(River) Brother & Sister

J'étais à la maison, tranquille en train de geeker, affalé sur le canapé du salon, quand je reçus un sms de Kaz. Je soupirais, me demandant ce qu'il pouvait bien se passer... Encore... Peu importe, c'était ma p'tite sœur, et quoi qu'il y ait, je débarquais dans la seconde si elle avait besoin de moi. Elle voulait que j'apporte de l'alcool. Ok, y avait clairement un problème. Je me retournai pour voir ce que faisait mon père. Il était attablé à la salle à manger, en train de... faire ses comptes ? Aucune idée, il avait le nez dans ses papelards, je me fichais bien de savoir ce que c'était. En tous cas, il avait l'air concentré, donc c'était soit des factures soit... des factures. Je voyais pas ce qu'il y avait d'autre qui pouvait retenir autant son attention et lui tirer cet air si sérieux.

Je posai ma manette et allai à la cuisine, l'air de rien, guettant mon père du coin de l’œil. Il savait que je picolais et ça lui était bien égal, sûrement parce que lui buvait autant que moi. Et puis, j'étais majeur après tout. Mais si je me barrais avec une bouteille, il allait trouver ça louche et il allait me poser des questions. Et je ne pouvais pas lui dire que c'était pour Kaz, parce que ça j'étais certain que ça lui plairait moins. Il kiffait pas trop que je corrompe sa petite princesse si parfaite. S'il savait tout ce qu'elle faisait dans son dos, sans que ce soit forcément moi l'instigateur de ses frasques, il n'y croirait pas. Bon, c'est vrai que j'étais pas un super modèle, et que ma sœur subissait probablement un peu ma mauvaise influence. Mais je n'étais pas le seul responsable de sa décadence, on avait un peu ça dans les gènes.

J'ouvris un placard sans faire de bruit et regardais ce qu'on avait en réserve. De la téquila ! C'était parfait pour toute sorte de chagrin. Je pris la bouteille et quittai la cuisine sans un bruit. Merde... Kaz s'était isolée dans la forêt et c'était pas tout près... Je regardai autour de moi et constatai que mon père avait laissé ses clé de voiture dans le vide-poche qui était posé sur la console près de l'entrée. Je n'hésitai qu'une seconde et m'emparai des clés. De toute façon, il était occupé, il n'avait pas besoin de sa voiture. Au cas où il comptait s'en servir dans l'immédiat, je préférais ne pas lui demander. Ma p'tite sœur avait besoin de moi et je n'avais pas l'intention de la laisser tomber.

Tout en finesse, je me glissai dans la voiture et priai pour que mon père ne l'entende pas démarrer. Une fois le moteur en marche, je ne perdis pas de temps et quittai aussitôt l'allée pour rejoindre Kaz. Ce n'était pas très loin, mais à pieds j'aurais mis un temps fou à arriver. Avec ma bouteille à la main en plus, j'aurais fait clodo à la dérive...

Lorsque j'arrivais, je tanquai la caisse du daron au début d'un sentier et trouvai Kaz un peu plus loin, allongée par terre. Rien d'étonnant, elle devait encore vivre un drame typiquement féminin de fin d'adolescence. Elle avait l'air d'avoir pleuré. J'aimais pas ça la voir triste. Je me préparais mentalement à devoir casser quelques gueules bien comme il faut.

- Je pensais que tu allais jamais arriver, dit-elle en se relevant. Tu as ce qu'il faut ? Papa t'a pas vu ?

- T'inquiètes ! lui répondis-je avant de déposer un baiser dans ses cheveux et de lui montrer la bouteille que j'avais chouravé dans la cuisine.

- Comment va le plus bel homme sur cette terre ?

Je lui souris en guise de réponse, j'aimais cette complicité qu'on avait. Kaz et Amara étaient les seules personnes au monde à avoir de l'estime pour moi. Ma sœur et moi on partageait un amour inconditionnel défiant toute rationalité. Je n'étais certainement pas le meilleur frère du monde, et pourtant quand elle posait ses grands yeux sur moi, j'avais l'impression que c'était le cas. Et puis on avait peu d'écart d'âge et on se ressemblait beaucoup sur de nombreux points, alors cette complicité était inévitable. On se serrait toujours les coudes et on était toujours là l'un pour l'autre quoi qu'il arrive. J'avais de la chance de l'avoir.

- Moi ça va, mais c'est plutôt moi qui devrais te demander si ça va ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi t'es si triste ? demandai-je avec un regard sincèrement inquiet.

Je ne savais pas ce qui la tourmentait, mais j'avais bien l'intention de l'aider à surmonter ce chagrin. Peu importe de quoi elle avait besoin, je le lui donnerais. Si elle voulait que je casse la gueule à un mec, je le ferais. Elle voulait de l'alcool ? J'en avais apporté. J'avais même prévu un joint au cas où.

- Dis-moi ce qui se passe, baby sis' ?

J'avais de la chance d'avoir une sœur comme Kaz, j'en étais conscient. Je n'étais pourtant pas certain de lui rendre la pareille et d'être moi aussi le meilleur frère qui soit. On avait déjà eu des embrouilles tous les deux, mais c'était de ma faute la plupart du temps. Elle était bien plus facile à vivre que moi et je savais bien que ça ne devait pas toujours être facile pour elle de me supporter. Certes j'étais là pour elle, à chaque fois qu'elle avait besoin de moi, qu'elle veuille parler ou bien pleurer ou juste se changer les idées, je ne la laissais jamais en plan. Mais j'avais tendance à être auto-centré, c'était même un euphémisme, et il m'arrivait de ne pas percevoir ce qu'un frère attentif et digne de ce nom aurait facilement deviné. Heureusement pour l'idiot que j'étais, Kaz me cachait rarement des choses, si ça n'allait pas, elle me le faisait savoir la plupart du temps.

La vue de la bouteille de tequila sembla la ravir, bien que son sourire ne suffisait pas à dissimuler ses yeux rougis par les larmes qu'elle avait dû essuyer jute avant que je n'arrive. Trop tard visiblement, sa tristesse ne m'avait pas échappé. Et la voir comme ça me mettait grave les nerfs ! Je la laissai savourer le réconfort de l'alcool avant de l'assaillir de questions, je ne voulais pas la bousculer, elle avait l'air d'être suffisamment tourmentée sans que je n'en rajoute une couche avec mon manque de tact.

- Tu es le meilleur des frères.

Je lui souris, pas vraiment convaincu par la véracité de cette remarque, mais je faisais de mon mieux, et visiblement ça lui suffisait. Mais je savais qu'elle faisait preuve envers moi d'une indulgence qu'elle n'avait pas forcément pour les autres. Je m'amusai à l'observer tandis qu'elle manqua de s'étouffer avec la tequila et la laissa sa main m'attirer vers elle. Je m'assis à ses côtés, posant sur elle un regard plein de compassion, attendant qu'elle se confit naturellement à moi.

-  Tu veux la version courte ou longue ?

- Dis-moi tout baby sis', j'ai toujours le temps pour toi, lui répondis-je en essayant de ne pas m'inquiéter de la voir aussi nerveuse.

- Le mec avec qui je travaille est un gros cons, je tombe amoureuse d'un mec inaccessible et j'ai envie de tout quitter.

Un mec ? Ben voyons... Nous les Morgan on était abonnés à la merde lorsqu'il s'agissait de relations. Papa et moi, on était du genre à briser des cœurs, et Kaz elle, elle subissait le même manque de considération de la part de ses prétendants. Je voyais en ma petite sœur tout le mal que j'avais pu causer à mes conquêtes par mes expériences personnelles. Mais j'avais beau le constater de mes propres yeux, je répétais éternellement le même schéma toxique.

- C'est-à-dire ? Tu veux quitter quoi, ton taf ? Si il y a un con qui t'emmerde, je vais le défoncer et on en parle plus.

Ça c'était pas un gros problème, je pouvais gérer facilement, en tous cas je n'en doutais pas une seule seconde.

- Et ce mec dont t'es amoureuse, pourquoi il est inaccessible ? Il a déjà une nana ? Si c'est pour ça, tu sais, y a jamais rien de gravé dans le marbre. Tu devrais tenter une approche et voir si de son côté il s'intéresse à toi aussi. C'est dommage de se prendre la tête alors que l'autre nana tu peux la dégager easy-peasy !

J’idolâtrais Kaz, je la trouvais spéciale et pour moi c'était la meilleure. Je ne voyais aucune fille qui puisse lui faire concurrence. C'était ma petite sœur et pour moi même ses défauts étaient charmants. Alors à mes yeux, elle pouvait avoir qui elle voulait. Même si je m'inquiétais de la voir s'enticher d'un crétin qui risquerait de lui briser son petit cœur fragile. Après avoir bu une nouvelle gorgée, elle me tendit la bouteille, voulant visiblement partager plus que ses malheurs.

- Tu ne vas pas me laisser boire toute seule si ?

Je lui répondis par un sourire amusé, je n'étais pas du genre à refuser une gorgée, ni même un moment d'ivresse. Ça aussi on l'avait hérité de nos gènes, je me rassurais en tous cas en m'en persuadant. Notre père n'était pas le dernier à picoler, et on avait suivi son exemple, préférant s'enivrer régulièrement plutôt que de se laisser embourber dans nos tracas.

J'attrapai la bouteille de tequila et m'en envoyai une grande lampée avant de grimacer. Beurk... Aromatisée noix de coco. Je détestais la noix de coco, mais il n'y avait pas un alcool que je refusais de boire. Et puis une fois que ma tête commencerait à me tourner un peu, j'oublierai bien vite la noix de coco. Je ne me souciais même pas du fait que j'avais pris la voiture, et que j'allais devoir garder les idées claires pour pouvoir rentrer et ramener Kaz à la maison. Anticiper ce genre de détails, ce n'était pas dans mes cordes. Et je ne le faisais même pas exprès. Je faisais pas partie de ces gens qui restaient vigilants en toutes circonstances et qui répondaient " non merci, je conduis !" quand on leur proposait un verre.

Je remarquai le nombre de messages qui s'affichaient sur son téléphone, et haussai un sourcil. Qui pouvait lui envoyer autant de messages ? Et pourquoi les ignorait-elle ? Ça m'inquiétait, et j'aimais pas ça. Mais avant même que je n'ai pu lui demander des comptes, elle me désarçonna avec sa prochaine question.

- Comment ça va avec Amara ? me demanda t-elle avant d'éclater de rire.

Ok, elle était sacrément perspicace pour son âge... Je m'éclaircis la gorge, un peu gêné par sa question parce que je ne savais absolument pas quoi lui répondre.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Ça va, ça va même très bien. C'est ma meilleure amie et je l'adore, donc ça va toujours bien avec Amara, répondis-je en espérant éviter de nouvelles questions.

Histoire de la couper dans son élan, je changeai moi aussi de sujet, en revenant à ses déboires à elle. Pas seulement parce que je voulais éviter de parler d'Amara, mais aussi parce que je voulais savoir ce qui rendait ma petit sœur si triste qu'elle était venue ici pour pleurer et picoler avec moi.

- C'est quoi tous ces messages que t'as reçus ? Qui te les a envoyés ? Et pourquoi tu réponds pas ? demandai-je agacé à l'idée que quelqu'un puisse la faire souffrir.

Attendant sa réponse, je m'envoyai à nouveau une grande gorgée de tequila avant de grimacer à nouveau. Merde, c'est vrai... Putain de noix de coco de synthèse !

Kaz n'avait qu'un mot à dire pour que je débarque à son boulot et que je mette les choses au clair avec ce tocard. Même si ce n'était peut-être pas la meilleure façon de régler le problème, c'était la seule que je connaissais. Et puis j'avais du mal à contenir mes nerfs d'une façon générale, mais d'autant plus quand on s'en prenait à ma petite sœur.

- Tu sais que tout ne se règle pas par la violence ? C'est juste que depuis que je suis sur place, il est méchant.

- Tout non, mais quand y a un gros con qui emmerde ma sœur, je trouve que la violence c'est une réponse acceptable, répondis-je en fronçant les sourcils.

- Il aime me mettre dans des situations complexes, c'est parfois à peine s'il m'adresse la parole, ou seulement pour me gueuler dessus comme quoi le café est prêt. Certains soirs, oui, je me demande si je dois quitter ce taff ! Mais c'est le seul qui me convient au niveau des études et des horaires et puis y'a des clients sympas aussi ! Même son prénom me donne envie de vomir quand je l'entends ! Elmo.

- Ben justement, si tu veux garder ton taf, je vois pas d'autres solutions que d'aller lui expliquer la vie à cet abruti ! Il ressemble à quoi, que j'aille lui souffler dans les bronches ? Et effectivement, Elmo, c'est un nom à chier...

Ça y est, j'avais trop les nerfs. Je supportais pas d'entendre ce qu'elle me disait sans broncher. Je ne pouvais pas encaisser qu'on malmène ma petite sœur ! Ce crétin allait entendre parler du pays s'il ne la laissait pas tranquille, que Kaz soit d'accord ou pas d'ailleurs.

- Je ne suis pas ainsi Riv' ! Je ne suis pas ce genre de nana. Tu pourrais faire cela toi ? Tu pourrais draguer une femme en couple, juste pour savoir si c'est possible ? Et pas du tout pour la dégager, si tu la voyais, cette nana est magnifique ! Elle est parfaite.

Je manquais de m'étouffer de rire lorsque Kaz m'assura ne pas être ce genre de nana. Je savais que pour papa, c'était sa petite princesse, mais à moi elle me ferait pas gober ça. Je la connaissais assez pour savoir qu'il lui arrivait de faire des choses malhonnêtes. Même si elle avait quand même beaucoup plus d'intégrité que moi.

- Moi ? Je crois que ça me poserait pas de problèmes. Tu te prends trop la tête Kaz. C'pas bon pour la santé je suis sûr... Et puis cette nana, elle peut pas être plus parfaite que toi ! ajoutai-je en faisant un clin d’œil à ma sœurette adorée.

Je sortis le joint que j'avais roulé exprès pour Kaz et l'allumai avant d'en tirer une bouffée et de le lui tendre. J'étais intimement persuadé qu'il y avait plus de risque à se rendre malade en cogitant toute la journée qu'en fumant de la weed. J'étais un peu un hippie en fait...

Je me marrais avec elle quand elle me montra la bouteille en me disant que c'était dégueulasse. Elle avait raison, heureusement que le goût de la tequila couvrait un peu la noix de coco. Putain, mais qui avait acheté cette merde ? Certainement pas moi, vu que l'alcool que j'achetais je le rangeais pas dans les placards de la cuisine. Je m'emparai de la bouteille à mon tour et bus une nouvelle gorgée qui m'arracha une autre grimace. C'est vrai que c'était sacrément dégueulasse cette merde... Mais j'avais besoin de m'enivrer un peu pour supporter les questions sur Amara.

- Car hier, nous sommes allés dans un bar, un homme parfait la dragué ouvertement, elle est rentrée avec lui.

Putain ! J'avais avalé de travers ! Je n'avais aucun droit d'avoir un avis sur ce que faisait Amara, je le savais bien, mais ça me plaisait pas de savoir que d'autres mecs lui tournaient autour. Mais je ne voulais pas le montrer à Kaz, et encore moins lui en parler.

- Ah... Tant mieux pour elle.

Je mentais bien, mais ma sœur me connaissait mieux que personne, je ne la bernais pas aussi facilement que les autres. Cependant, j'espérais que si elle s'apercevait de ma nervosité, elle ferait comme si de rien était et n'insisterait pas.

- C'est ma meilleure amie ! Elle a un gros souci avec son mec. Tu aurais pu prendre un truc meilleur quand même, dit-elle en reprenant la bouteille.

Je sentais qu'il y avait un truc pas clair... En plus, elle changeait de sujet immédiatement et elle avait rangé son téléphone. Elle me cachait quelque chose, mais moi aussi je lui cachais des trucs. J'aurais voulu insister pour savoir ce qui se tramait dans la tête de Kaz, mais je n'avais pas envie qu'elle m’assomme de questions sur Amara en retour. Je décidai de la jouer fine pour ne pas la brusquer.

- Tu sais Kaz, si y a un truc dont tu veux me parler, te gêne pas. Je peux peut-être t'aider.

Elle n'avait pas à s'en faire, ce n'était pas moi qui allais la juger, j'étais trop mal placé pour faire ça. Et puis, je voulais qu'elle puisse se confier à moi, je voulais pas qu'elle garde pour elle des trucs trop lourd à gérer pour son petit cœur fragile.

Je savais que Kaz était une pacifiste aux valeurs inébranlables. Mais pas moi ! Là-dessus on était diamétralement opposés, c'était même notre différence la plus marquante. Elle devait tenir son intégrité de maman, quand moi je tenais mon impulsivité de papa.

- Tu sais que je suis contre la violence ! Donc je n'aurais pas besoin que tes poings abîment son visage !

Je la regardais en fronçant les sourcils. Si un mec quel qu'il soit venait à la faire souffrir d'une façon ou d'une autre, je n'attendrais certainement pas l'approbation de ma petite sœur pour aller lui démonter la gueule. Bien sûr, j'essaierais d'être suffisamment discret pour qu'elle ne me soupçonne pas non plus. Parce que je n'aimais pas la contrarier et je détestais qu'elle soit fâchée contre moi.

- Tu comptes taper tous les hommes qui vont m'approcher et me briser ? Car y'en aura beaucoup tu sais ! s'amusa t-elle.

- Pas tous ceux qui vont t'approcher. Mais ceux qui te font de la peine, ils auront de mes nouvelles, ça c'est sûr ! Après ça m'arrangerait que tu limites le nombre de tes chagrins d'amour. Parce que j'aime pas quand t'es triste...

Je ne supportais pas de la voir malheureuse. Ça me rendait complètement dingue et assez violent. Je n'arrivais pas à contrôler ça quand il s'agissait de Kaz.

- Franchement Elmo ! Les parents n'étaient pas contents d'avoir un enfant ce n'est pas possible !

J'éclatai de rire et attendis qu'elle but une autre gorgée pour récupérer la bouteille, buvant à mon tour. J'espérais que ce Elmo allait retrouver la raison et cesser rapidement d'importuner ma petite sœur, sans quoi je serais obligé d'intervenir avec mes poings et ma rage.

- Tu es sérieux avec ton rire ? demanda t-elle en me frappant à l'abdomen avec le peu de force qu'elle avait, ce qui m'arracha un rire étouffé par le petit coup qui n'interrompit ma respiration qu'une seconde.

- Je suis pas comme toi à baiser toute la ville.

- Pas toute la ville ! Je me fais pas les moches ! m'amusai-je à mon tour.

- Je te jure qu'elle est parfaite, insista t-elle au sujet de la nana en question.

Je haussai un sourcil, sceptique. Je mettais ma petite sœur sur un piédestal et à mes yeux elle ne pouvait pas avoir de concurrence. Cette fille, c'était peut-être bien qu'une greluche parmi tant d'autres.

- Je sais que je me prends trop la tête, j'aimerais tellement parfois être un mec ! Vous voulez baiser, bah vous y allez sans vous souciez des autres, ajouta t-elle en me faisant un clin d’œil avant de boire à nouveau.

- J'avoue... C'est bien commode quand y a pas de sentiments. Mais tu sais, c'est pas forcément propre aux mecs. Y a des nanas comme ça aussi, tout comme il y a des mecs hyper romantiques.

J'étais sérieux, et tout à fait ravi de mon sort. Jusque là, je trouvais les relations avec mes partenaires tellement simples et faciles. Je ne prenais que les bons moments et c'était purement volontaire. Du moins, jusqu'à ce que je laisse ma conscience me réveiller et me faire comprendre que des sentiments, en fait, j'en avais. Amara était unique, et pour elle je me surprenais à éprouver des trucs complètement nouveaux. J'aimais ce que je ressentais quand je posais mes yeux sur elle, mais ça me faisait aussi grave flipper !

- Tu sais que tu vas devoir me porter pour rentrer, dit-elle avant de tirer sur le joint.

- T'inquiètes, c'est pas un problème, tant que je tiens sur mes jambes, répondis-je en plaisantant.

Il fallait plus que quelques gorgées de tequila et un bédo pour me faire défaillir. J'étais pas sûr de garder les yeux bien en face des trous mais je n'aurais pas de mal à porter ma frêle petite sœur si vraiment elle supportait mal le mélange alcool/weed.

Je récupérai le joint et tira une taffe tandis que Kaz s'allongeait dans les feuilles, savourant le effets relaxant d'un alcool bon marché et d'une petite fumette plus que bienvenue.

- Tu sais que un visage montre plus d'expressions que les mots ?

Elle était sérieuse ou elle commençait à planer ? Je pouffais de rire, trouvant sa réflexion ridicule. Je ne me posais pas ce genre de questions, ça m'était complètement égal. La meilleure façon que j'avais de m'exprimer, c'était en laissant parler ma colère, que ce soit avec des mots ou avec mes poings. Je ne misais jamais uniquement sur les expressions de mon visage quand il s'agissait d'exprimer une émotion forte.

- River Morgan, tu arrêtes de jouer au con pour une fois dans ta vie ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Oui, j'avais fait semblant de ne pas comprendre qu'elle parlait d'Amara. Est-ce que Kaz était particulièrement intuitive ou est-ce qu'elle me connaissait simplement trop bien pour ne pas remarquer qu'Ams' ne me laissait pas indifférent ?

- Vous êtes deux gamins ! Surtout toi.

- Je vois pas de quoi tu parles... esquivai-je en tirant à nouveau sur mon joint avant que Kaz ne s'en empare à nouveau.

- Je peux te poser une question ? Imagine ton meilleur ami couche avec ta copine, tu lui ferais quoi ?

Pour répondre à cette question il aurait fallut que j'ai été amoureux au moins une fois dans ma vie. Toutes les nanas avec qui j'avais couché jusque là n'avaient pas compté pour moi, alors si mon meilleur ami voulait les conquérir aussi, ça m'était bien égal. Mais la question de ma petite sœur me fit penser à Amara. Et l'imaginer avec un mec, d'autant plus un pote à moi, me dérangeait au plus point. Rien que d'y penser, ça me foutait les nerfs.

- A la copine ou au meilleur ami ? demandai-je en riant.

- Honnêtement, je crois que la nana je la larguerais direct et le mec, je lui démolirais la gueule sévère ! Mais pourquoi tu me demandes ça ?

Je ne savais pas si j'avais bien fait de lui répondre avec sincérité et j'ignorais si ça allait l'aider, mais elle ne m'avait pas posé cette question pour rien, il devait bien y avoir une raison. Et je m'inquiétais de savoir pourquoi elle m'avait demandé ça, sans supposer une seule seconde que j'étais dans le faux.

- T'as un mec dont tu ne m'as pas parlé et ta meilleure amie se l'est tapé, c'est ça ? Parce que si c'est ça, évite le crêpage de chignons avec ta copine, j'ai pas envie de te ramasser aux urgences. Et papa m'en voudrait de t'avoir mis ce genre d'idées dans la tête en plus...

Lui et moi on traversait des moments suffisamment difficiles, je ne tenais pas à ce qu'il est davantage de choses à me reprocher. Surtout que quand il s'agissait de Kaz, il était du genre à péter facilement les plombs. Tout comme moi.

Oui, j'avais brisé quelques cœurs. Notamment au sein du cercle d'amies de Kaz. C'était si facile de les impressionner, j'avais pas de mérite. Et je ne savais pas résisté à une jolie nana qui battait des cils en me voyant. Heureusement, j'avais la chance d'avoir une sœur aussi cool. Elle ne m'avait jamais empêché de m'approcher des ses copines. Elles nous laissaient gérer notre truc, même si ça finissait en eau de boudin, à chaque fois. Pourtant Kaz jouait son rôle d'amie en les prévenant que ça finirait comme ça. Certaines l’écoutaient, d'autres non. Tant pis pour elles, elles savaient dans quoi elles s'embarquaient dés le début après tout.

- Merci garde du corps.

Je baissai la tête et souris. Elle me connaissait assez pour savoir que je la protègerais quoi qu'il arrive et contre qui que ce soit, et elle savait de quelle façon je m'y prenais pour la préserver d'éventuels chagrins. J'y pouvais rien, j'étais comme ça. Ça me dérangeait qu'elle désapprouve mes méthodes radicales, mais je ne savais pas m'exprimer sans violence quand il s'agissait de défendre l'honneur de ma petite sœur adorée.

- Promis, je vais essayer, mais c'est la faute des hommes, je tombe amoureuse trop facilement de petits cons.

J'éclatai de rire. Elle avait raison. J'étais bien placé pour en parler. J'étais conscient de pas être le gendre idéal... Et on était nombreux dans mon cas. Kaz n'était pas la seule à s'éprendre de ce genre de mecs, on avait tendance à jeter notre dévolu sur les cœurs d'artichaut. Elles étaient plus faciles à manipuler, c'était en tous cas mon impression. J'étais un sadique quand même... Je me disais que mes sentiments pour Amara c'était un peu mon karma qui me la mettait bien profond. Genre "bien fait pour ta gueule, tu vas voir ce que ça fait !".

-  Je fais quoi moi des femmes qui ont des chagrins d'amour à cause de toi ?

Elle me faisait rire à nouveau. J'y pouvais rien si j'avais pas de compassion pour les petits cœurs que je piétinais. J’allais pas faire semblant d'en avoir quelque chose à faire alors que ce n'était pas le cas. Quelques fois je faisais semblant, pour éviter à quelques hystériques de péter les plombs. Mais devant Kaz, j'avais pas de raison de prétendre avoir des remords.

Je récupérai la bouteille et manquai d'avaler de travers quand elle me tapa avec le peu de force qu'elle avait. Je fronçai les sourcils, surpris de son geste.

- Merde River, un jour tu parleras bien des femmes ?

Mais putain, j'avais mal parlé des femmes là ? Je savais même pas ce que j'avais dit. Je me rendais vraiment pas compte en fait.

- Tu oublies que ta sœur est une femme ou quoi ? Tu imagines un homme qui dirait ca de moi ? Non Kaz je couche pas avec toi car tes moche, ajouta t-elle avant de m'arracher la bouteille des mains.

C'était donc ça, j'avais évoqué le fait qu'il existait sur cette planète des femmes moches. C'était pourtant le cas. Y avait des moches partout, c'était quand même pas de ma faute si la nature ne gâtait pas tout le monde pareil.

- Non mais évidemment que je veux pas qu'un mec dise ça de toi, mais ça risque pas d'arriver, t'es loin d'être moche toi ! Mais tu peux pas m'en vouloir de dire que les moches ça existe. Parce que ça existe, putain ! Et j'aime pas les moches, voilà. C'est mon droit.

Je lui tirai la langue et attrapa la bouteille. Elle allait tout se siffler à elle toute seule, non mais. J'en avalai plusieurs gorgées d'affilée, histoire de réduire le contenu. Il manquerait plus qu'elle boive plus que moi.

- Tu vas me dire que mon frère devient romantique ?

Je soupirai et lui repris le joint avant de tirer dessus. Romantique ? Non... Y avait des mecs romantiques mais je n'en faisais clairement pas partie. Rien que le fait qu'elle utilise ce mot et mon prénom dans la même phrase, je trouvais ça hyper chelou, un peu comme si elle avait dit une grossièreté.

- Dis pas de gros mots comme ça, c'est pas beau ! me moquai-je d'elle.

Romantique... N'importe quoi... Pourtant je savais que ça ne déplairait pas à Amara. Et si je voulais avoir une chance avec elle, j'allais clairement devoir réviser mon comportement. J'étais pas trop chaud pour jouer les amoureux transi, mais j'avais envie de me donner du mal pour elle. C'était bien la seule nana qui me donnait envie de faire des efforts.

- c'est ca moque toi de moi, pauvre tache. Mais je suis sérieuse Riv', Amara est totalement ton style, quand j'ai parlé du mec, tu as clairement eu une jalousie dans ton regard.

Je me tournai vers elle en fronçant les sourcils. Comment elle osait me balancer un truc pareil ? Je savais qu'elle lisait en moi comme dans un livre, mais je n'aimais pas qu'elle me le fasse remarquer. Elle faisait même pas semblant de pas s'en être aperçue. Décidément, on savait pas ce que c'était le tact dans la famille. J'étais à prendre avec des pincettes en plus, je vrillais pour pas grand chose. Mais pas avec Kaz. C'était bien la seule personne qui pouvait me dire n'importe quoi sans que je m'énerve plus que ça. Et elle en profitait sans me ménager.

- Y a pas de jalousie dans mon regard, putain... pestai-je plutôt contre moi-même que contre elle. T'en sais rien si c'est mon style ou pas. Et puis c'est ma meilleure pote, rien de plus.

- Tu peut te mentir à toi même, mais pas à ta petite sœur d'amour, ajouta t-elle en soupirant, me faisant lever les yeux au ciel.

Oui, je savais que je ne pouvais pas lui mentir à elle, qu'elle n'avait qu'à sonder mon regard pour savoir exactement ce que je pensais. Mais ça me saoulait qu'elle me connaisse si bien. En plus elle ne se gênait pas pour aborder les sujets qui fâchaient, sans même se soucier que j'ai envie de parler ou non. N'importe qui d'autres qui me faisait ça, je l'envoyais chier direct en lui volant dans les plumes. Mais pas à ma petite sœur. Elle pouvait même me pourrir, me traiter de tous les noms, qu'il y avait toujours peu de chances pour que je m'énerve contre elle.

- C'est beaucoup plus compliqué que cela Riv'. Je ne sais pas comment le dire.

Le sujet abordé avait l'air assez grave. Je ne cachais pas mon regard inquiet quand je lui rendis le joint. Je m’allongeai à côté d'elle, redoutant ses aveux. Aveux qu'elle tardait à lâcher, changeant plutôt de sujet.

- Tu crois que je sais pas me battre, c'est elle qui finirait aux urgences, s'amusa t-elle.

J'étouffai un petit rire. J'avais du mal à imaginer Kaz comme autre chose qu'une petite fille fragile. Mais chez les Morgan, on avait le sang chaud. Je savais bien que si elle voulait, elle pouvait décalquer une autre nana. Mais ça ne m'empêchait pas de m'inquiéter pour elle.

- Papa ! S'il savait ce que sa petite princesse avait fait, il s'en foutrait totalement.

Je la regardai en roulant des yeux pendant qu'elle tirait sur mon joint. Je le lui piquai à nouveau et grimaçai de doutes. Je pense qu'elle était un peu trop sûre d'elle quand elle imaginait notre père sans réaction face à ce genre d'éventuels incidents. C'était sa petite princesse oui, mais parce qu'il ne voyait que la partie émergée de l'iceberg. J'étais pas sûr qu'il kiffe de connaître les détails des déboires de sa fille.

- Je crois que tu prends trop la confiance, baby. Garde ton côté sombre caché, sinon le daron il va faire une attaque...

Je me demandais si le vieux se doutait de qui était sa petite fille adorée en réalité. Peut-être qu'on était deux idiots Kaz et moi et qu'en fait il était conscient de la mauvaise graine qu'on était et qu'il avait juste la délicatesse de faire comme si de rien était. Enfin, avec elle du moins, moi je cachais pas que j'étais pourri de l'intérieur. Il s'y était fait. Je me redressai aussi quand Kaz me montra son téléphone. J'ouvris de grands yeux en lisant les messages.

- Voila ce que j'ai fais, j'ai couché avec le mec de ma meilleure amie ! Je devais le surveiller pour qu'il ne drague personne et finalement le poison c'était moi.

Tous les Morgan étaient des poisons... Mais je devais avouer que j'étais un peu surpris que Kaz ait pu faire ça à sa meilleure amie. Elle avait quand même plus de morale que moi d'habitude. Je n'eus pas le temps d'en lire plus qu'elle récupéra son téléphone, m'obligeant à lâcher un petit grognement contre elle. Elle voulait me cacher des choses, j'aimais pas ça. Même si je faisais pareil avec elle. Sans foi ni loi que j'étais...

- Nous avons quoi comme problème chez les Morgan ? Putain elle me faisait confiance ! Il ma seulement aidé car des mecs à la soirée étaient insistant et je sais pas comment, cela à dérapé en seulement quelques secondes. Pas une fois en plus ! Mais deux.

Je lui arrachai la bouteille des mains après qu'elle en ait pris une sacrée lampée et décidai de la terminer moi-même. Elle avait assez bu. Je me fis une descente jusqu'à la dernière goutte et jetai la bouteille derrière moi. Moins écolo, tu meurs.

- On est pourri jusqu'à la moelle, sis'... conclus-je sans me voiler la face.

On avait des putain de mauvais gènes, c'était comme ça. Contrairement à Kaz, j'avais décidé de l'accepter et de ne pas lutter. J'étais un queutard, c'était comme ça. Je n'avais pas envie d'aller contre ma nature. Sauf depuis que j'avais parlé avec Ams'. En fait j'avais pas envie de changer quoi que ce soit à mes habitudes, mais je savais qu'Amara ne pourrait jamais m'aimer comme j'étais. Alors pas le choix, je devais changer...

- T'inquiètes baby, tu t'en trouveras une autre de meilleure amie...

Je trouvais pas ça si grave dans le fond. Je me faisais pas tant de soucis, moi. Elle avait merdé, bon ok, mais ça arrivait quoi. C'était humain. Si Dieu n'avait pas voulu qu'on baise, il aurait créé des schtroumpfs, pas des bites et des moules. Bon je croyais pas en Dieu, mais quand même.

- Elle le sait au moins ? Si c'est pas le cas, dis rien. Pourquoi s'attirer des problèmes quand on peut avoir le beurre et le cul de la crémière ? Enfin... Un truc comme ça.

C'était quoi déjà cette putain d'expression ? Peu importe, elle avait sûrement compris ce que je voulais dire. "Pas vu pas pris", c'était mon crédo. Kaz devait lâchait un peu sa mauvaise conscience et penser à sauver sa peau. La survie avant tout.

Kaz et moi on se ressemblait beaucoup, mais pour un paquet de trucs on était tellement différents. Et ça nous arrivait souvent de ne pas être d'accord. Mais c'était bien la seule personne avec qui je pouvais avoir des divergences de points de vue sans que ça tourne au pugilat ! Du coup elle ne se gênait pas avec moi pour me dire ce qu'elle pensait. C'était pas le genre à prendre des pincettes, ma petite sœur. Et pourtant, dieu sait que je suis susceptible ! Mais pas quand les critiques venaient d'elle. Si je me vexais avec d'autres, avec elle je me mettais à cogiter. Si elle me reprochait quelque chose, je me remettais inévitablement en question. Alors qu'à la base c'était pas trop mon truc.

- Oui cela existe, mais c'est juste ta manière de le dire et tu sais très bien bébé, que la beauté n'est pas la même pour tout le monde ! Je suis sur que le dernier gars que j'ai trouvé beau, bah mes copines non ! Ou même regard les actrices que tu adores, certaines sont moches pour d'autre!

- Oui, je sais, sis' ! soufflai-je dans un lourd soupir.

Elle avait raison. Elle avait toujours raison... C'était d'un chiant, quand même ! Elle était tellement plus réfléchie que moi. Il y avait plus de chances que des paroles sages sortent de sa bouche que de la mienne.

- Oh tu sais, un mec de ton âge m'a déjà dit que j'étais moche ! Bon je l'avais envoyé chier car il faisait du mal à pote. A croire que c'est l'insulte par excellence.

- Hein, quoi ? demandai-je en fronçant les sourcils. C'est qui le connard qui t'a dit ça ?

Voilà, je m'agaçais ! Je n'aimais pas entendre des trucs comme ça, ça me faisait péter les plombs direct. Il fallait pas toucher à ma p'tite sœur, même avec des mots. En plus le mec il avait clairement de la merde dans les yeux. A tous les coups, c'était encore un frustré de la kékette qui avait voulu draguer Kaz et qui s'était fait rembarrer ! J'en étais quasiment certain, parce que j'étais de ceux-là. J'en étais pas fier, cela dit. Mais j'avais déjà dit des trucs vraiment pas sympas à des nanas qui m'avaient rejeté. Je pensais notamment à Grace, la dernière à avoir subi mon attitude blessante, justement parce que je m'étais senti rejeté. Gros naze que j'étais...

Et elle se marrait à nouveau. Elle aimait me taquiner, surtout concernant Amara. Ça me saoulait un peu, surtout parce qu'elle avait raison. Mais je n'avais pas envie de parler de ça. Moi, des sentiments ? N'importe quoi !

- Vraiment le discours de "c'est ma meilleure amie". Tu n'es vraiment pas plus intelligent que cela ? demanda t-elle en posant une main sur son épaule. Après c'est ton soucis Riv' quand elle partira avec un autre homme, tu n'auras que tes yeux pour pleurer.

Tandis qu'elle buvait une nouvelle gorgée, je me laissais basculer en arrière pour m'allonger dans l'herbe en couvrant mon visage de mes mains pour étouffer un grognement. J'étais las d'entendre sans arrêt la même chose de la part de Kaz. Pourquoi elle remuait le couteau dans la plaie ? C'était pour me pousser à agir avec Ams' ? Parce que ça nemarchait pas du tout. Elle faisait que me saouler, c'est tout...

Pourtant d'habitude, Kaz n'était pas fan de mes "copines". Elle ne m'avait jamais poussé vers l'une d'elle. Au contraire... Si elle s'investissait autant dans son rôle d'entremetteuse pour me caser avec Ams', c'est que son intuition lui disait que c'était la bonne pour moi. Et mon intuition me le disait aussi. Mais ma conscience, elle, me disait que moi par contre j'étais pas ce qui pouvait lui arriver de mieux, à Amara...

- Ainsi nous aurons son héritage plus rapidement.

Je la regardais d'un air faussement choqué avant d'éclater de rire. Je savais qu'elle plaisantait. Mais faire de la dérision sur le dos du vieux, c'était plus mon truc à moi d'habitude. Heureusement qu'il n'était pas là pour nous entendre, ça aurait un peu cassé le mythe de la petite princesse adorable qu'il avait de sa petite fille chérie.

- Hey j'avais soif et merde River tu ramasses la bouteille et je rigole pas !

- Si t'as soif, bois de l'eau !

Je tournai la tête vers elle et remarquai son regard furieux. Ok, elle était dans une phase Greenpeace, en mood hippie à la con... Se soucier de la nature, c'était une perte de temps pour moi. Qu'on dise déjà aux industriels d'arrêter de polluer les océans, et après seulement, peut-être bien que je me mettrais à trier mes déchets à la maison. Autant dire quand les poules auront des dents.

- Ok...

Je soupirai et me levai pour aller chercher la bouteille vide. Je la posai aux pieds de Kaz en la dévisageant, avant de me rallonger par-terre. Je voyais pas ce qu'une bouteille en verre pouvait faire comme mal à la nature. Mais soit... Si ça faisait plaisir à ma sœur...

- Heureusement papa à seulement deux enfants, tu imagines sinon ?

J'écarquillais de grands yeux sans même la regarder et me raclai la gorge, un brin nerveux. Papa ne lui avait rien dit... Quel con, putain ! J'étais censé faire quoi, moi ? Garder ça secret ? J'étais pas doué pour ça. Peut-être parce que j'étais une vraie balance. Sérieux, fallait jamais rien me confier à moi. J'aimais bien répéter, surtout quand ça pouvait nuire à quelqu'un que je n'aimais pas. Mais là, c'était la famille. J'avais pas envie de faire de la peine à Kaz, je ne savais même pas comment elle allait le prendre. Et je ne voulais pas non plus que le daron sache que j'avais bavé. En plus, j'avais pas envie d'être là pour voir la tête qu'elle ferait en apprenant la nouvelle. Ce n'était pas à moi de lui dire. Hors de question que j'endosse cette responsabilité !

- Ouais, j'imagine... répondis-je en riant plus de nerfs qu'autre chose.

Ok, donc sa meilleure amie ne savait rien. J'adressai à Kaz un pouce en l'air, lui signifiant qu'elle n'avait pas à s'en faire.

- Non elle ne le sait pas, enfin je crois pas. Elle m'a rien dit encore. Putain c'est Vouloir le beurre, l'argent du beurre et l'cul d'la crémière

- Parfait ! Dis rien, et fais comme si rien ne s'était passé. Crois-moi, c'est pas le genre de trucs qu'il faut avouer si tu veux garder ta pote. Et me sors pas des conneries du genre "faut être honnête avec ses amis", parce que c'est débile. Quand on est honnête avec ses amis, ben très vitre on en a plus, des amis...

Moi et ma psychologie à deux ronds cinquante...

- Ah oui... Mais elle me fait chier c'tte expression...

J'aimais pas ça qu'elle me cache des trucs, putain ! Je savais très bien qu'elle n'avait pas de comptes à me rendre et que je n'avais rien à exiger d'elle. Mais je voulais savoir ce qu'elle me cachait. J'étais hyper possessif avec elle en fait... Mais c'était plus fort que moi.

- Pas de grognement tu as de la chance que je te fasse lire des textos déjà.

- Allez, fais voir ! C'est quoi tous ces secrets, là ? T'as peur que je vois des trucs qui vont pas me plaire ? demandai-je en me redressant pour essayer d'attraper son téléphone.

Je comprenais qu'elle ait son jardin secret, j'avais le mien aussi. Mais je ne savais pas faire preuve de discernement quand il s'agissait de ma petite sœur. En gros, fais ce que je dis, pas ce que je fais ! Je voulais savoir ce qu'il y avait de si mystérieux dans son téléphone, et j'avais bien l'intention de le découvrir, d'une façon ou d'une autre. Alors autant qu'elle me le montre elle-même. Bien sûr, je ne risquais pas de lui dire un truc pareil. Surtout parce que je ne voulais pas assumer ma mauvaise foi. Si les rôles étaient inversés, je supporterais pas non plus qu'elle fouine dans mes affaires.

J'avais de la chance d'avoir une sœur comme Kaz. Pour rien au monde j'en aurais voulu une autre. Enfin... Il se trouvait finalement que j'en avais deux autres, mais Kaz, c'était Kaz. On était hyper proches, et je savais que c'était la personne qui m'estimait et m'aimait le plus. Merci aux liens du sang ! Parce qu'apparemment c'était pas évident de m'aimer. Je savais que j'étais pas facile à vivre, mais avec ma p'tite sœur je faisais des efforts quand même. Et même si j'en faisais pas, elle ne m'en voulait jamais très longtemps. La rancœur entre nous, ça n'existait pas. On s'embrouillait des fois, mais c'était dérisoire. En général c'était moi qui revenais vers elle en m'excusant, parce que c'était souvent moi qui cherchait la merde. En plus elle faisait l'arbitre entre moi et le daron, c'était mon alliée qu'elle que soit la situation, sans conditions.

J'aimais pas qu'elle me dise que quelqu'un lui avait cherché la merde ou l'avait insultée, même si je savais qu'elle n'avait pas besoin de moi pour se défendre. Ma petite sœur, c'était trop une badass ! Malgré ça, je ruais dans les brancards pour défendre son honneur ! Elle n'avait pas besoin de me demander quoi que ce soit. Quand je savais que quelqu'un l'emmerdait, je fonçais ! Même si elle n'était pas d'accord d'ailleurs.

- Oh un mec dans une soirée, je crois bien.

Un mec ? Quel mec, putain ?! Elle ne voulait pas me le dire probablement, comme souvent. Elle savait très bien que sinon j'allais péter un câble.

- Ne fait pas l'offusquer , tu as sans doute déjà dit la même chose à une fille.

Je pris un air innocent, ne voulant pas vraiment assumer devant ma sœur que je ne valais pas mieux que les mecs qui la traitaient avec si peu de respect. Elle me connaissait assez pour le savoir, mais de là à ce que je l'admette, fallait quand même pas pousser. Parce qu'au final, même si je n'avais pas assez de conscience pour regretter la façon dont je traitais certaines nanas, il me suffisait de regarder Kaz pour me mettre à culpabiliser. Comme quoi j'étais pas si pourri que ça dans le fond.

- Alors là, sûrement pas !

Rien qu'à mon élocution, j'étais pas crédible... Mais je ne voulais pas que ma sœur me voit comme un salaud. Je l'étais parfois, ok, mais pour elle j'étais censé être un genre de repère, une référence ? Putain, c'tte blague ! J'étais une référence pour personne.

- T'inquiète pas j'ai bien répondu.

J'éclatai de rire en voyant son petit poing fermé serré. Je savais qu'elle savait frapper, mais là comme ça, hors contexte, c'était juste trop mignon pour être effrayant.

- Baby... T'es trop choupinette, me moquai-je d'elle avec amour.

Ma sœur et l'écologie... Elle finirait par se lasser quand ce sera passé de mode, à tous les coups. Mais si ça pouvait lui faire plaisir qu'une bouteille en verre ne traine pas dans la nature, soit...

- Merci chaton.

Je grognai un petit "de rien" à peine audible. Aux chiottes l'écologie ! C'était une connerie ce truc-là... Kaz s'allongea dans l'herbe et sembla m'observer d'un air interrogateur. J'étais pas sûr parce que je voyais ça que du coin de l’œil, n'osant pas la regarder. Je voulais pas qu'elle lise sur ma tronche que je lui cachais un truc. Ou plutôt des trucs !

- Tu me caches un truc ? Ou je deviens parano à cause du joint et de l'alcool.

- T'es parano... Mais c'est ni à cause de la tequila, ni de la weed. C'est juste parce que t'es une femme, baby, répondis-je en étouffant un rire taquin.

J'étais sûr que la parano c'était un truc de femmes, genre causée par les œstrogènes, un truc comme ça. Putain de macho que j'étais... Mais bon, là c'est vrai qu'elle n'était pas parano du tout, mais je ne pouvais pas lui dire ce que je savais. J'avais hâte que le vieux crache sa pastille, parce que c'était trop dur de garder le secret.

- Et si lui décide de lui dire ? Si lui décide d'inventer sa propre version des faits ? Je passe pour quoi moi ?

- Ben tu nies en bloc. Pas d'aveux, pas de conséquences ! Tu le fais passer pour un menteur, ta copine elle y verra que du feu, c'est pas comme s'il avait des preuves, après tout...

La stratégie du "pas vu, pas pris", ça marchait la plupart du temps. Il fallait juste rester droit dans ses bottes et démentir jusqu'à ce que l'autre se mette à douter. C'était certainement pas moi qui allais conseiller à Kaz d'avouer la vérité à sa pote.

- Tu voudrais pas voir le genre de photo que j’envoie à certains mecs.

- Quoi ? Quel genre de photos, baby ? demandai-je choqué, en me redressant sur mes avant-bras. Fais pas des trucs comme ça, tes photos elles vont finir sur les téléphones de tous les queutards de Bowen qui vont se palucher en te reluquant ! Ça fuite toujours les trucs comme ça !

Sérieux ? A quel moment ma petite sœur était devenue... une femme ? Putain, je savais que c'était une femme, mais bon quand même... De là à imaginer qu'elle se prenne en photo comme... Bordel, je voulais même pas y penser ! Ça la faisait marrer en plus !

- C'est pas drôle, Kaz ! Efface-les, je suis sérieux !

J'essayai à nouveau de lui piquer son téléphone, même si j'avais plus envie de le balancer très loin plutôt que de regarder ce qu'il y avait dedans.

- Laisse moi voir ton téléphone alors!

Sérieux ? Je m'attendais pas à ça. J'avais pas envie qu'elle fouine dans mon téléphone, parce que des photos pas chrétiennes y en avait quelques unes. De mes conquêtes déjà, et de ma teub aussi... Hors contexte ça paraissait dégueu, mais dans un échange de textos lubriques, c'était carrément raccord.

- Jamais de la vie... A qui t'envoies ces photos d'ailleurs ?!

Non je changeais pas de sujet, je voulais vraiment savoir si un mec déshonorait ma petite sœur en lui demandant d'envoyer des photos d'elle dénudée. Rien que d'y penser, ça me foutait les nerfs ! Aussi fort qu'elle s'accrochait à son téléphone, ça n'avait pas suffit, je m'en emparai assez facilement ! Hop, à moi le téléphone souillé. Agacé, je me levai et le lançai le plus loin possible. L'appareil atterrit direct dans le ruisseau en contre-bas. Elle n'aurait pas dû jouer à ça, elle savait que c'était le genre de sujet qui ne me faisait pas rire.

- Tu sais quoi, je suis même pas désolé sur ce coup-là ! avouai-je en me pinçant les lèvres, tentant de camoufler un sourire satisfait.

Je savais qu'elle allait m'en vouloir, mais je le regretterai plus tard. Pour le moment j'étais trop fier de m'être débarrassé de cette saloperie qui contenait des photos de ma baby sister que je ne voulais pas voir circuler. Elle avait le droit de faire ce qu'elle voulait, c'était une grande fille, mais impossible pour moi de me raisonner par rapport à ce genre de trucs.