moon river and dancing queens ∞ nev

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moon river and dancing queens
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@nevaeh rutkowski & @pippa wojcik

Les quelques sms échangés avec Nev, ma meilleure amie de toujours, avait collé un sourire indécrottable sur mon visage. Elle était de retour ! Pas de passage, de retour. Cela signifiait que nous n’aurions plus nécessairement à nous voir en coup de vent ! Elle et moi, nous voyagions beaucoup et si mon point d’ancrage avait toujours été Bowen, le sien, jusqu’à présent s’était situé sur un tout autre continent. Nos relations, ces dernières années n’avaient quasiment été qu’épistolaire, et si nous ne passions pas un jour sans nous écrire ou nous téléphoner, pouvoir la prendre dans mes bras ou simplement passé du temps avec elle n’avait rien à voir. A vingt-deux heures pétantes, donc, je poussai les portes du Hendrix et cherchai une silhouette connue parmi les clients, venus en nombre en ce vendredi soir. Nevaeh était accoudée au bar, sublime comme toujours, une cascade de cheveux caramel tombant dans son dos gracieux. Je m’approchai derrière elle à pas de loup et vins l’étreindre un peu brusquement en riant exagérément comme un méchant de dessin animé, pour lui faire peur d’abord. Enfin, avec un rire plus doux et plus sincère cette fois, je la serrai contre moi, aussi fort qu’elle m’avait manquée.
— Ca me fait trop plaisir que tu sois là ! fis-je en posant mon menton dans le creux de son épaule, mais je vais être obligée de rester comme ça, sinon, tu vas encore parti loin de moi !

De toutes les personnes qu'il était bon de retrouver à Bowen, Pippa en faisait considérablement partie au travers de sa famille et des proches que Nevaeh avait mis de côté en choisissant de laisser son désire nomade s'envoler là où l'aventure la portait. Bowen l'avait étouffé. Souvent, trop souvent, à défaut de tout donner aux autres, elle s'était perdue. Et elle avait cru se trouver dans les bras d'un mec qui, dès la première fois, lui avait prouvé qu'il était mauvais pour elle. Seulement, il lui avait fallu le vivre, le voir de ses yeux, pour y croire. Et maintenant qu'elle ressentait un peu le mal du pays, que sa famille lui manquait, que Bowen, non pas la ville mais ce qu'elle représentait, lui était indispensable, la voilà prête à revenir. À peine arrivée sur le continent australien, celui qui ne l'avait accueilli que quelques jours seulement dans la dernière année, quarante-huit heures consécutives au maximum, elle avait déjà assommé sa meilleure amie de toujours, Pippa, de sms. Elle crevait d'envie de la voir, de la prendre dans ses bras sans craindre de manquer de temps pour lui raconter tout ce qu'elle avait en tête. Parce que dans la norme, elles n'avaient que quelques minutes au téléphone entre leurs boulots ou quelques heures à s'accorder. Mais pas ce soir. Ce soir, elles avaient toute la nuit si elles le voulaient, le temps qu'il leur faudrait pour renouer, retrouver leur relation d'avant. Vendredi soir, Hendrix, Nevaeh avait choisi l'endroit parfait pour leur soirée de plaisir, le bar commençait déjà à se remplir, à accueillir des visages tantôt connus, tantôt nouveaux, mais aucun d'eux ne semblait être celui dont elle cherchait. La brune s'accouda contre le bar, le serveur se précipita vers elle, prêt à prendre sa commande, elle lui sourit, charmeuse, il était beau, séduisant, l'air italien et mystérieux. Elle avait oublié comment les hommes de la ville étaient charmants. Elle lui commanda deux verres, sachant que sa copine ne serait pas trop longue à arriver, deux martinis, boisson qu'elle n'appréciait pas spécialement, mais qui lui rappelait une drôle d'histoire, Pippa et elle à une fête, Nevaeh qui renvoyait le contenu de son martini sur les pieds d'un mec lourd bien trop insistant et des années de fous rires à y repenser. Alors que les verres furent posés devant elle, une présence vint l'étreindre accompagnée d'un rire qu'elle reconnaitrait entre mille. Un sourire sincère se posa sur les lèvres de la journaliste, lèvres qu'elle avait peintes de rouge pour l'occasion et qu'elle vint poser sur la joue de son amie, sans manquer de la marquer au passage, dans un doux baiser. « Et moi donc ! », répondit la nomade à sa grande amie avant de rire à sa dernière remarque. « Tu risques de rater ta chance avec le canon derrière toi, il finira pas penser que tu es attirée par les femmes. », gloussa Nevaeh. « Remarque qu'avec la marque sur ta joue, tout le monde ici finira pas croire que t'es à moi », ajouta-t-elle, toujours en riant. « J'suis là pour un moment, Pippa. Et toi aussi, tu m'as manqué ».

Le Hendrix était bondé en ce vendredi soir mais la foule était loin de me faire reculer – d’abord parce que j’aimais assez ces ambiances festives et ensuite parce que la perspective de serrer ma meilleure amie dans mes bras me portait plus que jamais. Nev et moi étions inespérables depuis le bac à sable et pourtant, nous avions passé la majeure partie de notre vie adulte, séparées. Les boulots, les voyages, les amours…rares avaient été les fois où nous avions été réunies, et encore moins à Bowen. Aujourd’hui, pourtant, ma sœur de cœur avait décidé de rester dans la ville qui nous avait vues grandir. Pour de bon. Et rien au monde ne pouvait me faire plus plaisir. Bowen, c’était chez nous, le centre, la maison. Je passais, moi aussi, beaucoup de temps à l’étranger, souvent en vadrouille aux quatre coins du monde, mais je revenais toujours en Australie ; j’avais comme un besoin de m’y ressourcer. Je ne pouvais, de toute manière pas rester loin des gens que j’aimais très longtemps, et ces personnes là se trouvaient à Bowen. Savoir que Nev allait rejoindre ce cercle si précieux me mettait en joie. Ma meilleure amie m’attendait au bar, et quand je la rejoignis, les embrassades furent de mise. Nevaeh, après avoir collé ses lèvres écarlates sur ma joue en y laissant une trace, plaisanta aussi sujet du beau gosse derrière le bar qui allait penser que j’étais intéressée par les femmes, et non par lui, à force de serrer ma meilleure amie dans mes bras. Je m’en fichais éperdument en réalité, les gens pouvaient bien penser ce qu’ils voulaient, j’étais bien trop heureuse de la retrouver pour m’en soucier.
— Mais je suis à toi ! plaisantai-je en embrassant sa joue à mon tour. Les autres n’ont qu’à aller se rhabiller, ils ne t’arrivent pas à la cheville.  
Je me détachai finalement d’elle pour prendre ma place sur le tabouret haut à sa droite.
Ma meilleure amie nous avait commandé des Martinis. Cela me fit sourire ; quand nous étions ados, nous pensions qu’une fois adultes nous passerions notre temps à tremper nos lèvres avec distinction dans le liquide transparent qui nous serait servi par des barmans très séduisants. Cette image, pour des gamines qui avaient grandi dans une petite ville australiennes, la tête farcie de références télévisées américaines, était le summum de la classe. Evidemment, la réalité était tout autre. Je ne détestais pas le Martini, mais j’en commandais assez rarement. En fait, je n’en avais plus bu depuis cette fois où ma meilleure amie avait envoyé le contenu de son verre à la tronche d’un type. Histoire qui mit un sourire sur mes lèvres rien que par le simple fait d’y repenser. Nevaeh avait un caractère bien trempé, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et c’était l’une des choses que j’aimais le plus chez elle. Malgré tout, je saisi le pied de mon verre et le levai pour trinquer avec mon amie de toujours.
— À ton retour parmi nous !
Je bus une gorgée puis reposai mon verre sur le bar, avant de sourire à ma meilleure amie.
— Alors, t’es arrivée quand ? Tu as le temps de passer voir ta famille un peu ?
Je marquai un pause, puis osai me lancer.
— Alex est…rentré ? On s’est croisé en Europe, il n’y a pas longtemps. C’est drôle hein ?

Elles étaient amies depuis la nuit des temps, complices depuis toujours. Elles avaient fait les quatre-cents coups toutes les deux, jusqu'à s'attirer parfois quelques ennuis. Mais elles n'avaient jamais eu peur de danger, elles, tant qu'elles étaient réunies, elles étaient invincibles. Avec le temps, elles avaient appris à devenir invincibles individuellement, trop longtemps éloignées l'une de l'autre. Parce qu'ironiquement, elles étaient pareilles Pippa et Nevaeh, voyageuse dans l'âme, le besoin de changement constamment. Et à force de se séparer l'une de l'autre, elles avaient développer leur autonomie affective, appréciant toutes les fois où leur chemin se retrouvait, même si ce n'était que pour quelques heures. Sinon, elles avaient FaceTime, Skype, toutes ces applications qui leur faisaient garder un lien, se raconter leurs déboires et leurs bonheurs. Pippa était d'ailleurs la seule à Bowen à tout savoir sur sa relation avec Felix. C'est qu'elle lui faisait une confiance absolue, Nevaeh. Elles étaient pareilles, oui, jusqu'à être tombée amoureuse du même mec, au lycée. Seulement, une seule d'entre elles avait pu en vivre le bonheur. Mais tout ça, c'était matière à une autre discussion, une discussion qu'elles n'auraient pas ce soir. Dans le dos de la brune, la blonde vint l'entourer, la martelant de marques d'affection qui firent sourire la journaliste, bien heureuse de retrouver sa presque soeur. « Arrête de me flatter comme ça, P. Tu sais bien que la plus merveilleuse, entre nous deux, c'est toi. Sans compter ton petit cul vachement trop bien entretenu », lança-t-elle dans un rire, accompagné d'un clin d'oeil. « Faudra que tu me donnes ta routine de sport, parce que le mien commence à ramollir », nouveau rire. Dans ces blagues, il y avait de la vérité. Nevaeh avait toujours trouvé que Pippa était sublime, bien plus qu'elle. Elle envahissait une pièce avec sa beauté, son rire angélique et sa personnalité. Nevaeh, elle, s'effaçait quand il était question de sa meilleure amie, lui laissant tout l'espace pour briller. En retrait, elle admirait cette beauté, celle brillance. Pippa s'installa aux côtés de son amie, Nevaeh lui tendit un verre de martini, boisson qu'elles partageaient affectueusement d'un souvenir cocasse, alors que la blonde le levait dans une initiation à la trinque. « À nous, surtout », ajouta-t-elle. Son retour, c'était bien. Mais s'il était ponctué de tout le rattrapage qu'elles avaient à faire ensemble, c'était encore mieux. « Il y a deux jours », répondit Nevaeh quand elle lui demanda depuis quand ses pieds s'étaient posés sur le sol australien. Elle posa son verre sur le bar, après avoir pris une gorgée de ce dernier, répondant à la seconde partie de son questionnement. « Pas encore. Enfin, j'ai vu mes parents, ils sont venus me chercher à l'aéroport et m'ont aidé à m'installer. Mais je n'ai pas vu Woody, Ade ou même Alex. D'ailleurs, j'suis pas certaine qu'ils sachent que je suis rentrée. J'ai demandé à mes parents de me laisser leur annoncer mon retour. » Pour toutes les raisons que cela impliquait, elle avait tenu à le faire elle-même. Seulement, dans l'annonce qu'elle venait de faire à sa meilleure amie, la blonde ne semblait que retenir le nom de son frère. Elle s'enquit une nouvelle question. Nevaeh fronça des sourcils. « Euh, ouais, je crois. Pourquoi cette question ? »

Je pouffai à la remarque de Nevaeh et levai les yeux au ciel lorsqu’elle déclara que j’étais la meilleure de nous deux. Je ne pensais pas le moins du monde que c’était vrai, par ailleurs je n’avais pas la prétention d’être la meilleure dans quelque domaine que ce soit. Je pris néanmoins ce compliment pour ce qu’il était : une forme de gentillesse et un témoignage d’affection de la part de ma meilleure amie de toujours.
— Le pilate, ca fait des mer-veilles ! confiai-je à Neveah.
J’essayai de faire mes exercices le matin, quand je ne me levai pas trop tard. Je n’étais pas franchement réputé pour être une lève-tôt, davantage une couche-tard en réalité. Malgré tout, depuis quelque temps, j’appréciai les réveils plus matinaux, et prenais un réel plaisir à enchainer étirements et exercices plus physique. J’étais heureuse que le résultat de cette discipline porte ses fruits. Cela dit, nous n’allions pas passer la soirée à parler de mes fesses, aussi rebondis soient-elles. Nos verres de martini en main, nous trinquâmes enfin, au retour de Nevaeh, à notre amitié. La conversation dévia sur la famille de Nev qui, comme la mienne, vivait intégralement à Bowen. Je connaissais les Rutkowski depuis que j’étais gamine et avait passé de nombreuses soirées chez eux et cela depuis mon enfance. Malgré tout, si mon intérêt se portait tout particulièrement sur Alex, c’était à cause du rapprochement qu’il y avait eu récemment entre nous lors de mon dernier voyage en Europe, en Italie plus précisément. Un rapprochement qui me troublait beaucoup. J’avais connu Alex petit garçon et je ne l’avais clairement pas vu grandir. Aujourd’hui, les trois ans qui nous séparaient ne paraissait rien, et Alex était un homme désormais. Il me l’avait même démontré à mainte reprise. Cette histoire me mettait légèrement mal à l’aise vis à vis de Nevaeh, même si, dans le fond, je n’avais rien fait de mal. Nous n’avions rien fait de mal, Alex et moi. Alors pourquoi appréhendais-je le fait que ma meilleure amie découvre le pot aux roses ?
— Euh pour…pour rien, comme ça. Je me posais la question c’est tout.
Je bus un peu de mon martini pour faire passé la boule qui commençait à se former dans ma gorge.
— Alors tes parents t’ont aidée à t’installer alors ? Tu as trouvé un logement dans Bowen ? Il faudra que tu me fasses visiter !

Elle voyait toujours le bon dans les autres, Nevaeh. Mais que très rarement en elle. Excepté lorsqu'il était question de son travail. Pour le journalisme, sa capacité à écrire des articles censés et accrocheurs, elle était optimiste. Cependant, en comparaison aux autres, tout le monde était bien plus merveilleux qu'elle. C'était l'histoire de sa vie. Pippa n'en échappa pas à la règle. Des deux, elle la voyait comme une héroïne, comme la femme la plus belle, la plus merveilleuse. Et ce n'était pas des paroles en l'air. Pour Nevaeh, c'était la pure vérité. « Le Pilates », répéta-t-elle en souriant. « Je note. Si c'est pour me donner une silhouette comme la tienne, je suis prête à tout », gloussa la brune en faisant mine de noter l'information dans un carnet invisible. Ce qui était étonnant avec cette amitié, c'est qu'elle ne s'était jamais dégradée avec les années. Et ce, même si Nevaeh s'était souvent effacé pour faire briller Pippa. C'est qu'elle l'aimait à en mourir, sa meilleure copine. Elle était comme sa grande soeur. Nevaeh en avait une soeur, Adelaïde. Seulement, entre elles, leur relation n'avait jamais été simple. Compétitrice l'une de l'autre, elles s'étaient toujours battu pour savoir laquelle des deux avait le plus d'amour de Woody. C'était malsain. Et c'était peut-être ce qui expliquait son attitude nonchalante face à ce qu'elle pensait de Pippa, alors que d'autres auraient été irrités bien rapidement. C'est qu'elle ne voulait pas s'embrouiller avec elle, alors qu'elle l'était déjà avec sa propre soeur. De son côté, Nevaeh aurait pu passer la soirée à parler des fesses rebondies de son amie. La connaissait, elle aurait aussi pu faire un vox pop dans le bar pour demander l'avis des clients quant au postérieur de Pippa. Ça, ça ne la gênait pas du tout. Elle espérait même presque secrètement que son amie le lui propose, à la blague, bien évidemment, pour saisir l'occasion de le faire réellement. Mais au contraire, la blonde se mit à parler de l'aménagement de son amie et de sa famille, s'arrêtant en posant des questions sur son petit frère, Alex, qu'elle n'avait pas vu depuis son retour à Bowen. C'était louche, Pippa ne lui avait jamais réellement parlé d'Alex avant aujourd'hui. Elle fonça les sourcils. « Pour rien ? Tu veux rire ? », demanda-t-elle, perplexe. « Philippa Wojcik », articula-t-elle sur un ton réprobateur, « Je te connais par coeur, tu me caches un truc », l'accusa-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. « Puis, d'entre nous deux, tu es la mieux placée pour le savoir, s'il est revenu à Bowen. T'as un compte instagram, toi. Tu connais mon aversion pour les réseaux sociaux. Seulement, bien que je n'en ai pas, j'suis pas assez vieille pour ne pas savoir que ce genre de chose, ça se découvre en espionnant le compte d'une personne. » Elle lui sourit, l'entendant changer de sujet. Il y avait bien quelque chose qu'elle n'osait pas lui dire. « Près de la plage, oui. Tu passeras, quand tu veux », lui dit-elle avant d'ajouter : « J'inviterai Alex au passage, comme ça tu pourras prendre de ses nouvelles! »

Le pilâtes aidait pas mal, c’était par ailleurs une excellente activité pour pousser la connexion avec son corps, prendre conscience du fonctionnement de ce dernier, de l’utilité des différents muscles. Ca n’était clairement pas facile ; même si la plupart des mouvements s’effectuaient au sol, c’était très physique. Mais j’aimais ça, cela m’apportait une grande satisfaction personnel, ainsi qu’un apaisement très agréable. Une sérénité. Moi qui avait tendance à laisser mon esprit partir dans tous les sens, une séance de pilâtes aidait à lâcher prise. C’était bien plus qu’un sport autrement dit.

Je tournai machinalement le pic à olives dans mon martini alors que je me maudissais de ne pas avoir tourner cinq fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Mon intérêt pour Alex était flagrant et Nev me connaissait bien assez pour que cela passe inaperçu. Je levai les yeux vers elle quand elle prononça mon nom. Le vrai. Celui qui était inscrit sur mes papiers. Pas Pippa Wojcik, Philippa Wojcik. Seule ma grand-mère m’appelait comme ça.
— Mais non, je ne cherche pas à te cacher quoi que ce soit…
Si bien sûr que si. En ne disant rien, c’était comme de lui mentir. Mentir sur la raison qui me poussait à demander des nouvelles d’Alex. Je cachais volontairement la relation que nous avions eu lui et moi. C’était un mensonge par omission autrement dit. Même si, au fond, c'était plus complexe que ça. Je pris une longue inspiration en l’écoutant me dire que j’avais sans doute vu l’information avant elle sur les réseaux sociaux quant au retour de son frère. Devais-je lui dire que si je scrollai l’instagram d'Alex, c’était pour une toute autre raison ? Non probablement pas, elle ne souhaitait pas entendre ça.

Ca ne me ressemblait pas vraiment, mais la discussion me mettait mal à l’aise. Moi-même j’avais du mal à comprendre pourquoi. Sans doute avais-je minimisé mon attachement à Alex, ou mal mesuré le doute que ces moments d’idylle échangés avec lui allait engendré une fois que je me tiendrais devant ma meilleure amie. Je changeai de sujet, mais Nevaeh n’était pas dupe et revint la charge. Cette fois, néanmoins, je ne pus m’empêcher de sourire.
— Ca me plairait, en effet, fis-je avec malice, visiter ton appart, je veux dire…

Faire du sport... Nevaeh n'avait pas le temps. Elle laissait son corps de presque trente ans se dépérir alors que le boulot prenait une place trop importante dans sa vie. Elle était constamment en rédaction à New York et prévoyait l'être encore plus à Bowen. Pas que les occasions de couvrir des nouvelles étaient plus grandes que dans la grosse pomme, mais plutôt parce qu'elle aspirait à bien plus que le journal local. Elle voulait retrouver sa place dans la rubrique voyage, reprendre les routes pendant des mois, trouver des lieux inusités et les explorer pour le plaisir de ses lecteurs. Elle voulait repartir à l'aventure avec pour seul allié son sac à dos et son appareil photo, là où les limites n'existaient pas, parce que ça faisait bien trop longtemps qu'elle ne se l'était pas accordé. Parce que trois ans fiancée à un connard l'avaient dénaturée. Alors le sport, ça avait pris le large un peu. Elle faisait un peu de yoga, Nevaeh, mais surtout pour l'effet apaisant que cette pratique avait sur elle. Parce qu'entourée de tout ce stress, entre le travail et l'état de santé de son frère aîné qui ne cessait de se dégrader, elle avait bien besoin de trouver un peu de calme. Mais la conversation n'était pas axée sur ça. Ni même sur le travail ou sur Woody qui allait de plus en plus mal. Non, elle dévia plutôt sur son autre frère, Alex. Alex et ses voyages. Ils partageaient bien ça, tous les deux, l'amour des voyages. Seulement, elle n'avait pas parlé à Alexander depuis des semaines, elle ne savait même pas quel pays il avait choisi de visiter récemment. Tout ça, Pippa pouvait le savoir, elle était bien plus informée qu'elle, l'anti réseaux sociaux. « Qu'est-ce qu'il t'a fait, Alex ? », demanda-t-elle en changea de tactique. « Je sais qu'il peut être con parfois, c'est le gène Rutkowski... » Elle tentait de l'amadouer, de la prendre d'une façon différente, parce qu'elle cachait mal, Pippa, qu'il y avait un truc sur son frère qu'elle ne voulait pas dire. « Fuck, me dis pas qu'il a mis une fille enceinte !? », demanda ensuite Nevaeh en ouvrant les yeux aussi gros que des billes. « Non, non non non, Pippa, c'est pas vrai... Dis-moi que c'est pas vrai! » Elle cherchait sans doute trop loin, Nevahe. Mais pouvait-on lui en vouloir ? Avec si peu d'informations, elle faisait ce qu'elle pouvait. Pippa changea de sujet, lui proposant de visiter son appartement. « Ouais, j'avais compris que tu parlais de mon appartement. Mais qu'est-ce qui te prend, Pippa, t'es pas comme d'habitude ? » Était-elle partie depuis tellement longtemps que sa relation avec son amie d'enfance en avait pris un coup ?

Je pinçai les lèvres devant la question de ma meilleure amie. Je n’étais pas sûre qu’elle souhaite réellement savoir ce que m’avait fait Alex. Pas dans les détails du moins. Heureusement pour moi, je n’eus pas vraiment à répondre à cette question puisque Nevaeh partit dans des élucubrations farfelues, se faisant complètement des films sur son frère. Ce qui m’arrangea un court instant.
— Non non…il a n’a mis enceinte personne.
Pas que je sache du moins. Ouais, j’avais un peu de retard sur mes règles mais…c’était à cause du décalage horaire ça, du jet-lag, tout ça... Puis, on avait mis des capotes, enfin presque tout le temps…sauf cette fois, où on avait été un peu pressés mais…merde. Elle me faisait douter là ! Non. Alex n’avait mis enceinte personne. J’irais tout de même à la pharmacie chercher un test mais…non non, c’était pas ça.
— Non, c’est pas vrai, fis-je pour me convaincre moi autant que pour la convaincre elle, il a mis personne enceinte. Calme-toi.
Il fallait que je me calme aussi. Je commençai à flipper grave. Je pris une longue inspiration, puis terminai mon martini d’un seul coup. Merde, et si j’étais enceinte ? Je venais de me boire un verre d’alcool en moins de deux minutes. C’était pas bon pour le bébé ça. Le bébé ? Quel bébé ? Y’a pas de bébé, Pippa, okay ? C’est combien de temps le délai légal pour avorter ? Putain Pippa !! Arrête de penser à ça. Nev remarqua que quelque chose clochait et me le fit savoir, je me concentrai sur elle, fébrile puis soupirai longuement.
— Nev…je…je peux pas te mentir plus longtemps…j’ai couché avec Alex.
Et il m’a peut-être foutue enceinte. Merde merde merde.

Spoiler:

Le comportement de Pippa n'avait rien à voir avec celui qu'elle avait habituellement en présence de sa meilleure amie. Elle semblait loin, perdue, elle semblait malaisée, ailleurs. Nevaeh ne la sentait pas heureuse de se retrouver face à elle, alors que ça aurait dû être tout le contraire. Elles avaient été séparées depuis trop longtemps, toutes les deux, et d'ordinaire leurs retrouvailles étaient plutôt cacophoniques. Elles se serraient dans leurs bras, s'embrassaient, ne se lâchaient plus d'une semelle, passaient la soirée à se raconter des histoires, à rire, à parler des ragots de la ville ou même à se remémorer le passé. Elles ne passaient pas une seconde sans faire aller leurs bouches, sans se lâcher des yeux, pas même pour aller faire pipi. Mais tout ça, ce n'était pas là ce soir. Pippa posait des questions étranges, était perdue dans ses propres pensées et agissait avec une telle retenue que la brune ne savait pas ce qu'il pouvait bien lui arriver. Elle la questionna, d'ailleurs, faisant le lien entre sa question concernant Alex et le reste de la conversation qui était devenue un peu étrange, que pouvait-il bien lui avoir fait ? Et Pippa assura à sa meilleure amie que Rutkowski ne lui avait rien fait. Nevaeh supposa donc qu'il avait fait quelque chose à une autre. Et connaissant son frère, connaissant ses comportements plutôt voilage, elle supposait bien qu'il avait pu commettre la plus grande erreur de sa vie. Tout de suite, la journaliste pensa au pire, l'exagération qui faisait partit de ses traits de caractère, elle s'écria qu'il en avait mis une enceinte, une parmi toutes celles qu'il avait pu trouver ces derniers mois. Mais la blonde tenta de rassurer son amie, lui assurant qu'Alex n'avait pas mis une fille enceinte. Nevaeh soupira de soulagement. « Putain, tu m'as fait peur.... » Elle secoua la tête en souriant. « Non pas que je ne serais pas heureuse d'être une tati gâteau..., Alex étant le seul des Rutkowski dont il était plus probable de poursuivre la lignée familiale, mais pas maintenant. Il n'est pas prêt. Sa vie est loin d'être assez stable... » Elle ne s'attendait plus au pire à présent, Nevaeh, maintenant que son hypothèse paniquante était démentie. Elle s'apprêtait à porter son verre à ses lèvres quand la blonde prit de nouveau la parole, précisant qu'elle ne pouvait plus lui mentir plus longtemps. Le verre contre ses lèvres, Nevaeh fronçait des sourcils en écoutant attentivement ce que son amie avait à lui dire. Et sa gorgée de martini prit un chemin qu'il ne fallait pas au travers de sa trachée, Nevaeh toussa en s'étouffant, tentant de reprendre ses esprits. « T'as fait quoi !? », demanda la brune alors qu'elle avait très bien compris. « T'as couché avec mon frère ? Mon frère !? Putain, Pippa, tu l'as pratiquement vu nu gamin, t'es pas sérieuse ? », s'exclama-t-elle avec dégoût. « Bon, ça y est, maintenant j'ai l'image de ma meilleure amie et de mon frère ensemble », gloussa-t-elle en se couvrant les yeux, comme si ce geste pouvait couvrir son imagination.

J’écoutais à peine ce que disais ma meilleure amie, laissant mes pensées affolées m’assourdir complètement. Je n’avais jamais pensé à l’éventualité de tomber enceinte. Jamais. Ca n’était même pas dans mes préoccupations. Du tout. Je prenais mes précautions depuis mon tout premier rapport sexuel, j’étais plutôt bien avisée sur la contraception comme n’importe quelle femme ou n’importe quel homme de ma génération. Je n’oubliais presque jamais le préservatif, pour des raisons de sécurité et d’hygiène avant tout. Non, ça n’était pas possible que ce soit ça. J’avais du retard dans mes règles à cause de décalage horaire, je ne voyais que cette explication. De son côté, Nevaeh expliqua qu’elle ne se voyait pas encore tante. Moi, je ne me voyais pas mère. Du tout. Je n’avais jamais pensé à cette question…avant. À cet instant précis pourtant, j’étais bien incapable de me focaliser sur autre chose. Et Alex…j’aimais beaucoup Alex, et nos moments passés en Europe relevaient du paradis sur terre, un court moment d’idylle que nous avions échangé à deux. Malgré tout, lui non plus n’était clairement pas prêt pour avoir un enfant. Non, vraiment, ça n’était pas du tout le moment pour moi de tomber enceinte, et encore moins de mener une grossesse à terme. Mon cerveau tournant à plein régime, je décidai de m’appuyer sur du concret, pour calmer le jeu. Et comme j’étais incapable de mentir à ma meilleure amie, j’avouai finalement ma liaison avec son cadet. Comme je m’y étais attendu, elle encaissa difficilement l’information.
— Je sais oui…
J’avais pensé à tout ça. Au début, quand nous nous étions embrassés pour la première fois, puis le premier matin où je m’étais réveillée à ces côtés. Je ne regrettai rien, bien sûr, mais il m’était aussi difficile d’oublier qu’Alexander était le petit frère de ma meilleure amie et qu’effectivement, comme le soulignait Nev, je l’avais pratiquement vu nu quand il était gamin déjà. Je pinçai les lèvres confuse.
— Non, enlèves-toi ses images….Nev, je sais que ça fait bizarre. Ce n’était pas prémédité. On est deux adultes et on a ressenti une attirance l’un envers l’autre voilà tout.
Ca n’était pas vraiment plus compliqué que ça en réalité.

La panique s'était installée en croyant que son frère, son petit frère, ait pu mettre une fille enceinte. Ça ne l'aurait que surprise à moitié, sans vouloir être méchante. Mais Alex était du genre charmeur, ne se cachait pas d'avoir des conquêtes, de fréquenter plusieurs filles et un oubli était vite arrivé. Parfois, dans la frénésie de l'action, entre les baisers brûlants - qu'elle ne voulait pas imaginé venant de son frère et d'une autre fille, beurk - la tête et la raison oubliaient de faire leur travail. Tout ça, ça aurait pu arriver. Et si tel avait été le cas, Alex aurait été dans un sacré merdier. Parce que pour avoir un enfant, il fallait être un minimum stable, mature, adulte. Et Alex, c'était un grand gamin. Un ado-adulte. Il n'était pas prêt pour cette vie. Et, surtout, il avait encore tellement de choses à vivre avant de vivre la vie de famille. Pippa la rassura tout de même en confirmant qu'il n'avait pas mis de filles enceintes, ce que plus tard elles apprendraient toutes les deux qu'il s'agissait d'un mensonge, ce qui fit souffler la brune avant que son coeur ne refasse un tour quand sa meilleure amie lui avoua, finalement, que son frère et elle avaient eu une liaison. La réaction initiale de Nevaeh fut l'incompréhension et, surtout, le déni. Elle savait qu'Alex couchait, mais elle ne voulait pas se l'imaginer. Elle ne voulait pas de ces images dans sa tête. « Hey, toi et Alex, vous êtes assez grands pour savoir ce que vous pouvez ou pas faire », finit-elle par dire à la blonde qui tentait de se justifier. « Que tu couches avec mon frère, ouais c'est un peu bizarre.. », ajouta-t-elle en riant. « Mais si c'est ce que tu veux, j'suis qui pour te dire de ne pas le faire ? » Au fond, si cette situation les rendait heureux, Nevaeh ne pouvait qu'accepter. « J'veux juste pas que tu me décrives vos trucs et tout.... S'il te plait ! », l'implora-t-elle avant de rire. « En vrai, ça serait cool de t'avoir comme belle-soeur... Bon, ok, je m'emballe. Vous avez que couché ensemble une fois... Une fois, hein ? », demanda la brune en souriant. « Tu le kiffes ? »

Non, rien n’avait été prémédité entre Alex et moi, pas même notre rencontre au cœur de la capitale italienne. Nous étions tombés l’un sur l’autre par le plus grand des hasards, avions partagé un repas en terrasse, bu du vin, beaucoup de vin, puis, de fil en aiguille nous nous étions embrassés et avions terminé la nuit dans les bras l’un de l’autre. Cette idylle n’avait duré que le temps de notre voyage, cela avait été agréable, doux…et les questionnements étaient survenu, c’était vrai, une fois que nous étions tout les deux redescendus de notre nuages. Pour l’heure, je ne savais pas vraiment comment les choses allaient évoluer, je ne savais pas ce que je voulais non plus, je ne m’étais pas posé ce genre de question, et avec cette inquiétude, toute neuve, d’une potentielle grossesse, cette histoire commençaient à me chamboulait bien plus qu’elle ne l’aurait du. Malgré tout, je me sentais soulagée de constater la réaction de Nevaeh vis à vis de tout ça. Ma meilleure amie prenait très bien la chose et cela me rassurait. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle me fasse une esclandre au beau milieu du bar, ça n’était clairement pas son genre. C’était une personne réfléchie et ouverte d’esprit. Mais j’avais nourris une petite appréhension, je devais l’admettre.
— Merci, Nev, ça me rassure que tu le prennes comme ça.
Je souris à ma meilleure amie puis pouffai en l’entendant me demander de ne surtout rien lui décrire.
— Je dirais juste qu’il fait honneur à son blason, plaisantai-je en riant.
Cette légèreté me fit un bien fou. J’étais fatiguée, jet-laguée, un peu paniquée aussi avec cette idée de grossesses éventuelle, mais rire avec Nev était un remède parfait, et je pouvais le consommer sans modération.
— Belle sœur…tu vas peut-être un peu loin, rigolai-je, tu sais, le mariage et moi…
En effet, je n’étais pas très axée conventions. Ma meilleure amie le savait très bien, elle avait assisté, comme tous mes proches, à l’annulation en direct de mon mariage avec Juliann six ans plus tôt. Alors que je portais ma robe de mariée et lui son costume trois pièces, que nous tenions tous deux devant le maire, nous avions décidé de tout arrêté. Juliann restait mon âme sœur et il le serait probablement pour toujours, mais nous n’étions plus amoureux et ce mariage, nous le savions, nous aurait sans doute brisé.
— Non, pas qu’une seule fois…mais ça n’est arrivé qu’en Italie. On s’est pas revu après ça et…oui, ton frère est un mec bien. Il est pas au courant qu’il a vingt-sept ans mais…c’est un garçon gentil, et attentionné aussi. Je l’aime bien.
Je pris une gorgée de martini, oubliant totalement que j’avais peut-être un truc vivant dans mon ventre, puis levant des yeux doux vers ma meilleure amie.
— Mais t’emballes pas, on n’est pas ensemble. Pour le moment c’est une histoire de vacances. J’étais juste pas très à l’aise avec l’idée de te le cacher. Je me dis que si tu sortais avec un de mes proches, admettons…Juliann, par exemple, je pense que j’aimerais le savoir alors…voilà. Je te le dis. Mais, ne joues pas les entremetteuses, ok ? On est grands tous les deux.
Je pointai un doigt vers elle, comme si je cherchai à la mettre en garde. Mais mon sourire donnait le ton. Je plaisantais, évidemment.

« Ne me remercie pas, Pippa », fit Nevaeh en secouant la tête. « Vous êtes adultes, je te l'ai dit. Vous êtes assez mature, bon... Toi tu es assez mature », fit-elle en riant, écourtant son discours, « pour savoir ce qui est bon pour vous. » Et elle n'avait surtout pas le monopole de son frère. C'était bizarre, oui, rappelons, Pippa était comme une soeur pour Nevaeh, elles avaient passé leur enfance ensemble, Pippa était toujours fourrée chez les Rutkowski lorsqu'elles étaient petites. Mais sans doute que cette proximité de toujours avait aidé à rapprocher Alex et Pippa en temps voulu. « Je sais aussi que si les rôles étaient inversés, tu me soutiendrais dans cette histoire. C'est ça, des amies, non ? », fit la brune en souriant à sa meilleure copine. « Mais t'es chanceuse que t'aies que des soeurs. À moins que tu me caches un beau gosse de demi-frère ? » Ou un meilleur ami / ex-fiancé nouvellement célibataire ? Nevaeh n'était peut-être pas encore en contact avec ce dernier, mais cela ne tarderait pas et elles allaient peut-être devoir avoir à nouveau cette discussion, rôles inversés. Pour l'instant, ni elle ni Pippa ne savait ce que présagerait leur amitié. « La seule chose que je te demanderais, Pippa, c'est de ne rien me cacher sous prétexte qu'il s'agit de mon frère », lui demanda-t-elle, à nouveau sérieuse. « Je veux dire... Si t'as envie de le revoir, de coucher à nouveau avec lui à Bowen ou quoi que ce soit... J'ai pas envie que tu t'empêches de m'en parler parce qu'il est mon p'tit frère... » Ça serait dommage, quand même, pour une si belle amitié de prendre des distances pour des liens de famille. Elle lui demanda ensuite d'éviter, cependant, de lui raconter les trucs en détail, ce à quoi la blonde répondit avec humour. Nevaeh riait, mais bouchait aussi ses oreilles. « La la la la, je ne veux rien savoiiiiiiiir », chantonnait-elle les yeux fermés, les doigts dans ses oreilles. « C'est bon ? T'as terminé ? », hurlait-elle en riant avant de reprendre la discussion, rêvassant de ce que la situation ne devienne plus sérieuse entre elle et Alex. « Hey, oh, j'ai pas parlé de mariage, c'est toi qui t'emballes là », gloussa Nevaeh secouant la tête. « Le prochain mariage, ce sera le mien. T'as déjà vécu ton moment », souffla-t-elle en tirant la langue. Mariage, ce rêve que Felix avait brisé. « Bon, ok, pour ça faut trouver un mec pour remplacer ce plouc qui m'a trompé... », fit-elle en roulant les yeux vers le cil avant de boire une grande gorgée de martini pour écouter le reste de l'histoire de sa meilleure amie. « J'espère que c'est un mec bien, c'est quand même un Rutkowski », pouffa Nevaeh. Décidément, elle n'en manquait pas une ce soir. « Alors, comme ça, tu l'aimes bien ? », demanda-t-elle en s'accoudant sur le bar pour mieux la regarder avant de faire des grands signes de bras. « T'inquiètes, t'inquiètes, je ne m'emballe pas », assura-t-elle en riant. « Nan mais je comprends.. Et j'apprécie que tu m'en parles. » Ce qu'elles ne savaient pas encore toutes les deux, c'est que cette situation improbable, Juliann et elle, arriverait tôt ou tard.

Je n’en avais pas attendu moins de la part de ma meilleure amie. Je la connaissais depuis des années et son caractère - franc certes, mais plutôt calme et conciliant - se reflétait dans ses mots, aujourd’hui. Je savais que la situation était étrange, que Nevaeh n’avait sans doute jamais envisagé une seule seconde que je flirte avec l’un de ses frères un jour. Moi-même je n’y avais jamais pensé avant cet épisode idyllique passé en Italie avec Alexander - même si j’avais eu un crush de pré-adolescente sur Woody fut un temps, cela s’était arrêté là. Nev accueillait la nouvelle avec calme et nous renvoyait, Alex et moi, à nos responsabilités d’adultes. Effectivement, nous avions été conscient de ce que nous faisions, tout le long, même si la passion l’avait emportée sur la raison quelque fois.
— Quoi, mes soeurs ne sont pas assez jolies pour toi ? plaisantai-je avec légèreté. Non, je n’ai pas de frère caché dans un placard, enfin…pas que je sache.
J’avais toujours assumé que mes parents étaient restés fidèles l’un à l’autre, c’était du moins ce qu’ils laissaient transparaitre, qu’aucun accro n’était venu entaché leur beau mariage, mais au fond, je n’en savais rien. À la réflexion, cela m’aurait amusé, je crois de découvrir que mon père - ou non, tiens, ma mère avec ses principes stricts et son cul serré - ait une deuxième vie. Pas pour le drama, pas pour le cri et les larmes, mais pour le secret. En tant qu’autrice, le mystère et les secrets de famille me passionnait. Hélas, dans ma famille à moi, tout était écris comme sur du papier à musique. En parlant de secret…ma meilleure amie me confia qu’elle ne souhaitait pas que j’en ai pour elle, en ce qui concernait mon éventuel relation avec son petit frère, je hochai la tête.
— Tu me connais, je ne suis pas prête à me poser avec un mec et je ne crois pas que ton frère soit prêt non plus à former un couple exclusif mais…s’il se passe un truc important, tu seras la première au courant.
(lol)
Effectivement, mon histoire avec Alex devait être prise pour ce qu’elle était pour le moment : une aventure de vacances, intense certes, mais nous ne nous étions absolument rien promis l’un à l’autre.
— Je sais bien que t’as pas parlé de mariage, rigolai-je, et encore heureux, tu connais mon point de vue sur la question. Non…mais ce que je veux dire, c’est que pour le moment, je n’ai pas revu Alex, à Bowen, je veux dire. Et je ne sais pas du tout ce qu’il en est pour lui. Peut-être que ça restera l’histoire d’une fois…enfin…plusieurs fois, mais…bref, t’as compris
Je partis d’un petit rire joyeux puis terminai ma coupe de martini, puis descendis de mon tabouret.
— Bon, ça m’a fait plaisir de te revoir, Nev ! Mais je crois que le jet-lag…et l’alcool vont avoir raison de moi.
Je pouffai puis m’approchai de ma meilleure amie pour la prendre dans mes bras et coller un baiser sonore sur sa joue.
— Tu me tiens au courant pour ton aménagement…j’ai pas l’air comme ça, mais je peux porter des trucs super lourds !
Je pliai le bras pour faire ressortir mon petit biceps puis, partant d’un rire joyeux, j’envoyai un baiser à ma meilleure amie, lui souhaitai la bonne nuit et quittai le Hendrix avec un sourire heureux sur les lèvres. Malgré tout, je devais l’admettre, une toute petite appréhension se fit une place dans le creux de mon estomac…étais-je enceinte, oui ou non ? Il me faudrait attendre le lendemain pour aller chercher un test de grossesse. En entrant dans mon appartement, je priais pour que ce fichu test, demain, soit négatif.

Je me suis dis qu'on pouvait cloturer ce rp, si ça te va ?