wild wild horses we'll ride them some day - ft. eve

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wild, wild horses, we'll ride them some day
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@circé dewitt & @eve buckley

Alba avait appartenu à ma grand-mère. Cette jument, qui tirait son nom de sa robe presque parfaitement blanche (grise pour les puristes), avait été récupérée dans le champ d’un vieux monsieur où elle avait été délaissée et sous-alimentée. Cela faisait plusieurs années qu’elle vivait paisiblement chez moi maintenant. La belle avait repris du poil de la bête, mais…malgré tout, elle restait un peu craintive, et si elle ne manquait pas de soin, j’admettais ne pas disposer d’assez de temps pour la sortir régulièrement. J’avais cependant un arrangement avec le centre équestre du coin qui m’envoyait souvent quelqu’un pour s’en charger à ma place, ce dont je leur étais très reconnaissante. Hélas, le palefrenier qui s’occupait généralement d’Alba, Theo, avait de moins en moins de temps libre depuis qu’il était devenu papa, aussi m’avait-on proposé une jeune fille, que je n’avais rencontré que brièvement. Je savais seulement qu’elle se prénommait Eve et que la première impression que j’avais eu d’elle, en la recontrant, avait été bonne. Elle m’apparaissait comme une jeune fille très douce. Exactement ce qu’il fallait à ma belle Alba. Cet après-midi là, j’arrivai devant mon portail où m’attendait la jeune passionnée et ouvris à celle-ci un sourire chaleureux.
— Eve ! m’écriai-je, bienvenue. Je te remercie d’avoir accepté de t’occuper d’Alba. Théo t’en a déjà un peu parlé ? Ou veux-tu que je me charge des présentations.

Si elle avait pu vivre d'eau fraîche et de chevaux pour le restant de ses jours, elle n'aurait sans doute pas hésité une seule seconde. Tout plaquer et aller vivre au milieu de plaines vertes et ensoleillées, au rythme des sabots martelant le sol. C'était sans doute l'endroit où elle se serait sentie le mieux sur terre. Dès son arrivée à Bowen, juste après avoir dégoté son petit bateau et avoir postulé au cabaret, Eve était activement partie à la recherche du centre équestre le plus proche, où elle s'était présentée immédiatement. Aller là-bas, travailler les chevaux, c'était sa bouffée d'air frais, sa façon de se sentir entière, elle-même, loin de tout ce qui pouvait la ronger au quotidien. Un environnement dans lequel elle se sentait totalement à l'aise, seule avec les animaux. À eux, elle n'avait pas de mal à parler. Ils écoutaient, attentifs. Et elle sentait leur respiration, le souffle du vent entre leurs oreilles et l'intelligence de leur regard. C'était tout ce dont elle avait besoin comme communication. Theo lui avait parlé d'une jument dont la propriétaire n'avait pas toujours le temps de s'occuper, lui proposant de s'en charger. C'était avec joie que la jeune blonde avait accepté. Il lui avait décrit l'animal, et Eve s'était sentie lui pousser des ailes, tellement elle avait hâte de travailler avec elle. De ce qu'il lui avait dit de la propriétaire, c'était une femme très sympathique et douce, ce qui avait un peu rassuré la blondinette, et la première fois qu'elle l'avait vue, elle lui avait en effet semblé très gentille. La couturière s'était donc présentée à la demeure de Circé, un peu nerveuse, mais sourire aux lèvres et cœur léger. « Bonjour. » salua la jeunette avec un sourire timide, quand la jeune femme vint lui ouvrir. « C'est avec plaisir. Oui, il m'a dit qu'elle était un peu peureuse et que vous l'aviez récupérée il y a quelques années, parce que l'ancien propriétaire ne s'en occupait plus. » répondit-elle d'une voix douce en hochant la tête. « Mais des présentations officielles, c'est toujours bien. » ajouta-t-elle en suivant Circé, son sourire s'élargissant un peu. Les chevaux avaient tendance à se sentir rapidement à l'aise avec Eve, allez savoir pourquoi. Mais elle n'avait jamais approché la jument et c'était mieux pour elle de la rencontrer aux côtés de quelqu'un qu'elle connaissait déjà, histoire de ne pas la stresser inutilement.

J’aimais les animaux autant que j’aimais les humains, et les chevaux avaient une sensibilité particulière pour moi. Ils étaient des êtres hautement spirituels, j’en avais toujours été convaincue. Ils étaient massifs et ne cherchaient que rarement à s’imposer par la force, jamais avec l’intention de faire mal en tout cas. Ils étaient doués d’une empathie incroyable, et d’ailleurs, cela n’avait rien d’étonnant qu’on les utilise en thérapie. Ce qu’on appelait l’équithérapie faisait des miracles aujourd’hui. Par ailleurs, j’avais créé avec Alba une relation de confiance, dès que je l’avais recueillie et cela me peinait, aujourd’hui, de disposer de moins de temps pour la monter, ou même pour m’occuper d’elle. Malgré tout, je refusais qu’elle se sente délaissée et lui proposer un cavalier différent de moi pouvait aussi l’aider à reprendre confiance plus rapidement dans le genre humain. À guérir cette blessure que son ancien propriétaire avait gravée en elle. Je décelai chez la jeune Eve une douceur qui me semblait idéale pour ma jument. Je souris à la jeune fille, heureuse que le centre équestre me l’ait envoyée.
— Suivez-moi jusqu’au pré.
Je pris les devants, nous traversâmes un bout de ma propriété jusqu’à déboucher sur l’enclot d’Alba. Elle était un peu peureuse, mais habituée à ma présence désormais, la jument s’approcha tout de même de nous. Ses oreilles, malgré tout, se placèrent vers l’arrière dès qu’elle vit la nouvelle venue.
— Eve, voici Alba…

Dans d’autres circonstances, Eve aurait sans doute été nerveuse de se présenter ainsi chez une adulte. C’était l’idée qu’un cheval entrait également dans ce lien qui rassurait la jeunette, apaisant son esprit et sa respiration par la même occasion. Quand il s’agissait d’équidés, elle était toujours à l’aise, sereine et confiante. C’était probablement pour cette raison que les chevaux se détendaient plus facilement avec elle, eux qui pouvaient sentir la peur et la nervosité de loin. C’était, somme toute, un échange de bons procédés, les chevaux parvenant à l’apaiser et ce calme intérieur chez Eve les détendait à leur tour, dans un cycle parfait. La jeune fille suivit Circé jusqu’au pré, restant quelque peu en retrait lorsque la jolie jument s’approcha. Sans surprise, elle n’apparut pas très convaincue de la présence d’Eve, orientant les oreilles vers sa croupe. La blonde esquissa un mince sourire, quand Circé les présenta, se contentant d’abord d’établir un contact visuel avec la jument, sans la brusquer. Elle n’avança pas mais tendit lentement la main, paume vers le ciel, laissant tout le loisir à Alba de venir la voir de plus près si elle le souhaitait, auquel cas elle devrait elle-même réduire la distance qui la séparait de la délicate main humaine. « Coucou, jolie Alba. » souffla-t-elle doucement sans se départir de son sourire confiant, d’une voix aussi douce que la caresse du vent. La jument semblait hésiter, rechignant à s’approcher, mais intriguée aussi, scannant Eve du regard.

Le comportement d’Alba ne me surprit pas, et cela malgré la douceur et la bienveillance qui se dégageait de la jeune Eve. Ma jument était un peu craintive, il lui fallait un peu de temps pour faire confiance, mais je ne doutais pas que la jeune femme arriverait à créer un lien avec elle. Elle semblait sensible au bien-être de l’animal. Le fait qu’elle ne souhaite pas la brusquer, déjà, me mettait, moi, en confiance. J’étais sure qu’Alba comprendrait très vite qu’elle pourrait en faire de même. Je m’écartais un peu, pour ne pas interférer de trop dans cette rencontre. Alba devait appréhender la nouvelle venue sans se soucier de moi. Après un instant, la belle blanche esquissa un geste timide vers la jeune fille. Elle renifla sa main, doucement, hésita puis posa son museau dans la main tendue d’Eve, signe qu’elle pouvait la caresser si elle le voulait.
— …Et Alba, voici Eve, terminai-je.
J’émis un léger rire, avant de me tourner à nouveau vers la petite blonde.
— Vous voilà donc présentées. Alba est une jument très douce, vous verrez. Et si vous avez sa confiance, vous l’avez pour l’éternité.

Ce qui était bien avec quelqu'un comme Eve, c'était qu'elle comprenait totalement la réaction des animaux, plus craintifs généralement que les humains. Parce qu'elle, elle était comme eux. Tout aussi peureuse et effarouchée, timide et prudente. C'était peut-être une des raisons pour lesquelles elle s'entendait mieux avec eux qu'avec ses pairs. Elle pouvait sentir les hésitations et elle les comprenait, sans jugement, elle les apprivoisait avec patience et bienveillance. Comme elle le faisait maintenant avec Alba. Tout ce qu'elle lui montrait, c'était qu'elle comprenait sa réticence. Qu'elle ne la forcerait pas à sortir de sa coquille si elle ne le voulait pas. Que la décision lui appartenait, et qu'elle la comprendrait quoi qu'il arrive. Tout cela se révélait dans son regard bleu clair, qui se plongeait avec tendresse dans le regard de la jument. Et finalement, après une approche timide et méfiante, cette dernière se résolut à lui accorder un grain de confiance, qu'Eve accepta avec gratitude et humilité. Elle caressa doucement les naseaux de velours d'Alba, sans trop l'envahir, décidant que des caresses plus franches seraient pour plus tard. Chaque chose en son temps. Circé reprit la parole, et la jeunette se tourna vers elle, un sourire réjoui accroché aux lèvres. « Je vous remercie pour la confiance que vous placez en moi, également. » répondit-elle d'une voix pleine de reconnaissance. Elle tourna à nouveau son visage tacheté vers la jument, qui avait redressé les oreilles, jouant doucement avec la main qu'Eve laissait posée sur la barrière, lui laissant tout le loisir de se faire à son odeur. « Alba suit un entraînement particulier, d'habitude ? » demanda ensuite la blondinette.

Il n’avait pas fallu longtemps avant qu’Alba ne se décide à faire confiance à la jeune fille. Ma jument avait sans doute décelé chez elle une douceur et une bienveillance qui la rassurait. J'en étais heureuse. Eve, j’en étais assurée désormais, saurait apporter le bien-être nécessaire à la belle blanche. Elle ne la brusquerait pas dans le travail et serait à son écoute, exactement comme je le désirais.
— Je t’en pris, Eve – puis-je passer au tutoiement ? – c’est moi qui te remercie. Tu m’enlèves une sacrée épine du pied. Je n’ai malheureusement pas assez de temps à consacrer à Alba. Du moins pas autant que je le souhaiterais.
Avec mon travail, j’étais souvent sortie, souvent coincée dans mon atelier, soit pour faire de la paperasse, soit pour confectionner de nouvelles formules pour mes produits. Il me fallait aussi assurer la permanence aux Jardins de Circé quelques fois, et superviser les troupes également. J’adorais mon travail, mais je devais admettre que c’était chronophage parfois. Mon temps libre était rare.
— Alba ne suit pas d’entrainement spécifique. Elle a simplement besoin de se dégourdir les jambes. Tu es libre de lui faire ce que tu juges nécessaire. Je m’en remets entièrement à toi pour ça.
Tout ce que je souhaitais, au fond, était la sérénité de ma jument et elle me semblait assurée avec la jeune Eve.
— Souhaites-tu que nous prenions un thé pour faire connaissance, Eve ? Tu as un peu de temps ? Peut-etre dois-tu partir ? Je ne veux pas abuser de ton temps…

La blonde esquissa un petit sourire gêné quand Circé proposa de se tutoyer, chose qu’elle-même n’aura jamais osé demander en premier. Ce n’était pas dans ses cordes que d’instaurer ce genre de rapprochement, surtout avec quelqu’un de plus âgé qu’elle. Elle aurait eu bien trop peur de paraître impolie. La jeune femme semblait néanmoins respirer la zen attitude, ce qui aidait la cavalière à se sentir plus en confiance, son cerveau cessant de penser à chaque minute à un quelconque mot qu’elle pourrait dire de travers. C’était idiot de se sentir sous tension pour aucune raison, mais c’était ainsi que la blonde fonctionnait, sans qu’elle ne puisse y faire grand-chose. Une fois en confiance, cependant, elle devenait quelqu’un de sociable, pas comme la tomate qu’elle était en rougissant toutes les deux phrases quand on l’abordait dans la rue. « Je comprends, ce n’est pas toujours évident de concilier tout ce qu’on a à faire. Mais c’est un plaisir pour moi. » répliqua Eve de sa voix douce, sans se départir d’un sourire réjoui. Au final, c’était à elle que ça faisait le plus plaisir, de pouvoir s’occuper personnellement d’un cheval. Eve posa la question de l’entraînement pour Alba, à quoi la propriétaire répondit qu’elle lui faisait entièrement confiance pour faire ce qui était le mieux. La blonde était touchée par tant de confiance, encore une fois, elle hocha la tête avec une expression exprimant sa gratitude. « D’accord, aucun problème. » acquiesça-t-elle avec une pointe d’enthousiasme dans la voix, sa main délicate venant procurer quelques caresses à la jument, croisant son regard brillant, avant de revenir vers Circé. « Oh, c’est très gentil, je… » La jeune fille hésita le temps de quelques secondes, surprise par l’offre de son interlocutrice. Elle ne voulait certainement pas s’imposer et hésitait à refuser par politesse. Mais après tout, c’était très attentionné de sa part et elle semblait proposer en toute sincérité. « Ce serait avec plaisir, mais je ne veux pas vous ennuyer non plus. Enfin, t’ennuyer. » répondit-elle, se reprenant à la fin de sa phrase, utilisant le vouvoiement par automatisme avant d’esquisser une petite moue timide.

Je souris à la jeune Eve. Ma proposition de passer au tutoiement semble l’intimider. Je le comprends totalement, je ne cherche pas à la mettre mal à l’aise ou à la forcer, aussi je lui offre un sourire bienveillant. Je souhaite qu’elle me voit comme une amie, et non juste un femme pour qui elle va travailler.
— Tu ne m’ennuies pas le moins du monde, suis-moi, je vais préparer du thé.
Je m’approche de la barrière du pré et laisse Alba poser son nez dans ma main, avant de prendre la direction de ma maison. Je guide ainsi la jeune cavalière jusqu’à chez moi. Nous passons le petit portail qui mène à mon jardin, puis nous nous installons dans la véranda. Les bais vitrées donnent sur l’intérieur et laissent ainsi entrer la verdure dans ma maison, ce que je trouve charmant. C’est un endroit que j’aime beaucoup. Je m’y installe régulièrement pour lire ou simplement apprécier la quiétude de mon jardin. Après un rapide tour par la cuisine, je retrouve Eve et pose sur la table basse devant nous, un plateau où j’ai pris la peine de disposer théière, tasses et petits gâteau. Je souris à mon invité tout en lui servant son thé.
— Quand es-tu arrivée à Bowen, Eve ?

Rassurée par le discours de Circé, qui indiqua qu’elle ne l’ennuyait pas du tout, la cavalière la suivit jusqu’à la jolie maison entourée de parterres de fleurs. Ça lui évoquait un foyer chaleureux, simple et plein de bonnes ondes. Eve aurait aimé vivre dans un tel endroit. Elle était très bien sur son petit bateau, mais elle aurait aimé grandir dans une telle maison, qui respirait une atmosphère joyeuse et tranquille, avec une jolie véranda ensoleillée comme celle dans laquelle la jeunette mettait maintenant les pieds. Son enfance et son adolescence ne s’étaient pas faites dans un tel environnement. « C’est très joli, chez vous. Pardon, chez toi. » commenta la blondinette, se reprenant encore une fois. Purée, elle allait y arriver, ouais. Un sourire comblé illumina le visage tacheté de la jeune fille quand son hôte déposa la théière entourée de petits gâteaux. C’était attentionné, doux et rassurant, d’une façon qu’elle avait rarement eu l’occasion d’expérimenter. Et ça la ravissait, la mettait même à l’aise, comme si Circé incarnait l’image de la mère qu’elle n’avait jamais eue. « Merci. » souffla l’australienne en prenant entre ses mains la tasse de thé que la brune venait de lui servir. « Il y a quelques semaines, je ne connais pas encore grand-chose à la ville. Mais ça fait du bien, d’être ailleurs. » répondit-elle à la question de son interlocutrice, avant de prendre une petite gorgée de thé. Prendre son envol avait été terrifiant, mais ça avait surtout été nécessaire. Elle avait attendu le moment où elle quitterait sa génitrice pendant bien trop longtemps, et c’était certes source d’appréhension, mais cela ôtait aussi un immense poids de ses épaules.