A Christmas Duel - Shioban

Les achats de Noël, la corvée que je déteste de tout mon être. Quoi que... faire la bouffe est peut-être encore pire. Cette année j'avais été épargné par la cuisine, c'était ma soeur qui invitait, et je n'avais qu'une buche à acheter à la boulangerie. Toutefois, je ne pouvais pas éviter les cadeaux. Et comme je m'y prenais toujours trop tard, il était impossible de commander sur internet. Jamais les cadeaux ne seraient arrivés à temps. Il était donc temps de faire du shopping. Fuque.
13h, premier arrêt, magasin de jouets.
Avec le coffret DVD de Tom & Jerry, la peluche Mickey Mouse, Des kaplas, et une boîte de Lego Star Wars, Charlie avait intérêt à apprécié au moins un de ces cadeaux ! Une pièce en chocolat de chez Starbucks le contentait largement mais cette année, j'avais envie de faire de mon mieux. Que j'en profite pendant qu'il était petit, le jour ou il sera ado, ça ne sera plus du tout la même chose.
14h30, second arrêt, chocolaterie.
Friture de chocolat pour mes géniteurs. J'ajouterais autre chose. Enfin, quand j'aurais une nouvelle idée.
14h45, troisième arrêt, magasin de vêtements.
Cet arrêt là est celui que j'aime le moins. Ma soeur m'avait dit que pour Noël, elle voulait un pull en cachemire et même si je ne m'y connaissais pas le moins du monde en vêtements, je refusais catégoriquement de demander de l'aide à quelqu'un. C'était déjà une misère pour se faufiler dans les rayons à cause du monde qu'il y avait, alors je voulais encore moins déranger le staff.
Enfin, je vois quelque chose qui ressemble à du tissus doux et qui a une belle forme. Je m'en approche pour le prendre et au même moment, une main se met à agripper le pull en question tout en me bousculant. Qui que ce soit, j'allais lui faire sa fête.

Shioban fulminait. A quoi lui servait-il d'être totalement asociale, si ça ne la dispensait pas d'acheter des cadeaux de Noël ? C'était bien entendu la faute de Gérard. C'était toujours de sa faute de toute façon. Celui ci avait pris la décision de traîner Shioban de force à une fête de Noël, histoire de lui faire rencontrer des gens susceptibles de l'aider dans la promotion de son prochain roman. Le couple en question avait deux filles passionnées par le ramassis de connerie qu'elle écrivait à propos des vampires. Ils étaient riches et Gérard, le rat, voyait très bien le lien à établir. L'irlandaise était donc chargée de trouver un cadeau pour chaque membre de l'heureuse famille. Inutile de préciser que sa motivation était proche de -15. Elle déambulait donc dans les rayons d'une grande surface, l'air déprimée, et surtout perdue. Il lui manquait le cadeau de la mère. Autant les enfants, gourmands et stupides, et le père, amateur de bon vin étaient faciles à contenter, autant l'exercice s'annonçaient périlleux pour la mère, très raffinée. Shioban était souciante, la fin d'après midi arrivait déjà, et elle n'avait toujours rien. Elle finit par entrer dans un magasin de vêtement, avec la vague idée de trouver une écharpe de luxe.
Mais soudain, elle le vit... THE pull. D'une couleur parfaite, en cashemire et d'une coupe élégante, il aurait contenté n'importe quelle femme sur cette terre (sauf Lady Gaga qui n'aimait pas s'habiller mais ça, c'était une autre histoire). Elle se précipita dessus, voyant qu'un individu aux airs préhistoriques le convoitait également. Il y eue une bousculade, et chacun des protagonistes se retrouva une main sur le vêtement. C'était ridicule. Mais certainement moins que identité de l'emmerdeur. Austin. Shioban sourit. Au final, elle aurait ce pull. Car il n'y avait pas plus faible que son voisin sur cette basse terre. Sans lâcher la manche qu'elle avait en main, elle attaqua de front. « Tiens, tiens, en voilà une surprise... Tu devrais le lâcher... Ce n'est pas du tout ta couleur. » Elle tira un peu vers elle, histoire de montrer qu'elle était bel et bien sur le coup. Puis elle eut un sourire ironique en désignant d'un signe de tête les sacs de jouets dans la main d'Austin. « En plus, on dirait que tu as déjà acheté tes cadeaux. » . Elle faisait la maligne mais en réalité, elle était surprise. Elle n'aurait jamais pu imaginer qu'il puise y avoir des enfants dans l'entourage d'Austin.

Shioban. Il ne manquait plus qu'elle. Ma nouvelle voisine. Super ! Elle était arrivée à Bowen très peu de temps auparavant et commençait très fort. Le jour de son emménagement elle ne s'était pas montrée très aimable et visiblement, c'était une habitude chez elle. Elle était désagréable et ne manquait vraiment pas de culot. Non, je n'allais pas lâcher ce pull. « C'est bien gentil de m'apprendre que cette couleur ne me va pas mais je ne vais pas lâcher si facilement. » Habituellement je n'étais pas si amer avec les gens, mais c'était différent cet après midi. Je ne pensais pas que c'était à cause de ma voisine non, simplement à cause du monde dans les magasins et de la chaleur qui devient pesante lorsque l'on fait du shopping. Enfin après réflexion peut-être que Shioban était aussi un peu la cause de mon humeur maussade. De ce que j'avais pu voir, cette fille était aussi douce qu'un cactus. C'était probablement la seule plante qu'elle ne pourrait pas faire crever d'ailleurs. Qu'elle mauvaise langue suis-je, après tout, si elle s'amuse à chatouiller un cactus à ces heures perdues parce que même les chats ont peurs d'elle et qu'elle refuse de se sociabiliser, ce ne sont pas mes affaires.
Je tire à mon tour sur le pull en cachemire pour montrer ma détermination. Ce pull, il le fallait pour ma soeur. « Tu sais, si tu m'en veux à cause du café que je ne t'ai pas invité à boire, on peut s'arranger hein... Mais j'aimerais vraiment avoir ce pull »
Ok, c'étais peut-être un peu ironique mais il y avait de quoi se poser des questions. Je repris, plus sérieusement; « Non, vraiment, ça fait des plombes que je suis dans ce magasin à trouver le pull parfait pour ma soeur et voilà que je l'ai enfin trouvé... T'es une femme c'est bon, tu dois t'y connaître en shopping, tu auras plus facile à trouver que moi. » Cette fois, j'étais macho. Whatever.

La sangsue ne voulait pas lâcher l'objet que Shioban convoitait. Il n'en fallait pas plus pour énerver la volcanique irlandaise. Elle avait beau chercher, elle ne voyait pas ce qu'une créature aussi rustre que son voisin ferait d'un pull aussi délicat que celui qu'il tenait. D'ailleurs ses grosses paluches s'escrimaient à tirer sur le tissu précieux, au grand désespoir de Shiv'. A ce rythme là, il pourrait le porter lui même. Elle roula des yeux soigneusement, puis entrepris d'entrer dans le débat puéril qui s'annonçait. « C'est ça, ton argument ? Tu veux vraiment ce pull ? Mais moi aussi, sinon je ne serai pas en train de me donner en spectacle au milieu de ce magasin pour essayer de l'avoir... » . Les quelques badauds qui n'étaient pas trop pressés par leurs emplettes jetaient en effet quelques regards curieux à l'étrange duo qu'ils formaient. « Quant à cette histoire de café, je crois que tu le prends plus sérieusement que moi. A vrai dire, je me suis très bien remise du fait de ne pas avoir pu profiter de ton illustre compagnie, si tu veux tout savoir. Mais c'est gentil de t'en inquiéter. » . Ironie mordante, c'était peut être son seul moyen de communication. C'était un peu triste si on prenait le temps d'y penser. Mais la tristesse n'était pas son état d'esprit actuel. Elle était plutôt en mode compétition à vrai dire. Ainsi, elle ne se laissa pas du tout attendrir quand il joua la carte sentimentale avec sa sœur. Et se rebiffa carrément quand il la joua macho. Elle eut un petit rire. « Non mais sérieusement ? Je ne vois pas ce qui me prouve que tu as une sœur. Peut être que ta mère a arrêté les frais après ta naissance... Et puis, ce n'est pas parce que je suis une femme, que j'aime m'abaisser à des activités aussi emmerdantes que le shopping. . Il l'énervait, et ce depuis la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Et ça l'agaçait, parce qu'elle n'aimait pas qu'on puisse l'atteindre d'une quelconque manière. Brutalement, elle déclara donc la guerre à un plus haut niveau pour pouvoir fausser compagnie à Austin le plus rapidement possible. «  Bon, et maintenant lâche ce pull. Où je commence à employer la force pour l'obtenir. »

Shioban était détestable. C'était le moins que l'on puisse dire. Je gardais le pull en main et repris notre petit argument « Ben oui bien sûr, je n'ai que ça à faire, m'inventer une soeur pour pouvoir acheter des vêtements de femmes… » Je levais les yeux au ciel et soupirais. C'était ridicule. Shioban était ridicule.
C'était pas comme si elle pouvait en trouver un autre. Certes, elle avait l'air de ne pas aimer le shopping et tous ces cadeaux de dernière minutes n'était vraiment pas bon pour l'humeur. J'étais énervé. Je detestais recevoir des ordres et je ne comptais vraiment pas lui obéir. Surtout qu'elle ne risquait pas de faire long feu face à moi.
Je m'esclaffais. « Ahaha, la manière forte, j'ai peur ! » Ironie quand tu nous tiens. Cette fille avec un trou sans fond à la place du coeur n'était pas du tout effrayante et sa manière forte risquait d'être vraiment risible. Enfin bon, je me préparais à tout, j'avais appris à mes dépends que les gens peuvent parfois nous surprendre. Peut-être avait-elle des atouts cachés. « Bon… Sh… » commençais-je mais me stoppant net en remarquant que je ne savais pas comment prononcer son prénom « Tu lâcherais pour 20$ ? » C'était ma dernière option, la soudoyer. Même si elle n'avait pas l'air dans le besoin, je ne perdais rien à essayer.

Austin semblait exaspéré. Shioban s'en félicita intérieurement. Elle avait réussi à lui faire perdre le flegme qu'elle lui connaissait et qui l'agaçait royalement. Elle avait exprès d'avancer des allégations fausses. Elle se doutait bien qu'il ne s'inventait pas une sœur. Il fallait de l'imagination pour ça. Et elle l'avait d'emblée rangée dans la catégorie des gens qui en étaient cruellement dépourvus. Sauf peut être pour inventer des mots qui n'existaient pas. Mais ça, en fait, ça relevait plus d'un autre problème. Toutefois, quelque chose dans la remarque agacée de son voisin interpella la brune, qui ne se priva pas de produire un nouveau sarcasme. « Tu sais, tu peux acheter des vêtements de femme sans avoir à te justifier. Si tu aimes te travestir en femme dans ton salon, ce n'est pas moi qui viendrait t'espionner par le trou de la serrure. » . Elle racontait n'importe quoi, ou presque, dans le but évident de gagner du temps mais c'était peine perdue. Elle se doutait que la vie d'Austin n'était pas bien trépidante. Il ne sortait jamais de chez lui. Sa vraie vie ne devait durer que quelques minutes, pendant la pub d'OTH...
La pression dans les mains d'Austin ne s'était pas desserré un instant. Elle allait devoir taper plus fort. Mais il était dans le même état d'esprit, car il lui fit une proposition indécente. Comme lui quand elle avait essayé de l'intimider, elle lâcha un petit rire méprisant. «  Tu crois que je suis le genre de fille qu'on achète ? Désolée ce n'est pas mon genre. Et contrairement à ce que tu crois, je peux être intimidante. Et efficace. Mais je ne gagnerai rien à te frapper, n'est-ce pas ? » . Elle semblait baisser les armes avec cette réplique mais il en était rien. Elle avait un plan. Plan qu'elle exécuta immédiatement. Sans lâcher le précieux cachemire, elle abolit la distance entre eux, s'avançant vivement. Sans crier gare, elle posa ses lèvres sur ceux d'Austin. Elle avait bon espoir que la surprise le ferait lâcher...

Spoiler:

What the hell is going on ? Ok alors là, j'avais loupé un épisode. Shioban se rapprocha dangereusement jusqu'à m'embrasser. En fait, je ne compris pas tout de suite ce qu'il se passait. Dans une série télé à la con, c'est surement le moment ou il y aurait eu le ralentit, laissant tout le temps au protagoniste de réfléchir. Là, c'était la vraie vie ; et le temps passait bien trop vite. Après avoir gouter à la douceur de ses lèvres pendant environ 2 secondes, je compris ce qu'il se passait et dans un moment de surprise, je me reculais brusquement. Lâchant ainsi le pull tant convoité. Damn it.
Toujours autant ahuri, je regardais l'irlandaise. « Non mais... C'était quoi ça ?! » J'avais peur de comprendre ce qu'il s'était passé là. Nous avions toujours nos spectateurs et je remarquais que l'un deux rigolait. Je détestais lorsque l'on se foutait de ma gueule, ce dernier détourna le regard très rapidement. La jeune femme s'empressa quant à elle d'agripper le pull. Cette fois, c'était mort pour moi. Je m'étais fais entuber comme un bleu. N'empêche, je devais avouer, celui qui avait inventer cette méthode pour se débarrasser des situations du genre était un vrai génie et qu'il avait tout mon respect. N'empêche, j'allais repartir bredouille. Je lançais un regard noir à Shiv « J'ai bien l'impression que ma soeur aura un cadeau pourri à cause de toi... » Toutefois, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qui l'avait pousser à m'embrasser... Elle aurait quand même pu trouver un moyen un peu plus... normal, pour me faire lâcher l'objet. Enfin, ça me tracassais. « Pour cette fois je me retire mais il faudrait éviter que des évènements de ce genre se produisent de nouveau, tu n'auras pas autant de chance. » Reprenant mes sachets déjà rempli de cadeaux pour enfants, je pensais à ma future vengeance ; j'allais devoir faire appel à mon arme secrète : Charlie.

Austin avait l'air éberlué. Il avait de quoi le pauvre. Shioban elle même ne comprenait pas ce qui lui avait pris. Quel mécanisme avait bien pu se déclencher dans son cerveau pour qu'elle se décide à embrasser son voisin au bout de seulement deux rencontres ? Voisin qui commençait de plus à entretenir une certaine animosité à son égard. « Il faut que je te fasse un dessin, en plus ? » . Elle avait d'or et déjà retrouvées ses intonations impolies. Les lèvres rougies par le court baiser qu'ils venaient d'échanger, si on pouvait qualifier les faits de la sorte, l'irlandaise était également quelque peu déstabilisée. Elle n'arrivait même plus à se rappeler de ce qui s'était passé ces dernières secondes alors qu'elle avait écrasées ses lèvres sur celles d'Austin. Lui avait-il rendu son baiser ? L'avait-il repoussée ? Elle n'en savait rien. Elle se tenait là debout, légèrement hébétée par son audace, le pull dans les mains. Le pull dans les mains. « Ouais ! » . Elle avait levé un poing victorieux, joignant le geste à son cri de joie. Tout hébétement avait disparu, remplacé par l'euphorie de la victoire. Les lamentations d'Austin ne lui firent d'ailleurs ni chaud ni froid. Un baiser valait bien une victoire. « Oh voyons, je suis sur que all your sister wants for christmas is you. » . Vanne ô combien pourrie mais elle ne voulait pas rater une occasion d'énerver un petit peu plus son placide voisin. Restait maintenant le temps des explications un peu flippantes. Enfin aux vues des circonstances, Austin fit preuve d'une grande modération quant à sa réaction. Même si elle n'en avait pas l'obligation, Shiv entreprit cependant de s'expliquer. « Non mais c'était purement stratégique. Ça ne se reproduira plus. » . Se disant, elle repensa aux lèvres d'Austin qui s'était avéré étonnement douces et chaudes. Le contraire auraient été plus simple pour faire une telle promesse. Honteuse à cette pensée, elle se rebiffa. « Tu te retirera toujours. Pas que cette fois. J'arrive toujours à mes fins. Sur ce, je vais en caisse. Passes de joyeuses fêtes. Et passe manger un morceau de bûche si le cœur t'en dis. » . Un dernier sourire narquois et elle tourna les talons. Quelque peu honteuse pour une fois, des choses qu'elle était capable de faire et de leurs éventuelles conséquences. Car en tant que voisine, elle risquait de le recroiser souvent.