Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
Sujet: tous les maux du monde |brookcha Mar 28 Jan 2020 - 22:55
tous les maux du monde
Non. Juste un putain de non, envoyé sans hésitation, auquel il n'avait pas répondu. Un "non" qui avait fini par le faire fulminer plus que c'était déjà arrivé, enfermé dans cet appartement qui est sien, il tourne en rond, fait les cent pas, certain que ses pieds nus tapent assez fort pour emmerder ceux du bas. Il essaie de se contrôler, mais chaque fois qu'il revient derrière le canapé, il renvoie un nouveau couteau se planter dans la cible qu'il a accrochée au mur près de la télé. Chaque fois, il la reprend, revient, et recommence, expulsant la rage qui l'habite. Ce n'est pas l'envie qui le démange de sortir de là, de prendre le premier uber qui vient pour se rendre à l'hôpital. Mais elle lui a dit "non", et il ne peut pas s'empêcher d'y repenser. Alors, il essaie d'oublier. Pas de whisky, pas de cannabis pour ce soir, juste des lames, et du metal si fort qu'il lui perce les oreilles. Quand il en a marre, que le souffle lui manque ou que les muscles le tiraillent, il s'arrête, se laisse retomber sur le canapé et s'allume une cigarette, les larmes aux yeux. En quelques mois, sa vie avait éclaté, et il s'était senti dépérir. Alors qu'il pensait avoir trouvé un équilibre de vie qui lui convenait, il avait perdu son boulot, son chez-lui, sa maison, mais surtout Brooke. Avec le temps, il n'arrivait pas à s'y faire, ne pouvait pas s'empêcher de s'imaginer ce qu'elle pouvait être en train de faire à l'instant présent, et dès qu'il la voyait dans son esprit avec un autre homme, il se mettait à lancer des lames, espérant que la rage et la jalousie ne s'en aillent, priant pour ne pas avoir la folle idée de venir voir directement ce qu'elle faisait. Il lui avait promis d'arrêter, de la laisser tranquille et pourtant, ça lui démangeait de faire le contraire. Parce qu'elle lui manquait, et qu'il aurait tout donné pour être avec elle. Pour que ce soit elle qui hante ces murs et pas sa fille. Pour qu'elle colore sa vie de roux et non de blond ou de brun, pour qu'il ait quelqu'un sur qui poser son regard à chaque passage de porte. Mais elle n'était plus là. Cet appartement neuf, il ne lui ressemblait pas. Il y vivait, s'y sentait plus vieux qu'il ne l'était. Ici, il était un père solitaire, qui n'espérait plus que la vie lui apporte quoi que ce soit de bon. C'est fini, pourtant. Ce "non", il signe la fin de quelque chose. La fin de ce qu'ils avaient construit, la fin d'une étape, la fin de ce qu'ils avaient recommencé. Hier soir fut sa meilleure soirée depuis des mois, mais ça s'était terminé brutalement, c'était terminé. Et tout à coup, la musique s'arrête. Tout à coup, c'est le silence qui vient à lui, qui le fait planer, qui le fait angoisser. Plus un bruit, pas une mouche qui vole, pas une petite fille pour lui demander, "papa, qu'est-ce que tu fais ?". Il a l'impression d'être sourd, et il se sent sombrer. Pourtant, son corps tressaute bien vite, le ramène à la réalité. Et il y a des coups, qui brisent ce silence sacré. Il songe d'abord à un voisin qui viendrait le réprimander, il songe à un voisin qui voudrait régler ses comptes avec lui. Puis il l'entend. C'est inespéré, c'est fou, c'est étrange, c'est inquiétant. Non avait-elle dit et pourtant elle était là. Incapable de rester en place face à la détresse qu'elle lui criait, il se releva, et toutes les tensions revinrent. Il ne savait pas pourquoi elle était là, mais il lui en voulait, pour les échanges sms de ce soir. Il lui en voulait d'avoir faire naître en lui de l'espoir pour mieux le détruire ensuite, lui en voulait de l'avoir inquiété. Mais il l'aimait et malgré toute la colère qu'il ressentait, il avait trop besoin d'elle pour lui en vouloir. « C'est bon, putain ! J'suis là. Gueule pas. Arrête. » Sa phrase se termine dans un murmure, décadence proclamée de son être quand il ouvre enfin la porte avec maladresse, ne contrôlant pas le tremblement de ses doigts. Il jette un coup d'oeil affolé dans le couloir, la fait entrer précipitamment et referme la porte derrière elle, inquiet qu'elle soit suivie. Il met le verrou, se retourne, son expression sombre rapidement remplacée par de l'angoisse. Il se retrouvait muet, ses poils se hérissant sur son corps tant il était effrayé par le spectacle qu'elle lui offrait. Entre elle et la porte, il avait tout le contrôle sur la situation, et pourtant, c'était une tempête dans sa tête. Les yeux remplis de terreur, il est immobile, ne peut pas s'empêcher de la dévisager, elle et ses marques qui ne se résument plus seulement à des tâches de rousseur et des tatouages. Il y a pire que ça, et il se fait violence pour ne pas s'enfuir, pour ne pas l'enfermer pour aller se venger de celui qui a fait ça. Il ne lui en veut plus à elle, mais il en veut au reste du monde, désormais. « J'croyais que tu voulais pas me voir. Pourquoi t'es là ? » Sa voix tremble, il perd toute crédibilité. Cette simple vibration inhumaine le trahit, montre sa faiblesse, sa peur, son inquiétude. Au fond de lui, il a juste envie de s'approcher, de la prendre dans ses bras, mais la seule chose qui le retient, c'est ce non pendu au bout des lèvres qui le rend impuissant, muet, immobile. Au fond pourtant, c'est le feu qui vit, qui s'anime. « Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, pourquoi il faut que ce soit à toi qu'ils s'en prennent ? » Une plainte qui s'échappe de ses lèvres, et il retient son souffle. Il l'aime aujourd'hui encore plus qu'il ne l'a jamais aimée, et il a envie de tout faire pour la protéger.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mer 29 Jan 2020 - 6:58
Non. C'est parce que t'as pas envie qu'il te voit comme ça. C'est aussi parce que t'attends aux urgences qu'Aelya débarque en trombe te faire une de ces colères, justifiées, parce que la fautive de tout ce carnage, c'est toi. Toi et ta foutue dépendance à la drogue que t'as pas su gérer, alors qu'elle t'avait pertinemment prévenue que tôt ou tard elle aurait raison de toi. C'est aussi parce que t'as plus de force, parce que t'as honte, parce que t'as pas envie de rendre des comptes, des explications. T'aurais juste voulu qu'au premier sms il comprenne, qu'il arrête de parler. Sans attache. Baiser pour baiser. C'était ça l'entente. Et les plans cul, ils posent pas des questions quand on annule. Au pire, ils se trouvent un autre plan cul pour le remplacer. Au mieux, ils attendent sagement le prochain appel. Mais pas Sacha. Sacha il répond. Il pose des questions. Il veut savoir. C'est pas un plan cul comme les autres. Et ça te fait rager parce que tu sais qu'au fond, il le fait parce qu'il s'inquiète. Et le rendre dans cet état anxieux, ça ne te fait pas plaisir. Alors tu dis non. Tu dis non à sa proposition de venir te rejoindre. Tu dis non à celle de passer le voir plus tard. Et t'attends que la tornade Osborn n'arrive, te martèle de ses insultes plus poignantes les unes que les autres auxquelles tu ne tentes pas de répliquer. Peut-être un ou deux, par habitude, parce que t'es pas habituée d'encaisser les coups sans rien dire. Mais pas plus. Tu acceptes le sors qui te revient, demain tu quitteras même le club, Aelya n'aura plus à te revoir, elle n'aura plus à s'efforcer pour te garder dans sa vie. T'as bien compris, t'façon, que t'étais plus trop la bienvenue. Alors t'es partie, vagabonde, tes vêtements sales à force d'avoir été maintenue au sol, ton visage couvert de sang, les marques de l'homme encore sur toi. Et tu marches, tu traines tes pieds. Trois-cents dollars. Pas moins. C'est ce qu'il te faut. Sans job, t'auras pas les moyens. Faudra que tu passes au club, réclamer ta paye en donnant ta démission. Mais ça ne sera pas suffisant. Y'a peut-être deux-cent-trente dollars d'amassés avec ta paye de départ. Mais il y en manque encore un peu. Fuck, t'es à soixante-dix balles près du trois-cents. Et merde. Et tu marches, en pensant à ce trois-cents dollars qui te hante, ces coups qui te reviennent, jusqu'à sortir ton portable de ta poche. Non, dernier sms dans la conversation. Tu remontes, regardes l'adresse puis les rues autour. T'es pas loin. Quelques minutes de plus et t'arrives devant l'immeuble. Il est beau, il semble neuf. Mais ça sent trop le propre dans le couloir, ça ne lui ressemble pas. Plus t'avances, plus t'entends la musique qui tape. Et là tu le reconnais. L'endroit a beau être propre, neuf, tu reconnais les vieilles touches métal de ton mec. Tu suis la musique qui te mène jusqu'à sa porte. Et plus rien. Silence total. Il est tard, les voisins s'énervent, t'entends celle d'à-côté râler contre le jeune un peu bizarre. Tu regardes la porte, immobile. Qu'est-ce que tu fais ici, au fait? T'as dit non. Mais t'as besoin de lui. Au fond, t'as vraiment besoin de lui. T'as eu peur. T'as eu peur de causer la mort, d'abord. T'as eu peur de mourir, toi aussi. T'as eu peur de ne plus jamais le revoir, Sacha. De ne plus jamais sentir ses lèvres contre ton front et de ne plus jamais voir ses yeux océans. Et sans réfléchir, tu te mets à cogner. À tambouriner à la porte. Comme une malade, comme une déchaînée. T'en es presque possédée. Tu cries : Ouvre, putain! alors que les coups résonnent contre le bois jusqu'à ce qu'il ouvre enfin. J'men vais, lâches-tu aussi froidement que ton non. Parce qu'il n'est même pas content que t'aies changé d'avis. Tu recules, il agrippe ta peau. Ça fait mal, tout ton corps est endolori, tous tes muscles sont enflés. Il te force à rester, même si ses yeux lancent des couteaux, même si son visage démontre qu'il t'en veut ou qu'il en veut à la terre entière de lui avoir fait vivre l'angoisse. J'sais pas. Peut-être parce que j'suis qu'une pauvre conne, lances-tu avant de rire. C'est même pas drôle, mais ça te fait rire. T'as un peu d'eau à m'donner? J'ai pas bu une goutte depuis qu'on nous a transportés à l'hôpital. Je meurs. Et ta tête se tourne de la droite à la gauche. Tes voisins, ils sont pas très sympas. Ils n'arrêtent pas de râler. La musique était trop forte, lâche-t-elle en haussant les épaules. À la caravane, au moins, y'a pas de voisins comme ça. Ça doit pas être top pour baiser. Un rire s'échappe de tes lèvres. Quoi que.... Ça peut peut-être leur être utile d'entendre des gens baiser. À force de râler comme des cons, on croirait qu'ils sont mal baisés. Et ils ont sans doute tout entendu de ta conversation. Pardon, Sacha, pour les représailles que ça pourrait avoir.
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Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mer 29 Jan 2020 - 11:58
tous les maux du monde
Il lui faut quelques secondes pour réaliser que c’est plus grave que ce qu’elle prétendait. Elle ne s’est pas fait seulement frapper. La beauté de son visage semble camouflée sous des taches bleues, des traces de sang mal nettoyées, et son cou, cette marque le long de son tatouage le fait lentement déglutir. Son esprit prend alors conscience qu’il aurait pu la perdre. Que ce soit, si elle y avait échappé, c’est peut-être justement parce que Niels était là. Sans lui, ils auraient retrouvé son corps au matin, dans une benne d’une ruelle obscure. Ruée de coups, bleue à force de se faire frapper, les cheveux arrachées, les ongles retournés de s’être trop battue, le corps meurtri, violé, abusé. Il n’aurait probablement pas été au courant tout de suite, car ils lui auraient tout pris. Ils n’auraient prévenu personne, parce qu’elle n’avait pas de famille. Elle serait morte seule, et hier aurait été leur dernière nuit. A cette seule pensée, son coeur se soulève, son estomac manque de lui faire rendre son repas. Un monde sans Brooke, il en avait été à deux pas. Il aurait pété les plombs. Et quand il la voit ici, venir chez lui. Elle voulait pas venir, elle devait pas venir. Ça le frappe en plein fouet : c’est la détresse qui l’a poussée chez lui. C’est la détresse qui la rend folle, plus qu’il ne l’a jamais été. Il s’en mord les doigts, de ne pas avoir été assez fort pour être avec elle. Il avait hurlé, l’avait engueulée, l’avait presque insultée. Encore, comme toujours, comme un fou, comme un idiot. Il mériterait plus qu’une baffe pour son comportement. Il a les oreilles qui bourdonnent, il entend mal mais il ne perd pas pied. Faut pas qu’il cède à la panique, faut qu’il reste conscient s’il veut tenir le coup pour deux. Lèvres pincées, il la regarde, éberlué. « Ouais, j’ai de l’eau, je vais t’en donner. » Il bouge pas pourtant parce qu’elle se remet à parler. Si bavarde, il ne la reconnait pas, il est essoufflé pour elle. Il aurait envie d’avancer, pour que son corps et le sien goûtent à la chaleur l’un de l’autre, il aurait envie que ses bras l’encerclent d’un geste protecteur, que ses doigts s’emmêlent dans ses cheveux pour lui apporter le réconfort dont elle a besoin. Il aurait voulu que ses lèvres cherchent fiévreusement les siennes, ne plus jamais la lâcher. Il aurait voulu à cet instant présent être sa maison, le lieu qu’elle ne veut pas quitter. Sauf qu’il est trop suspendu à ses lèvres pour ne serait-ce qu’oser avancer. Il souffre de la voir ainsi. Elle est pas conne. Elle l’a jamais été, c’est juste un mot, qui ne veut rien dire. Elle rit, il fronce les sourcils, suit son regard dans le couloir. Il sait qu’il y en a qui écoutent aux portes, il s’en fout. Les yeux lui brûlent, mais il ne cèdera pas ce soir parce qu’elle a besoin de lui. Il pince les lèvres à ses propos, devient anxieux à l’idée que les voisins sortent de chez lui. « Entre, reste pas dehors. » Il essaie de se faire le plus tendre possible, mais ça lui va pas cette voix. Y’a son timbre rauque qui revient, témoignage de ses hurlements, de ses colères, de sa fatigue. Il tend sa main valide vers elle, la pose sur son épaule, la guide à l’intérieur. Ses pieds sont électrifiés par le carrelage froid, mais il s’en moque, il a pris l’habitude de cette sensation. Il traverse le salon en direction de la cuisine. Son petit salon, avec son canapé, son meuble télé, sa table basse. Son salon et son tapis, ses guitares électriques, ses lames qui traînent dans une boîte, les cartons pas défaits, et ceux qui vont virer. Les murs blancs, trop blancs, où il n’a rien accroché, le plaid noir sur le divan, le paquet de cigarettes sur la table, proche du cendrier, les rideaux opaques qui empêchent d’observer ce qu’il se passe à l’extérieur. Il soupire, se traîne jusqu’à la cuisine, attrape un grand verre qu’il remplit d’eau et s’empare d’un paquet de chips dans le placard qu’il coince sous son bras invalide pour ne pas renverser le verre. Il revient pose tout sur la table, ne s’assoit pas. Il observe son plâtre à son poignet, ses pieds dans son champ de vision, puis son regard revient vers elle. Elle et ses mèches rousses indéfinissables. Elle aurait dû venir pour s’adonner à leurs jeux favoris, à leurs plaisirs charnels, et elle aurait dû repartir aussi sec. Y’en aura pas ce soir. Il veut qu’elle reste. Il veut qu’elle passe la nuit ici, où elle serait plus en sécurité qu’à la caravane, seule, probablement traquée par ce dealer à qui il casserait bien la gueule. « Mes voisins passent leur temps à râler, tu devrais pas faire attention, ça leur passera. » Il esquisse un sourire triste, admire quelques instants le silence de l’appartement. Parfois, une voiture passe dans la rue, brise le silence de l’immeuble, mais à force de vivre ici, il n’entend plus. Silencieusement, il se rapproche d’elle de quelques pas, tend la main vers sa joue, la frôle, retenant son souffle. Il peut ressentir son angoisse, son manque de drogue et tout ce qui l’habite à l’instant. Il a peur qu’elle ne revive à nouveau cela, que cela lui vaille des mois d’insomnies. « Comment tu te sens ? » Il redevient doux comme un agneau, inquiet, prêt à recueillir le moindre de ses mots, le moindre de ses maux.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Jeu 30 Jan 2020 - 3:03
C'est pas grave. Tout ce que toi tu vis, ça n'a rien de grave. Au contraire, c'est rien. Y'a tellement pire que tout ça. Y'a Niels aux soins intensifs, y'a Aelya en peine. Y'a tous ces gens qui sauront que c'est de ta faute, de la faute d'une putain de dépenser à la con et qui te jugeront pour tout ça. T'as envie de t'éclipser, de disparaître, mais c'est pas la solution. Ni pour toi, ni pour Sacha, ni pour Aelya, ni pour Niels. C'est que ça serait bien trop facile, de tout abandonner une seconde fois. Tu marches, ta sortie d'hôpital à laquelle t'a prévenu personne pour venir te chercher. « On vous appelle un taxi? », qu'on avait demandé. Mais non, t'as préféré marcher. Et à chaque coin de rue, t'as vérifié qu'il n'y avait pas un traqueur prêt à te refaire la peau, à terminer le travail, à salir bien plus ton visage et ton corps qu'il ne l'était déjà. À défaut de ne pas avoir tué Niels. T'as pas de pièces d'identité, on t'a tout volé, excepté ton portable, encore une chance. Faudrait pas qu'un policier passe par-là, à voir ta tête de tueur on t'enverrait tout droit dans un hôpital psychiatrique. Et si ça arrivait, tu pourrais même pas retrouver le chemin vers l'appartement de Kheinov. Tu sais pas si c'est une chance ou non, finalement t'arrives à bon port, dans cet immeuble qui sent trop bon et qui est trop poli. T'arrives avec ta merde, ta laideur, ta saleté, tu pioches à la porte comme une malade jusqu'à ce qu'on t'ouvre. Et finalement quand il répond, quand il pose un regard presque de pitié sur toi, tu soupires. Ah non, tu me fais pas ça, lances-tu dans ton élan de bavardage. Tu demandes de l'eau, il accepte. Mais tu continues de parler. Tu parles, tu parles, comme pour oublier les coups, comme pour effacer les images qui se persécutent dans ta tête, qui se propulsent devant tes souvenirs, maudits souvenirs qui font mal, déjà, qui faut accélérer ton rythme cardiaque. Merde, Brooke, si t'arrêtais de parler, t'aurais pas autant soif. Ou, alors, c'est le manque d'héro qui te donne la bouche pâteuse et la langue beaucoup trop enflée. T'accuses les voisins d'écouter aux portes, insulte placée pour leur faire regretter de s'immiscer dans la vie privée des autres. Pourtant, il est pas loin du petit matin, t'as fait un boucan impossible dans tout l'immeuble, qui pourrait, vraiment, leur en vouloir d'écouter ce qu'il se passe chez le fou? Tu parles, tu parles, tu sais pas ce que tu cherches, au fond. Réconfort, humiliation, c'est pas encore clair. Mais c'était la seule personne qui s'était dessinée dans ton esprit quand les pas se sont mis à s'enfiler. Rentrer à la caravane, c'était trop demandé. De sa main valide, le brun tente de t'attirer chez lui, tu te braques. Me touches pas!, lâches-tu avec vivacité. Tu soupires, t'as pas envie d'avoir peur. Et tu te laisses guider. C'est propre, c'est vide, son appartement ressemble à la veille d'un départ, les boites un peu partout, les meubles à peine usés. Tu te remets à parler. C'est trop propre ici, ça manque de toi. Tu ris, ça te fait rire de l'imaginer dans une maison trop rangée alors que t'es habituée au décor moins liché de ta caravane. C'est ce que ça fait d'avoir un gosse à la maison?, demandes-tu en regardant les élastiques pour cheveux roses et bleus sur la table de la cuisine et le sac d'école à l'effigie de la reine des neiges. Une chance que j'ai dit non, souffles-tu en pensant que ça aurait pu être ton rôle. Tu ne dis pas ça pour le blesser, peut-être qu'au fond ça lui fait cet effet-là, à Sacha. Mais quand il t'a parlé d'Effy, quelques jours plus tôt, ça a rouvert la plaie de votre séparation, celle qui évoquait d'abord les enfants et ensuite son envie de compenser ton refus par les bras de son ex plan cul. Et, t'façon, l'étant dans lequel t'es, là, ça lui prouve bien que t'es pas faite pour ça. Une mère droguée, paumée, défigurée, c'est pas bien, c'est pas bon. Y'a aussi une envie de toi qui veut le faire payer pour la façon dont il t'a répondu quand tu lui as annoncé que tu pourrais pas venir ce soir, qu'il ait insinué que tu le plantais là pour baiser le mec de ta meilleure amie alors qu'au fond tu l'avais vu gémir et gésir dans une marre de sang. Tu veux peut-être lui en faire baver d'avoir pensé que t'étais qu'une traînée, au fond. T'as couché avec d'autres, ouais, mais jamais quand t'avais prévu de le voir. Il te quitte, va chercher l'eau que t'as réclamée et tes pieds te trainent jusqu'au salon où tu t'assois sur le canapé. Il parle des voisins, tu hausses les épaules. Les cons, tu les as déjà oubliés. L'eau traverse ta gorge encore douloureuse, ta voix est victime des effets secondaires de ton étranglement, plus rouée qu'à l'habitude. Ça ressemblerait à la voix que tu aurais si t'avais le cancer à force de trop fumer. Fumer, putain que ça te ferait du bien. Tu fouilles dans tes poches, mais y'a rien. Le paquet est sans doute tombé sur le sol, quand on t'a dépouillé de ton porte-feuille. Sacha s'avance comme pour apaiser la panique qui reprend, mais toi t'es trop songeuse. T'es dans tes pensées, le silence surprenamment inconfortable qui te ramène à la rue, aux coups de pied et au sang de Niels qui gicle sur ton visage. Il pose sa main sur ta joue qui brûle, tu recules, surprise, fais le sauté Tu baisses les yeux. Ça me fait mal, me touche pas s'il te plait, demandes-tu plus calme, cette fois, pas comme la fois du couloir où tu l'as dit trop brusquement. C'est pas que tu ne veux pas de lui et de ses bras, t'aimerais pouvoir les accepter. D'une part, t'as encore trop mal. De l'autre, t'as encore trop honte. Comme une merde. J'imagine que c'est normal après ce genre d'événement, lâches-tu. Tu attrapes le sac de chips qu'il a apporté, l'ouvre d'un coup sec, tes jambes se placent en tailleur sur le canapé, le sac entre les jambes. T'as faim, t'as pas mangé depuis longtemps et le manque de nutriment mélangé à la dépendance te fait trembler. Ça et le manque de clope. On peut fumer chez toi? Ça t'a l'air si faux ici que t'oses même pas lui demander une cigarette de peur qu'il te refuse le droit d'empester son appartement. Y'a pas une gamine qui vit ici, ça serait peut-être plus sage s'il te refusait. T'façon, pour fumer, faudrait qu'il t'avance une ou deux clopes.
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Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Ven 31 Jan 2020 - 22:23
tous les maux du monde
Être rejeté et se sentir rejeté est un sentiment humain qui en domine bien d'autres. Il suffit d'un malheureux refus, et l'esprit tel qu'il est interprétable comme une faute commise et irréparable. Malgré les problèmes qui font de lui un être parfois trop étrange pour les autres, Sacha ressent ce rejet, et ce sentiment semble décuplé lorsque le geste vient de Brooke. La violence de ses mots le terrifie, lui retourne l'esprit. Un jour, leurs peaux sont si proches qu'ils ne font qu'un et le lendemain, ils sont si éloignés que son cœur en saigne. Il voulait être doux, jouer l'amant parfait et lui montrer son soutien mais il n'avait fait que la braquer, et il se sentait coupable de chaque mouvement. Un lever de bras et il pouvait la voir frémir, alors il se décidait à fuir, instaurant encore de la distance entre eux, comme c'est le temps depuis trop longtemps. Et de temps à autre, comme un réflexe, sa main vient se poser contre son torse où il peut sentir sous ses doigts l'endroit où une aiguille s'est plantée plusieurs fois pour qu'à l'encre noire lui soit tatouée le prénom de la femme qui fait vibrer son cœur. Par ce geste, il efface la distance en ce remémorant comment elle avait caressé sa peau, faisant s'ébouriffer chacun ses poils, attisant chaque parcelle de sa peau jusqu'à ce que le désir monte et explose. « Ouais. Les enfants, ça chamboule tout, tu peux rien laisser traîner. » Parce que chaque objet du quotidien devient un danger à lui tout seul et qu'un enfant en profiterait pour se tuer par inadvertance. Bien qu'il n'en aurait rien eu à faire quelques mois auparavant, depuis que Legan était chez lui suite à l'abandon de sa mère, il ne pouvait pas se le permette. Ça le rendait fou, trop souvent, d'être obligé de passer le balai, de mettre en hauteur les cendriers ou de planquer les vieux magazines porno, mais il n'avait pas le choix. Le pire dans tout ça, c'était la cuisine. Être obligé d'avoir le frigo plein, rempli de lait, de légumes et les placards plein de confiseries. Avant, il y avait quelques biscuits, des plats préparés et des produits qui ne plaisaient qu'à son palais. Pouvait-il dire que ça lui déplaisait pour autant ? Pas tellement. Au moins, quand il faisait les courses où qu'il se mettait à astiquer frénétiquement l'appartement, il ne pensait pas à sa rupture avec Brooke, oubliait qu'il ne faisait pas assez souvent ces mêmes gestes dans la caravane, mettait un peu d'ordre dans son esprit en se répétant sans cesse le planning de la journée. Ça le peine d'entendre Brooke prononcer les mots qu'il déteste tant, ceux qui ont fait que le nous avait volé en éclats comme un miroir en mille morceaux. Serrant les dents, le silence s'imposant, il finit par se rendre à la cuisine avant de revenir. En oubliant le rejet qu'elle lui avait imposé, il tente à nouveau de réduire la distance, se faisant à nouveau rappeler à l'ordre douloureusement. Il détourne le regard, pince les lèvres, hoche silencieusement la tête avant de passer à autre chose, sans pour autant éliminer de sa mémoire cette impression d'être impuissant. Le nous a-t-il encore une chance d'exister ? Pas le nous qui les lie pour la nuit grâce aux plaisirs de la chair, mais ce nous qui permettait à leurs coeurs de battre à l'unisson, le nous aux pouvoirs indescriptibles sur l'humeur et les émotions, le nous qui rendait tous les autres jaloux. « Je te demande pardon. » Ce n'est qu'un soupir, un filet de voix trop timide pour lui appartenir. Fut un temps où le masochisme était de mise, où la douleur avait une terrible façon d'animer leurs envies. Ce temps est déjà bien trop loin pour lui. « Ouais, il parait. » Ce n'est pourtant pas bien normal que de traiter sa propre existence de merde. Après tout, on a qu'une vie, alors infliger une telle souffrance à son propre corps est complètement vain. On devrait être là à accepter la vie, la joie, et les sourires et pourtant on se focaliser sur les maux comme s'ils étaient les principaux moteurs de nos vies. Parce qu'évidemment, si on ne souffre pas, on ne peut pas être forgé par les douleurs à venir et si on ne souffre pas, on ne peut pas savoir ce que ça fait que d'être heureux, même si ce n'est qu'un pauvre sentiment éphémère. « Fume. J'vais ouvrir la fenêtre. » De toute façon c'est la fin de l'été, ça sert à rien de s'enfermer. Alors il se lève, un peu mou, un peu las, et d'un pied à l'autre il rejoint la fenêtre. C'est silencieux dehors et tant mieux. Il tire les rideaux devant l'ouverture, juste pour avoir un peu d'intimité, mais ne revient pas sur le canapé. Au lieu de ça, son regard accroche son carnet de dessin sur la table basse. Il a tellement l'habitude de le mettre là que ça fait partie du décor. Quelques crayons traînent à côté, et il s'en approche pour se mettre à tous les aligner après avoir vérifié que dans leurs boîtes ils étaient tous bien classés du plus sec au plus gras. Et à côté, il remet le fusain dans son étui, remet le carnet droit dans le coin de table pour qu'aucune feuille ne dépasse. Ce n'est qu'un carnet de croquis, ce n'est que le carnet d'une vie. « Est-ce que tu vas me parler de ce qu'il s'est passé ? » Il s'assoit par terre sur le tapis, laisse ses orteils capturer la sensation du tissu doux sous ses pieds. De loin, il entend une ou deux voitures passer, puis le silence revient. Ses yeux, eux, ne peuvent s'empêcher de sonder le visage de Brooke, dont l'expression lui apparaît comme brisée. Lui aussi, il est brisé. Au fond, s'ils se sont trouvés c'est pour cette première et unique raison. Yeux dans les yeux, il regrette que leur conversation ne soit plus comme avant, mais au moins, ils en ont une, de conversation, et leurs voix ne partent pas dans les aigus. Au fond, les maux sont ce qui les rend un peu plus normaux, leur permet d'aligner deux mots sans pour autant laisser valser des reproches par intermittences. Aussi égoïstement que possible, il voudrait revivre ces moments, pour revenir dans le présent et en oublier le passé.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mar 18 Fév 2020 - 3:01
Tu le rejettes. Mais tu le fais pas exprès. C'est loin d'être volontaire, loin d'être ce que tu veux, au fond. Mais c'est tout ce que t'arrives à faire, tu contrôles plus la rage qui t'envahit quand il est près de toi. Tu repenses à cette dispute, l'ultime dispute qui vous a éloigné, et combien tu t'es d'abord sentie rejetée quand il a préféré te faire souffrir plutôt que de te rassurer. Et même si tu le repousses, tu tentes d'attirer son attention, tu cherches à ce qu'il ne regarde que toi, à ce qu'il n'entende que toi, ta bouche qui ne cesse de déblatérer des stupidités, sans arrêt. Y'a aussi la peur que ses mouvements t'inculquent qui te fait trembler. Chaque fois qu'il lève la main, ne serait-ce que pour caresser ta peau, tu revoir les mains de ton agresseur empoigner tes cheveux, te plaquer au sol alors que tu entends Niels gémir comme une trame sonore sans arrêt, souvenirs que tu ne peux chasser bien que les larmes coulent presque sur tes joues. Mais tu te ressaisis, et continuer de jouer la carte de l'innocente, de la conne qui parle trop. Tu préfères être insupportable que de montrer tes faiblesses. Déjà, te pointer ici, le corps abîmé de la sorte, c'est te montrer assez faible, merci. Tu commentes ce que c'est d'avoir des enfants, presque soulagée de ne pas avoir succombé à sa demande, demande qui est à l'origine de cette dite dispute. Pourtant, ce n'est pas complètement ce que tu penses. C'est que c'est plus facile de le repousser que de lui dire qu'au fond, y'a peut-être une partie de toi qui regrette de l'avoir brutalement refusé. Et que c'est la peur qui a parlé. Que c'est la peur que tout ça engage de former une famille, d'avoir à s'occuper d'un autre que soi. Et soyons réalistes, à voir l'état dans lequel t'es, t'occuper d'un autre que toi, c'est infaisable. Garder la maison propre, s'empêcher de baiser à toute heure de la journée avec qui ça te chante, bordel que ça doit être ennuyeux d'être parent, renchéris-tu comme pour tourner un peu plus le fer dans la plaie et pour ainsi dire noyer encore plus la petite parcelle de ton envie de partager ça avec lui, le seul homme pour qui t'aurais été prête à renoncer à toutes ces choses. Y'a aussi Jackson, pour qui t'aurais renoncé à toutes ces choses. Seulement, c'est la vie qui a décidé de votre destin, à vous. Avec Sacha, la seule maîtresse de votre avenir, c'était toi. Parce que lui, tu le vois aux regards qu'il pose sur toi, il serait prêt à tout pour te rendre heureuse. Ça fait mal, et ça fait peur. Parce que t'es forcée d'avouer que tu sais pas si tu serais en mesure de lui rendre l'appareil. Tu demandes pardon pour quelle connerie encore ?, demandes-tu ensuite alors qu'il te présente des excuses que tu ne comprends pas. Ça sort de nulle part, ça n'a aucun sens, aucune raison valable. Après toute la merde que tu dis depuis ton arrivée, c'est plutôt toi qui devrais lui présenter des excuses. Et la merde, tu connais, c'est d'ailleurs comment tu te décris toi-même, après qu'il t'ait demandé comment tu allais. Ça va, du moins c'est ce que tu dis. T'oseras jamais avouer que ça ne va pas, que les mots d'Aelya résonnent dans ta tête, ont brisé le reste de ton amour-propre, que la peur t'a envahi, que tu doutes des chances de survie de l'homme qui aurait dû te laisser crever. Au fond, c'était ton destin d'être à sa place. Et par sa gentillesse, sa bonté, Niels a peut-être des chances d'y laisser sa peau. T'as besoin de fumer pour effacer toutes les images que ta tête ne cesse de ressasser et toutes celles qui viennent quand tu penses aux prochaines semaines et à la colère de ta meilleure amie qui ne cessera pas de grandir. T'as pas une ou deux clopes à me donner ?, demandes-tu, pas du tout malaisée de quémander, tes jambes qui se referment en tailleurs sur le canapé du Russe, une jambe qui bouge nerveusement, manque de drogue, manque de cannabis, manque de nicotine, anxiété qui reprend. J'ai trop une grande gueule, lâches-tu quand il te demande de lui expliquer ce qui s'est passé. Tu attends tout de même qu'il te tende une clope pour parler, prends la première aspiration comme si ta vie en dépendait et seulement lorsque tu rejettes la fumée bruyamment, tu reposes ton attention sur lui. J'ai emprunter de l'argent à un dealeur pour consommer, j'avais plus de came et pas d'argent pour m'en procurer. On m'a avancé. Et j'avais pas encore payé. Une nouvelle tirée sur la clope et tu poursuis ton récit, sans lâcher Sacha des yeux, guettant ses réactions. Mais ça va, hein, c'est rien.
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Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Dim 23 Fév 2020 - 14:09
tous les maux du monde
Il laisse un soupir discret échapper à ses lèvres, ne souhaitant pas surenchérir sur le sujet. Il avait bien compris que Brooke ne voulait pas d’enfants, et qu’il était le seul fautif s=de l’histoire. Si leur histoire était morte du jour au lendemain, c’était bien pour cette raison ; il avait évoqué son désir de fonder une famille à l’aube de ses trente ans et ça avait tout foutu en l’air. Il ne pouvait pas lui en vouloir, elle qui avait vécu une enfant traumatisante, raison pour laquelle il était hors de question qu’elle se retrouve avec un bambin dans les bras. Et puis, comme elle le lui avait dit, lui, il en avait déjà des enfants, alors qu’est-ce que ça pouvait lui faire s’ils n’en avaient pas ensemble. Mais ce qu’il n’arrivait pas à lui transmettre, c’est que Legan avait beau être sa fille, elle n’était pas leur fille, à eux deux. Il avait été d’abord blessé d’être rejeté à cause de ça, mais avait fini par accepter. C’était de sa faute à lui, il n’y avait pas à discuter sur le sujet. Si elle l’avait repoussé, c’est parce qu’il avait trop joué au con, parce qu’en plus de ne pas accepter qu’lele ne veuille pas d’enfants, il l’avait laissé croire qu’il était allé se consoler dans les bras d’Effy. Pourtant, ça ne lui avait même pas effleuré l’esprit. Il aurait pu, mille fois, trouver l’occasion de baiser ailleurs mais non, il ne l’avait pas fait. Parce qu’il la voulait elle, Brooke et pas une autre, et que même s’il paraissait sage, heureux et ordonné à être père tous les jours de la semaine, ça lui manquait, cette relation qu’ils avaient construit après tant de mois à travailler ensemble. Parce que dans les mois qui arrivent, ça aurait fait un an qu’ils auraient commencé à se fréquenter, un an à être enfin ensemble, en couple. Sauf qu’ils ne fêteraient pas la Saint-Valentin de manière romantique comme tous les couples, ils ne fêteraient pas non plus leurs un an, et pire encore, ils ne mettraient même pas à terme ce mariage dont il gardait sans arrêt la bague de fiançailles cachée sous son col, accroché à son propre pendentif, proche du tatouage où le nom de Brooke trônerait jusqu’à la fin de ses jours, empêchant quiconque le souhaitait de mettre la main sur lui, sans voir qu’il a déjà le cœur pris. A l’époque, « Juliet » fut une connerie, à ce jour, « Brooke », le plus beau symbole de sa vie. Et il s’excuse, comme ça, ça lui échappe et il n’est même pas surpris du comportement de Brooke envers lui. Il n’a pas à s’excuser, ou du moins, pas comme ça. « Rien. J’voulais pas te toucher pour te faire du mal, c’est tout. » Il avait juste cherché à ce qu’ils se rapprochent, mais il avait échoué, et désormais, il avait l’impression qu’ils ne faisaient que s’éloigner. « Prends le paquet, j’en ai un d’avance. » Il tend le paquet, le lui laisse, frôle ses doigts instinctivement, mais ramène sa main tatouée vers lui, malgré sa volonté de venir caresser ses taches de rousseur en espérant qu’il puisse lui apporter chaleur et réconfort. Elle lui manque, et elle lui semble tellement loin alors qu’elle n’est qu’à moins d’un mètre de lui. Pour cacher sa nervosité, il attrape un prospectus sur la table, une vieille pub de concert qu’il se met à tordre dans tous les sens jusqu’à en abîmer l’encre, tandis qu’il l’écoute lui raconter partiellement l’histoire. Malgré lui, il sourit. Ouais, elle a une grande gueule et c’est toujours ce qu’il lui a plu chez elle. Elle se fout bien de pas être aimée du monde, de pas entrer dans les normes et ça lui plait de la voir comme ça. Il aime quand elle hausse le ton pour convaincre qu’elle a raison et il aime quand elle lui pique des crises de jalousie pour lui prouver qu’elle l’aime et qu’elle a peur qu’il parte voir ailleurs. Tout ça, il ne s’en était pas rendu compte avant, mais maintenant que les événements les avaient réduits à deux amants, il le réalisait. Sans elle dans sa vie, c’était trop calme, il manquait de piment. Mais le sourire se perd, et soudainement, ses doigts se mettent à déchirer le papier, dont il jette les derniers morceaux dans le cendrier alors que sa mâchoire se serre de rage. Il comprend maintenant pourquoi elle avait ces marques, et ce à quoi elle avait échappé. Ce pauvre taré aurait pu la tuer, en plus d’avoir essayé de réduire Niels à un foutu tas de chair sans vie. Il aurait préféré que ce soit lui, celui qui se faisait tabasser pour protéger Brooke de ces emmerdes. Parce qu’il imaginait que sa meilleure amie devait avoir développé pour elle une haine, et que Brooke se retrouvait complètement seule. Si ça avait été lui, elle n’en serait pas arrivée là. Alors, il attrape le paquet de chips, se met à en grignoter, juste pour s’éviter de dire des conneries, de casser ce qu’il pouvait passer sous sa main. « Et t’es venue ici quand même. » Il aurait plutôt imaginé Brooke le fuir et l’ignorer pendant des semaines, ou pour le restant de ses jours par honte en ses gestes. Mais malgré tout, c’était chez lui qu’elle était venue. « Tu sais déjà ce que je vais te dire. » Il hausse les épaules, la lueur glaciale de ses yeux s’étant rallumée au moment même où il s’emparait d’une lame qui traînait par là. C’est parce qu’il se sent en colère, d’avoir été absent pour elle. « J’aurais dû être à la place de Niels. J’aurais préféré que ce soit ma gueule qu’on défonce, et pas la vôtre, pas la tienne. » Son regard s’arrête sur la planche de bois au mur, abîmée par tous les couteaux qu’il y enfonçait trop souvent. Machinalement, il tire le couteau qu’il a dans la main, le regarde se planter dans le bois dans un bruit sourd. Juste un, qu’il ne retourne pas chercher, parce que ça lui fait déjà du bien d’avoir fait ça, en imaginant l’agresseur à la place de cette planche, gisant mort sur le plancher. « Et vous lui avez payé quelque chose ? Il va revenir ? » Cette fois il tourne la tête vers elle, nerveusement. Rien que l’idée qu’elle se fasse agresser à nouveau par ce connard pour une question de fric le rendait fou. Quiconque s’en prenait à Brooke devrait savoir que Sacha ne serait pas loin derrière pour la défendre.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mer 4 Mar 2020 - 22:53
Ses doigts frôlent les tiens, mais t'as trop mal pour le sentir, pour sentir la douceur qu'ils t'apportent. Tu ne fais qu'imaginer la douceur qu'ils peuvent avoir. Vaguement. Rapidement. Avant d'attraper le paquet de clopes que tu ouvres comme si ta vie en dépendait. Première cigarette qui vient se poser entre tes lèvres, la fumée qui s'installe comme une bulle protectrice autour de toi, t'empeste les lieux, tu pollues l'ambiance de sa fille. Et t'en as rien à faire. Égoïste, t'as besoin de ta clope pour te calmer. Soudainement, tes mains cessent de trembler, la nicotine faire effet dans son sang, dans ta tête, dans ton corps. Putain que c'est bon. Tu pourrais dormir là, tellement t'es crevée, tellement tu te sens détendue. Mais ce serait exagéré. T'as même pas dit merci, c'est à ce point que t'es en manque. Et tu te contrôles pour demander de l'alcool et un peu de dope. Ça serait trop demandé. Et il voudrait pas. Déjà qu'il pestera quand tu lui diras finalement les réelles raisons qui t'ont fait faire un tour express à l'hosto. La première clope finit de bruler, tu l'as fumé en moins de cinq minutes. T'en allumes une seconde, sauf que celle-là tu la savoures. La première, c'était un calmant. Là, t'es dans l'agréable. Parce que la première, c'est presque comme si elle t'avait brûlé tout l'intérieur. Alors que celle-là, tu jures, putain que tu le jures, que tu peux y goûter des arômes. Tu sais pas encore lesquels, c'est pas très clair, mais putain, oui, y'a un goût autre que le tabac, la fumée ou la nicotine. Qu'est-ce qu'ils mettent dans ce truc, merde, pour que ce soit si bon ? Et il se met à poser des questions. Normal, t'es débarqué chez lui sans crier gare, sans avertir, sans t'annoncer, y'a d'autres synonymes à utiliser ? Ouais, comme un cheveu sur la soupe. T'as dérangé tout le voisinage. Certain qu'il a des questions. Et il a droit, tu sais. Alors tu prends une bouffée de la clope, une dernière avant de te mettre à déblatérer sur ce qui est arrivé. Sauf que tu dis pas tout. Non, quand même, t'as encore ta dignité. C'est pas mentir, c'est juste omettre de tout raconter. Et c'est rien qu'il doit savoir, c'est pas comme si tu l'avais trompé. C'est juste de petits détails. Le plus important, il le sait : tu t'es fait tabasser par un mec qui voulait retrouver son pognon, rien de plus. Ça avait le mérite d'être clair. J'peux repartir si tu préfères, réponds-tu en te calant dans le sofa, attrapant le cendrier pour éviter de faire un trou dans le matériel du meuble, ta cigarette que tu reposes à tes lèvres et dont tu prends une trop grande inspiration. Il s'attendait à quoi comment réponse à ce commentaire ? T'as pensé à lui, en premier. T'as pas pensé aux autres. C'est lui que tu voulais voir, c'est lui dont t'avais besoin. Merde, il est jamais content Sacha. Vas-y, dis quand même, j'suis rendue habituée d'me faire juger. C'est qu'autour de toi, tout le monde te dit des choses, jugent, essaie de te dire comment mener ta vie, mais personne ne l'a, ta vie. Alors comment se permettre de s'y introduire et de te dire comment la vivre ? Y'a d.jà Aelya qui t'a fait une colère, qui t'a exclu de sa vie parce que t'étais pas bonne pour elle, parce que t'as fait des mauvais choix. Il a qu'à le faire lui aussi, s'il est pas content. T'en as plus rien à foutre maintenant. Autant vivre seule que dans ces conditions. C'est pas toi qui consommais sur de l'argent emprunter. C'était à moi à payer. Niels n'avait rien à faire dans tout ça... Tu éteins ta clope, même pas terminée, puis tu reposes le cendrier. Ça y est, t'as plus envie de fumer, t'as juste envie de partir plutôt que d'entrer dans le sentimental. Ça n'aurait rien changé, il n'aurait pas pu porter toute la violence de cette scène. Et il serait mort. Ça aurait été une meilleure option, hein, de l'avoir mort, sans toi ? Bah non. Tu vis encore que pour lui, merde. Tu veux pas le savoir mort. Sacha pose des questions plus sérieuses, plus techniques, tu secoues la tête. T'as rien payé, non. Mais ils ont volé mon porte-feuille. Et toutes les cartes que tu avais dedans. Tu t'en fais pas trop pour ta carte de crédit, elle est déjà pleine à craquer, personne ne peut mettre un seul truc dessus. C'est pour les autres que ça te fait chier, ta carte d'identité entre autres, c'est que ce putain de truc c'est long à refaire. Quant à la deuxième partie de son questionnement, tu hausses les épaules. Sans doute. Il va vouloir son argent. Et tu ris, un rire glacial. Non. Je te le dis toute suite, c'est non, craches-tu avant qu'il ne propose de t'avancer l'argent. Tu te lèves en panique. C'est non. Tu restes en dehors de tout ça, merde. Sinon, toi et moi, c'est la fin définitivement. J'te coupe de ma vie, j'te reverrai plus, menaces-tu. C'est la seule chose que fonctionnera pour le garder loin de tout ça.
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Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Dim 15 Mar 2020 - 10:36
tous les maux du monde
Là où il devrait être flatté, il ne ressent aucune satisfaction. Il pourrait imaginer qu'elle est venue ici car c'est le seul endroit qui puisse lui apporter un sentiment actuel de sécurité. Si cet homme la poursuit et vient frapper à la porte, Sacha ne le laissera jamais entrer. Il ne laissera jamais entrer quiconque puisse lui faire du mal. Il veut la sécurité de Brooke et il y veillera, car tel est son rôle, tel est celui qu'il se construit. « Non, c'est bon, pars pas. » Cette idée le rendrait fou. Il veut avoir le fin mot de l'histoire, pour savoir dans quel danger il la lancerait s'il la laissait passer la porte pour ne plus revenir sur ses pas. Pourtant, il le faudra. Il sait qu'il ne pourra pas la retenir, qu'elle trouverait un moyen de le tuer pour sortir. Même fou, il ne ferait pas cette erreur, car c'est celle-là même qui avait mené le couple à se briser comme un miroir en mille morceaux. Maintenant, les morceaux de ce qu'ils avaient été se retrouvaient éparpillés, et c'est dans le noir qu'ils tentaient de tout récupérer. Sauf qu'à chaque pas, à chaque main tentant de récupérer l'un des précieux moments d'eux, le verre finissait par leur transpercer la peau et par les empêcher d'arriver à tout recoller. Car chaque fois que deux morceaux de puzzle étaient emboîtés, ils étaient souillés par le sang de leurs erreurs. Il joue alors carte sur table, pense qu'il n'y a pas de meilleur solution. Pas de mensonge, pas de non-dit. Cette règle ne s'était jamais appliquée à lui avant qu'il ne la rencontre. Elle avait changé sa façon de voir le monde, et maintenant que la trentaine arrivait, il prenait conscience de tout ce qu'il avait raté par connerie. « Peut-être, mais ça m'est déjà arrivé, je sais ce que c'est. » S'il s'en était sorti à l'adolescence, c'est uniquement parce qu'il maniait le couteau comme personne. Chaque tentative, il parvenait à l'éviter en ayant pas peur d'utiliser la violence. « Tes papiers avec ? Putain, quels cons. » Il marmonne, ça lui plait pas de savoir ça. En plus de ne plus avoir de fric, elle n'a plus aucun moyen de prouver son identité. Si jamais ils l'attrapent, personne ne saura ce qu'il lui fut arrivé. Ça le rend dingue, il supporte pas. Il s'apprête à dire qu'il veut fourrer son nez dans l'affaire, mais elle le sait, elle a compris parce qu'il est prévisible. Y'a que de la colère dans ses veines, il a envie de la laisser s'échapper pour rendre des comptes à ce con qui en veut à Brooke. Et son cœur s'affole et son esprit proteste sans qu'il ne puisse rien y faire. Lui aussi finit par se lever, ses jambes le perchant à quelques centimètres supplémentaires de Brooke. Bouche entre-ouverte pour répondre, il ne trouve pas les mots. Interloqué, il ne trouve rien à répondre et il sait que c'était le but recherché. Face à elle, il est impuissant, elle est celle qui mène la danse. Malgré ses crises de col-ère et de jalousie, elle mènera toujours les choses. C'est pour ça qu'il l'aime, et en même temps, ce soir il lui en veut. Il lui en veut de ne pas avoir le droit de lui venir en aide. Elle sait qu'insinuer que le moindre geste signera la fin d'eux, alors qu'il y croit encore, est le meilleur moyen pour le freiner dans son élan. Un élan d'injustice le prend alors, car il ne supporte pas l'idée qu'elle se fasse à nouveau agressée parce qu'il a juste attendu en croisant les bras. Une grimace de mécontentement tiraille son visage tandis qu'il souhaite protester. « Arrête. J'ai pas envie de te voir morte. » Plutôt couper court à leur relation s'il se passait quoi que ce soit plutôt que leurs prochaines retrouvailles ne se fassent à la morgue. Pour l'instant, bien qu'il accepte de ne pas intervenir, il sait qu'il suffirait de voir Brooke avec de nouveaux hématomes pour se lancer les pieds joints dans la merde. « J'arrive pas à croire que... » Les mots se perdent, il ne finit pas sa phrase, il en est incapable. Au lieu de ça, il se penche pour attraper une autre cigarette dans son paquet. Dire qu'il avait presque arrêté, mais qu'il y était retourné dès que la souffrance était revenue. Allumant ce rouleau au bout de ses doigts, il songe à quel point il se tue à petit feu dans cette situation. Il sait qu'elle n'en démordra pas. Pour ne pas le mettre en danger, pour lui éviter sûrement de retourner case départ avec les psys et les camisoles. Ou alors c'est lui qui fabule, il l'ignore. Dans tous les cas, la situation ne lui plait pas. « Et tu vas rentrer comment ? » Ça l'inquiète de savoir qu'elle va faire le chemin du retour potentiellement à pieds alors que le prédateur rôde sûrement, tapi dans l'ombre, attendant l'instant où Brooke quittera l'animation de la ville pour ne jamais rentrer chez elle.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mer 18 Mar 2020 - 2:47
C'est que tout est brisé entre vous. Complètement tout. Vous savez même plus vous comporter un avec l'autre. Bon, toi, t'as une bonne excuse. T'es un peu secouée. Tu viens d'éviter la mort, merde. T'as mal partout, t'as du mal à respirer. Y'a l'angoisse qui te prend aux tripes. Et, encore, t'arrives à tenir debout. Alors, ouais, t'as peut-être une bonne excuse, Brooke. Une sacrée bonne, même. Faut que tu en profites, parce que les autres jours, tu pourras pas mettre ça sur le dos de l'agression. Un jour, faudra que tu trouves une autre excuse. Ou que tu te mettes à dire la vérité. La vérité... tu trembles presque à y penser. C'est que t'as voulu, au fond, de cette vie-là, de celle qu'il laissait miroiter. Un mariage, une maison, un môme. Un chien, peut-être. Ou un poisson, c'est moins d'entretien. Ouais, t'as voulu de ça. Mais t'arrives jamais à faire bien les choses. T'es brisée. C'est con, tu en reviens toujours à la même excuse, à ta mère, à cause de l'abandon. Mais c'est vrai. C'est que cette blessure-là, elle ne s'est jamais refermée. T'as jamais cherché à la guérir. À la résorber. À la cicatriser. Bref, vous avez compris le truc. T'as jamais réussi à la rendre si petite que ça ne te pourrissait pas la vie. Alors, quand ça devient sérieux avec les mecs, quand t'as des sentiments qui s'installent, tu gâches tout. Tu fais de l'auto-destruction. Pour éviter de te faire plus de mal si tu faisais confiance. Pour éviter de faire plus de mal aux autres aussi. Et, aussi, pour éviter de mêler un pauvre être humain qui ne l'a pas demandé, à tes conneries. Comme toi, t'as pas demandé d'être mêlé à celles de ta putain de mère. Le jour qu'on t'annoncera sa mort, t'auras enfin la paix. Parce qu'encore aujourd'hui, elle te fucking hante. Tout ça, ça te hante. Sacha demande ce que tu fais là, tu réponds seulement que tu peux partir s'il préfère, le laisser retrouver sa paix, son intimité de papa célibataire, sans toi pour tout salir, pour rendre le tout vulgaire. Mais il refuse. Et tu souris intérieurement. Il a encore envie que tu sois là, même si tu le dégoutes. C'est bien, c'est rassurant. C'est que t'es pas complètement folle. « Ouais, mais cette fois, c'est de moi qu'on parle. Pas de ce que tu as déjà fait », lâches-tu, le ton qui monte. « Là, c'est mon histoire. C'est pas toi qui étais là, c'est Niels. Fin de l'histoire. » Il pense quoi, que ça te fait plaisir que Niels s'est fait défoncé par ta faute ? Non, pas du tout. Même si tu le porte pas spécialement dans ton coeur. Bah non, ça ne te fait pas plaisir. Parce que de cette façon, t'as perdu Aelya. Encore. Parce que t'as mis son fiancé en danger, par ta putain de faute. Alors non, ça ne te fait pas plaisir. Pis, ça serait pire si s'était Sacha dans le coma. Bien pire. Tu voudrais t'enlever la vie plutôt que de le voir à moitié mort. Ça, t'hésites à lui dire. « Je préfère te savoir ici avec moi qu'à moitié mort, Sacha. J'ai encore besoin de toi, si tu le savais pas », choisis-tu simplement de dire. Il comprendra, entre les lignes, ce que ça veut dire. « Ouais, avec les papiers et tout. Genre, comme un vol de porte-feuille.. » T'as plus rien. Si tu te fais arrêter, t'iras tout de suite au poste, parce que tu seras incapable de prouver ton identité. Mais ça, tu t'en fiches. C'est le moindre de tes soucis. C'est pas ça le plus important. Ok, c'est chiant, faudra tout refaire, peut-être même payer des frais, mais au moins t'es là, t'es vivante. « Arrête de penser au pire, Sacha », le préviens-tu. « Que quoi ? » Sa phrase reste en suspend. T'es face à lui, la cigarette au bord des lèvres, tu tires dessus pour te calmer. Que quoi ? Que t'as des bleus sur tout le corps ? Que tu tiennes encore debout ? Que t'aurais pu mourir ? « À pied. J'peux rester pour la nuit, ça t'embête ? J'prendrai le sofa. Pis demain, j'partirai à la première heure. » C'est juste que sans papiers, c'est risquer de retourner à la caravane toute seule, la nuit tombée.
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Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mar 24 Mar 2020 - 2:05
tous les maux du monde
Il aurait juste voulu lui donner un avertissement. S'il s'en était sorti, c'est parce qu'il avait eu de la putain de chance, parce qu'il avait été formé par son propre père pour commettre les pires crimes. Et même s'il était capable de tuer, il l'avait pas fait. Et lui, il était un mec. Aussi con ça puisse paraître, les nanas, elles sont toujours plus en danger que les mecs dans ce monde. On croit que parce qu'elles ont pas de bite entre les jambes elles sont incapables de s'en sortir. Pourtant, quand on fout en cage cinq nanas ou cinq mecs avec la possibilité pour un seul d'entre eux de fuir, les nanas, elles utilisent leur tête, les mecs, ils utilisent leurs muscles. Et Brooke n'a pas conscience de tout ça, et ça l'énerve. Il a envie de péter les plombs, sauf que c'est pas le moment, elle en a assez vu pour ce soir. Il s'est ramolli, le con, il est plus capable de lui tenir tête, et il se rend compte à quel point c'est pas bon pour elle. Là, elle parle juste comme si elle se foutait de crever demain. Lui, il a envie qu'elle ait cette hargne de vivre. Si seulement cet événement pouvait l'avoir aidé à réveiller la lionne qui sommeille en elle. Si seulement il pouvait lui faire prendre conscience qu'elle avait agi comme une conne, et qu'elle n'aurait pas deux fois la même chance. Alors en attendant que ce soit le bon moment pour lui pousser un sermon, il grogne, il se reprend une clope, parce que ça lui occupe les mains, ça l'évite de taper. Plutôt s'abîmer les poumons que d'effrayer les voisins, plutôt se filer un dernier cancer que d'effrayer Brooke. « J'suis déjà moitié mort. » Il la défie de dire plus. Parce que putain, c'est la vérité. Il est rien quand elle est pas là. Y'a qu'à voir le lieu dans lequel il vit. C'est pas chez lui, cet appart. C'est juste un lieu de substitution, où il a foutu des meubles pour pouvoir accueillir une fille, sa progéniture, mais c'est certainement pas chez lui. Il est fade depuis qu'elle est plus là. Il est plus rien, et putain ça le tue de l'avouer mais il a envie de revivre. C'est pas pour tout de suite, mais bientôt, faut juste du temps, faut juste qu'il apprenne ce que c'est que de porter ses couilles à nouveau, parce que c'est certainement pas en les regardant pendre entre ses jambes qu'il arrivera à quoi que ce soit. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle foutait avec Niels ? Il s'était pas posé la question, c'est que maintenant qu'il réagit, et putain mais ça teinte son regard de ce gris tempête. « Faudra que tu fasses une déclaration demain chez les flics. » Il laisse même pas la possibilité de négocier, c'est presque un ordre qu'il balance sans transition. Parce que même, ce mec il en a peut-être tué des gens à force de taper sur la gueule des autres. Parce que putain, il mérite de croupir en prison. Sauf qu'i a pas conscience que Brooke aussi, elle risque de la taule, pour avoir été au contact d'un dealer. Elle s'est foutu dans la merde, et il peut rien faire à part prier un Dieu en lequel il ne croit pas pour qu'elle s'en sorte. Mais il sait qu'il fera quelque chose. Qu'il ira taper la gueule du premier dealer venu pour se défouler, pour se venger, et pour la défendre. « Et toi, faudrait que t'y penses au pire, Brooke. » Une petite piqûre de rappel. Elle veut pas le réaliser mais putain, la mort, c'est une fin. La mort, c'est un aller sans retour, pas moyen de faire demi-tour. La mort, c'est le noir, le néant, plus rien après. C'est devoir abandonner un corps fait de chair sous Terre, devoir dire adieu, et vivre encore soixante ans dans le silence, avec le cœur qui saigne. Elle a même pas les trente ans. Ils ont encore des années ensemble, ça, il n'en doute pas. Putain, il faut qu'elle réalise que la mort, ça n'arrive qu'une fois dans une vie, et que personne ne sait ce qu'il y a derrière. Et ça, ça l'angoisse, lui. De la regarder, de voir ce bleu autour de ses yeux et de son cou, et de se dire qu'il aurait même pas eu le temps de lui dire qu'il l'aime avant qu'elle parte. Elle serait partie alors qu'ils avaient même pas eu la chance de se pardonner, de se réparer. Il accepte pas, et il lui fait comprendre. C'est elle, c'est la vie, ou c'est rien. « Rien, c'était la pire connerie que tu puisses faire. J'arrive pas à croire que t'en sois arrivée là. » Et même si ça fait mal, c'est la vérité. Il finit sa clope, il a arrêté de faire les cent pas, parce qu'elle a enfin décidé d'avoir un choix raisonné. « Tu peux prendre le lit, t'auras moins mal que sur le sofa. Et tu prendras un bain avant de te coucher. » Il écrase le mégot dans le cendrier, pousse un long soupir avant de jeter un œil à la pendule. Il est tard, mais il s'en fout. Il dormira pas avant de savoir qu'elle a réussi à trouver le sommeil. « J'vais changer les draps. T'auras besoin d'autre chose ? » Il pose son regard ferme sur elle, sans qu'il y ait de moyen de discuter sur ce qu'il vient de décider. Il veut faire ce qui est possible pour qu'elle passe une bonne nuit, qu'elle ait au moins pas à se torturer l'esprit avant demain matin. Elle a besoin de se laver de cette crasse, de ce sang, et de ces conneries qu'elle venait d'enchaîner. Et lui, il avait besoin de réfléchir, de retomber, parce qu'il savait que c'était pas le moment d'exploser.
Sujet: Re: tous les maux du monde |brookcha Mar 24 Mar 2020 - 5:03
Si lui il est à moitié mort, toi t'es sur ton putain de lit de mort, inconsciente. C'est surement la drogue qui t'a achevé ou tes conneries, qu'est-que ce t'en sais. Puis ça sert à rien d'argumenter, la panique semble s'être calmée un peu, t'es en mesure de respirer plus librement, ton corps ne tremble plus autant. Ça c'est la cigarette. C'est la nicotine qui fait son effet. Tu fermes les yeux l'instant d'en apprécier la dose, de sentir tout ton état de stress diminuer d'un coup. Mais vite ça reprend, aussi vif qu'au départ, mais c'est pire parce que tu t'y attendais pas. Tu pensais que c'était passer merde et voilà que ça recommence. Tu te lèves, y'a la rage et l'angoisse qui se mélange alors que Sacha t'assène de questions auxquelles t'as pas de putain de réponses. Il veut que tu lui dises quoi, merde ? Tu sais pas. Tu sais rien. Tu sais juste que tu viens de te faire harceler par un mec qui en sait plus sur toi que tu le penses, limite il sait où t'es ce soir. Et il frappera à nouveau, c'est d'un évidence T'as pas besoin d'avoir vécu un truc similaire pour le savoir. Et cette fois s'il peut frapper assez fort pour te tuer, ça ne serait pas de refus. Parce que vivre comme ça, ouais, t'en peux plus. Sauf que c'est devenu plus grand que toi, intenable, t'es pas en mesure de te sortir de là. C'est comme si chaque fois que tu réussis à sortir ta tête de l'eau y'a une vague qui retentit comme par magie. Est-ce qu'il sait, Sacha, que ça t'a tout pris pour lui avouer que t'as encore besoin de lui ? Et il veut te le faire dire encore ? Il a rien compris, il comprend pas comment tu fonctionnes. Non, tu le diras pas à nouveau, pas pour lui faire plaisir. C'est la prochaine partie de la conversation qui enchaîne, celle où il te demande si on t'a volé un truc. Ouais, un truc qui sert à rien, ton porte-feuille, tes cartes, tes papiers, ta crédit. S'il espère avoir un truc avec ta crédit, l'agresseur, il est mal barré. Elle est pleine, complètement foulée, y'a même pas de place pour un café dessus. Oups, pas de bol. Sacha demande que tu portes plainte, tu revois l'infirmière à l'hôpital te conseiller la même chose. Merde, ils ont quoi, tous ces gens, à vouloir mêler les flics dans tout ça ? Ils comprennent pas. Tu vas crever si t'oses parler. « Ouais, je le ferai », mens-tu. C'est mieux que te t'obstiner pour des conneries encore. T'as plus la force. Tu sens ton énergie faiblir, ton corps te fait mal, putain t'aurais dû prendre les antidouleurs qu'on t'a proposé de te prescrire, y'a le papier encore dans la poche de ta veste. Mais t'as pas voulu faire un crochet par la pharmacie, c'était trop loin, t'as long à marcher pour venir jusqu'à l'appartement de Kheinov. Demain, demain tu iras. Pas ce soir. « Le pire, t'inquiètes Sacha, j'y pense. Mais ça me fait pas peur. », mens-tu à nouveau. T'es un paquet de mensonge, plus tu parles, plus tu te voiles. Parce que ça serait trop douloureux de lui avouer que pire que le perdre, ça n'existe pas, que le pire tu l'as déjà vécu. Alors, au fond, ouais t'as peur. T'as peur que la vite te l'ait arraché pour de bon. Mais t'es trop fière. T'as trop d'orgueil pour le dire à voix haute. Pis, ça fait pas trop Brooke, ça. Ça fait... ça fait désespérer. Et c'est bien la dernière chose à quoi tu veux ressembler. Tu l'es sans doute déjà un peu, dans tes fringues complètement souillées, ta chevelure en bataille et les marques sur ta peau. Ouais, t'as l'air de rien, d'un sac à merde. Ça va, ça va, c'est pas si pire, tu tentes de te convaincre, mais au fond tu fais peur. Tellement, qu'il t'ordonne, au travers des directives pour la nuit, de prendre un bain. Il a pas tort, il ne veut surement pas tacher ses draps de ton sang qui pourrait s'y coller, ça fait pas trop kids friendly. Ouais, après il faudrait expliquer à sa fille pourquoi le lit de papa est plein de sang. Y'a pas trente-six solutions pour ne pas l'inquiéter. S'il dit la vérité, il est foutu. Et il terrorise sa propre fille. S'il dit que c'est lui qui s'est blessé, c'est pire, elle voudra le soigner. Dans tous les cas, il est foutu si tu taches son lit, alors vaut mieux que tu te laves. Et que tu mettes pas ton parfum partout sur ses draps. Ça serait cruel. « Pourquoi changer les draps, t'as couché avec une autre nana dedans, t'as peur que j'attrape ses saletés ? » Tu hoches la tête, ça te va de dormir dans la chambre, ça te va de prendre le lit, tant qu'il y a pas de peluche pour gamin sur le pieu. Tu fais exprès pour le faire rager, parce que y'a encore cette haine au fond de toi qui te pousse à le repousser, même quand il agit parfaitement. « Ça va aller. » Si t'as besoin d'eau, tu la boiras à même le robinet des toilettes. C'est ce que tu fais, d'ailleurs, quand tu t'y enfermes. Tu laisses couler l'eau froide et quand la température est idéale, tu sors la langue, laisses entrer le liquide glacial dans ta bouche, ça fait du bien, ta bouche était devenue pâteuse. Y'a un noeud pour cheveux de la Reine des neiges qui traîne sur le comptoir de l'évier, tu t'en sers pour relever ta tignasse rousse le temps que tu plonges ton corps dans l'eau chaude du bain que t'as laissé couler. T'effaces les traces de l'agression sur ton corps, du moins ceux qui sont marqués de sang séché. Tu frottes ta peau comme si les bleus pouvaient eux aussi disparaitre, mais ça, c'est impossible. Le savon a l'odeur de musc et d'eau de Cologne, ça fait bestial, ça fait Sacha, le vrai. Sacha, tu l'entends dans la pièce d'à côté, il marche autour de ce qui te semble être le lit, tu sais pas, tu le vois pas, t'es nue plongée dans l'eau, comme tu pourrais savoir ? Mais t'imagines bien. Il ouvre des tiroirs de la commode, il change les draps, il tamise la lumière. Et quand t'as fini, tu cherches une serviette, éponges ton corps, t'enlèves même pas le noeud pour enfant de tes cheveux, t'es nue comme un ver, mais qu'est-ce que ça peut faire, il l'a déjà vu ton corps et martelé ainsi, t'es pas attirante à ses yeux, pas le moins du monde, aucun mec banderait de voir les bleus entre tes taches de rousseur. Tu lui piques un t-shirt, il couvre à peine tes fesses, te glisses sous les draps. « Bonne nuit », souffles-tu quand il ferme la porte derrière lui. Tu sais qu'il ne dort pas, il fait les quatre-cents pas. Surement qu'il a pété une assiette de cuisine, t'entends le verre qui se rompt. Il est en rogne, il rage. Tu sens la clope, il fume. Et tu ne trouves le sommeil que lorsque la lumière qui entre dans sa chambre, sous la porte fermée, disparaît, c'est signe que lui aussi a trouvé les bras de Morphée.