Bad mood [Isling]

Aisling était allongée sur son lit, à bout de souffle. Elle sentait qu'elle avait du mal à respirer correctement. Et elle se doutait bien d'où ça venait : elle avait respiré bien trop de fumée. Ses collègues, directeur de thèse, l'avaient pourtant prévenue, elle ne devait pas s'exposer autant, c'était dangereux. Même pour quelqu'un qui n'avait pas de problèmes de poumons. Mais comme toujours, la blonde n'en avait fait qu'à sa tête. Elle le regrettait, un peu.

Elle ferma les yeux, se retourna, et posa le regard sur les deux koalas, enveloppés de couverture, dans un grand carton. Au moins, ils ne risquaient pas de disparaître de sa vue, elle le verrait tout de suite. Ils étaient bien trop lents pour courir partout, et bien trop mal en point. Il n'y avait plus aucune place dans leur centre de soin de fortune, alors elle avait proposé de les prendre chez elle. Avant, elle avait demandé à Perry de s'occuper de Siobhan. Elle ne voulait pas que sa fille la voit entrain d'agoniser sur le lit. Elle ne voulait pas non plus que sa fille s'attache à des animaux sauvages qui ne resteraient la que quelques jours avant d'être conduit dans un vrai centre de soin puis, à terme, relâchés dans la Nature. Un jour, ils adopteraient sûrement un chat ou chien, mais seulement lorsqu'ils cesseraient de vivre chez Aino.

Elle se redressa difficilement sur son lit en entendant la porte s'ouvrir. A n'en pas douter, c'était Isaiah qui la rejoignait. Elle savait bien qu'il ne dirait rien pour les koalas. Après tout, lui aussi participait à des sauvetages, il savait bien quel était le problème. Elle leva son regard vers le sien, mais il n'y avait aucune étincelle de vie, elle était complètement épuisée. Elle eut une nouvelle quinte de toux avant qu'elle n'ait pu articuler un seul mot.

Sans mauvais jeu de mot, Isaiah et Aisling avaient été dans le feu de l’action, depuis que les incendies étaient devenus de plus en plus ravageurs. Ils brûlaient depuis des mois déjà, et pourtant l’état d’urgence semblait sonner plus que jamais maintenant que cela avait attiré l’attention internationale. Les pays du monde envoyaient des pompiers spécialisés en feux de brousse, les levées de fond pullulaient et d’autres mesures d’aide étaient mises en place. Isaiah et Aisling, de leur côté, s’étaient surtout concentrés sur ce qu’ils se sentaient capables de faire d’autre que de rester assis à regarder la fumée s’élever dans le ciel : aider la faune en danger. Ils avaient mis corps et âme dans cette cause, même si Isaiah avait eu moins de temps à accorder en raison de ses commandes d’ébénisterie qui étaient pressantes pour certaines. Il remontait d’ailleurs de son atelier après un long après-midi de travail, quand il pénétra dans leur chambre. Il remarqua assez vite les koalas enroulés dans leurs couvertures, placés dans un grand carton. Il s’approcha. « Il n’y avait plus de place au centre, hein ? » Demanda Isaiah avant de soupirer doucement. C’était une question qui n’en était pas vraiment une. Ça avait été inévitable. Le centre débordait d’animaux en besoin d’assistance, les koalas étant les premiers concernés. Aisling, nécessairement attachée à ces bêtes qu’elle étudiait depuis plusieurs mois, avait voulu aider dans les centres de soin et Isaiah n’avait pas hésité à prêter main forte au mieux de ses capacités. Il n’avait pas pensé que ça irait jusqu’à en héberger chez eux mais ça ne le dérangea pas une seule seconde. Il aurait pris la même décision qu’Aisling. D’ailleurs, il posa les yeux sur elle en se relevant d’à côté du grand carton, et fronça légèrement les sourcils, soucieux. Il alla s’asseoir à côté d’elle sur le lit. La toux d’Aisling était bien pire que la sienne, bien qu’il ait aussi respiré trop de fumée, comme bien d’autres australiens ces dernières semaines. « On devrait peut-être aller voir le docteur, pour ça … » Mais il y aurait une attente longue et pénible. C’était la réalité actuelle de tellement de gens.

A la question d'Isaiah, elle hocha la tête de gauche à droite. Evidemment qu'il avait compris tout de suite, qu'il n'y avait plus de places pour eux. Et plutôt que de les entasser encore plus et risquer de les stresser alors qu'ils étaient déjà bien mal en point, Aisling s'était porté volontaire pour les accueillir. De toute façon, ce n'était l'affaire que de quelques jours.

-Il va bientôt y avoir un départ pour l'hôpital des koalas, dans quelques jours, ça fera de la place. Mais jusque-là, on peut les installer dans la chambre de Siobhan, j'ai demandé à Perry de la garder avec lui.

Sa toux était infernale et lui retirait les dernières forces qu'il lui restait de cette semaine infernale, qui avait bien des chances de se poursuivre encore et encore. Elle aurait dû se douter que ça inquiéterait Isaiah, même si lui aussi subissait les conséquences des incendies.

-Pour qu'il me rappelle que j'ai raté mes mille rendez-vous précédents ?

A peine avait-elle prononcé ces mots qu'Aisling se paralysa quelques secondes. L'avait-elle déjà dit à Isaiah, pour ses problèmes de poumons ? Elle avait toujours l'impression qu'il savait tout d'elle, alors ça lui semblait comme une évidence, mais lui en avait-elle seulement déjà parlé ? Elle l'avait dit à Perry, ça elle en était certaine. Mais à lui ? Son cerveau tournait à mille à l'heure à la recherche d'une réponse, mais elle ne trouvait pas, elle ne se souvenait plus. Elle baissa légèrement le regard vers ses pieds, avant de choisir de faire comme si les choses étaient tout à fait normales et naturelles.

-Je pense qu'on va juste tous avoir besoin d'une petite cure loin de la fumée. Heureusement que ton super van est prêt à nous emmener.

Elle releva son regard vers le sien avec un petit sourire. Elle était certaine que son amoureux serait d'accord pour saisir cette occasion de voyager.

Isaiah hocha la tête quand Aisling lui donna les détails. Il était toujours accroupi près des koalas et les regardait. Ils étaient tellement faibles. Au moins, ils n’étaient plus en complète déshydratation comme lorsqu’ils avaient été trouvés le long des routes, mais ils étaient tout de même très mal en point. Ils avaient besoin de soins mais il manquait de place pour les recevoir. « D’accord. Mais s’il vaut mieux ne pas trop les déplacer, on peut les garder là où ils sont. On n’aura qu’à aller dormir sur le divan si l’odeur est trop forte ou s’ils font trop de bruit. » Pour le bruit, Isaiah en doutait, ils étaient tellement lents qu’ils ne risquaient pas de bouger énormément. Pour l’odeur, lui s’habituerait. Le corps d’Aisling, quant à lui, ne semblait pas s’habituer à toute cette fumée respirée. Normal, personne ne pouvait s’habituer à un tel phénomène. Ça en devenait très inquiétant pour la santé de tous. La toux de la blonde était toutefois plus sévère. Isaiah fronça les sourcils quand Aisling parla des mille rendez-vous précédents. « Tu avais déjà demandé des consultations ? Pourquoi tu n’es pas allée ? » Peut-être avait-elle été trop débordée par l’aide apportée au centre. Ils auraient pu être là vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Isaiah était toutefois loin de s’imaginer qu’il n’était pas question ici de rendez-vous pour l’état actuel de ses poumons en raison des incendies, mais d’une toute autre condition. « À propos de la van … » Commença Isaiah, hésitant. « … Je l’ai en quelque sorte prêtée à long terme à une fille que j’ai rencontrée à une manifestation … » Annonça-t-il. Lui et sa générosité.

Isaiah s’inquiétant autant qu’elle de l’état de ces petits koalas. Il faut dire que lui aussi avait été très investi dans les sauvetages. On pourrait sans doute dire qu’ils ne s’étaient pas trouvés pour rien. Elle baissa le regard vers les deux boules de poils, faibles et immobiles dans leur grand carton, emmitouflé de couvertures.

-Mais peut-être qu’ils seront mieux au calme.

Dans une chambre à part. Même s’il y avait assez peu de chance qu’ils partent à l’exploration vu leur état. Mais peut-être que ne pas être en présence d’humain toute la journée serait moins stressant pour eux. Après tout, ils restaient des animaux sauvages, d’ordinaire effrayés par les Hommes.

A la réponse d’Isaiah, Aisling se mordit l’intérieur de la joue. Elle ne lui avait définitivement jamais parlé de sa maladie. Elle resta quelques instants silencieuses. Elle ne pouvait pas lui mentir, ça n’avait d’ailleurs jamais été son intention, même si on pouvait considérer ça comme un mensonge par omission. Elle n’y avait seulement pas pensé. Par où commencer ?

-J’ai été opérée dans le ventre de ma mère, à cause d’une malformation des poumons. Ca s’est bien passé, mais je reste fragile, sensible. Je ne dois pas forcer, faire trop de sport, aller trop en altitude, ou quoi que ce soit qui mettrait en difficulté mon système respiratoire. Et j’ai régulièrement des visites de check-up pour vérifier que tout va bien, que les choses ne s’aggravent pas, depuis… toujours. Ca m’a rendu allergique à l’hôpital. Ca fait des années que j’y mets les pieds le moins possible.

Comme quoi, ce n’était pas une si mauvaise chose d’avoir accouché chez elle, mais les journées d’observations qui ont suivies ont été loin d’être agréables.

-Ce n’est pas génétique, enfin, je ne crois pas. Un peu après la naissance de Siobhan, les médecins ont vérifié, elle n’a rien.

Il faut dire que ses parents à elle n’avaient rien de ça non plus. C’était juste arrivé comme ça, sans explication.

Aux explications d’Isaiah concernant le van, Aisling finit par lever le regard qu’elle avait fixé sur le sol vers lui. Elle était un peu surprise mais finit par sourire. En fait, ça lui ressemblait tout à fait de faire ça. Elle acquiesça d’un petit signe de tête pour montrer qu’elle avait comprit.

-Elle devait en avoir besoin.

Au calme. On ne pouvait pas dire qu’Aisling et Isaiah s’agitaient énormément, ces derniers temps, surtout dans la chambre à coucher. Comment pouvaient-ils songer à fonder une famille ou tout simplement à faire l’amour alors qu’une telle catastrophe se déroulait dans leur pays depuis de nombreuses semaines ? Non, le plan « bébé » avait été relayé au second plan. Ils avaient le temps, de toute façon. Ces koalas-là n’avaient toutefois pas cette chance. Il fallait agir au plus vite pour sauver ce qu’il restait de leur espèce déjà menacée. Aisling avait cependant raison de croire qu’une présence humaine pouvait être stressante pour eux, et ils avaient déjà assez de stress dans le système. « Oui, t’as peut-être raison. Je les déplacerai tout à l’heure. » Pour le moment, l’inquiétude d’Isaiah était également tournée vers la blonde, qui ne semblait pas aller du tout. Bien des australiens avaient des problèmes respiratoires causés par la fumée, mais dans le cas de sa copine, ça semblait l’affecter plus gravement. Il ne tarda pas à comprendre pourquoi. Cette annonce le prit de court, il n’avait jamais entendu parler de cette condition chez Aisling, alors qu’ils se connaissaient depuis plusieurs années maintenant. Il fronça légèrement les sourcils, surtout par souci. « Pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ? » Fut sa première question. « Et avec toutes mes idées folles d’aller grimper des montagnes ou des trucs du genre, tu m’en aurais parlé si ça devenait trop ? Et pour tes visites de check-up, tu y allais seule sans rien me dire ? » Il s’offusquait difficilement, Isaiah, mais quand il était question de confiance et de communication dans une relation qui lui était aussi précieuse, il était plus facilement atteignable. Le jeune homme hocha la tête quand elle affirma, malgré un doute planant, que ce n’était pas génétique. Même si ça l’avait été, Isaiah n’aurait pas reculé. Lorsqu’il fut question du van, un peu plus tard, Aisling lui sourit et partagea son approbation. Elle comprendrait toujours ses raisons. Il hocha la tête à son tour. « Oui, elle en avait besoin. Et évidemment, ça ne nous empêche pas de la reprendre de temps en temps si on a envie de vacances … » Il savait que Noa saurait se trouver un endroit où dormir pendant ces quelques journées. Et, au pire, elle viendrait ici. Isaiah ne voyait pas de limites.

Aisling sourit à son amoureux alors qu’il lui donnait raison. La jeune femme adorait gagner, avoir raison, et ce genre de choses. Isaiah le savait bien, et pourtant, ils ne se livraient pas si souvent à des joutes infinissables. Sans doute parce qu’il lui avait apprit à abdiquer. Elle se contenta juste d’un petit hochement de tête. De toute façon, elle n’aurait pas eu l’énergie de se battre plus longtemps.

D’ailleurs, elle n’essaya même pas de lui mentir. Il fallait bien qu’il l’apprenne un jour. Son plus gros problème, c’est qu’après ça, elle serait obligée d’assumer un peu plus les risques de sa maladie. Parce qu’Isaiah ne la laisserait pas continuer à n’en faire qu’à sa tête. Parce qu’il l’aimait. Sans savoir exactement pourquoi, son cœur rata un battement à cette pensée.

-Je… Je ne sais pas. Je n’y ai juste jamais vraiment pensée.

Sa mâchoire se crispa à ses questions. Est-ce qu’elle l’aurait prévenu que gravir des montagnes n’était pas vraiment bon pour elle ? Elle n’en savait rien. Elle n’arrivait pas à se projeter, elle était trop fatiguée, et soudainement, trop stressée.

-Je ne vais pas à mes check-up. Je crois que la dernière fois que je suis allée à l’hôpital… C’était pour la naissance de Siobhan. Ça me rend malade rien qu’à y mettre les pieds.

Des années et des années qu’elle devait se plier aux examens médicaux. Depuis qu’elle avait quitté la Nouvelle-Zélande pour l’Australie, elle n’en avait fait presque aucun. Pourquoi ? Parce que ça l’angoissait. Parce qu’elle n’en pouvait plus. Parce qu’elle ne voulait plus penser au fait qu’un jour, peut-être, on lui annoncerait que son état se dégrade.

-Et, j’imagine que je t’en aurais parlé, de toute façon, tu sais bien que je ne suis pas très sportive.

Elle finit par secouer la tête, se recroquevillant sur elle-même inconsciemment.

-Je suis désolée, je ne t’ai pas caché des choses intentionnellement...

Elle appuya son front contre ses genoux, soupirant doucement. Il pouvait lui en vouloir, il avait toute ses raisons.

Quand il fut sujet du van, Aisling sourit simplement. Elle ne s’inquiétait pas vraiment, il y avait peu de chances qu’ils en aient besoin en urgence.

Si Isaiah acceptait généralement n’importe quelle excuse, n’importe quelle justification, préférant laisser le bénéfice du doute aux autres, il avait un peu de mal à avaler qu’Aisling n’avait juste jamais vraiment pensé à lui parler de sa condition pulmonaire. Ce n’était pas un fait anodin, un fait divers, un détail qui passe et qu’on oublie. C’était une condition qui pouvait s’avérer grave, surtout si Aisling ne se rendait pas à ses rendez-vous de suivi comme elle le lui apprit. « Pourquoi tu prends ça autant à la légère, Ais’ ? Ça me semble pourtant assez sérieux … » Si cette malformation faisait en sorte qu’elle était aussi fragile, aussi sensible aux trop grands efforts, Isaiah jugeait qu’il y avait de quoi être inquiété, et mis au courant. « Je pense qu’un check-up est de mise, là, maintenant. » Il se leva, même. « Avec les incendies et toute la fumée que tu respires à longueur de journée, qui sait ce que ça a comme conséquences. T’es probablement bien plus fragile que le reste du monde et il y a probablement des mesures de précaution à prendre. » Ne serait-ce que de porter un masque, chose à laquelle elle n’avait visiblement même pas pensé. Isaiah n’était pas fâché contre elle, pas vraiment, mais il était dépassé par son insouciance sur ce coup-ci. « Sportive ou pas, on aurait pu s’retrouver dans des situations qui te mettraient à risque juste parce que j’aurais pas été au courant. » Et elle-même aurait pu se mettre dans de telles situations, puisqu’elle ne semblait pas accorder beaucoup d’importance à sa condition. Il soupira quand elle s’excusa. « Je ne t’en veux pas … pas vraiment … mais je suis inquiet … » Pour cette raison, d’ailleurs, Isaiah l’accompagnerait à l’hôpital, puisqu’y aller d’elle-même la répugnait.

Elle se mordit l'intérieur de la joue à sa question. Pourquoi est-ce qu'elle le prenait à la légère ? Sans doute parce que, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, ces rendez-vous n'avaient été d'une quelconque utilité. Elle se souvenait surtout de ses parents angoissés à chaque visite de contrôle, des mains de sa mère qui tremblaient, de son père qui parlait un peu brusquement au médecin quand les choses n'allaient pas assez vite. Elle ? Elle n'avait toujours ressenti que du détachement. C'était la routine, rien de plus, rien de moins. Si un jour cette épée de Damoclès lui tombait sur la tête, alors peut-être daignerait-elle s'en soucier.

-Parce que... Ça n'a jamais été grave. Pas pour moi.

Une nouvelle quinte de toux. Ça l'agace. Elle serre le poing un peu plus fort, se crispe.

Elle leva la tête vers lui, surprise, et même un peu ahurie quand il se leva, prêt à partir, en lui disant qu'elle devait faire un check-up maintenant. Elle ne trouva rien à répondre et continua de le fixer, silencieusement.

-Tu... Tu ne devrais pas t'inquiéter autant.

C'est vrai, elle ne devrait prendre des mesures de précaution, pour elle. Elle n'arrivait plus à s'inquiéter pour elle-même.

Elle se mordit la lèvre, baissant les yeux. Elle n'avait jamais voulu l'inquiéter, et peut-être bien que c'était pour ça qu'elle ne lui avait rien dit. Peut-être bien qu'inconsciemment, ou même que plutôt consciemment, elle savait que le fait qu'il le sache compliquerait les choses. Ses parents étaient loin à présent, ils n'étaient plus là pour veiller sur elle, et cette distance avait permis à la jeune femme d'éviter les hôpitaux, mais visiblement, Isaiah avait décidé que cette trêve était terminée.

Délicatement, elle attrapa les doigts de son amoureux, sans pour autant se lever, n'arrivant pas à se résoudre à faire un seul mouvement vers un potentiel contrôle de ses poumons.

-Je suis désolée, je ne t'ai pas dit ça pour que tu t'inquiète je... Je suis sûre que ça va aller.

Une nouvelle quinte de toux sembla bien décider à lui faire prendre toute crédibilité quand, au même moment, son frère ouvrit la porte, lui faisant lever le regard vers lui.

Son ça n’a jamais été grave détonait à côté de sa quinte de toux. Isaiah fronça légèrement les sourcils, soucieux. « Si ça ne l’est pas pour toi, dis-toi que ça l’est plus pour les gens qui tiennent à toi. Et j’déteste sincèrement avoir à dire ça mais … rien que pour ça, ça devrait devenir grave pour toi aussi. » Il s’étonnait, Isaiah. Parce qu’il laissait généralement les autres vivre leur vie comme ils l’entendaient, ne cherchait pas à avoir son mot à dire s’il jugeait cela déplacé. Mais là, c’était son amour pour Aisling qui parlait, et puis il pensait aussi à Siobhan, et à cet enfant futur qu’il désirait avoir avec elle. Que feraient-ils sans leur maman, si elle ne prenait pas assez soin d’elle ? Il était encore temps de faire quelque chose, alors pourquoi se mettre à risque ? Sur cette pensée, Isaiah se leva, prêt à aller à l’hôpital avec elle. « Aisling. Tu respires de la fumée à longueur de journée depuis le mois dernier. La situation m’inquiétait déjà pour tout le monde mais maintenant, avec ce que je sais de ta condition … » Il laissa sa phrase en suspens. Il n’avait pas besoin de la terminer pour qu’elle comprenne. Elle avait baissé les yeux et il avait cessé de parler, ne voulant pas ajouter aux regrets ou à la honte. Aisling attrapa ses doigts, ne se levant pourtant pas. « Comment tu peux en être sûre ? » Elle allait être docteur mais pas dans ce domaine. Elle ne pouvait pas affirmer de telles choses. Isaiah aurait pu débattre longtemps mais premièrement, Aisling fut prise d’une autre quinte de toux et deuxièmement, la porte de la chambre s’ouvrit et Aslander apparut dans le cadre de porte. « Hey, Asl. On est un peu au milieu de quelque chose … » Le prévint-il gentiment.

Aisling serra les dents aux mots de son amoureux. Prendre en compte les autres... Aisling n'avait jamais été donne à ça, et c'est sans doute pour cette raison qu'en dehors des gens de sa famille, elle avait toujours tenu les autres à distance autant que possible. Être désagréable, ne jamais coucher deux fois avec le même mec... Autant de façon de ne pas s'attacher. Et son côté asociale et désagréable, Isaiah les connaissaient, il en avait fait les frais avant de réussir à se faire une place dans la vie de la jeune femme.

-Je...

Elle avait bien la pression, la blonde, qu'Isaiah n'avait pas vraiment l'intention de lui laisser le choix. Mais rien qu'à l'idée d'aller à l'hôpital, elle sentait cette boule monter, lui nouer la gorge. Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas voir ces murs blancs, ces médecins, ces infirmières, ces blouses... Sentir le stéthoscope froid contre sa peau. Un frisson désagréable parcouru sa colonne en se rappelant de cette sensation. La sensation d'être malade.

-Parce que...

Entre les quintes de toux et l'angoisse grandissante, la jeune femme ne trouvait absolument rien à lui répondre. Elle savait que la bonne chose à faire, c'était se laisser faire et le suivre. Mais elle n'arrivait pas à s'y résoudre.

L'arrivée d'Aslander dans la chambre interrompit brièvement leur conversation. Il toussait, beaucoup, et ça interpella immédiatement la jeune femme. Evidemment, ils avaient tous des problèmes de toux en ce moment, mais la sienne semblait sérieuse et surtout... Il s'agissait de son petit frère. Isaiah lui précisa gentiment qu'il n'était pas désiré dans la pièce, le temps qu'ils finissent leur conversation et il sortit. Mais Aisling était soudainement trop inquiète. Elle se leva, gardant la main du néo-zélandais dans la sienne.

-C'est bon, on y va tous.

Laissant les deux koalas dans leur carton, au calme, elle se rendit jusque dans le salon, tapotant sur l'épaule d'Aslander.

-Viens, on va aller à l'hôpital, pour être sûrs que ça va.

Et pourtant, à cette idée, elle avait mal à l'estomac.

Isaiah laissait tout son temps à Aisling, qui ne parvint pas à formuler une phrase complète. Elle débutait ses pensées pour ne pas les finir. Pourtant, elle savait fort bien qu’elle pouvait tout dire à son amoureux. Ce dernier était prêt à tout entendre, et l’honnêteté était importante pour lui. C’était d’ailleurs l’une des raisons de sa déception, si on peut l’appeler ainsi, à propos du fait qu’il avait été laissé dans le noir par rapport à la condition pulmonaire d’Aisling. Il aurait aimé être au courant, ne serait-ce que pour l’accompagner à travers ça. Le couple n’eut pas le temps d’approfondir cette conversation ou d’en voir la fin qu’Aslander rentra dans la pièce non pas sans tousser presque autant que sa soeur. Le néo-zélandais avait pourtant l’habitude de cogner, et avec raison sachant que souvent Aisling et Isaiah s’autorisaient des moments intimes en plein jour. Mais là, il avait sans doute entendu le silence régnant dans la pièce et s’était dit que rien de particulier ne se passait. Hormis une ambiance lourde, tendue, triste. Isaiah tenta de lui faire comprendre qu’ils vivaient actuellement quelque chose à deux – il aurait peut-être même préféré se faire surprendre en train de faire l’amour plutôt que pendant une discussion qu’il considérait sérieuse. Son beau-frère comprit le message et s’en alla, et tout de suite Isaiah culpabilisa. Il soupira en regardant la porte se referma et en entendant les pas redescendre l’escalier. Il l’entendit tousser encore et fronça les sourcils. « Il a la même chose que toi, Asl ? » C’était peut-être une condition génétique, on ne sait jamais. Sur ce, Aisling attrapa sa main et lui affirma qu’ils se rendaient tous à l’hôpital. Isaiah la suivit jusqu’au salon, rejoindre Aslander. « J’vais nous apporter quelques trucs, on risque d’attendre un moment. » Avec les incendies, ils n’étaient pas les seuls à voir leurs problèmes de santé accentués. Il alla à la cuisine chercher quelques collations, puis des jeux ou livres qui se transportaient facilement, juste au cas où les heures s’étiraient. Il revint au salon vers les Callaghan. « On peut y aller. » Il attrapa à nouveau la main d’Aisling et la serra dans la sienne, ce simple geste signifiant qu’il la remerciait de cette décision.

Asiling hocha négativement la tête à la question d'Isaiah. Non, son frère n'avait rien. Enfin, rien de chronique. Parce que visiblement, là, présentement, il avait quelque chose.

-Non.

La blonde était bien trop préoccupée pour faire des réponses longues et y mettre les formes. Elle n'aimait pas voir son petit frère souffrir.

Isaiah, prévoyant, alors que la blonde était focalisée sur l'idée de l'hôpital préparait des affaires. Ça ne lui aurait même pas passer à l'esprit, sans doute parce que la seule chose à laquelle elle pensait, pour l'instant, c'était l'énorme boule qui se formait dans son ventre. Elle serra doucement la main d'Aslander dans la sienne. Ils savaient tous les deux ce qu'il en était. Ils savaient à quel point l'aînée des Callaghan reculait toujours des quatre fers quand il s'agissait d'hôpital. Elle se mordit l'intérieur de la joue quand il tenta de la rassurer.

-Je sais bien mais... Je ne suis pas sûre que ça règle beaucoup de choses.

Après tout, quand elle était petite, c'était avec ses parents qu'elle y allait. Ça ne lui avait pas fait plus apprécier l'hôpital pour autant.

Cette fois, c'est Isaiah qui prit sa main. Elle leva les yeux vers lui, avec un regard dans lequel il pouvait lire toute l'appréhension du moment. Elle posa brièvement la tête contre l'épaule de son amoureux pour se donner du courage. Son cœur battait, elle l'entendait. Elle releva la tête vers Aslander alors qu'il toussait encore et se décida à aller chercher une petite bouteille d'eau qu'elle lui tendit.

-Ça ne peut pas te faire de mal.

Vu qu'ils étaient fin prêts, enfin, pratiquement en tout cas, parce que psychologiquement c'était autre chose, ils partirent à pied vers l'hôpital. Heureusement, Bowen n'était pas très grand. La main d'Aisling serrait de plus en plus celle d'Isaiah, inconsciemment, probablement à lui en faire presque mal.