnant ses échecs amoureux, relations dans lesquelles elle avait littéralement donné corps et âme, mais surtout sa relation la plus chaotique, celle avec son frère aîné. Combien de fois Woody lui avait demandé de lui foutre la paix, d'arrêter de s'inquiéter pour lui ou de passer prendre soin de sa maison? Elle n'arrivait plus à les compter, ces fois, où elle se prenait des vents, qu'elle se faisait presque hurler au travers de la tête d'arrêter d'être aussi obstinée et de se battre contre la volonté des autres. Si Juliann voulait de l'air, elle lui en donnait. Même si ça crevait le coeur. Et si ça n'avait pas été de ce doute qui commençait à planer dans la tête de la journaliste, de l'air, elle lui en aurait donné davantage. Ce n'était pas qu'elle ne tenait pas à Juliann, bien au contraire. Le manque de lui se faisait maintenant trop présent.

Il répondit presque peu à la bise initiée par la brune. Nevaeh n'en fit pas de cas, l'imitant d'un faible sourire avant de se rasseoir en évitant de le regarder trop longtemps. Ça brulait, c'était douloureux, de le voir si près, mais si loin à la fois. « Ce n'est pas normal, j'aurais compris que tu refuses », soufflait Nevaeh en regardant l'animal se poser entre eux. Ça aurait été normal de refuser de revoir la fille en qui il n'avait plus confiance. Est-ce que ça lui aurait fait mal? Oui, sans aucun doute. Mais Nevaeh ne pouvait qu'accepter le sort qu'elle s'était elle-même lancé. La fautive, dans cette histoire, c'était elle. Elle et seulement elle. Alors qu'elle reportait son attention sur Juliann, ce dernier lui demanda comment elle allait, question qu'il ne lui avait pas posée en retour lors de leurs échanges de sms. Nevaeh sourit à nouveau, faiblement. « On se lance vraiment dans des banalités du genre? », demanda-t-elle à son tour avant de soupirer. « Ça va, Juliann. Certains jours sont plus difficiles, mais ça va », mentit-elle. Ça n'allait pas. Il lui manquait. Et elle pensait à lui constamment. Mais que pouvait-elle faire de plus? Elle se montrait forte, comme à son habitude, devant tout le monde, toujours. Et seulement lorsque la porte de son appartement se refermait, elle se laissait le droit de montrer ses faiblesses. Se tournant dos à lui, la brune attrapa le thermos de café pour en verser deux tasses, en tendant une au pompier. Sa main vint se loger sur l'animal, par réflexe. S'il avait été près d'elle, ça aurait pu être la cuisse de l'homme qui aurait reçu des caresses. « Je ne te retiendrai pas longtemps... », commença-t-elle. « Je.. Je pense que je suis enceinte, Juliann. »

J'aurais compris que tu refuses. Tu vois à quel point Nevaeh se blâme pour l'échec de votre histoire et quelque part, ça te fait mal au coeur de la voir comme ça. Quelque part, tu as envie de la serrer dans tes bras et de lui dire qu'elle te manque et que tu as envie - besoin - de la retrouver. Mais ça ne peut pas être si simple malheureusement. Pas alors que ta confiance en elle est encore ébranlée. Tu décides de ne pas prolonger cette discussion parce que tu es persuadé que ce ne serait que ressasser de mauvais souvenirs. Et que ça n'apporterait rien de bon. En voyant son air triste, son regard fuyant, tu ne peux pas t'empêcher de lui demander comment elle va mais, à juste titre, elle te renvoie ta propre question. Ce genre de banalités n'a pas vraiment sa place entre vous. Habituellement, vous préférez parler de votre passé, de vos familles, des voyages que la brune a pu faire, de tout et de rien à la fois. Vous aviez tant à vous dire et pourtant, aujourd'hui, tu as l'impression que les mots peinent à sortir. « Non... mais je n'aime pas te voir pas bien. » Dis-tu en haussant légèrement les épaules. Toi non plus tu n'es pas au top de ta forme même si dans ton quotidien, tu tentes de le cacher à tes proches. A Tahlia, à Pippa, à tes amis en général. Personne n'imagine à quel point tu te sens vide depuis que la journaliste a quitté ta vie. Alors que Nevaeh reprend la parole, tu es loin de t'imaginer ce qui t'attend. Ce qui va sortir d'entre ses lèvres. Quand elle souligne qu'elle ne te retiendra pas longtemps, tu es presque déçu qu'elle veuille aussi vite écourter votre entrevue. Qu'elle n'essaie même pas de te retenir. Mais plutôt que de lui faire comprendre, tu restes de marbre, attendant la suite. Et quelle suite, bordel. « Attends... quoi ? » Demandes-tu en ne pouvant masquer ton étonnement. Tu restes figé pendant quelques secondes encore, incapable de répondre, incapable de trouver les mots justes. Finalement, tu parviens à te reprendre, prenant conscience que ton silence doit être particulièrement difficile à vivre pour la journaliste. « Tu penses ? Tu as du retard ? » A-t-elle déjà fait un test ? Probablement que non, sinon elle serait plus catégorique. Tu te souviens de cette fameuse fois où le désir vous a complètement submergé et où vous avez oublié de mettre un préservatif. Est-ce cette fois-là, que tout a dérapé ? T'en as aucune idée mais bordel, si Nevaeh est réellement enceinte, ça va chambouler plus d'une chose dans ta vie.

« Je suis bien », lâchait la brune en s'efforçant de lui sourire. Mais elle voyait bien qu'il ne la croyait pas. Ils apprenaient encore tout juste à se connaitre, tous les deux, mais ils se connaissaient assez pour que Juliann ne soit pas dupe. Il voyait clair dans le jeu de la journaliste qui tentait de minimiser le mal qu'elle avait non seulement de l'avoir perdu, par sa faute, mais aussi de se retrouver à quelques centimètres de lui sans pouvoir le toucher comme ils en avaient l'habitude. Qu'est-ce qu'elle aurait donné ciel et terre, actuellement, pour venir se blottir contre lui et lui parler de tout, de rien, de ce futur voyage au Sri Lanka qu'ils avaient prévu de faire avant qu'il ne perde confiance en elle pour une connerie qui leur aura valu leur relation. Puis, je n'ai que ce je me mérite, pensait-elle tout bas, sans avoir le courage de le dire à haute voix. Cette discussion, elle ne servait à rien. Il n'avait plus confiance en elle. Comment bâtir quelque chose avec quelqu'un envers qui la confiance est ébranlée.

Cette conversation est bien vite mise derrière alors que Nevaeh se justifiait déjà, promettant au pompier de le libérer le plus rapidement possible. Il avait sans doute bien mieux à faire que de ressasser le passé de leur relation ratée maintes et maintes fois. Puis, de toute façon, il ne chercha pas à la retenir. Au contraire, il se montrait curieux et attentif à la suite des choses. La brune prit donc la parole, laissant son doute des derniers jours faire écho dans les oreilles de Juliann. Elle pensait être enceinte. Penser, ce n'était pas un mot que l'on disait souvent dans ce genre de situation. Normalement, on s'assurait de l'être ou pas. Ce qui attira, d'ailleurs, une réaction de stupéfaction de la part de l'homme. Elle aurait voulu qu'il parle, qu'il la rassure. Ou qu'il lui dise qu'il ne voulait rien entendre de cette possible grossesse, à la limite. Mais au contraire, il demeurait là, figé, silencieux, devant une Nevaeh terrorisée.

« Je pense », répétait-elle avec certitude. « J'ai pas fait de test, mais j'ai du retard depuis un moment déjà... », soupirait la brune. Il est vrai que le mariage avait été plutôt stressant à organiser au travers de ses différents délais professionnels. Puis, il y avait eu leur rupture, si tel était le mot, qui n'avait sans doute rien amélioré de l'état de la jeune femme. Si, au départ, elle avait cru avoir du retard relié au stress dans sa vie, elle ne s'était plus posé de question jusqu'à tout récemment. Jusqu'à compter sur le calendrier et bien se rendre compte que ça ne faisait plus aucun sens. Plus d'un mois de retard... « J'ai peur de passer le test... » Et de se rendre compte qu'elle était enceinte. Enceinte d'un garçon qui n'avait plus confiance en elle. Enceinte d'un homme avec qui elle n'était pas en couple. « J'aurais pas dû te déranger pour ça, j'aurais pu te laisser un message sur ta boite vocale.. Mais peut-être qu'au fond, j'avais besoin de te voir pour avoir le courage de passer un test. C'est stupide, je sais. » Elle se jetait les premières pierres, pas la peine de le faire pour elle.

Elle ment. Clairement. Même si tu ne peux pas encore te vanter de la connaitre par coeur, tu vois bien dans son regard que quelque chose ne va pas. Qu'il est plut éteint qu'à l'habitude. Lui qui, habituellement, est si vivant, si pur. Aujourd'hui, tu ne vois plus rien de tout ça. Et tu sais que tu es en partie responsable de ce changement même si quelque chose te dit que ce que Nevaeh doit t'annoncer joue également un rôle important. « Je ne suis pas sûr de te croire. » Dis-tu quand même bien que tu saches que cette conversation ne mènera à rien. Tu ne veux pas que la journaliste pense que tu t'en fiches de son état, de son bien-être, maintenant que les choses sont "terminées" entre vous. En réalité, tu ne sais même pas si c'est définitivement terminé ou non. Tu ne sais pas ce que tu veux mais par contre tu sais ce que tu ne veux pas ou plutôt plus. Tu ne veux pas avoir à te demander si tu peux avoir confiance en Nevaeh ou non. Si tu peux laisser ton téléphone sur la table basse du salon lorsque tu vas aux toilettes sans avoir peur qu'elle fouille dedans. Tant que tu continueras à te poser ces questions-là, tu sais d'avance que ça ne fonctionnera pas entre la brune et toi. Il te faut un peu plus de temps pour que la confiance revienne. Mais du temps, visiblement, vous n'en avez pas. Pas alors que Nevaeh t'annonce être enceinte. Ou du moins, elle en est presque persuadée bien qu'elle n'ait pas encore fait de test. « Depuis un moment, c'est-à-dire ? » Demandes-tu avec plus de douceur. Ta première réaction n'a pas forcément été la bonne mais il a fallu le temps que tu assimiles l'information. Maintenant, il faut vous poser les bonnes questions et surtout, vérifier si l'information est juste ou non. Bordel, tu ne pensais pas que vous en seriez dans cette situation un jour. Pas pour une seule erreur d'inattention. « Tu ne me déranges pas Nev et si, tu as bien fait de m'en parler. T'as pas à affronter ça toute seule. » Dis-tu avec un faible sourire. Maintenant, c'est évident, tu n'as qu'une envie : aller acheter un test et être fixé. « Tu as déjà acheté un test ou pas ? Je peux aller en chercher un à la pharmacie avant d'aller chez toi pour que tu le fasses ? Je suis là pour toi. » A présent, tu es prêt à mettre toute ta rancoeur de côté, tous tes doutes, pour l'accompagner jusqu'au bout. Avant de prendre une quelconque décision, vous devez être fixés. Ce n'est pas sain de rester dans le doute comme ça ni pour Nevaeh ni pour toi.

Évidemment qu'elle mentait, mais que pouvait-elle dire de plus? Qu'il lui manquait? Ça, elle l'avait déjà dit par sms. Que de ne plus l'avoir dans sa vie créait un vide? Qu'elle s'en voulait? Qu'elle aurait voulu retourner en arrière et éviter de faire ce qu'elle pensait être inoffensif sur le coup? À quoi bon, de toute façon? Juliann avait fait son choix. Du temps, il voulait du temps. Et elle lui en donnait, autant qu'il le voudrait. Mais elle savait bien ce que cette excuse signifiait. Elle était passée maître dans l'art d'essuyer les relations d'échecs, ce que visiblement elle vivait avec Juliann bien malgré eux. Du temps, c'était une excuse pour terminer la relation sans trop de fracas, sans coeur qui se brise en éclat devant tous les convives du mariage. Et tout ça pour une connerie de téléphone portable qu'elle ne voulait pas espionner, au départ. Répondre à la blague de la veille, entretenir cette moquerie avec l'inconnu à qui elle avait donné le numéro de Juliann. C'était tout ce qu'elle voulait. Mais il y avait cet aperçu de la conversation avec Pippa, ce Va jouer au numéro un suivi de trois petits points qui avait suscité sa curiosité et cette impression d'être une fois de plus de trop entre Pippa et le pompier. Cette énième impression d'être l'autre, mais pas celle qu'il lui fallait. Parce que celle qu'il lui fallait, ça serait toujours un peu Pippa. Et avant de créer de l'animosité entre la brune et sa meilleure amie, avant de demander à Juliann de faire un choix, avant de se faire du mal, elle avait voulu protéger tout le monde des dommages collatéraux possibles dans cette histoire. Au final, elle avait visiblement échoué, Nevaeh.

Elle ne répondit pas à la première réflexion de Juliann, celle qui affirmait qu'il ne la croyait pas. Mais elle répondit à son interrogation, précisant le petit moment qu'elle avait utilisé. « Plus d'un mois? », répondit la brune en réfléchissant au timing exact. Si on faisait le calcul, ça remontait à son dernier voyage, celui en Afrique du Sud. « J'ai eu mes règles la semaine avant de partir pour l'Afrique du Sud... Et puis, plus rien. » Néant. Vide total. « Et pour être honnête, entre toi et moi, au début je ne m'en suis pas réellement rendu compte », confia-t-elle sans le regarder. « On a fait l'amour presque toutes les fois où on s'est vu.. Je ne pensais pas à mes règles, ce n'était pas un problème, on était dans les papillons du début, dans l'excitation et l'envie de se revoir, de se retrouver physiquement.. Je pourrais même dire que ça m'arrangeait de ne pas avoir mes règles », expliqua Nevaeh, toujours sans le regarder. Parler de leur passé était douloureux. Il n'y avait pas que le physique qui lui manquait avec lui, mais ça faisait partie des choses qu'elle avait dû apprendre à laisser de côté. « Avec le stress au travail et celui du rôle de demoiselle d'honneur - au fond, avec Pippa tête en l'air et rêveuse, j'ai l'impression d'avoir stressé plus qu'elle - je pensais que le retard était justifié... Mais visiblement, il y a un problème », conclut la journaliste en levant finalement les yeux vers Juliann. Et rapidement, elle se reprit, décrétant qu'elle n'aurait pas dû le déranger, qu'elle aurait pu tout simplement lui laisser un message sur sa boîte vocale avec le résultat du test. Ce à quoi, il s'opposa. « Non, j'en ai pas », fit-elle en haussant les épaules. « Tu n’es pas obligé de rester chez moi le temps de faire le test... Tu n’as sans doute pas trop envie de te retrouver dans cette situation et je comprends », soufflait la brune. De ses yeux d'un brun perçant, elle cherchait le vert de Juliann. « Je veux juste savoir ce que tu aimerais faire, si jamais il est positif... » Garder le bébé, s'en débarrasser. Ils ne s'étaient jamais parlé de cette éventualité, convaincus qu'ils étaient invincibles.

Plus d'un mois ? Tu ne parviens pas à masquer ton étonnement face à l'aveu de Nevaeh. Plus d'un mois c'est long et ça va probablement vous obliger à prendre une décision rapidement. Trop rapidement. Mais tu mets cette pensée de côté parce que vous ne savez même pas si la journaliste est enceinte ou non. Alors qu'elle t'explique dans quelles circonstances elle s'est rendue compte de l'absence de ses règles, tu hoches la tête, les sourcils légèrement froncés, même si Nevaeh ne te regarde pas. Elle fuit clairement ton regard, comme si elle était honteuse de t'avouer tout ça. Mais elle a raison, vous étiez bien loin de penser à ses menstruations, bien trop obsédés à l'idée de vous retrouver à tous les niveaux. C'était intense, entre vous. Fort. Et tu ne vas pas mentir, cela te manque de ne plus partager tous ces petits moments avec elle. « Je vois. » Dis-tu dans un premier temps, rassemblant tes idées et tes mots. Tu ne veux pas dire des choses qui pourraient être mal interprétées ou que tu pourrais regretter. Dans une situation comme celle-ci, vous devez vous montrer prudents et réfléchis. Surtout que dernièrement, ça n'a pas été la joie du tout entre vous deux. « Je n'y ai même pas pensé, moi non plus... Mais plus d'un mois, c'est beaucoup. Tu as eu des symptômes ? » Nausées, vomissements, fatigue, etc. Les symptômes sont multiples et tu ne les connais probablement pas tous. Mais tu ne te souviens pas que Nevaeh t'ait fait part de ce genre de soucis. Bien que, durant ce dernier mois, tu n'aies pas été très présent dans sa vie, malheureusement. Afin d'être fixés, et de savoir où vous allez, tu lui proposes d'aller acheter un test à la pharmacie pour elle, si elle ne l'a pas encore déjà fait. Mais encore une fois, elle t'assure qu'elle peut se débrouiller seule, que tu ne dois pas te sentir obligé. « Je ne me sens pas obligé. Quand on fait l'amour on est deux, Nev, donc je suis avec toi dans cette histoire. » Affirmes-tu sans une once d'hésitation. Quand la journaliste ajoute qu'elle aimerait savoir quelle perspective s'offre à vous, si le test s'avère positif, tu soupires légèrement, un peu perdu. On ne peut pas dire que vous êtes dans les meilleures conditions pour avoir un enfant et surtout, vous apprenez encore à vous connaitre. Vous n'êtes/étiez même pas un couple. « Ce n'est pas ce que j'aimerais faire mais ce que nous aimerions faire. C'est ton corps avant tout donc la décision finale te reviendra forcément. Mais en ce qui me concerne, je n'en sais rien... Ne peut-on pas faire le test avant de penser aux possibilités qui s'offrent à nous ? » Demandes-tu en sondant son regard. « Viens, on va aller acheter ce test. » Ajoutes-tu en te levant et en lui tendant la main. Signe que tu es prêt à être là pour elle, malgré ce qu'il s'est passé. Malgré cette histoire de confiance qui n'est pas terminée mais que tu es prêt à mettre entre parenthèses.

Que cherchait Nevaeh? Du réconfort. Peut-être un peu de courage, aussi. Elle espérait presque que Juliann la prenne en charge alors qu'elle lui avouait ce lourd secret qu'elle n'avait confié à personne. Mai alors qu'elle reprenait un élan de lucidité, elle comprenait bien que cette bataille, c'était la sienne. Et que dans la situation dans laquelle ils étaient, elle ne pouvait pas s'attendre que Juliann la rassure, apaise ses peurs et ses craintes. C'était qu'à elle qu'elle pouvait s'en prendre. Et bien qu'elle le comprenait, qu'elle l'acceptait, même, une part d'elle cherchait encore à ce qu'il la prenne dans ses bras et qu'il lui dise que tout allait bien aller, qu'ils allaient trouver des solutions même au pire des scénarios. Mais ça, ça n'arriverait pas. Et elle serait stupide de s'y laisser berner. Sa chance, Nevaeh l'avait eu. À présent, c'était histoire du passé. Et bien au contraire de ce qu'elle avait espéré, Juliann réagissait avec surprise et ébahissement. Elle parlait de leur passé qui était douloureux à raconter, des soirées et des nuits à unir leur corps, mais aussi leur âme. Par des mots, des caresses, des douceurs sur leur peau. Et tout ça sans le regarder, parce que ça faisait mal, mais aussi parce qu'il avait été imprudent et con de sa part de ne pas se faire attentive aux signaux que son corps lui envoyait. Des erreurs, La brune semblait en faire à répétition... Honteuse, elle regardait ses doigts qui se réchauffaient autour de sa mug de café et la tête de l'animal posé entre eux. Et alors qu'elle se laissait enivrer dans ses souvenirs des douces nuits avec son amant, ce dernier rationalisait, parlant de symptômes. « Je ne sais pas, Juliann », parvint-elle à murmurer, encore plus honteuse. Elle n'avait jamais été enceinte. Et autour d'elle, elle ne connaissait personne qui avait eu d'enfant. Il y avait Pippa, mais ça ne comptait pas puisque la blonde ne lui avait pas partagé la nouvelle, elle avait attendu d'être passé en salle d'opération avant d'en parler à sa meilleure amie. Nevaeh n'avait donc pas de point de comparaison. « J'ai peut-être eu quelques nausées, mais ça m'arrive quand je bosse beaucoup et que je bois trop de café... », soupira-t-elle. « Et j'ai bien du mal à fermer le bouton de mon jean favori.. » Mais ça, elle soupçonnait que c'était une conséquence aux bols de crème glacée qu'elle mangeait le soir pour oublier qu'elle avait perdu Juliann. Mais, sinon, quels autres symptômes pouvait-elle bien ressentir? Il lui apparaissait que l'absence de règles était le signe le plus parlant quand on avait peur d'être enceinte. À présent, elle se sentait bien idiote. Et, surtout, très peu prise au sérieux.

Quant à ce test que le pompier lui proposait de passer acheter en route vers l'appartement de Nevaeh, cette dernière ne s'y opposait pas. Elle lui rappelait seulement qu'il n'était ni forcé ni tenu de rester avec elle. Après tout, ils avaient mis un trait ce qu'ils entretenaient... « Tu as raison, mais toi et moi, c'est terminé », lui rappela-t-elle avec une pointe de tristesse dans la voix. Et cette affirmation lui fit venir une nouvelle question : que voudrait-il faire? Le regard dans le sien, Nevaeh fronçait des sourcils. « J'ai peur, Juliann », confia-t-elle avec sincérité. « C'est mon corps, mais comme on a besoin d'être deux pour faire l'amour, on a besoin d'être deux pour prendre cette décision, je te le rappelle.. Tu l'as bien dit : ce que nous aimerions faire », lâcha-t-elle en baissant les bras le long de son corps. Il était hors de question, pour elle, d'élever un enfant seule. Et comme Juliann et Nevaeh n'étaient pas un couple, il était important d'y penser. Et primordiale de décider à deux. La brune ne lui imposerait jamais un choix avec lequel Juliann ne serait pas à l'aise. Il se leva, tendant une douce main vers la brune qui l'imitait, la chienne qui suivait la danse jusqu'à les suivre à la pharmacie. Nevaeh y entra seule, laissant Juliann attendre à l'extérieur avec l'animal puis revint pour embrancher la marche vers son appartement. Devant ce dernier, elle osa lever les yeux vers son ancien amant. « Je te le répète, t'es pas obligé de rester. J'pense pas avoir besoin d'aide pour faire pipi sur un test... », lâcha-t-elle pour minimiser ses angoisses. Au fond, ils ne se devaient rien, pas vrai?

Même si tu ne laisses rien transparaitre, l'absence de Nevaeh a laissé un vide assez conséquent dans ta vie. Tu n'imaginais pas que ce serait aussi compliqué quand tu as laissé la journaliste sur le carreau, au mariage. La colère envahissait petit à petit ton corps, la déception aussi et un certain sentiment de trahison également. Aujourd'hui, si ta colère s'est légèrement apaisée, le reste est toujours là. Et c'est pour cette raison que tu gardes tes distances avec la brune, parce que tu n'es tout simplement pas encore prêt à lui pardonner. « D'accord. Je suis désolé, j'essaie juste de comprendre ce qu'il se passe, d'assimiler et de penser à la suite. C'est un peu le bordel dans ma tête là. » Et probablement dans celle de Nevaeh également. Si cette nouvelle était arrivée à un autre moment, tu l'aurais probablement accueillie différemment. Tu aurais commencé par prendre l'Australienne dans tes bras, par la rassurer afin d'être là pour elle. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, votre relation traverse un ouragan auquel vous ne pourrez peut-être pas faire face. Néanmoins, tu décides de mettre votre dispute de côté en lui proposant de l'accompagner jusqu'à la pharmacie afin d'acheter un test et d'être fixé sur votre futur. « Oui mais terminé ou pas, on est dans le même bateau là. » Si ce bébé existe bel et bien, vous l'avez conçu à deux. Et rien que pour cette raison, tu te dois d'être là pour Nevaeh. Même si vous n'êtes pas dans les meilleures conditions pour envisager une grossesse ou pire, un avortement. « C'est normal d'avoir peur mais tu n'es pas seule dans cette histoire, d'accord ? Je suis là. » Affirmes-tu en lui souriant légèrement avant de lui tendre la main pour l'accompagner à la pharmacie. Tu ne veux pas te prononcer sur l'avenir de cette grossesse étant donné qu'elle n'existe peut-être même pas. Tu ressens le besoin d'être fixé au plus vite pour savoir quoi faire alors, sans attendre, vous prenez la direction de la pharmacie où tu as attends Nevaeh à l'extérieur le temps qu'elle achète un test. Une fois devant son appartement, la jeune femme souligne une fois de plus que tu n'es pas obligé de rester, qu'elle peut se débrouiller seule. Bien sûr que tu sais qu'elle est capable de gérer ça toute seule. Elle en a la force. Mais tu ne le veux pas, elle mérite que tu sois à ses côtés malgré les difficultés rencontrées dernièrement dans votre histoire. « J'aimerais rester sauf si tu ne le veux pas. Mais j'ai besoin de savoir moi aussi. Comme je te l'ai dit, dans cette histoire on est deux, peu importe si dernièrement ça ne va pas entre nous. Laisse-moi être là pour toi. » Dis-tu en attendant son approbation avant de monter jusqu'à son appartement où votre avenir risque bien d'être totalement différent de celui que vous aviez imaginé.

La vérité, c'était qu'elle n'était pas aussi forte qu'elle voulait le laisser croire. Et si elle se donnait cette contenance, c'était pour ne pas perdre pied devant Juliann. Pour ne pas lui montrer qu'à l'intérieur d'elle, elle tremblait comme un gamine à l'idée d'avoir attendu aussi longtemps, trop longtemps, pour se rendre compte du problème. Elle avait été bien dans ses bras, trop bien, et insouciante. C'était de sa faute, à elle et à personne d'autre. Et elle le reconnaissait. Seulement, de l'entendre dans les sous-entendus de Juliann, par ses questions auxquelles la brune n'avait pas de réponses. Elle n'y connaissait rien, et elle en avait bien honte. « Dans la mienne aussi », fit-elle avec un soupir alors qu'il décrétait le bordel que cette annonce lui créait. « Alors ne t'excuse pas... Mais ne me juge pas, s'il te plait », demandait-elle en osant relever les yeux vers lui. « Je me sens déjà assez mal comme ça, Juliann », avouait-elle avec regret. Un océan de tristesse accablait la jeune femme alors qu'elle se sentait si loin de lui. Des murs s'étaient érigés entre eux alors qu'auparavant ils n'avaient aucune barrière.

Dans le même bateau, ils l'étaient, oui. Et bien malgré eux. Et elle lui montrait sa faiblesse, cette peur qui lui prenait au ventre de découvrir le résultat qu'elle redoutait tant, qu'ils redoutaient tant. Le sourire de Juliann lui fit du bien, comme un baume sur son coeur. Sa main, elle, que la brune attrapa, avait mis un pansement sur la blessure ouverte de leur rupture. « D'accord », soufflait-elle. Puis, elle ajoutait : « Merci... » Elle retenait la main de Juliann quelques secondes de plus, son contact brûlait sa peau et faisait accélérer les battements de son coeur à la fois à une vitesse qu'elle ne connaissait pas. Silencieuse, elle regardait cette main dans la sienne, cette main qui lui donna la force de le suivre jusqu'à la pharmacie où elle laissa Juliann attendre le temps d'acheter la boite qui lui parut la plus fiable. Silencieux, ils se dirigèrent vers l'appartement de la brune. Arrivé devant l'immeuble, Nevaeh sonda à nouveau le regard du pompier, tentant de lui faire croire qu'elle était forte. Mais à l'intérieur, au fond, elle tremblait. « J'aimerais que tu restes... », souffla-t-elle à son tour, hochant la tête.

Dans l'appartement, ils furent devancés par l'animal qui sauta sur le canapé, prenant ses aises. Passant près d'elle, Nevaeh caressa la tête de la chienne, y déposant un baiser tendre. « Tu veux boire quelque chose? », demandait-elle à Juliann avant de sortir la boite du test de grossesse du sac de la pharmacie. « Tu... Tu m'accordes un instant? » C'était le moment fatidique. Nevaeh s'engouffrait dans les toilettes, laissant l'instant de quelques minutes Juliann dans son appartement et n'en sortit qu'avec le test, main tremblante. « C'est... C'est négatif », souffla la brune en fronçant les sourcils. Comment ça pouvait être possible? « Je ne comprends pas.. Pourquoi je n'ai pas de règles... » Nevaeh soupira, relevant les yeux vers Juliann. « J'suis désolée de t'avoir mis dans cette position.. » Et pour lui, ça devait être un soulagement. Seulement, pour elle, c'était le début des questionnements.

Tu ne veux pas avoir l'impression de juger Nevaeh alors que ce n'est pas du tout ce que tu es en train de faire. Tu es juste en train d'essayer de comprendre comment vous en êtes arrivés là et d'évaluer le temps qu'il vous reste pour prendre une décision. Parce que s'il s'avère que la journaliste est enceinte, il faudra faire un choix à deux qui risque de bouleverser votre quotidien à vie. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère. « Je sais que tu te sens mal... j'suis désolé je ne voulais pas te donner cette impression alors que je ne te juge pas du tout. J'ai pas été plus attentif que toi à l'absence de tes règles... » Vous êtes tous les deux fautifs car au-delà des signes que vous avez manqués, vous avez surtout oublié de vous protéger correctement. Une seule et unique fois. Ce serait carrément dingue qu'elle tombe enceinte pour une toute petite erreur. Parce que même si tu désires fonder ta famille, un jour ou l'autre, aujourd'hui c'est trop tôt. Et surtout, vous n'êtes pas du tout dans la situation idéale. Après un passage express à la pharmacie et un trajet du retour lourd de sens et silencieux, vous parvenez enfin devant l'immeuble de Nevaeh. En bas de celui-ci, la jeune femme affirme, encore une fois, que tu n'es pas obligé de la suivre, de l'aider dans cette épreuve. Mais tu ne te vois pas partir comme un voleur sans savoir ce qu'il en est de ce test. Et surtout, en la laissant seule avec ses doutes, ses peurs. Même si vous n'êtes plus ensemble aujourd'hui, tu éprouves toujours des sentiments et de l'affection pour elle. Ta colère n'a pas tout effacé. « Alors allons-y. » Réponds-tu avant de la suivre jusqu'à son appartement. L'atmosphère est pesante autant pour l'Australienne que pour toi, tu le sens bien. Alors tu n'aspires qu'à une chose, mettre fin à cette attente interminable. « Je vais prendre un verre d'eau, je sais où c'est. » A force d'être venu maintes et maintes fois, tu connais désormais les placards de Nevaeh. Pas par coeur mais presque. Tu hoches la tête avant de la voir regagner les toilettes, ton coeur battant à tout rompre. Le test est censé être rapide et pourtant cela te semble incroyablement long. Quand elle ressort enfin d'entre ces quatre murs, tu tentes de déchiffrer son émotion qui parait à la fois confuse et... soulagée ? Quand elle t'annonce que le test est négatif, tu sens une vague de soulagement te submerger. Tu as presque l'impression de revivre. « Tu n'as jamais eu de retard auparavant ? Ou des cycles irréguliers ? » Demandes-tu en fronçant les sourcils, essayant de comprendre à ton tour. « T'as pas à t'excuser, Nev. » S'excuser de quoi au juste ? Elle ne pouvait pas savoir. « Tu devrais peut-être prendre rendez-vous avec ton ou ta gynécologue. » Ajoutes-tu en buvant une première et longue gorgée d'eau, la gorge sèche.

Ils avaient tous les deux été insouciants. Mais ce n'était pas à lui à se rendre compte des règles de son amante. Et elle n'aurait pas souhaité qu'il lui pose la question tous les trois jours non plus. C'était sa responsabilité à elle, ses règles. Ce n'était pas un truc qu'on faisait à deux, avoir des règles. Malheureusement... Ce n'était pas comme ça que la vie fonctionnait et dont les humains étaient conçus. Cependant, il marquait un point fort : ils s'étaient mis tous les deux dans cette merde. La protection, c'était l'affaire de tous et, visiblement, ils y avaient failli, tous les deux. C'est bien pour ça que Nevaeh s'autorisa la présence de Juliann, alors qu'elle s'y était d'abord opposée. Elle laissait tomber les barrières de sa vulnérabilité, l'acceptant de cette épreuve qui devait être aussi dure pour lui que pour elle. Ils étaient clairement pas prêts à avoir des enfants, ni ensemble ni chacun de leur côté. Et évidemment que la brune voulait sa famille à elle, rendre sa mère fière avec des petits enfants, entendre ses frères et sa soeur devenir complètement gaga alors qu'ils cajoleraient sa précieuse vie. Mais pas maintenant. Et pas alors que le père de ce peut-être enfant n'était pas à ses côtés, réellement. Pas alors qu'elle n'était pas amoureuse, heureuse. Et dans quelques minutes, ils allaient être fixés.

Dans l'appartement qui les avait vus jadis bien plus tactiles, ils restaient évasifs. Par politesse, Nevaeh proposa au pompier à boire, ce à quoi il répondit se servir. Il connaissait les lieux à force d'y avoir passé du temps, même s'ils passaient clairement plus de temps être le canapé du salon, le lit de la chambre à coucher et la baignoire de la salle de bain. Mais ça, c'était autrefois. Ce jour-là, Juliann se contenta de se diriger vers la cuisine, se versant un verre d'eau que la brune entendait couler alors qu'elle, elle s'enfermait dans les toilettes, incapable de se concentrer pour faire pipi sur le bâtonnet. Il était là, à quelques mètres d'elle, dans cet appartement qui avait vu naitre leur relation petit à petit, tout doucement, et pourtant elle avait cette impression que Juliann était si loin. Parce qu'il l'était, loin.

De retour dans la même pièce que lui, mains tremblantes, coeur qui vacillait entre des battements rapides et lents, tant il était confus, elle posa le test sur la table basse. Résultats rapides, ils ne disaient pas faux sur la boite. Et on voyait clairement qu'une seule ligne rose y était apparue. Une ligne, pas de grossesse, c'était bien ça que l'on disait dans les instructions. Nevaeh les avait lus deux fois pour être certaine. Alors, pourquoi se sentait-elle encore toute patraque? Elle qui était convaincue être enceinte et qu'il s'agissait de la pire des nouvelles à leur tomber sur la tête dans leur situation, pourquoi ne se sentait-elle pas tout à fait soulager? Aurait-elle souhaité l'être? Non, pas vraiment. Mais au moins, elle n'aurait pas eu cet éternel questionnement qui restait sans réponse : pourquoi? « Un ou deux jours de retard, pas plus », avait répondu la journaliste en prenant place sur le canapé. « Je vais faire ça, oui... », soufflait-elle, si peu rassurée. « Au moins, nous n'avons pas de choix à faire... », fit-elle remarquer en levant les yeux vers Juliann. « Merci », lui adressait-elle. Ses yeux passaient du visage de l'homme à ses lèvres. Elle aurait voulu l'embrasser, si seulement cette distance invisible entre eux n'avait pas existé. Elle se contenta de soupirer. « Je ne te retiendrai pas plus longtemps... C'est déjà beaucoup de m'avoir soutenu. » Et elle baissa le regard. « La personne qui aura la chance de partager ta vie sera bien chanceuse de t'avoir, Juliann. Tu es formidable... » Et ça lui crevait le coeur de le dire, dans une autre vie, cette personne, ça aurait pu être elle.

Oui, le seul point positif dans toute cette histoire c'est que vous ne devez pas procéder à un choix : garder cet enfant ou le faire disparaître. Au moins, vous n'êtes pas confrontés à l'une des plus grosses décisions de votre vie. Parce que si ce test avait été positif, il aurait été compliqué, pour Nevaeh comme pour toi, de prendre ce genre de décisions. Un avortement n'est pas à prendre à la légère mais une naissance non plus. Quoi qu'il en soit, vous pouvez laisser tout ça derrière vous à présent. Même si, pour la journaliste, cela soulève d'autres interrogations auxquelles elle n'aura peut-être même pas une réponse tout de suite. Tu voudrais être là pour la rassurer, pour la prendre dans tes bras en lui promettant que tout ira bien mais ce n'est pas ta place. Ce n'est plus ton rôle. Après ce qu'il s'est passé au mariage, tu as encore du mal à la regarder, à retrouver cette femme pétillante, douce et drôle que tu connais. Si ta colère n'a pas tout effacé, elle a tout relayé au second plan pour un moment. Tu aimerais pouvoir lui pardonner si vite, pour être à ses côtés durant ce moment compliqué et de doutes, mais ce n'est pas aussi simple. « Tu me tiendras au courant ? » Demandes-tu quand même. Tu n'es pas sans coeur non plus. Tout ce que tu espères, maintenant, c'est qu'il s'agit simplement d'un dérèglement hormonal ou d'un truc dans ce genre-là sans gravité. « Ce n'est rien. » Dis-tu quand la brune affirme que ton soutien était important. Tu n'as pas fait grand chose au final. Tu aurais pu faire plus, beaucoup plus. « Ne dis pas n'importe quoi. » Rétorques-tu avec un faible sourire. A cet instant précis, tu ne te sens pas du tout formidable, non. Tu es bourré de défauts et surtout, tu es en train de passer à côté d'une histoire et d'une femme merveilleuses. Tout ça pour une blague qui a mal tourné et d'une jalousie mal placée. C'est ridicule toute cette histoire et pourtant, tu ne parviens pas à te défaire de ta colère. Après avoir vidé ton verre d'eau, tu le déposes près de l'évier de la cuisine, prenant la direction de l'entrée. « J'espère que ce n'était qu'une fausse alerte, qu'un souci passager... Salut. » Dis-tu en soupirant avant de passer la porte de son appartement sans te retourner. Tu n'as pas le courage de déposer un baiser sur sa joue, de l'approcher ou d'employer tout geste tactile envers Nevaeh. C'est trop difficile et tu ne supportes plus cette distance pesante entre vous. Il faut que tu te tires d'ici et vite.

Fin du sujet