#17 - keep coming up with love but it's so slashed and torn (tahlia)

Cela fait quelques jours maintenant que tu évites de trainer à l'appartement, que tu files dans ta chambre dès que tu rentres sans en sortir avant le petit matin pour aller au travail. Depuis que la rumeur est sortie sur Tahlia et Concho, tu es incapable de les croiser, incapable de les voir et encore moins de leur parler. Tu ne sais pas vraiment ce que tu ressens ni pourquoi ça te touche autant mais tu as cette impression de ne plus être à ta place au 17. Tu as même regardé les maisons à acheter, dans l'idée de prendre ton envol et de quitter la colocation mais tu as peur de le regretter par la suite et de n'agir que par colère. Quoi qu'il en soit, ce soir, tu es seule à l'appartement alors tu en profites pour te cuisiner quelque chose et trainer devant la télévision. Malheureusement, cette solitude n'est que de courte durée et au moment où tu entends la clé tourner dans la serrure, tu te lèves d'un bond, renversant au passage une partie de ton assiette sur le sol du salon. « Shit » Murmures-tu en priant de toutes tes forces pour que ce soit Florian qui rentre. Malheureusement, c'est Tahlia qui arrive dans le salon et tu fais un effort surhumain pour ne pas te trahir en lui lançant un regard noir. « Ah c'est toi. » Dis-tu plus froidement qu'à ton habitude, malgré toute ta bonne volonté pour paraître "normale". Tu termines de ramasser les pâtes sur le sol avant de retourner vers la cuisine, dans le but de déposer ton assiette et de te terrer dans ta chambre, très loin de ta colocataire.

Ces dernières semaines, Tahlia errait sans but. Elle traînait sa carcasse vide, dénuée de tout objectif, de toute perspective d'avenir. Elle se perdait dans les paradis artificiels, enchaînait les conneries, les excès. Elle se détruisait, détruisait tout ce qui l'entourait, chaque relation qui la faisait tenir debout. Et elle se sentait désespérément seule. Seule avec ses idées noires. Seule avec cette existence qu'elle remettait en question. Seule, à se demander si cela valait encore le coup. Écourtant sa visite chez ses parents, qui voyaient bien leur fille s'éteindre lentement, la brune avait lâché ce sempiternel discours, celui de la mauvaise passe, celui où elle disait que ça finirait par passer. Mais même elle n'y croyait plus. Chaque jour, elle se demandait ce qu'elle allait encore endurer. La dernière rumeur des Writers avait été la goutte de trop, la faisant passer pour la fille facile qu'elle n'était pas. Pour la grosse merde que Landon lui avait laissé croire qu'elle était. D'ordinaire, elle s'en serait moquée. Mais là, chaque mot, chaque geste étaient trop difficiles à effacer. Et elle ne savait pas encore, qu'en rentrant à l'appartement, sa situation ne s'arrangerait pas de sitôt. Elle ouvrit la porte, fronçant les sourcils en entendant du bruit provenant du salon, vers lequel elle se dirigea. Elle tomba nez-à-nez avec Freja. Freja qui désertait l'appartement, qui ne donnait pas de nouvelles, qui prenait ses distances. Et cette froideur, ce regard noir qui passa brièvement sur le visage de la norvégienne surprirent la brune qui rétorqua, sur le même ton : "Aux dernières nouvelles, j'habite encore ici, oui." Tahlia suivit du regard sa colocataire, la laissant rejoindre la cuisine sans un mot. L'ex-policière sentit une boule se former au niveau de son estomac, étrange mélange d'incompréhension et de colère. Elle rêvait ou Freja la fuyait littéralement ? La jeune femme apparut dans la cuisine, avant que Freja ne prenne le temps de rejoindre sa chambre. Et sans ménagement, elle lança : "Tu as un problème ? On ne te voit plus en ce moment."

Le ton que Tahlia emploie te fait lever les yeux au ciel mais par chance, la brune ne le voit pas puisque tu es dos à elle. Cela t'agace qu'elle soit autant sur la défensive alors que si les rôles étaient inversés, tu essayerais surtout de comprendre pourquoi elle agit comme ça sans lui tomber dessus pour autant. Alors que tu pensais être tranquille en rejoignant la cuisine, ta colocataire te rejoint, te questionnant sur ta façon d'agir. Tu te retournes finalement vers elle, plissant les yeux pour tenter de décrypter son expression. « Ouais, j'essaie d'éviter la moitié des personnes qui vivent ici alors... c'est normal. » Réponds-tu en haussant les épaules nonchalamment. « Et je ne crois pas que ça va s'arranger au fil des jours alors habitue-toi à ne plus me voir. » Ajoutes-tu en détournant finalement le regard, bien décidée à rentrer dans ta chambre pour avoir la paix. Tu laisses Tahlia dans la cuisine l'espace de quelques secondes avant de revenir, incapable de te taire et de garder cette colère qui bouillonne en toi. Tu t'arrêtes à l'entrée de la cuisine avant de reprendre la parole, bercée par la colère et la déception. « Tu sais quoi ? J'suis super déçue Tahl'. Super déçue de voir que deux personnes à qui je tiens énormément sont capables de jouer avec le feu et de prendre de la drogue sans penser aux conséquences. Ça ne vous a pas servi de leçon de me voir au plus bas pendant des mois ? J'comprends pas. » Dis-tu d'une traite sans lâcher ta colocataire du regard pour qu'elle voit à quel point tu lui en veux et pas seulement pour cette histoire de drogue. Il y a plus mais ça, Tahlia n'a pas besoin de le savoir, ce qu'il se passe entre Concho et toi doit rester entre Concho et toi. Mais tu es loin de te douter que ton comportement te trahira bien vite.

Avec leurs caractères de feu, les deux jeunes femmes étaient incapables de communiquer normalement. Même si elles ne disaient pas un mot, leurs visages parlaient pour elles. Alors que Freja jouait la froideur, Tahlia, quant à elle, se braquait automatiquement. Elle n'avait pas l'envie ou la patience de gratter, de comprendre la mauvaise humeur de sa colocataire. Alors oui, elle n'avait pas abordé Freja de la meilleure façon possible. La suivant dans la cuisine, la brune chercha à obtenir la raison de son attitude, de son éloignement. La réponse de sa colocataire la laissa perplexe. Elle les évitait ? Il fallait s'habituer à ne plus la voir ? "Mais qu'est-ce que tu racontes ?" demanda-t-elle en soupirant, pensant à des paroles en l'air, à une réaction exagérée. Freja s'éloigna, sans vraiment être interceptée par sa colocataire. Mais la brune revint tout aussi vite, sans doute bercée par la même colère que Tahlia. Tahlia qui l'écouta sans broncher. Mais son visage se crispa, son regard se fit noir en entendant les paroles de la norvégienne. C'était donc ça ! C'était donc cette soirée avec Concho qui alimentait la colère de la jeune Ivanova. Elle rétorqua alors, énervée : "Parce que tu crois qu'on joue avec le feu ? Tu crois qu'on a pris plaisir à prendre cette merde ?" La brune sentit les larmes de colère lui monter aux yeux alors qu'elle reprit, comme si rien ne pouvait l'arrêter : "Et c'est justement parce que tu es passée par là que tu devrais te demander pourquoi nous nous en sommes arrivés là, Freja ! Mais tu ne te poses jamais les bonnes questions." Freja était celle qui avait vu Tahlia au plus bas chez Landon, mais la seule question qu'elle s'était posée, c'était "Avaient-ils couché ensemble ?". Et aujourd'hui, alors que Concho et Tahlia avaient lancé des signaux d'alerte, elle prenait cela pour un jeu, une soirée complètement stupide. A moins que... à moins que ce n'était pas la drogue qui l'intéressait. A moins que ce soit uniquement Concho. Tahlia n'était pas bête, elle avait remarqué des signaux étranges entre les deux, ce rapprochement à la cérémonie des Miss et Mister Bowen. Mais elle n'y avait pas prêté réellement attention. Et si... Non, cela n'était pas possible. Freja et Concho ? Cela expliquerait pourtant la réaction exagérée de son amie. Préférant lever le doute, elle demanda : "Tu es sûre que ce n'est que la drogue qui te dérange, ou il y a autre chose ?"

Il n'y a qu'avec Tahlia que tu as cette amitié explosive qui met trop souvent à l'épreuve vos caractères de feu. A chaque fois qu'une nouvelle dispute éclate, tu ne peux que te demander : et si c'était la dispute de trop ? Celle qui vous mènera au point de non-retour ? Après tout ce que vous avez vécu toutes les deux, tu espères toujours que vous surmonterez une épreuve de plus mais tu es obligée de reconnaitre que votre amitié en prend un coup et s'affaiblit, à chaque fois. Aujourd'hui, vous semblez à des kilomètres l'une de l'autre... toi qui sembles en plein délire et Tahlia qui ne comprend pas où tu veux en venir. Tu fais exprès de rester évasive dans un premier temps mais alors que tu prends la fuite, tu es obligée de revenir sur tes pas pour clarifier les choses et laisser sortir ta colère. « Faut croire que vous avez pris du plaisir à prendre cette merde ouais, quand on connait l'issue de la soirée. » Tout ce que tu retiens, c'est que tes colocataires ont pris leur pied ensemble. Ça te rend malade parce que tu ne peux pas arrêter de te dire que ça signe la fin de ta relation avec Concho. Et t'es juste pas prête à accepter ça, pas après tout ce qu'il t'a apporté ces derniers mois. Mais les paroles de Tahlia te ramènent à la réalité et te frappent en plein coeur. « J'me pose pas les bonnes questions ? Crois-moi, je suis plus au courant des problèmes de Concho que toi. Et en ce qui te concerne, t'es plus que l'ombre de toi-même ces dernières semaines, je sais même plus comment te parler. » Tu n'emploies certainement pas les bons mots mais c'est la colère qui parle et un peu ton coeur, blessé, aussi. Tu devrais être là pour Tahlia, à essayer de comprendre ce qui ne tourne pas rond chez elle mais à la place, tu lui renvoies son comportement en plein visage. Tu fronces les sourcils quand elle te demande s'il y a autre chose qui te dérange avant de secouer la tête et de bégayer difficilement : « Non, c'est tout. J'refuse juste de voir deux de mes meilleurs amis jouer avec leur vie. » Parce que même si ce n'était qu'une soirée, ils ne sont pas à l'abri que l'occasion se représente et que la tentation soit trop forte pour refuser. Mais tu es bien loin de te douter que pour ta colocataire, il est déjà trop tard, que l'addiction est déjà là. Pourtant, tu devrais voir les signes plus que les autres mais ta colère et surtout ta jalousie t'en empêchent.

Même si c'était l'indifférence qui transparaissait sur le visage de Tahlia, à l'intérieur, c'était tout l'inverse. Cela lui faisait mal de voir Freja si froide envers elle, de la voir prendre ses distances sans savoir pourquoi. Elle avait la terrible impression que, peu importe le dialogue, peu importe les arguments, leur amitié risquait de prendre un coup, ce soir. Un coup fatal, peut-être. Après avoir été évasive, après avoir brièvement fui, Freja revint sur ses pas pour lâcher tout ce qu'elle avait sur le cœur. C'était donc cette soirée avec Concho qui était la source de sa colère. Une colère qui trouva son écho chez Tahlia, qui n'acceptait pas que sa colocataire voie cette soirée comme un jeu. Elle les connaissait suffisamment pour comprendre que ce geste était un signal d'alerte. Que d'ordinaire, Concho et Tahlia n'auraient jamais pris de la drogue. Tahlia fronça les sourcils quand son amie évoqua l'issue de la soirée, cette issue de soirée vicieusement dévoilée par les Writers. « Oh arrête, on n'avait pas toute notre tête. » Elle ne voulait pourtant pas qualifier cela d'erreur, parce que sur le coup, elle avait voulu de Concho. Elle l'avait hautement désiré. Même si cela ne voulait rien dire, même si elle savait que cela n'avait rien de sérieux. C'était étrange que Freja mette l'accent sur cela. Ce n'était pas comme si elle n'avait jamais dérapé avec ses colocataires. Alors Tahlia se permit de lui rappeler qu'elle se plantait  totalement, qu'elle ne se posait pas les bonnes questions. Elle aurait simplement dû lui dire :  pourquoi ? Pourquoi avoir pris cette drogue ? Mais Freja lui balança en pleine figure qu'elle connaissait mieux qu'elle les problèmes de Concho. Pas faux. Premier coup de poignard. Et le deuxième coup arriva bien rapidement, alors que la norvégienne lui rétorqua que Tahlia n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle l'avait donc vue. Et elle avait laissé cela comme tel. Cette idée-là la brisait en mille morceaux, lui montrant qu'en effet, on n'en avait rien à foutre d'elle. Les yeux humides, elle rétorqua, après un moment de silence et avec un calme étonnant, qui laissait voir toute sa déception : « Tu aurais pu venir me voir simplement et me parler comme tu m'as toujours parlée, Freja. » Avec franchise. Elle ne pouvait pas lui jeter la pierre, Tahlia aussi n'avait pas été présente à des moment difficiles de sa vie. Mais elle, c'était parce qu'elle ne l'avait pas vu. Si elle avait vu le moindre signe de faiblesse de la part de Freja, elle aurait accouru. Comme elle le faisait avec tous ses amis. Alors qu'elle aurait dû tourner les talons et couper court à cette conversation, Tahlia posa une question, une question qui regroupait tous ses doutes. Il n'y avait pas que la drogue, elle le sentait. Même si sa réponse semblait radicale, son bégaiement montrait qu'elle était déstabilisée : « Tu mens très mal, Freja. ». Les yeux rivés sur la jeune femme, elle ajouta simplement : « C'est l'issue de la soirée avec Concho qui te gêne le plus, c'est ça ? » Elle avait déjà vu la jalousie de Freja à l'oeuvre, lors de la soirée avec Landon. Et ça y ressemblait drôlement. Sans compter ces petits rapprochements à la soirée Miss et Mister Bowen, entre autres, et qui prenaient un peu plus de sens aux yeux de Tahlia.

Tu n'es pas seulement énervée contre Tahlia et Concho mais également contre toi-même. Tu es énervée que ta jalousie prenne le dessus, à tel point que tu es incapable de voir que ta colocataire est blessée par ton comportement. C'est injuste d'agir comme tu le fais parce que ta relation avec Tahlia devrait primer sur cette histoire avec Concho mais à cet instant précis, c'est impossible. Tu es bouleversée par des sentiments que tu ne pensais pas avoir, complètement perdue face à ce que tu ressens, incapable d'être lucide et réfléchie. Alors, bien que la brune t'affirme qu'ils n'avaient pas toute leur tête, tu sens ta jalousie te submerger malgré tout. C'est ce qui te pousse à être si froide et si cassante avec Tahlia. C'est ce qui te pousse à employer des mots qui blessent pour lui faire mal comme toi, tu as mal. Cela fait des jours que tu repenses sans cesse à cette soirée, incapable de voir autre chose que les mains de ton colocataire sur le corps de ta colocataire. Incapable de comprendre pourquoi. Encore une fois, tu ne peux t'empêcher de croire que c'est ta faute, que tu n'es assez bien pour personne. C'est un tel bordel dans ta tête que tu es incapable de réfléchir correctement et de voir l'évidence devant toi. De voir à quel point Tahlia est au plus bas. « J'ai jamais trouvé le bon moment pour ça et surtout, j'ai l'impression qu'on s'est éloignée ces derniers temps. » Parce que votre dernière dispute a laissé pas mal de traces, comme les mots de la brune. Tu ne te rappelles que trop bien ce harem auquel elle avait fait allusion, te donnant l'impression d'être la pire des traînées. Pourtant, ce soir, tu reproduis le même schéma, n'arrivant pas à voir au-delà de cette histoire de coucherie. A croire que tu n'as pas appris de tes erreurs. « Non ce n'est pas ce qui me gêne le plus. » Puisque tu n'es pas capable de mentir correctement devant Tahlia, autant masquer un peu la vérité et détourner son attention sur autre chose. « Je sais à quel point la drogue peut détruire et je n'ai pas envie que ça vous arrive. Qu'est-ce qui vous est passé par la tête, sérieux ? » Demandes-tu un peu plus calmement, fronçant légèrement les sourcils sous le coup de l'inquiétude.

L'instant n'était pas le plus propice pour avoir une telle discussion. Freja était aveuglée par la colère. Et Tahlia était déçue de voir son amie dans un tel état. Il  n'était donc pas étonnant qu'elles ne parviennent pas à communiquer, qu'elles ne parviennent pas à comprendre les signaux qu'elles se lançaient pourtant l'une et l'autre. Elles préféraient rester butées et campées sur leurs positions. Face au ton froid et cassant, aux mots blessants de la norvégienne, Tahlia se renferma totalement, tentant de ne pas se laisser submerger par ses émotions, tentant de ne pas prêter attention à ce pincement au cœur. Ce pincement au cœur qui se fit plus fort, cependant, quand Freja se défendit en évoquant ne jamais avoir trouvé le bon moment pour parler à Tahlia. Pourtant, elle en avait eu, des moments propices. Mais la suite de sa phrase acheva la brune. Elles s'étaient éloignées, imperceptiblement. Leur amitié n'était plus la même. Elle s'était envenimée de non-dits, de cicatrices encore douloureuses. « Je le crois aussi, malheureusement. » avoua-t-elle à son tour. Elle savait quel était l'élément déclencheur. Cette soirée chez Landon, où des mots avaient été lâchés sous le coup de la drogue. Des mots que Tahlia regrettaient tant, parce que cela ne reflétait pas l'image réelle qu'elle avait de Freja. Cette femme qui la fascinait, par son caractère, sa répartie. Cette femme qu'elle enviait aussi. « Je me suis déjà excusée à plusieurs reprises. Pour tout. » Elle n'avait pas la force de le faire une fois de plus. Elle ne savait plus quoi faire pour se rattraper. Si elle pouvait se rattraper... Elle avait l'impression d'être dans une impasse. Une impasse dans laquelle elle s'était davantage retranchée, avec cette soirée passée avec Concho. Concho, pour qui elle finit par comprendre qu'il était la cause principale de l'attitude de Freja. « Donc, ça te gêne quand même ? » demanda-t-elle, suite à sa réponse, à ce demi-aveu comme quoi il y avait bien quelque chose entre ses deux colocataires. De quoi remuer le couteau dans la plaie et la faire sentir encore plus coupable. Ce n'était pas la première fois qu'une histoire de jalousie malmenait les deux filles. Freja revint cependant sur ce qui était le plus grave dans toute cette histoire : la drogue. Tahlia détourna le regard quand elle entendit son amie dire à quel point cela pouvait détruire une vie. La brune le savait, mais ce n'était pas cela qui allait l'empêcher de continuer. Elle avait envie de se détruire, tout simplement. Mais en reposant son regard sur Freja, elle perçut de l'inquiétude dans ses yeux, ce qui la rassura quelque peu. « Je n'en sais rien. » répondit-elle, d'abord. « Concho est arrivé avec ses pilules et c'est comme si la raison nous avait quittés. Je crois qu'on avait juste envie d'oublier tous les soucis, un bref instant. » Elle secoua la tête avant d'ajouter, amère : « J'aurai dû l'en empêcher. J'aurai dû lui arracher ses pilules. » Ce n'était même pas pour elle qu'elle s'inquiétait. Mais pour Concho. « Tu as essayé d'en parler avec lui ? » Puisque l'amitié entre Tahlia et Freja avait pris un coup, autant faire en sorte que les relations avec Concho n'en pâtissent pas.

Voilà des années que vous vivez ensemble, des années que votre amitié s'est forgée, solidifiée, pour au final être diminuée à cause des hommes. Il ne s'agit malheureusement pas que d'un homme et surtout, pas seulement de ça. C'est aussi des mots prononcés sous le coup de la colère, probablement, qui ont mis de la distance entre vous. Des mots que tu ne parviens pas à oublier, malgré les semaines qui passent, malgré les excuses de ta colocataire. Toi aussi, tu t'es excusée pour ne pas avoir eu le bon comportement lors de ce fameux soir, chez Landon, mais aujourd'hui, malheureusement, tu reproduis les mêmes erreurs. « Je sais Tahl' mais je peux pas m'empêcher d'être toujours blessée. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me retirer tes mots de la tête. » Et étant donné que tu avais déjà une piètre estime de toi, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les mots de la brune n'ont fait que renforcer ce sentiment. « Oui...  avoues-tu, avant de reprendre : mais ce n'est pas le plus important pour l'instant. » Consciente que tu risques de perdre Tahlia pour de bon si tu laisses parler ta jalousie, tu tentes de comprendre d'où provient ce besoin chez elle et Concho de prendre de la drogue. Parfois, il ne suffit pas de grand chose et tu ne le sais que trop bien. Tu plisses tes lèvres quand l'ex-policière t'explique que c'est Concho qui est arrivé avec la drogue, retenant à nouveau ce trop plein de colère. Cette colère qui semble surtout dirigée vers ton colocataire plutôt que vers Tahlia, finalement. « Non, vous auriez dû vous empêcher de faire ça. » Ce n'est pas plus la faute de Tahlia que de Concho, ils sont tous les deux responsables et maintenant, vous en subissez tous les conséquences. C'était risqué d'entretenir une relation avec ton colocataire, tu le savais, mais tu ne pensais pas que ça pourrait te faire autant de mal, autant de peine. Apprendre qu'ils ont couché ensemble, ça te donne l'impression que votre relation n'avait rien de particulier, rien d'unique, et qu'à ses yeux ce n'était rien d'autre qu'une histoire de sexe. « Non, je n'ai pas envie de lui parler pour l'instant, j'ai besoin de réfléchir, de prendre mes distances. » Et c'était également valable pour Tahlia, malheureusement. Tu ne te sens plus aussi bien au 17 qu'autrefois et l'idée de déménager ne t'a pas quittée depuis un moment. Mais tu te laisses du temps parce que ta plus grande peur dans la vie, c'est de mourir avec un tas de regrets. « Qu'est-ce qui se passe, Tahl' ? » Demandes-tu finalement en soupirant avant de t'installer dans le canapé, invitant la brune à faire de même. Bien que tu sois en colère et déçue, tu ne peux pas t'empêcher de vouloir l'aider. Parce que quand quelqu'un rentre dans ta vie, il n'en sort pas aussi facilement et souvent, cela te porte préjudice.

Tahlia baissa les yeux quand Freja lui affirma qu'elle était toujours blessée par ce qu'elle avait dit. Elle s'en voulait. Elle s'en voulait tellement d'avoir lâché ses mots sous le coup de la colère et de l'incompréhension. Elle s'en voulait encore plus maintenant qu'elle comprenait à quel point Freja s'était perdue dans l'abondance de ses sentiments. Quand Tahlia parlait de harem, c'était parce qu'elle ne comprenait pas comment l'on pouvait jouer sur plusieurs tableaux. Et puis, elle s'était pris un mur en pleine face, perdue entre ses sentiments pour Carter et l'ombre de Ciàran qui planait toujours sur elle. « Je sais. Je l'ai dit sous le coup de la colère, de la jalousie aussi, probablement. Mais je ne voulais pas te dénigrer, Freja... » Pas alors qu'elle mettait la norvégienne sur un piédestal. Cette femme avait tout pour elle, et cela avait rendu Tahlia envieuse. Il fallait l'avouer. Et tous ces non-dits, toute cette jalousie les menaient aujourd'hui à un point de non-retour. Quand Freja confirma, à demi-mots, qu'il y avait bien quelque chose entre elle et Concho, Tahlia sentit son cœur se serrer. Cela lui rappelait la soirée chez Landon, l'attitude de Freja empreinte de jalousie, qui avait laissé des traces chez l'australienne. Une attitude qui se représentait encore aujourd'hui, même si Freja laissait croire que ce n'était pas le plus important. Toute sa colère sentait la jalousie.  « Tu aurais dû me le dire... » souffla-t-elle. Concho aurait dû lui dire aussi. Ils n'auraient sûrement pas fauté. Elle qui ne voyait pas cette soirée comme une erreur – hormis le fait de prendre de la drogue – se sentait désormais pleinement coupable. Coupable que Freja soit un dommage collatéral. Tahlia connaissait la norvégienne. Si elle réagissait comme cela, c'était parce qu'elle tenait à Concho. Et Tahlia s'était immiscée dans cela. Comme elle s'était immiscée dans la relation Ciàran/Harmonie. C'était elle, la garce de l'histoire. Elle ne répondit rien quand Freja lui rétorqua que Concho et Tahlia auraient dû s'empêcher de prendre de la drogue, ce soir. Il n'y en avait pas un plus fautif que l'autre, même si dans l'esprit de l'ex-policière, c'était tout autre chose. Elle posa un regard sur la brune quand cette dernière répondit à sa question, quand elle mit en avant cette distance qu'elle instaurait désormais avec Concho. « Tu ne devrais pas... » répondit-elle, doucement. « Lui, on peut encore le rattraper. Et je suis certaine que tu es la mieux placée pour cela. » Elle l'avait dit, Freja, elle connaissait mieux que Tahlia les problèmes de Concho. Elle était donc celle qui pouvait comprendre au mieux le jeune homme. Alors que Tahlia, à part foutre la merde partout où elle passait, n'était bonne à rien. Freja se posa sur le canapé et décida d'ailleurs de s'intéresser à la brune. La jeune femme arqua un sourcil, ne comprenant pas ce revirement de situation. Cette question, elle aurait voulu qu'elle la pose avant. Mais sans doute était-il trop tard. « Pourquoi je devrais te dire ce qu'il se passe ? Tu l'as dit toi-même, nous nous sommes éloignées. Ça ne sert à rien que je t'embête avec mes états d'âmes... » Elle était butée, Tahlia. Mais son attitude, elle la digérait mal. Et surtout, elle ne voulait pas que l'on s'inquiète pour elle. Elle creusait sa tombe seule. Avec un peu de chance, un rail de trop et ce sera vite expédié. C'était tout ce qu'elle voulait, finalement. « Peu importe ce qui arrivera, sache juste que je suis désolée... pour tout. J'espère que tu ne m'en voudras pas éternellement. » C'était tout ce qui l'importait. Même si leur amitié n'en sortirait pas indemne, après cette soirée.

De la jalousie ? Tu fronces les sourcils, perplexe face à ses mots. De quoi peut-elle être jalouse ? De ton point de vue, elle n'a rien à envier chez toi parce que Tahlia fait partie des plus belles personnes que tu connaisses à bien des niveaux. Certes, vous vous êtes éloignées, elle a eu des propos blessants à ton égard, mais ça n'enlève en rien sa vraie valeur. Tout le monde a ses moments de faiblesse et tu mets cette distance entre vous comme une faiblesse passagère, en espérant continuellement que votre complicité reprendra le dessus et remettra votre relation sur les rails. Mais cette fois-ci, ce n'est pas aussi simple malheureusement. « Jalouse de quoi Tahl' ? Tu as tout pour toi. » Du moins, de ton point de vue. Mais tu imagines bien qu'en ce moment, ta colocataire doit avoir une image très négative d'elle-même quand on voit dans quel état elle se trouve. Quand elle aborde le sujet "Concho", tu soupires légèrement. Vous n'avez parlé de votre relation à personne parce que c'était plus facile d'être dans votre bulle, de vivre cachés. Ça avait un petit goût d'interdit que vous aimiez tant. Mais quand tu y penses, ça aurait évité bien des problèmes si vous aviez été transparents avec vos proches. « Ce n'était pas censé se passer comme ça... ça devait être une histoire d'un soir et puis... » Et puis il s'était passé ce qui s'était passé. « Alors on ne comptait pas en parler à qui que ce soit. » Tu hausses doucement les épaules pour soutenir tes dires. Quand Tahlia te fait comprendre que tu ne devrais pas prendre tes distances avec Concho, ce n'est pas ces mots-là qui attirent ton attention mais plutôt : lui, on peut encore le rattraper. Que veut-elle dire par-là ? Que c'est déjà trop tard pour elle ? Qu'elle est déjà dans ce cercle vicieux que tu ne connais que trop bien ? « Tu essaies de me dire qu'il est trop tard pour toi ? » Demandes-tu doucement, la voix remplie d'inquiétude. Même si vous êtes en froid aujourd'hui, tu ne cesseras jamais de t'inquiéter pour Tahlia parce qu'elle compte énormément à tes yeux et qu'elle comptera toujours. Quand tu vois à quel point elle est mal, ta colère ne peut que s'envoler. Malheureusement, il est peut-être trop tard pour te réveiller et l'ex-policière te le fait bien comprendre. Le fait qu'elle te repousse t'agace légèrement mais tu tentes de ne pas le montrer, fronçant simplement les sourcils en la détaillant du regard. « On s'est éloignée, oui, mais on n'est pas devenue pour autant de parfaites inconnues, Tahl'. J'vais pas t'obliger à me parler parce que t'es comme moi, quand tu ne veux pas, tu ne veux pas. Mais sache que malgré tout, je m'inquiète. » Affirmes-tu avant de sentir ton inquiétude grimper davantage en entendant ses mots. Elle emploie des termes qui t'alarment et tu ne sais pas quoi dire ou faire pour l'aider. Tu as l'impression que l'australienne n'acceptera pas ton aide, dans tous les cas. « Tu ne peux pas me dire des mots comme ça et espérer que j'te laisse tranquille après ça... Si tu n'as pas envie de me parler, promets-moi que tu parleras à quelqu'un d'autre. » L'implores-tu du regard. Malheureusement, tu ne sais pas si Tahlia te dira oui pour te faire plaisir ou si elle tiendra réellement sa promesse.

Elle l'avait dit. Elle avait mis les mots sur ce qui la rongeait. Oui, Tahlia avait été envieuse, jalouse de Freja. Quand Freja lui reprochait de s'intéresser aux mêmes hommes, Tahlia, elle, gardait cette impression de n'être que la bonne deuxième, celle qui tentait de prouver, en vain, qu'elle avait aussi de la ressource. La norvégienne semblait surprise de ces mots, puisqu'elle chercha à en savoir plus. Dans un soupir, Tahlia répondit : « C'est toi qui as tout, Freja ! Tu es une très bonne amie et c'est pour ça que ton cercle d'amis est aussi fourni. Tu attires le regard des hommes, le regard des femmes. Tu es intelligente, ambitieuse, compétente. Et même ici, au 17, tu es le pilier, celle qui nous rassemble. Et tu ne te rends pas compte de tout ça... » Tahlia la mettait sur un piedestal, il était vrai. Voilà pourquoi elle avait toujours en travers de la gorge l'attitude que la jeune Ivanova avait eu quand elle avait débarqué chez Landon, en croyant qu'ils avaient couché ensemble. C'était comme si elle croyait que Tahlia était un danger potentiel, telle la succube qui posait son regard sur les hommes qui intéressaient Freja, alors que... « A côté de ça, j'ai l'impression d'être une sous-merde. Et ce n'est pas qu'une impression puisque Landon l'a dit lui-même. » Comment était-ce possible d'avoir une image digne d'elle quand on entendait de telles paroles, quand on lui faisait payer chèrement ses erreurs ? Une erreur comme cette soirée avec Concho, dont elle ne soupçonnait pas la relation intime qu'il avait avec Freja. Freja s'expliqua brièvement sur ce qui liait les deux colocataires. Ça ne devait être qu'une histoire d'un soir... Tahlia comprit qu'il y avait désormais bien plus. Et avec fracas, elle s'était mêlée à cette histoire, sans connaître la portée de ses actes. « Désolée. J'étais loin d'imaginer tout ça. » dit-elle de nouveau, incapable de dire quoique ce soit de plus, puisque cela ne servait à rien de se justifier davantage. Elle avait déjà tout dit et cela se voyait qu'elle regrettait. Si elle ne pouvait pas se rattraper, en revanche, elle comptait bien blanchir Concho, montrer à Freja qu'il avait besoin d'elle. Pourtant, Freja s'attarda sur une toute autre phrase, qui concernait directement Tahlia. « J'essaye de ne rien dire du tout. » répondit-elle en secouant la tête. Là n'était pas la question, de toute façon. Elle voyait pourtant l'inquiétude dans les yeux de Freja, mais Tahlia s'était butée. Et quand elle l'était, on savait qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible, du moins sur l'instant. Qui mieux que Freja pouvait comprendre cela ? Quand tu ne veux pas, tu ne veux pas, disait-elle. « On est au moins pareils sur cette chose-là. » Et au fond, c'était sûrement ce qui avait envenimé leur relation. Ne pas vouloir parler. Ne pas vouloir mettre de l'huile sur le feu en s'expliquant sans filtres. Freja et Tahlia avaient cru passer au-dessus en jouant à l'autruche, mais elles s'étaient trompées sur toute la ligne. C'était vrai, elles n'étaient pas devenues de parfaites inconnues, mais... « Quelque chose s'est brisé, malgré tout. » Et c'était dur de le dire. Pourtant, elle voyait l'inquiétude dans les yeux de Freja, et c'était quelque chose qui lui réchauffait le cœur. Mais elle n'arrivait pas à s'ouvrir davantage, à mettre des mots sur ce qui la blessait tant, sur ce mal qui la rongeait. « Tu n'as pas à t'inquiéter, je ne compte pas sauter du premier pont que je vais croiser. » murmura-t-elle en posant son regard sur elle. « Mais promis, j'en parlerai... » C'était une autre promesse lancée à la volée. Comme elle l'avait fait avec Juliann, sur cette cocaïne à ne pas prendre seule. Comme d'autres suivront probablement. « Et toi, promets-moi d'aller voir Concho. » Elle revenait dessus, certes, mais cela lui tenait vraiment à cœur. Elle les aimait tant, ces deux-là, que cela la ficherait en l'air d'avoir contribué à un éloignement, même temporaire...  

Il te faut quelques secondes pour assimiler les mots de Tahlia. On ne peut pas dire que tu les acceptes et encore moins que tu es d'accord avec tout ce qu'elle dit mais tu dois bien l'avouer, savoir qu'elle a une telle image de toi fait chaud au coeur. Une image erronée, certes, mais l'intention est là. Pourtant, tu ne peux pas la laisser croire tout ce qu'elle dit parce qu'à tes yeux, la force du #17 c'est vous tous et l'amitié que vous partagez. Pas toi, en particulier. « J'attire le regard parce que j'en joue, Tahl'. Mais le résultat est toujours le même, à presque vingt-sept ans, j'suis toujours toute seule. » Affirmes-tu pour atténuer un peu cette image "parfaite" que ta colocataire semble avoir de toi. « La force du #17 c'est nous tous. Pas seulement moi, j'aurais l'air d'une belle cruche toute seule. » Ajoutes-tu en riant légèrement. Mais ton rire n'est que de courte durée et se brise rapidement quand la brune parle de Landon qui l'aurait qualifiée de "merde". Encore une chose que tu peux reprocher à l'anglais, visiblement. « Oh come on... Landon est doué pour blesser les autres avec des mots. Il n'a pas besoin de se battre parce qu'il est capable de mettre les autres à terre avec de simples mots. Tu ne dois pas t'arrêter à son opinion Tahlia. Tu es loin d'être une merde, c'est même tout le contraire à mes yeux. » Et sans doute aux yeux de beaucoup d'autres aussi. Parce qu'elle n'en a peut-être pas conscience mais l'ex-policière aussi, est bien entourée et de personnes sincères, vraies. Même si la vie ne semble pas vous épargner, toutes les deux, vous avez au moins la chance d'avoir de bonnes personnes autour de vous. Et ça, tu en es bien consciente. Tu hausses les épaules quand la brune s'excuse, ne s'imaginant pas une seule seconde ce qu'il pouvait se passer entre Concho et toi. Tu ne peux pas vraiment l'en blâmer car personne ne pouvait l'imaginer et encore moins l'envisager. C'est sans doute la relation la plus improbable qu'il soit et pourtant, ça fonctionnait si bien entre vous deux. Malheureusement, aujourd'hui, tu n'es plus sûre qu'il reste quoi que ce soit à sauver parce que tu en veux beaucoup plus à ton colocataire qu'à Tahlia, dans le fond. Néanmoins, tu ne t'attardes pas là-dessus, tu as déjà dit tout ce que tu devais dire à ce sujet et surtout, l'état de ta colocataire et les mots qu'elle emploie t'inquiètent bien plus. Tu es persuadée que, derrière ses mots, il y a quelque chose de plus profond, de plus sombre et le fait qu'elle refuse de t'en parler, à cause de la distance qui s'est immiscée entre vous, te fait beaucoup de peine. Quelque chose s'est brisé, oui. Mais est-ce vraiment irrémédiable ? Dans l'esprit de la brune, ça semble l'être en tout cas. Alors, résignée, tu lui demandes d'en parler à quelqu'un d'autre et de t'en faire la promesse. Ce que Tahlia fait mais, malgré tout, tu as du mal à percevoir la sincérité dans sa voix. Tu la regardes durant quelques secondes, les sourcils froncés, avant d'hocher la tête. « J'suis désolée de ne plus être la personne à qui tu as envie de te confier, Tahl'. Je sais bien que je suis responsable de cette situation, moi aussi, et je m'en veux. » Conclus-tu, parce que tu ne veux pas que ta colocataire pense être la seule responsable. A tes yeux, les torts sont partagés. Tu soupires, quand elle te demande de tenir une promesse, à ton tour, une qui concerne votre colocataire. De toute façon, c'était dans tes plans mais tu ne peux pas lui promettre que les choses s'arrangeront, par contre. « On doit avoir une discussion, je le sais, mais j'ai besoin d'un peu de temps. Laisse-moi quelques jours puis j'te promets que j'irai lui parler. » Dis-tu, prête à tenir ta promesse, contrairement à la brune.

C'était tellement dur de mettre des mots sur ce que ressentait Tahlia. Parce que c'était honteux. Honteux de dire à quel point on enviait quelqu'un. Même si ce quelqu'un, on le mettait sur un piédestal. La brune n'avait jamais eu l'occasion de dire tout ce qu'elle pensait de Freja. Souvent, c'était les mauvais mots, ou sortis de leur contexte, qui avaient été retenus. Mais derrière tout cela, il y avait une fascination, une admiration vraie et sincère. Simplement, Freja semblait vouloir minimiser les propos de la brune, évoquant ce jeu qu'elle menait avec son entourage, évoquant cette solitude qui lui collait à la peau. Tahlia secoua la tête et répondit aussitôt : « Tu n'en joues pas, Freja. Tu sais utiliser tes charmes, c'est tout. Mais même sans ça, on est obligé de poser un regard sur toi. » Même quand elle n'était pas coiffée, pas maquillée, qu'elle restait discrète dans son coin, elle était le genre de personnes vers qui on voulait se déranger. Quant au reste... « J'en ai bientôt trente-et-un et je suis seule aussi. Tu as encore quatre années devant toi avant que ça ne devienne désespérant. » ajouta-t-elle avec un léger sourire désabusé. Avant que les seules questions ne soient « et l'amoureux ? » « Et le mariage ? » « et la maison ? » « et l'enfant ? ». A croire qu'en dépassant trente ans, il fallait avoir la parfaite vie de famille. La brune ramena son attention sur la colocataire, haussant légèrement les épaules quand elle parla du 17. C'était eux tous qui rendaient cette colocation atypique, mais il fallait dire que Freja et Concho jouaient les parfaits animateurs. Mais Freja rebondit rapidement sur ce qui faisait du mal à Tahlia : les mots de Landon. Ces putains de mots qui l'avaient poussée à prendre cette putain de cocaïne. Elle savait comment il était, pourtant. Elle savait qu'il était très fort pour blesser les autres. Il avait réussi à le faire avec Woody. Il l'avait aussi fait avec Tahlia. « Je sais qu'il est très fort à ce jeu. Mais son opinion, même si elle est complètement surfaite, c'était la goutte de trop. » Mais les mots de Freja, cette conviction avec laquelle elle disait que Tahlia n'était pas une merde la poussèrent à dévier le regard, touchée, reconnaissante, même. Mais ça mettrait du temps avant que cela ne fasse son chemin dans la tête de mule de Tahlia. En tout cas, tous ces non-dits, cette jalousie mal placée, ces intérêts pour les mêmes hommes et ces petites heures avec Concho étaient bien trop puissants pour être oubliés par ces jolis mots qu'elles s'échangeaient. Il fallait que ça explose. Il fallait que leur amitié en prenne un coup, qu'elles s'éloignent pour – peut-être – mieux se retrouver ensuite. Mais à cet instant, elle n'en avait pas l'envie. Elle le disait, quelque chose s'était brisée. Quelque chose qui l'empêchait de s'ouvrir pleinement, d'évoquer ce mal-être qui l'étouffait quotidiennement. C'était trop sombre, même si elle avait en face d'elle la meilleure interlocutrice. Freja aussi était passée par là. Tahlia n'avait pas su être là à ce moment-là et c'était une culpabilité qui ne la quittait pas. Pourtant, elle faisait la même chose aujourd'hui avec elle. Elle la gardait loin. Par peur, par honte, par instinct de protection aussi. Mais quand Freja s'excusa à son tour, sous-entendant qu'elle était aussi fautive dans l'histoire, l'ex-policière sentit l'étau autour de son cœur se desserrer un peu. Tahlia était aussi le dindon de la farce dans l'histoire, perdue entre les cachotteries de ses deux colocataires. Elle ne devait donc pas se mettre la faute uniquement dessus. « ça me désole aussi... » conclut-elle, cependant. Mais soit, si elle était incapable de se confier à cet instant, elle préférait au moins contribuer à sauver ce qui restait entre Freja et Concho. Elle avait compris que c'était une relation qui leur tenait à cœur. Autant croire qu'il y avait encore un peu d'espoir et que cette promesse y contribuerait un peu. Tahlia sentit la sincérité dans les mots de son amie. « Peu importe le nombre de jours qu'il te faudra, du moment que vous ayez une conversation... » Et ils l'auront, cette conversation, elle le savait bien. Tahlia garda un regard sur sa colocataire alors qu'un silence prenait doucement place. Un silence pesant. C'était le genre de silence qui s'installait quand il n'y avait plus grand chose à dire. « Bon... je... je passais juste pour récupérer quelques affaires. Il faut que j'y aille. » Tahlia secoua la tête, dépitée par les retombées de cette conversation, par ces non-dits qui avaient été enfin révélés et qui la submergeaient de tristesse, même si elle ne laissait rien transparaître. « Bonne soirée, Freja. » conclut-elle avant de traverser le salon et disparaître dans sa chambre, où elle laissa couler cette larme qu'elle retenait tant et qui symbolisait une amitié qui allait être difficile à reconstruire. Si tant est qu'il y avait encore quelque chose à sauver...

Fin