Game2 : Winter [ft. Annushka]

Dimanche. Personne dans mon pieu. Un peu de répit, c'est dans les rues commerçantes de Bowen que je vais gambader en espérant y trouver quelque chose à faire. On dit de New York que c'est une ville qui ne dort jamais. Est-ce que l'Australie a une ville aussi animée? Non. En plus je ne sais même pas pourquoi je me pose la question et je persiste alors que ça fait 4 ans que je me dis la même chose sans jamais n'avoir rien à faire. Faut être con non? Ou avoir de l'espoir vu que l'espoir fait vivre. Chacun a sa vision de la chose. J'aime penser que je suis un éternel optimiste. Voilà. Une façade d'un restaurant qui est soi-disant concentré sur la nourriture russe, j'arque toujours le même sourcil, pensant réellement que je devrais leur donner un coup de main tellement ils me font de la peine. J'attrape un baluchon, pour une fois dans ma vie je fais ce que j'ai réellement en tête et qui pourrait être utile, attrapant par la même occasion un crayon pour y écrire les recettes de mes parents et de ma grand-mère. Babushka rpz, c'est pour toi que je fais ça. Je m'accroupis, posant un genou au sol, l'autre me servant de support, c'est en me récitant la recette à voix haute que je saurais mieux s'il me manque des éléments. "Итак...Говядина, грибы, лук, мука, мускатный орех, чеснок, горчица, бульон, крем-фреш и лимонный сок..." Oui je suis littéralement en train de leur écrire chaque ingrédient de la première recette qui me vient en tête; le boeuf Stroganoff. Après ça, je vous assure que ce restaurant méconnu ramènera de la clientèle et ça sera grâce à moi. Je crois que je leur demanderai un pourcentages sur leur commission par contre, histoire que ce ne soit pas en vain. Comment ça je trouve mon intérêt dans tout?

Comme toutes les semaines, Annushka faisait ses courses en ville. Elle aimait, souvent, passer au marcher. Elle essayait de manger sain, de manger local, aussi. Mais parfois, la nostalgie de sa Russie était trop grande, alors, elle allait acheter des produits russes. Enfin, ce qu'on pouvait trouver à Bowen qui s'en rapprochait à vrai dire. Ce n'était qu'une petite ville, alors il ne fallait pas trop en espérer. Elle avait mangé dans le restaurant qui se revendiquait russe, une fois. Mais on voyait bien que les propriétaires n'étaient pas des natifs du pays, et la cuisine avait semblé un peu décevante à la jeune femme. Mais à quoi s'attendait-elle après tout ?

Alors qu'elle repassait par hasard devant le restaurant, elle entendit des murmures, des murmures qui attirèrent immédiatement son oreille. Elle s'arrêté et, cherchant du regard, elle vit un jeune homme qui semblait marmonner une liste d'ingrédients en russe. Une liste de course peut être ? Un net sourire aux lèvres, la jeune femme s'approcha de lui, lui adressant la parole dans la même langue. Une langue qu'elle avait si peu pratiqué dernièrement.

-Oh bonjour, tu es Russe ? Tu travailles pour le restaurant ?

Cela lui faisait chaud au cœur de prononcer ces mots, de sentir sa langue délier l'accent qu'elle essayait toujours de réprimer quand elle parlait anglais.

Un cri strident et viril à zéro pourcent en entendant une voix féminine de nulle part, je tourne la tête vers la brune qui semble obnubilée par la langue parlée, langue qui est d'ailleurs sienne. Je fronce légèrement les sourcils, étant un petit peu inquiet par ce genre d'approche. "Je... Oui. Je suis bien russe et non je ne travaille pas pour ce restaurant." lui répondis-je dans la langue qui nous unie. Un sourire pincé, je regarde mes notes. Que suis-je censé lui dire? "Je suppose que tu es aussi russe... Tu voulais bouffer ici? Cherche pas, c'est nul. Ça rappelle pas les petits plats préparés par Babushka." J'hausse les épaules. "J'essaie de leur donner des tuyaux si ça t'intéresse voilà." Superbe conversation n'est-ce pas? Un hochement de tête, celui qu'on a quand on ne sait pas quoi dire, celui qui dit "ouais ouais ouais" ou encore "fin voilà voilà voilà". Ce genre de truc quoi. "Tu fous quoi en Australie toi? T'es venue en touriste?" lui demandais-je. "Il n'y a absolument rien à faire le dimanche si tu veux tout savoir." Autant l'en informer.

Annushka sursauta en entendant le cri du jeune homme devant elle. Elle ne pensait pas qu'elle lui ferait peur. Elle aurait sûrement dû s'annoncer avec plus de délicatesse et de prudence. Elle s'était laissé emporter par l'enthousiasme d'entendre sa langue. Se rendant compte qu'elle l'avait effrayé, elle recula d'un pas, baissant le regard, penaude.

-Désolée de vous avoir surprit.

La brunette hocha la tête en signe de négation quand il lui demanda si elle avait l'intention de manger ici. Ils semblaient tous les deux avoir eu les mêmes déconvenues avec ce restaurant.

-Non j'y ai déjà mangé, peu de temps après mon arrivée. J'ai constaté aussi que c'était... pas au mieux.

Annushka avait du mal à dire du mal de qui que ce soit, et de quoi que ce soit. Elle n'était donc pas virulente dans ces propos, et puis, les propriétaires du restaurant ne méritaient pas qu'elle le soit d'ailleurs, ils faisaient sûrement de leur mieux. Mais un sourire vint élargir ses lèvres alors qu'il lui confiait vouloir leur donner des tuyaux. La jeune femme trouvait l'idée très bonne.

-C'est vrai ? C'est cool ! Peut-être qu'on pourra venir manger ici sans être déçu si ça porte ses fruits. Quelle recette est-ce que tu leur écris ?

La jeune femme rougit légèrement quand il lui demanda ce qu'elle faisait en Australie. Elle était un peu timide, et puis, disons qu'elle avait un peu honte de sa dépression et de ce qui était lié.

-Ah euh, non, ça fait un petit moment que je suis ici à vrai dire...

Elle se mordit l'intérieur de la joue, détournant le regard.

-En fait je... Je suis venue chez une de mes tantes. Ma famille a pensé que ça me ferait du bien.

Elle glissa une main dans ses cheveux, reprenant un peu contenance avant de reposer son regard sur lui.

-Et toi, pour quelle raison est-ce que tu as migré ici ?

"Ça ne fait rien." lui répondis-je en fronçant légèrement les sourcils, gêné. Disons que j'ai rapidement peur de tout et de rien donc il ne faut pas que les autres en tiennent rigueur. Je tente de lui donner un conseil en lui interdisant presque de venir ici mais apparemment elle n'a pas eu besoin de moi pour constater la médiocrité de leur nourriture. Je lui explique donc mon plan qu'elle semble apprécier. "Pour l'instant le boeuf Stroganoff. Je ne sais pas quoi leur suggérer encore." J'arque un sourcil. Il y a tellement de plats typiques de chez nous que je ne saurais lesquels leur énumérer. "Si tu as des idées n'hésite pas. Viens t'asseoir avec moi." lui proposais-je en tapotant le sol tout en lui tendant un stylo et une feuille de papier. "Et ça t'a fait du bien? Ils te pensaient trop turbulente ou quoi?" lui demandais-je. Ce qui serait assez comique sachant qu'elle a l'air d'une personne angélique. "Y'a une petite partie de ma famille ici. J'suis venu retrouver mon cousin." J'hausse les épaules. Bon, il y a aussi l'histoire d'un meurtre mais je ne pense pas que ce soit l'un des sujets qu'on exploite à la première rencontre surtout que je ne l'assume toujours pas. Même au bout de 4 ans. Je me suis fait à l'idée qu'il est mort mais que j'en sois le responsable... "Tu crois que je devrais leur proposer de la borshtch? Ou encore des pielmenis? Est-ce que tu crois que je leur dis que pour se la jouer bien russe du côté de la Sibérie, on les fait parfois avec de l'ours?" lui demandais-je avec un large sourire sur les lèvres. "Après si tu as autre chose à faire de ta journée, n'hésite pas à me le dire. Je ne te retiendrai pas." lui dis-je avec un petit clin d'oeil.

Annushka acquiesça d'un signe de la tête, pensive, alors qu'il évoquait le bœuf Stroganoff. C'est vrai qu'elle avait beaucoup aimé ça, plus jeune, avant de changer de régime alimentaire.

-Oui c'est déjà un bon début, c'est un plat incontournable après tout.

Elle esquissa un sourire quand in l'invita à s'asseoir prés d'elle et décida de ne pas se faire prier. Elle s'installa à côté de lui et prit le papier et le stylo, pensive. Sa question la fit d'ailleurs légèrement rougir, la gênant quelqu'un peu. Ça lui rappela inévitablement la raison pour laquelle elle se retrouvait perdue en Australie.

-Non en fait... Je suis... Enfin, j'étais ballerine. J'ai eu un accident de voiture, ma cheville a été touchée et les médecins ont dit que même avec la meilleure rééducation du monde, je ne pourrais jamais plus pratiquer la danse à mon meilleur niveau. Alors j'ai dû faire une croix sur ma passion, mon métier et... mes proches se sont dit qu'ici ce serait peut-être plus facile. Je ne sais pas si ça a été le cas, je tourne doucement la page, je ne sais pas comment auraient été les choses si j'étais restée là-bas.

Elle se mordit la lèvre, secouant la tête.

-Excuse-moi, je parle trop.

Elle hocha doucement la tête quand il lui raconta qu'il était venu retrouver son cousin.

-Et tu n'as pas trop le mal du pays ?

Elle se mit à rire quand ils évoquèrent quelques plats traditionnels et en particulier le cas de l'ours. Elle secoua la tête, amusée, et un peu pensive.

-Pour tout t'avouer, je suis végétarienne, alors je plancherai plus sur des choux farcis, de la soupe comme la solianka, des salades de champignons... Surtout qu'ici, c'est sûr et certain qu'ils ne trouveront aucun ours à mettre dans les pielmenis !

Elle arrangea une mèche de ses cheveux derrière son arrière avant de tourner son regard vers le sien, un doux sourire sur les lèvres.

-Ne t'inquiète pas, je n'ai rien de particulier de prévu. Et je crois qu'il n'y a pas meilleure thérapie que de parler de la maison.

Un petit air satisfait sur le visage en entendant son approbation. Il est vrai que c'est l'un des plats typiques de chez nous mais nous n'avons pas que ça non plus. Une discussion s'enchaîne rapidement cependant, le pourquoi du comment deux russes finissent dans l'autre hémisphère. J'arque un sourcil en l'écoutant me raconter son histoire. "C'est pas bien joyeux c'que tu m'dis là." lui répondis-je d'un air compatissant. "Et il n'y a absolument aucun moyen pour que tu reprennes maintenant? Ca fait combien de temps?" Curiosité quand tu nous tiens. Je suis comme un gosse à qui on raconte une histoire, je veux savoir tous les détails alors que ce n'est pas forcément marqué dans le livre, forçant les parents à inventer autre chose pour les satisfaire. "Et moi je pose trop de questions. Chacun son truc." Un sourire amusé par la situation, je lui adresse même un clin d'oeil par la même occasion avant qu'elle ne me pose une question qui pourrait être presque fatale. "Je... Je ne sais pas trop." Je fronce les sourcils. "Le froid me manque de la Russie. Ma mère me manque aussi. Après en soi... Pas vraiment en fait." J'hausse les épaules. Ca me rappelait bien trop de malheur par la même occasion puis même si je devais y retourner, l'herbe est toujours plus verte ailleurs. Un changement de sujet, les plats. Je penche légèrement la tête sur le côté. Elle n'a pas tort au sujet de l'ours. "Oui et au pire ça plaira à tout le monde. Surtout aux personnes qui veulent se la jouer étranger mais sain en même temps. Des légumes, ils vont pas culpabiliser de s'être défoncé le bide." rétorquais-je tout en écrivant la recette sur le calepin que je tiens en main. "C'est une façon de voir les choses je suppose." lui répondis-je, sourire éphémère avant de me repencher sur ma feuille. "Si tu n'es plus danseuse, tu es quoi maintenant alors?" Je tourne ma tête en sa direction.

Annushka se mordit légèrement la lèvre alors qu'il lui faisait remarquer que ce qu'elle lui racontait était loin d'être joyeux. Elle n'essayait pourtant pas de faire baisser le moral des gens.

-Désolé...

Elle hocha négativement la tête à sa question, décidément, elle ne risquait pas de rendre la conversation plus joyeuse.

-Non les médecins ont été formels... Je peux danser, mais plus jamais à haut niveau comme je le faisais avant. Ça fait deux ans maintenant que j'ai eu mon accident.

Elle finit par lever les yeux vers, lui adressant un sourire.

-Ce sont des choses qui arrivent.

Annushka pensait sa question simple, ou plutôt, naturelle, mais ça n'était vraisemblablement pas le cas de Vassili. Elle finit par lui sourire alors qu’il avouait que sa mère et le froid lui manquait et acquiesça d’un petit signe de tête.

-La neige… Je crois que c’est ce qui commence à me manquer le plus. Faire des batailles de boule de neiges, des bonhommes de neige, s’enfoncer jusqu’aux genoux…

Elle esquissa un sourire avant de secouer doucement la tête. Evidemment, sa famille lui manquait un peu aussi, mais ils échangeaient souvent et elle savait qu’ils allaient bien. Elle essayait de leur faire croire qu’elle allait bien, elle aussi. Elle n’avait pas le droit de les rendre malheureux à cause d’elle.
Annushka se mit à rire aux paroles de son compatriote. Effectivement, il n’avait pas tort. Sans doute que la force des cuisiniers était d’adapter des plats traditionnels pour coller au goût des étrangers.


-C’est vrai, mais ils arriveront bien à culpabiliser pour autre chose.

Elle leva les yeux vers lui à sa question. Ce qu’elle était maintenant ? En dehors de l’ombre d’elle-même, on ne pouvait pas dire qu’elle était réellement à plaindre.


-En arrivant ici j’ai donné quelques cours de danse, et puis un ami m’a embauché comme vendeuse dans sa pâtisserie, Imogen. Et toi, qu’est-ce que tu fais ?