get lucky + annushka

Ça fait maintenant plus d’un mois que j’erre dans les rues de Bowen à la quête de nourriture, vêtements et logis. Les gens m’ignorent avec ma canne de monnaie que je bouge devant chaque passant. Ils m’ignorent tous. Ce que je fais lorsque je reçois la somme, je la donne à des gens moins fortunés et je prends mon propre argent pour vivre avec ces menus moyens. Je traîne dans les rues et j’ai découvert un petit café avec des poubelles plutôt intéressantes qui jettent des sandwichs déjà emballés lorsqu’ils sont périmés. Habituellement, j’en prends un pour moi, un pour mon chien et l’autre pour Noé quand j’ai la chance d’en trouver trois. Ce soir, j’en trouve cinq et c’est le pur bonheur ! « Hourra ! » m’exclamais-je en riant joyeusement. « T’as vu Einstein, tout ce qu’on récolte, ce soir ! » Alors que le chien semble aussi heureux que moi, je le caresse pour ouvrir une sandwich et la donner à mon chien. Je relève la tête et je vois une femme qui m’observe. Un peu maladroit sans doute, je lui tends la main avec une autre sandwich. « Vous en voulez une ? Elles sont encore fraîches, vous avez de la chance ! » m’exclamais-je avec un grand sourire en regardant les sortes. « Poulet ou jambon, habituellement, ce sont celles aux œufs qui reste. » Minuit et quart, la nuit est sombre et j’me demande où elle va actuellement.

Il était plus de minuit et Annushka n'avait pas vraiment l'habitude de traîner dans les rues à cette heure. Ca lui faisait même un peu peur à vrai dire. Elle ne savait pas si les rues ici étaient moins sûre qu'en Russie mais elle n'avait pas non plus l'intention d'en faire l'expérience. L'ex-ballerine était souvent poule mouillée, ou prudente pour certains.
Mais ce soir elle s'était entraînée beaucoup plus longtemps que prévu. C'était le gardien qui avait été la prévenir que c'était l'heure qu'il ferme le gymnase. Alors elle s'était changé, puis elle avait mit son sac sur son épaule et s'était dirigée vers la mer. Elle s'était assise sur la sable et avait fixé longuement l'océan. Sa jambe encore en convalescence la lançait un peu. Il faut dire qu'elle ne la ménageait pas assez. Elle avait sûrement tort. Elle s'était perdue dans ses pensées, dans la contemplation de l'océan, dans ses souvenirs et sa nostalgie. Puis d'un coup elle eut l'idée de regarder l'heure... Oui, il était vraiment tard.
La brunette se retrouvait donc là, à emprunter les rues bien tard. Heureusement, elle n'avait encore rencontré personne qui aurait pu lui faire peur. Elle arrivait presque chez elle quand elle vit un spectacle un peu étrange. En effet, un homme était entrain de fouiller dans des poubelles. Ca n'avait, en soit, rien d'exceptionnel mais elle ne put s'empêcher de le fixer, lui et son chien, lui semblait si heureux d'avoir trouvé de quoi manger ce soir. Annushka était d'une nature douce et généreuse, peut-être un peu trop et pendant quelques instants elle imagina toutes les souffrances que ce pauvre homme pouvait endurer dans cette rue. Et puis son chien aussi... Il la sortie bien vie de ses pensées, lui proposant un sandwich.

-Hein ? Ah.. Non merci...

Elle bégayait, trouvant cette situation vraiment étrange.

-Mais je... Je peux faire quelque chose pour vous ?

Elle était hésitante, presque un peu tremblante. Mais elle repensa qu'en ce moment sa tante n'était pas à la maison, qu'elle y était seule. Seule, ça voulait aussi dire que si cet homme décidait de l'attaquer il n'y aurait personne pour la défendre. Mais, il avait l'air si gentil...

-Je... j'ai à manger, chez moi. Ce sera sûrement bien meilleur que ça. Venez... Je n'ai que des croquettes pour chats mais peut-être que ça ira pour votre chien ?

Elle ne pouvait décemment par laisser ce pauvre homme dans sa misère sans rien faire. Qu'avait-il pu faire, après tout, pour mériter un tel sort dans l'indifférence générale ?

La jeune femme refusait d’instinct mes trouvailles et je haussais donc les épaules. Ça en ferait plus pour nous. J’en ouvrais une à l’instant pour m’empiffrer parce que je n’avais pratiquement rien mangé de la journée. C’était délicieux. Einstein me regardait toujours comme s’il avait encore faim et pourtant, de nous deux, c’était lui qui mangeait le plus. Je lui donnais les dernières croûtes avec un sourire aux lèvres pour ensuite essuyer mes mains sur mon-t-shirt. « Mais je ... Je peux faire quelque chose pour vous? » Intrigué, je la regardais en fronçant les sourcils. « Que voulez-vous dire? Ou faire plutôt? » Je la regardais sans trop saisir alors qu’Einstein s’assoyait sagement et penchait la tête du même côté que moi alors qu’on observait la nouvelle arrivante des ruelles. Elle poursuivait en expliquant qu’elle avait à manger et que ce serait sans doute meilleur que ça. Je n’en doutais pas une seule seconde. Puis, elle pensait à Einstein. J’aimais déjà cette femme. « Vous êtes une bénédiction tombée du ciel, mademoiselle. Einstein adoooore la nourriture, mais il adore aussi les chats. » Il ne m’en fallait pas plus pour me mettre à la suivre. Je regardais la jeune demoiselle à qui je ne donnais pas plus d’une vingtaine d’années. « Et puis-je connaître le nom de ma sauveuse d’un soir? » lui demandais-je avec un charmant sourire colgate, les yeux pétillants de bonheur devant tant de bonté.

Voir cet homme s'empiffrer attristait davantage la brunette. Ca montrait bien qu'il n'avait pas dû manger grand chose aujourd'hui, parce que se risquer à avaler tout rond un sandwich périmé... Elle était un peu inquiète des conséquences que ça pourrait avoir. Et s'il tombait malade ?
L'homme sembla d'abord intrigué par sa demande, tout comme le chien d'abord, puis très réceptif, ce qui fit sourire la jeune femme, lui arrachant même un rire quand il précise qu'Einstein, qui devait être le nom de son chien, adorait les chats.

-Il ne faut pas qu'il mange ma chatte, je l'aime quand même.

Elle savait la rivalité qu'avait ces deux espèces d'animaux. L'homme semblait si heureux de son intervention qu'elle ne pouvait qu'être plus fière encore de sa future bonne action. Elle, elle n'était pas spécialement heureuse en ce moment. Mais donner un peu de bonheur aux gens l'éclaboussait au moins un peu.

-Je m'appelle Annushka, et vous ?

La jeune femme ne pouvait absolument pas cacher ses origines russes. Déjà par son prénom, mais aussi par son accent qui subsistait plus ou moins, surtout dans ses roulements de R. Il lui avait emprunté le pas pour l'accompagner jusqu'à chez elle. Sa maison n'était plus très loin à présent. Ils devraient ne pas tarder à y être.

-Où est-ce que vous dormez d'habitude ? Ca ne vous fait pas trop de peine de marcher ?

« Non, il ne mange pas les chats. Par contre, il adore se coller contre eux, faire leur toilette ou jouer parfois même... » Je gardais un petit sourire aux lèvres en caressant la tête du chien qui avançait sagement à mes côtés. Il ne se sauvait même plus. Il avait eu une rude éducation un peu plus tôt lorsque nous étions à Sydney, mais plus maintenant. « Enchanté Annushka, je m’appelle Adrian. Je vous remercie encore une fois pour votre gentillesse. » J’entendais ses R rouler dans sa bouche à chaque mot qu’elle prononçait, je remarquais cette démarche particulièrement européenne de sa part. Néanmoins, je trouvais sa bonté déroutante et je la trouvais fort intéressante. Elle aurait sans doute une place de choix dans mon doctorat! Puis, elle me demandait où je dormais d’habitude et si ça me dérangeait de marcher. « Ça ne me dérange pas le moindre du monde! Ça me fait garder la forme! » m’exclamais-je vivement avec un grand sourire. Quant à sa première question, je tentais d’y répondre adéquatement. « Vous n’aimerez sans doute pas la réponse, Mademoiselle Annushka. » Je passais ma main dans mes cheveux un peu maladroitement. « Disons que j’ai un endroit particulier dans le parc qui m’évite les regards des autorités... » Je haussais simplement les épaules sachant que dormir sous les ponts n’était pas forcément recommandé, ni même légal. Les gens posaient habituellement que très rarement ce genre de questions. Néanmoins, je conservais un certain QG sans même me l’admettre bien que j’aimais me balader d’endroits à endroits entre les rues de Bowen.

Annushka eut un sourire quand l'homme lui expliqua que son chien aimait jouer et câliner les chats. Cette brave bête semblait bien aussi adorable que son maître.

-Je ne sais pas si Anastasya sera aussi attentionnée... Elle est un peu peureuse parfois.

C'était plutôt un chat de salon après tout.
Est-ce que tous les sans-abris étaient ainsi à Bowen ? A Moscou, elle en avait toujours eu très peur. Il faut dire que la plupart étaient très alcoolisés. Ils devaient quasiment trouver plus facilement de la vodka que de l'eau faut dire...

-Ne me remerciez pas tant c'est... normal. Je crois.

Peut-être pas. Peut-être que la norme c'était plutôt de fuir les sans-abris, de tracer son chemin comme s'ils n'existaient pas, ces marginaux de la société qui n'avaient pourtant rien fait à personne. Mais il fallait croire que ce soir Annushka s'était prise d'un devoir de sauver l'humanité.
Elle eut un sourire quand il lui dit que ça lui faisait garder la forme. Oui sûrement... Pour elle marcher était encore un peu une torture après tant d'heures d'entraînement, mais dans peu de temps cela reviendrait à la normale, surtout si elle devenait un peu moins inconsciente. Il lui avoua, enfin, dormir dans un parc de Bowen, ce à quoi elle répondit avec un léger sourire.

-Je suppose que c'est mieux que la rue.

Enfin, ils arrivèrent devant chez elle. Annushka ouvrit donc la porte de la petite maison avant d'allumer la lumière, faisant un léger bruit de bouche à l'attention du chat de la maison, une bleue de Russie aux poils longs, couchée comme un pacha sur le dossier du canapé.

-Je suis rentrée Nastasya.

Elle invita Adrian à entrer avant d'entrer à son tour, posant son sac et retirant son manteau.

-Si vous voulez, vous pouvez prendre une douche pendant que je prépare à manger ? Ou même un bain ?

Lorsqu’elle me parlait d’Anastasya, je me disais que ce devait être le chat en question qui était peureuse. Je gardais un sourire aux lèvres. « Ce chien sait comment rendre tout le monde à l’aise. » Je riais doucement puis elle refusait mes remerciements et pourtant, pour moi c’était beaucoup. C’était dans les premières fois qu’on acceptait de me laisser entrer quelque part en dehors de mon épouse qui louait une chambre d’hôtel toutes les deux semaines en m’invitant que je puisse m’y débarbouiller. Elle supposait que c’était mieux que la rue et je riais. « Effectivement, surtout le matin lors des heures de pointe... » Il valait mieux voir la vie avec un sourire plutôt qu’un air morose. Après tout, n’avais-je pas moi-même choisi ce style de vie d’une durée déterminée? En rentrant, elle signalait à son chat qu’elle était là. J’aurais fait de même il y a quelques mois... Et j’aurais salué Sienna, bien évidemment. Je regardais le chat de loin sur le fauteuil alors qu’Einstein s’y dirigeait sans même que je n’ai eu le temps de le retenir. Il s’installait près du chat qu’il saluait avec un grand coup de langue. Elle me proposait un bain et une fois de plus, je failli m’évanouir devant tant de gentillesse. « Vous voulez vraiment que je vous demande de m’épouser. » dis-je en riant alors qu’elle devinait parfaitement toutes mes envies. « Une douche serait magique! » Je crois que la dernière remontait à plus d’une semaine, mais je ne croyais pas nécessaire d’en faire mention. « Et ne vous tracassez pas, je suis loin d’être difficile. Est-ce que je peux laisser Einstein en liberté ou vous préférez que je l’attache quelque part? » Je devais bien avoir une corde dans mon sac quelque part. Mais en voyant le canin aussi tranquille, je doute qu’elle ne veule réellement l’attacher. Mon regard s’évadait vers les sorties du domicile en cherchant des yeux une salle de bain.

Annushka sourit quand Adrian vanta son chien de pouvoir mettre tout le monde à l'aise. C'est vrai qu'il avait l'air vraiment adorable.

-Il en a l'air.

La Russe hocha doucement la tête à la remarque d'Adrian. Elle ne pouvait qu'essayer d'imaginer la vie de ces clochards qui devait se contenter de la rue et donc supporter les heures de pointes. Non vraiment, ils ne méritaient certainement pas ça.

Annushka fit entrer le petit monde chez elle et garda tout de même un œil vers le chien qui s'approchait de son chat. Chat qui d'ailleurs se releva en hérissant le poil sous le coup de langue, ce qui fit rire la brunette. Sa princesse féline ne devait pas vraiment s'attendre à ça. Elle finit par reporter son attention sur son invité, rougissant à ses paroles.

-Non je...

Voilà qu'elle se mettait déjà à bégayer, à cause d'une simple blague. Elle reprit tout de même un peu contenance quand il accepta la douche. Elle posa de nouveau son regard sur Einstein qui semblait tenter de faire ami-ami avec Anastasya.

-Non il a l'air sage, je ne pense pas qu'il casse quelque chose. Je vais vous montrer la salle de bain.

Prenant les devants, elle le guida jusqu'à la dite pièce qui comportait une baignoire et différents placards. De ces placards elle en sorti deux serviettes, une grande et une petite qu'elle lui tendit avec le sourire.

-Par contre je ne peux pas vous proposer de vêtements de rechange, je.. je n'ai pas de vêtements d'homme et puis vous êtes si... grand.

Bon, par rapport à son mètre cinquante-cinq (5,085302 pied) il était assez facile d'être grand mais il était quand même vraiment grand.

Annushka ne semblait pas dire le contraire en regardant mon cannin. Il me faisait honneur, parfois même plus que je ne me faisais honneur à moi-même. La brave bête s’installait maintenant librement sur le fauteuil. Le chat semblait même surpris ce qui nous faisait pouffer de rire. Alors qu’elle rougissait devant ma quasi proposition de mariage, je la regardais et je tentais de la questionner davantage. « Vous habitez seule avec Anastasya? » J’avais une bonne mémoire avec les noms et les visages. Elle me montrait le chemin vers la salle de bain en me disant qu’il était sage. « En fait, c’est un chien pour les aveugles théoriquement... Il a échoué les derniers examens. C’est en parlant avec un ami qu’il m’en a fait cadeau. J’irais même jusqu’à dire que ce chien est l’un des plus beaux cadeaux de ma vie entière. » J’étais un vrai moulin à paroles pour tenter de détendre la russe et aussi pour justifier mon chien. Ce chien était presque toute ma vie maintenant. Je prenais les serviettes qu’elle me tendait avec un sourire aux lèvres. « Merci beaucoup! » Elle ne me proposait pas de vêtement de rechange et je pouffais de rire. « Ne vous en faites pas pour ça, j’en ai quelques uns de rechange dans mon sac. » Effectivement, ils étaient même relativement propres. Quelqu’un m’avait donné du savon à vaisselle en me disant que ça ne me servirait jamais. Et honnêtement, je m’en étais servi pour laver mes vêtements dans le lac. J’étais plutôt débrouillard et instinctif. J’apprenais chaque jour à l’être davantage. Je la regardais avec un petit sourire. « Vous êtes peut-être pas très hautes sur pattes, par contre votre grandeur d’âme et de générosité atteint des sommets. » Je plaçais la serviette et je commençais à faire couler l’eau de la douche. Annushka ne tardait pas à sortir. Je refermais la porte pour me déshabiller et filer sous la douche. Je ne tardais pas à sentir l’eau froide descendre le long de ma peau. Je me lavais avec le savon déjà présent. J’en ressortais 10 minutes plus tard pour me sécher et mettre les nouveaux vêtements pour serrer les anciens. Je ressortais de la salle de bain habillé sans problème et je rejoignais la brunette dans la cuisine. « Ça sent très bon. C’est une spécialité russe? » lui demandais-je, curieux et intéressé.

Annushka était parfois un peu réservée sur sa vie personnelle mais les questions d'Adrian n'étaient pas encore assez intrusive pour qu'elle se méfie. Mais, peut-être que si elle avait été un peu moins naïve, elle aurait trouver cette question étrange, qu'il aurait pu lui voler quelque chose ou n'importe quoi dans ce genre là. Mais non, la Russe ne voyait pas le mal partout.

-Non en fait j'habite chez ma tante, ici, mais cette semaine elle est en voyage d'affaire.

Elle aurait pu vivre seule, elle était bien assez grande et responsable pour ça, mais elle se serait sentie seule. Son entourage savait qu'elle était déjà déprimée en ce moment alors mieux ne valait pas, en plus, la laisser seule.
Adrian parlait de son chien avec tant d'amour que ça en faisait chaud au cœur. Il semblait vraiment être une brave bête. Annushka savait comme on pouvait s'attacher à un animal à tel point qu'il pouvait devenir plus important à nos yeux que d'autres êtres humains.

-Il a l'air merveilleux. Il n'était pas assez sage pour les aveugles ?

Ils arrivèrent donc dans la salle de bain et il lui dit avoir des vêtements de rechange pour lui. Tant mieux. S'il avait plusieurs vêtements, peut-être même qu'elle pourrait les lui laver... Son compliment sur sa générosité la fit rougir encore et elle baissa le regard, fixant un instant le bout de ses pieds.

-Ne dites pas ça...

Elle releva les yeux vers lui avec un petit sourire avant de sortir de la salle de bain pour le laisser se laver. Elle entra immédiatement dans la cuisine, jetant tout de même un coup d’œil aux animaux qui semblaient calme, même si la chatte se méfiait toujours un peu.
Quelques minutes plus tard, Adrian sortit de la salle de bain et vint la revoir. Elle lui fit un large sourire, assez contente qu'il s'intéresse à ce qu'elle faisait.

-Vous avez devinez ma nationalité à mon accent ? Oui, c'est une soupe avec du choux, des betteraves et des céréales. Je me suis dit que ça vous réchaufferait.

Elle me confiait qu’elle habitait chez sa tante qui était en voyage d’affaires. Je hochais la tête positivement, compréhensif. Je me demandais si ça lui avait déjà traversé l’esprit de s’installer seule, mais la remarque ne s’y prêtait pas dans ce contexte. Puis, le sujet repartait concernant mon canin. Elle me confiait qu’il avait l’air merveilleux, ce à quoi je ne pouvais pas me retenir de hocher la tête vivement avec un grand sourire. « C’est le meilleur compagnon qu’un homme puisse avoir. Et pour les aveugles, vous savez qu’il s’agit d’un grand nombre de tests... Et qu’il est un petit peu coquin. Il aime bien jouer des tours à sa façon, dirons-nous simplement. » Mon regard rejoignait celui du chien qui léchait de nouveau le chat qui ne semblait pas trop apprécier la chose et je pouffe de rire. « Ce genre de tours, si vous voyez ce que je veux dire. Ceci étant dit, la sagesse n’est pas exactement tout pour les aveugles. » Puis à mon compliment, elle rougissait. Elle semblait plutôt timide et si je n’étais pas si extraverti, je me doutais que la brunette serait encore plus mal à l’aise. Je devais donc faire la conversation pour deux et selon moi, c’était la moindre des choses. « Ne dites pas ça.... » « Prenez le compliment Annushka, vous avez été ma sauveuse, ce soir. » Quoi que j’aurais très bien pu me débrouiller moi-même, je le savais. Mais avoir un bon repas, prendre une douche et des croquettes pour Einstein c’était quand même tout un lot! Elle sortait de la salle de bain où je m’affairais. « Vous avez deviné ma nationalité à mon accent? Oui c’est une soupe avec du choux, des betteraves et des céréales. Je me suis dit que ça vous réchaufferait » Je lui faisais alors un grand sourire. « La Russie est l’un des plus grand pays du monde. J’aurais pu tenter pour la Bulgarie, également ou même l’Ukraine, qui est également un très beau pays par le fait même... » J’attrapais un petit bouchon qui trainait dans la cuisine pour m’occuper les mains. « Et quant à la soupe, je suis persuadé qu’elle sera délicieuse. Votre intention est également très gentille. » Je lui faisais un sourire amical. « Ça fait longtemps que vous habitez à Bowen? » je fronçais les sourcils, attentif à sa réponse.

Annushka ne se lassait pas d'entendre Adrian lui parler de son compagnon. Il semblait vraiment être un chien exceptionnel, et puis y avait qu'à voir, il n'avait même pas essayer de courir après le chat. Il était vraiment mignon. Elle tourna son regard brun vers son interlocuteur avec un sourire.

-Oui, je vois ce que vous voulez dire.

Ca devait vraiment être difficile de faire un bon chien d'aveugle mais les personnes qui recevaient ces chiens-là devaient être si heureuses...
La Russe releva les yeux vers lui, esquissant un sourire. Sauveuse était sûrement un bien grand mot, elle ne faisait que l'aider un peu, elle ne pourrait pas l'héberger ici pour le restant de ses jours. Quelque part elle l'aurait bien voulu. Elle pourrait ouvrir un logement de sans-abris, elle pourrait nourrir toutes ces personnes dans le besoin qui traînait dans la rue. Elle pourrait faire tellement de choses... si seulement elle en avait les moyens.

-Je voudrais faire un peu plus que ça.

Après sa douche, il la rejoignit rapidement et Annushka sourit à son esprit de déduction. Oui il aurait pu tenter tous ces pays de l'Est. Après tout pour des Australiens, tous leurs accents devaient se ressembler.

-Je n'ai jamais eu la joie de visiter l'Ukraine. En fait je n'ai pas vraiment visité de pays.

Pendant les tournées de ballet, on ne pouvait pas dire que les danseurs avaient vraiment le champ libre. Leur manager avait bien trop peur qu'il leur arrive quelque chose et qu'ils doivent annuler certaines dates. La plupart du temps, ils restaient à l'hôtel. Elle savait que certaines ballerine s'arrangeaient pour faire entrer des hommes dans leur chambre, et inversement d'ailleurs, mais Annushka n'avait jamais fait ce genre de choses et s'était bien gardé de les dénoncer d'ailleurs, ça ne la regardait pas.

-Normalement je réussis toujours mes soupes ! C'est ma grand mère qui m'a apprise à les faire.

Elle avait tourné un regard pétillant vers Adrian alors qu'elle mélangeait doucement les ingrédients dans sa casserole à feux doux. Elle avait assez peur qu'il n'aime pas. Après tout, comme il l'avait deviné, c'était russe, donc peut être pas dans ses habitudes culinaires...

-J'habite ici depuis janvier. J'étais à Moscou avant. Et vous ?

Elle éteignit son feu et versa le contenu de sa casserole dans les deux assiettes creuses qu'elle avait disposé sur la table.

-Faites attention, c'est chaud.

Elle comprenait rapidement ce que je voulais dire et que je trouvais entre elle et moi une certaine complicité qui me rendait de bonne humeur. Une complicité qui me faisait jacasser naïvement de choses et d’autres. Elle me disait également qu’elle voudrait faire un peu plus pour moi et je lui offrais un sourire compatissant. « J’ai pris une douche, vous me faites une soupe. Je suis plus que comblé. Je vous en assure. » Je lui faisais un petit sourire et elle faisait une petite place dans mon cœur. Je l’appréciais au final. Ce n’était pas le même amour que celui que j’avais avec Sienna, mais elle était suffisamment gentille et aimable pour me partager son chez soi. Annushka ne tardait pas à me dire qu’elle n’avait jamais visité l’Ukraine et une fois de plus, je réalisais la chance que j’avais. Je hochais la tête lorsqu’elle me confirmait ne pas avoir vraiment visité de pays. « Par choix? Par confort? Par moyens financiers? » risquais-je, en penchant la tête, attentif à sa réponse. Tout ça était beaucoup trop intéressant pour que je lâche le morceau. Elle me confiait à son tour qu’elle réussissait ses soupes et je lui faisais un grand sourire qui s’agrandissait lorsqu’elle me disait que c’était de famille. « La famille, c’est ce qu’il y a de plus précieux. » lui dis-je simplement, toujours curieux d’essayer la soupe. Quel glouton je faisais! Je la regardais droit dans les yeux. « Vous devez être très proche de votre grand-mère pour qu’elle vous montre tout ça. » Par tout ça, j’englobais toute cuisine en général. Annushka me confirmait qu’elle était là depuis janvier, soit plus longtemps que moi. Elle me confirmait également sa présence dans la capitale russe. « J’étais à Sydney. Et je suis arrivé à Bowen, il y a quelques temps. Environ deux mois. » Je n’aimais pas que la conversation se détourne sur moi, je préférais jacasser naïvement de mon chien, de la personne avec qui j’étais. Annushka versait tout de même la soupe alors que je rôdais près d’elle. Je lui tirais sa chaise gentiment, c’était la moindre des choses et je prenais place en face d’elle. « Merci encore une fois. Et je vous souhaite un bon appétit. » J’attendais qu’elle prenne une propre lampée de sa soupe alors que j’en faisais de même au même instant. Dans ces circonstances, jamais mes bonnes manières ne se dissipaient. C’était bel et bien la seule chose qui pouvait me trahir et encore. Je n’avais qu’à jouer sur les mots pour raconter mon histoire. Après tout, n’était-ce pas ce que mon cher ami Noé faisait? Après quelques morceaux, je soufflais doucement. « C’est délicieux. Remerciez votre grand-mère pour moi, elle a un talent incroyable. » Je me promettais de réinviter Annushka dans un peu moins d’un an pour lui faire goûter à ma crème de poireaux. Elle devrait l’aimer.  

Adrian semblait vouloir la rassurer quant à ce qu'elle faisait pour lui. Il était adorable avec elle, sûrement autant qu'elle l'était avec lui. Pour ce soir, elle ne savait pas vraiment quoi faire d'autre pour le rendre heureux et il ne semblait rien demander non plus mais ça ne l'empêchait pas d'avoir envie de faire toujours plus, ne serait-ce que pour se sentir utile.

Ils parlèrent ensuite de voyage. Annushka avait encore un peu de mal à parler de tout ça avec n'importe qui, enfin de ses problèmes tout court, à devoir expliquer son passé qui ne ressemblerait jamais à son avenir. Elle n'avait pas encore tout à fait panser ses blessures et ce serait même encore long avant qu'elle puisse tourner la page.

-Disons que j'étais très prise par mon travail.

La Russe lui avoua avoir apprit à faire les soupes par sa grand mère et approuva avec un grand sourire quand Adrian lui dit que la famille était ce qu'on avait de plus précieux. La brunette était bien d'accord avec ça. Elle adorait sa famille, c'est bien pour ça qu'elle était ici, pour être avec sa tante qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Mais l'autre parti de sa famille, ses parents, sa grand mère, lui manquaient.

-Oui, vous savez quand j'étais à Moscou, on habitait tous dans la même maison... Oui, on est vraiment proche.

Après tout, c'était elle qui la gardait lorsque ses parents étaient absents, elle qui lui avait apprit à faire tellement de chose.

-Les membres d'une famille font parti des seules personnes sur qui on peut compter, ça et son époux, enfin, je suppose.

Après tout elle n'était pas marié, mais elle se l'imaginait déjà, au bras de son prince charmant.
Elle hocha doucement la tête lorsqu'il lui dit être à Bowen depuis environ deux mois. C'était tout récent alors, mais il semblait déjà avoir prit ses marques, à sa façon. Elle eut un large sourire alors qu'il lui tirait sa chaise pour qu'elle s'assoit et qu'il lui souhaitait un bon appétit. Il était vraiment adorable, attachant.

-Vous êtes un vrai gentleman ! Bon appétit à vous aussi.

Annushka commença à lentement mangeant sa soupe à l'aide de sa cuillère avant de lever de nouveau les yeux vers son invité avec un sourire.

-Je n'y manquerais pas.

« Disons que j’étais très prise par mon travail. » m’avait-elle confié alors que je hochais la tête, compréhensif. Si le travail de mon père n’avait pas infligé autant de déplacements, nous serions probablement également restés à la maison pendant de longues années. Et également si le cachet financier de son entreprise n’avait pas été si élevé non plus... Elle ne semblait pas vouloir en parler davantage. « Donc, vous n’êtes pas à Bowen pour le travail. » concluais-je, toujours un peu plus curieux et amusé. J’allais tenter de desceller le secret de la belle brune sans la moindre intention de l’offusquer. Après tout, elle était déjà bien gentille avec moi. S’en suivait de l’anecdote concernant le fait qu’ils vivaient tous dans la même maison, une fois de plus je fronçais les sourcils. « Et il n’y avait jamais de querelles? » lui demandais-je un peu curieux sachant que malgré le fait que j’adore mes propres grands-parents, il y aurait eu des tensions avec mes propres parents. Elle rajoutait que c’était les personnes sur lesquelles nous pouvions compter et j’avalais un morceau de soupe de travers. Sienna. Je pouvais compter sur Sienna. À l’inverse, pouvait-elle réellement compter sur moi? J’en doutais très fortement, surtout cette année. Je riais sans réelle émotion. « Vous devez avoir raison. » Elle n’était pas mariée visiblement et sans doute célibataire, j’allais devoir la questionner davantage – pour les besoins de mon étude. « Et vous êtes célibataire, donc? » lui demandais-je entre deux morceaux de soupe vraiment trop bonne. Elle m’avait complimenté lorsque je lui avais tiré la chaise et je riais doucement. « C’est à ses manières que l’on juge un homme. » Je poursuivais la dégustation de ma soupe alors qu’elle confirmait qu’elle remercierait sa grand-mère pour moi. « Vous avez toujours vécu à Moscou, avant? » Je la regardais, attentif à ce qu’elle me dirait.