#381; Si on en oubliait meme qui on est feat Woody

Cela faisait des années désormais que les Rutkowski ne se réunissaient plus pour le décompte de la nouvelle année. Nevaeh était constamment à l’autre bout du monde, et Adelaïde et Felix avaient bien d’autres soirées auxquelles assister. Woody faisait aussi partie de ce groupe-là, auparavant. Cette année, il était seul, chez lui, au moment où le calendrier passa de 2019 à 2020. Il soupira et murmura : « Happy New Year. » avant de caler son verre de whisky versé pour le principe. Il s’était levé, difficilement, et avait regagné son lit en se demandant sur quelles lèvres celles de Freja s’étaient posées pour lancer la nouvelle année. Cette pensée lui arracha le cœur de sa poitrine, et lorsqu’il s’assit au bout de son lit, il alluma son téléphone avec la ferme intention de lui envoyer un sms. Il se ravisa assez vite. Il devait la laisser aller. Aussi douloureux cela était. Il s’était donc couché quelques minutes passé minuit, et ne fut réveillé que quelques heures plus tard alors qu’on martelait contre la porte de sa maison. Il se frotta les yeux, alluma son écran de téléphone pour constater qu’il était environ quatre heures du matin. Alors qu’il descendait les escaliers, alarmé par ce vacarme, il entendit Bessie le presser. Il secoua la tête, passa une main dans ses cheveux ébouriffés, et ouvrit rapidement la porte. « [i]Shut up, for fuck’s sake ! Tu vas réveiller tout le quartier. » Il lui ouvrit grand la porte. Clairement elle serait incapable de se faufiler sans trébucher. « Rentre. Qu’est-ce que tu fous ici ? T’as marché jusqu’à ici dans cet état ? » Demanda-t-il. Elle empestait l’alcool. Et lui la mauvaise humeur.

Éméchée, Bessie rentra dans la maison en le traitant de grincheux, ne manquant pas de le remettre à sa place. Le jeune homme s’écarta et referma la porte une fois qu’elle eut les deux pieds à l’intérieur de sa maison. « Non, surtout pas. » Admit Woody alors que Bessie parla de l’alternative d’avoir pris sa voiture. « J’me demande juste comment fait pour te rendre jusqu’ici sans t’ramasser dans un ravin. » Souligna-t-il. Après tout, Woody vivait dans un quartier résidentiel qui n’était pas à une distance de marche si aisée du centre-ville. Et s’il se fiait à l’état de Bessie, il en déduisait qu’elle avait passé la nuit à l’une des célébrations du nouvel an, organisées un peu partout dans les bars de la ville. Quand Bessie lui demanda s’il la dérangeait, il arqua un sourcil. « T’as une idée de l’heure qu’il est ? Je dormais. Bien sûr que tu m’as dérangé. » Il soupira, se passa une main sur les yeux et puis alluma la lumière du salon. « Mais bon, puisque je suis réveillé maintenant … » Il ne réussirait certainement pas à se rendormir après cet épisode. Pas tout de suite, du moins. « J’ai de l’eau. C’est ce qu’il te faut, j’crois. » Il lui fit signe de le suivre jusqu’à la cuisine, où il lui servit un grand verre d’eau. Il leva un bras tremblant jusqu’à une armoire qu’il ouvrit, pour en sortir un pot d’ibuprofènes duquel il sortit deux capsules. Il tendit le tout à Bessie. « Alors … besoin de te vider l’esprit, hein ? La nouvelle année, c’est pas justement le moment de repartir à zéro, d’laisser le reste derrière ? » Ce n’est pas ce qu’il ferait, lui. Mais bien des gens pensaient ainsi.

Woody écarquilla les yeux en entendant Bessie raconter qu’elle avait marché en plein milieu de la route. Lui qui se moquait un peu d’elle jusqu’à maintenant avec cette histoire de ravin, maintenant il montrait une réelle inquiétude pour les choix de son amie lorsqu’elle avait trop d’alcool dans le sang. C’était irresponsable, mais surtout dangereux. « Bess’, sérieux, prochaine fois … Appelle quelqu’un, ok ? Je serais venu te chercher. » Même si conduire serait de plus en plus difficile pour lui, Woody profiterait du temps qu’il lui restait en aidant au moins ceux qui avaient besoin d’aide, comme Bessie ce soir qui aurait pu se faire happer par une voiture. En pleine nuit, il est facile de ne pas voir venir quelqu’un qui marche au beau milieu de nulle part. « J’avais pas grand-chose à fêter et tu le sais bien. » Fit-il remarquer. Chaque nouvelle année était pour lui une année de plus le rapprochant de la date inconnue mais fatidique de sa perte totale d’autonomie. Les deux amis passèrent finalement à la cuisine et Woody tendit un verre d’eau et des ibuprofènes à son amie, tentant de limiter les dégâts pour le lendemain matin. Bessie se confia alors, restant très vague, à propos des raisons qui l’avaient en quelque sorte conduite à cet état d’ébriété. Woody se pencha pour s’appuyer sur son comptoir, et fronça les sourcils. « Parce que parfois c’est plus facile … » Répondit-il d’abord, avant de soupirer et de plonger son regard dans celui de Bessie. « Qu’est-ce que tu as foutu en l’air ? » Woody n’aimait pas les devinettes alors il demanda directement à son amie ce qui la mettait dans un tel état.