Home is were the heart is + Pippa ♡

Il n’était pas loin de dix neuf heure quand j’arrivais chez mes parents avec Romy dans les bras. J’avais accepté de dîner chez eux pour ce soir, en partie parce que je leur avais demandé de garder ma fille pour la nuit, la nourrice me faisait faux bon pour demain matin et il fallait que je sois à six heure au magasin dernier délai, je ne pouvais décemment pas lever une petite fille de trois ans avant l’aube pour l’emmener chez ses grands-parents. Alors cette nuit je dormirais seule dans ma grande maison et cette perspective m’effrayait. C’est pourquoi, même si je redoutais de dîner à la table familiale ce soir, j’étais un peu soulagée de ne pas quitter ma fille si vite. Romy avait du mal à se détacher de moi depuis la mort de son père, nous étions devenu très fusionnelles toutes les deux, par la force des choses, nous avons vécu durant plus d’un an l’une pour l’autre, envers et contre tout. Mais je devais apprendre à la laisser un peu, à lui redonner de l’espace, il fallait qu’elle devienne une petite fille forte et indépendante, qu’elle garde cette joie de vivre qui l’animait malgré les épreuves et qui était la seule raison valable pour que je tiennes le coup. Mon retour à Bowen n’était pas des plus simples, voilà des mois que je errais dans cette ville, sortant difficilement la tête de l’eau, m’enfonçant doucement dans ma solitude. J’étais pourtant entourée, mes parents voulaient tellement bien faire, ils me couvraient d’amour jusqu’à m’en faire étouffer, ils faisaient tout pour que je me relève, mais leur bienveillance me tapait sur les nerfs, les voir tous les deux, si heureux après tant d’années de mariage, si bien portants et essayant de me donner des leçons de morale, c’était égoïste et méchant mais je trouvais ça insupportable. Alors je les évitais le plus souvent possible, je prétextais le travail ou autre chose pour leur laisser Romy et fuir le plus vite possible. Moi qui étais revenue pour eux, pour me sentir entourée et réchauffée par leur amour, finalement ça non plus, je n’y arrivais pas. Et puis il manquait quelqu’un dans cette grande maison, quelqu’un qui en était parti depuis un sacré moment mais qui, à une époque, m’ouvrait toujours la porte lors de dîners comme celui de ce soir. Pippa et son rire me manquaient, elle et son sale caractère et ses câlins qui m’étouffaient. Elle avait quitté Bowen peu après moi et depuis deux ans on se parlait par intermittence, je savais que mon départ l’avait affecté et la décision d’Axten encore plus. Elle était la personne qui m’avait le plus manqué durant notre exil en Europe et celle pour qui j’étais revenue. Pourtant depuis plus de six mois je devais vivre avec son fantôme à elle aussi, elle n’était pas revenue, je ne lui en voulais pas, elle avait probablement trouvé une sorte d’équilibre à Sydney, elle qui avait traversé une période difficile également. Mais c’est fou comme elle me manquait, tous les jours, dans chaque pas que j’essayais de faire en avant j’espérais qu’elle serait là pour me tendre la main et me dire de continuer. Et moi j’avais tellement envie de reprendre ce rôle de grande sœur que j’avais si lâchement laissé derrière moi, de la prendre par la main également, parce qu’elle aussi aurait sûrement besoin d’une épaule fraternelle. Je frappais à la grande porte, c’était un peu idiot, j’étais toujours un peu chez moi ici, mais par politesse je m’annonçais, me préparant à appuyer sur la poignée. Pourtant quelqu’un ouvrit la porte. Et ce quelqu’un n’était ni ma mère, ni mon père, mais bien un fantôme que je n’étais pas préparée à revoir. Pippa ?! Romy et moi la regardions toutes les deux avec ces mêmes yeux ronds. Mais qu’est ce que tu fais là ? Je lâchais ma fille, qui s’engouffrait déjà dans la maison en criant Mamiiiiiie, pour prendre ma cadette dans mes bras. Enfin j’avais l’impression de revivre.

Ainsi Pippa était de retour elle aussi. Et visiblement papa et maman étaient dans la confidence, je ne pouvait pas leur en vouloir d’avoir gardé ce secret, je connaissais le tempérament de ma cadette et tout le bien que nous voulait nos parents. Ils avaient souvent déploré la présence de ma sœur ces dernier mois, plus que moi d’ailleurs, certainement parce qu’ils savaient à quel point elle comptait pour moi et qu’ils me voyaient m’enfoncer sans pouvoir rien faire. Je savais qu’ils se sentaient parfois démunis face à mon état et combien ils devaient espérer le retour providentiel de Pippa pour que les choses s’arrangent. Ce retour ne serait pas miraculeux, il n’allait sûrement pas tout changer d’un coup, mais sa présence si importante dans ma vie allait apporter son lot de réconfort dont j’avais besoin, c’était certain. Alors je la pris dans mes bras et la serra assez fort pour m’assurer qu’elle était bien là, présente face à moi et je ris, je riais de soulagement, de bonheur, des larmes coulant sur ma joue sans que je m’en aperçoive, mais ça n’avait rien d’étonnant quand on savait que je pleurais d’un rien en temps normal. Puis avant que cette étreinte ne vire au mélodrame nous nous lâchions pour entrer dans la maison familiale. C’est fou mais il avait suffi qu’elle m’ouvre la porte pour que je sois à présent heureuse d’entrer et de retrouver mes parents. J’allais d’ailleurs les embrasser chaleureusement en laissant ma sœur retrouver sa filleule. Malgré le temps qui avait passé depuis leur dernière rencontre en réel, sans skype ou face-time, on aurait dit qu’elles ne s’étaient jamais quitté, j’aimais tellement la complicité palpable entre Romy et Pippa, elle me touchait toujours en plein cœur et si j’étais heureuse de retrouver ma sœur, je l’étais aussi pour elles-deux, elles allaient pouvoir à nouveau passer du temps ensemble. Mes parents me prirent dans leurs bras. On ne pourra pas avoir une table au complet ce soir encore, Aleksy s’excuse, elle a un rendez-vous prévu de longue date. Nous l’aurons peut-être au déjeuner de dimanche midi. Tu viens toujours ma chérie ? Tu as encore maigri toi… Maman… elle me réprimandait toujours avec bienveillance, mais le mot était dit. J’arriverai après avoir fermé la boutique, ne m’attendez pas pour commencer, pas comme l’autre fois. Je pourrais demander à Pippa de venir chercher Romy avant si elle veut bien. Merci de la garder pour cette nuit, je ne sais pas comment j’aurais fait sans vous. Elle caressa ma joue avec douceur. On sera toujours là pour vous Cha, tu le sais bien. Allez, va retrouver ta sœur ! Je lui souriais en quittant la cuisine pour retrouver Pippa et Romy sur le canapé, ma fille ne lâchait plus sa tante. Je m’installais sur le fauteuil face à elle et les obervais jouer un instant. Romy était si douce, si délicate, il parait que j’étais pareil étant petite. Mais elle avait aussi cette maturité bien trop avancée pour une petite fille de son âge, qui témoignait de tout ce qu’elle avait dû vivre aussi petite soit elle. J’avais eu beau essayer de la protéger, de préserver son innocence, je n’avais pas pu tout empêcher, comme cet adieu déchirant à son papa qui me donnait encore le frisson quand j’y pensais. Elle savait aussi se taire, quand elle savait que le moment était important, se faire discrète pour se faire oublier, comme lorsque Pippa pris la parole. Tu étais là, même si physiquement tu m’as manqué tu étais là. Tes appels, tes messages, ça m’a fait du bien. Et puis je sais que ce n’était pas une période facile pour toi non plus. Je ne lui en voulais, pas, pas du tout, elle n’avait pas à s’en faire pour ça. Et puis nous allions pouvoir rattraper le temps perdu à partir de maintenant. Tu es revenue pour de bon ? J’avais encore cette crainte qu’elle ne soit là que pour quelques jours, ça, j’aurais du mal à le supporter.