it's like no other pain, i've ever known (wooja)

Lui avait laissé cette tristesse le submerger, et il ne souhaitait pas cela à qui que ce soit, encore moins à Freja, qui était une lumière, sa lumière. Woody n’avait écouté que les voix sombres dans sa tête, pendant des mois, plusieurs mois, et il les avait laissées gagner. C’est pour cela qu’il se retrouvait ici aujourd’hui, au fond du baril, l’esprit noir et le cœur meurtri, avec l’anxiété qui lui prenait au ventre à n’importe quel moment de la journée, pour lui rappeler que son chagrin avait une réelle emprise sur lui. Des chaînes dont il semblait incapable de se défaire. « Alors accroche-toi à ceux que t’aimes, qui t’aiment, et à ce qui te rend heureuse. » Il esquissa un faible sourire. Il n’avait pas réussi à le faire, Woody, même qu’il avait fait tout le contraire. Si c’était ce qu’il avait voulu au départ, il réalisait maintenant que la solitude dans laquelle il s’était fait prisonnier était bien trop dure à endurer. Soit il trouvait un moyen de remonter à la surface, soit il s’enlevait la vie. L’entre-deux était insoutenable. Le trentenaire s’assit face à Freja après qu’il ait acheté leurs consommations, et il sourit en voyant déjà la norvégienne détacher quelques morceaux du muffin pour les porter à sa bouche. Son sourire se fana bien vite, alors qu’il eut à parler de ses sentiments pour elle, ses sentiments qui ne partaient pas, peu importe le temps qui passait. Il fronça les sourcils en entendant le contrairement à toi. « Tu penses que j’arrive à te laisser partir ? » Releva-t-il, blessé. « Tu penses qu’actuellement, sans toi, je vis ? » Il secoua la tête en baissant les yeux, croisant ses bras sur la longue table de la cafétéria. « T’habites toutes mes pensées, Freja. T’as peut-être l’impression que j’ai fait une croix sur toi parce que tu n’es plus physiquement là, mais j’te laisse pas partir parce que t’es toujours ici, et ici. » Dit-il en pointant d’abord sa tempe, puis sa poitrine. « Ça fait plus mal encore de t’avoir de cette manière-là mais c’est mieux de t’avoir dans mes rêves que de te laisser disparaître complètement. » C’était à ça, qu’il s’accrochait. À une vie imaginée, auprès d’elle. Et chaque fois qu’il se réveillait dans des draps vides, il mourrait un peu plus.

S'accrocher à ceux que tu aimes et qui te rendent heureuse, c'est également t'accrocher à Woody et pourtant, aujourd'hui, cela semble être mission impossible. Aujourd'hui, tu as l'impression de ne plus avoir le droit d'avoir l'Australien dans ta vie et c'est un déchirement. C'est horrible d'imaginer une vie où vous ne vous rencontrez que ponctuellement, par hasard, et où vous êtes obligés de prolonger le moment, par besoin, dans un endroit comme celui-ci. « Je vais essayer mais ce conseil est bon pour toi aussi. » Dis-tu avec douceur. Tu sais fort bien que Woody n'en est pas encore capable mais tu ne perds pas espoir qu'un jour il ouvre les yeux. Tu espères simplement que ce ne sera pas trop tard pour ses proches, sa famille, ses amis. Pour ce qui est de vous, vous savez tous les deux qu'il est arrivé quelques semaines trop tard. Même si, encore aujourd'hui, il habite une grande place dans ton coeur. Une telle place qui t'empêche de le laisser totalement partir, bien qu'aujourd'hui tu sois en couple avec un autre. Contrairement à lui, tu serais bien incapable de le pousser dans les bras d'une autre ou encore de lui dire de t'oublier. La vérité c'est que tu ne veux pas qu'il t'oublie et c'est carrément égoïste mais c'est ce que tu ressens. « Ce n'est pas ce que je voulais dire... » Dis-tu en détournant le regard, balayant la cafétéria des yeux. « Ce que je veux dire c'est que tu m'as repoussée tant de fois en me disant de t'oublier, d'essayer d'être heureuse avec quelqu'un d'autre... Je ne serai jamais capable de te dire tout ça. » Parce que rien que de l'imaginer embrasser quelqu'un d'autre, faire l'amour à une autre femme ou encore partager son quotidien avec une autre femme c'est de la torture. Tu ne veux pas avoir à imaginer tout ça et pourtant tu sais qu'un jour ou l'autre, ça arrivera et ça ne relèvera plus de ton imagination. « Je suis tellement désolée de t'infliger toute cette peine. » Dis-tu en ravalant ta salive. Tu ne supportes pas l'idée de le faire souffrir, de rajouter tant de peine à sa vie alors qu'il en a déjà bien plus que la plupart des gens. Mais votre amour a toujours été à la fois passionnel et destructeur, parsemé de très haut et de très bas... Pire que la plus dingue des montagnes russes.

Woody hocha la tête quand Freja lui souligna que le conseil qu’il venait de lui donner, il valait pour lui aussi. Il haussa les épaules. « J’essaie. » Il aurait voulu dire j’ai essayé, pour lui faire comprendre qu’il avait voulu s’accrocher à elle, à son amour, pour finalement réaliser que cet amour-là s’était trop effrité pour qu’il puisse s’y fixer, mais il se retint. Il se retint parce qu’elle avait déjà si mal, Freja, et qu’il n’avait pas l’intention de creuser plus loin encore dans la douleur. Puis, malgré les apparences, il n’y avait pas qu’elle. Woody avait souvent agi comme si la norvégienne était la seule à pouvoir le sauver, mais il ne pouvait maintenant plus s’entêter à cette idée. Surtout, c’aurait été injuste pour toutes les autres personnes qui tentaient de l’aider. Une fois assis à la cafétéria, ils en revinrent encore et toujours à cette impasse dans laquelle ils étaient coincés, entre l’amour, l’amitié, et l’absence. « Alors on est différents, c’est tout. Ça signifie pas que mon amour pour toi est moins grand. T’aurais jamais été capable de me dire ça, moi je l’ai fait. Si les rôles avaient été inversés, moi j’n’aurais jamais été capable de te repousser si t’avais enfin été prête à ce qu’on soit ensemble. Toi tu l’as fait. » Il haussa les épaules. « On est différents. » Répéta-t-il. C’était peut-être perçu comme une attaque de la part de Freja mais pour Woody, ce n’était qu’une constatation. Elle était tombée amoureuse d’un autre, lui ne pouvait plus s’imaginer tomber amoureux de qui que ce soit d’autre, à présent. Le trentenaire baissa les yeux quand elle s’excusa de lui infliger toute cette peine. « J’récolte ce que j’ai semé. » Déclara-t-il, gardant le silence un moment, le regard perdu dans son café brûlant, avant de relever les yeux vers elle. « C’est à moi de te dire, maintenant, que j’vais t’attendre, Freja. Le temps que ça prendra. J’serai là quand tu me reviendras. »

J'essaie. Qu'il essaie est déjà une grande victoire à tes yeux. Même s'il ne s'est pas accroché suffisamment à toi et à votre relation - du moins c'est l'impression que tu as -, savoir qu'aujourd'hui il se bat bien que la maladie ne cesse de progresser, ça te rend heureuse. Tout ce que tu veux c'est que Woody puisse trouver le bonheur et être enfin en paix avec lui-même. Mais avant ça, tu sais que le chemin à parcourir est encore long et c'est la même chose pour toi. Accepter ta stérilité ne se fera pas du jour au lendemain, tu sais d'avance que le chemin va être périlleux. « Ouais, on ne fonctionne pas de la même façon. » Dis-tu avec un goût amer dans la bouche. Si vous n'étiez pas si compliqués, si différents sur ces deux points-là, vous seriez sans doute encore ensemble aujourd'hui. Mais les choses ont toujours été particulièrement complexes entre vous ou du moins, à partir du moment où l'amour a pris toute la place dans votre relation. Avant que les sentiments ne s'installent, vous étiez capables de vous comprendre en un seul regard. « Te repousser a été la chose la plus difficile à faire de ma vie. » Pourtant, tu ne regrettes pas ta décision mais tu dois apprendre à vivre avec. Et quand tu es en face du Woody dont tu es tombée amoureuse, si compréhensif et patient, cela rend la chose bien plus compliquée. « Ne dis pas ça... » Murmures-tu alors que l'Australien déclare qu'il récolte ce qu'il a semé. Les mots qui suivent ne font que t'achever davantage et l'envie de te blottir dans ses bras est tellement grande qu'elle est difficile à contenir, à réprimer. « J'vais pas te mentir, ça fait vraiment du bien d'entendre ces mots-là mais je n'ai pas envie d'être celle qui t'empêche d'être heureux. Sans moi. » Précises-tu. C'est horrible et douloureux à la fois de penser qu'il pourrait être heureux avec une autre que toi mais c'est pourtant tout ce que tu lui souhaites : d'être heureux. Pourtant, égoïstement, tu n'as pas envie qu'il t'oublie ou qu'il passe à autre chose non plus. « Et pourtant... même si je n'en ai pas envie, je n'ai pas non plus envie de savoir que c'est dans les bras d'une autre que tu t'endors, le soir. » Ajoutes-tu, complètement confuse.

Pour lui aussi, la repousser toutes ces fois avait été tellement difficile. Ça lui avait crevé le cœur à chaque fois. Ce qu’il avait du mal à encaisser dans cette situation inversée, c’est que Freja ne le repoussait pas pour qu’il soit heureux sans elle, comme lui l’avait fait. Elle le repoussait parce qu’elle voulait être heureuse avec un autre. Sans lui. Et même si c’était ce qu’il avait autrefois voulu, même s’il aurait dû comprendre et être heureux pour elle, Woody n’arrivait pas à faire son deuil de la relation. Il n’arrivait pas à pardonner complètement à Freja d’être amoureuse d’un autre que lui. Si elle était parvenue à tourner la page, le pourrait-il ? Il en doutait. « Qu’est-ce que tu veux que je dise d’autre ? C’est la vérité. » Dit-il en haussant les épaules. Il avait semé la haine, la tristesse, le vide. C’était maintenant tout ce qui l’habitait et grandissait en lui. Et comme il ne s’imaginait pas en aimer une autre qu’elle, Woody lui promit de l’attendre. Cette fois, c’était lui qui se mettrait au second plan dans l’espoir qu’elle lui revienne. Il sourit quand elle lui avoua que ça lui faisait du bien d’entendre ces mots. Son sourire s’estompa lorsqu’elle ajouta un mais. « Tu n’empêches rien, Freja … Enfin … Ce serait à mon tour de te mentir si je disais que ta décision de tourner la page ne m’impacte pas. Mais je sais, deep down, que c’est pas ta faute. C’est pas toi qui m’empêche d’être heureux. C’est moi-même qui me suis empêché de l’être. » Parce que s’il avait été moins têtu, ils seraient heureux ensemble depuis longtemps maintenant. Il avait ouvert les yeux, et le cœur, trop tard. La norvégienne ajouta qu’elle n’avait pas envie de le savoir dans les bras d’une autre en s’endormant le soir. Il esquissa un faible sourire, à la fois triste et amusé, lui aussi confus. « Alors, si je comprends bien, tu souhaites que je reste seul et triste jusqu’à la fin de mes jours ? » Il eut un rire chagriné, las, avant d’hausser les épaules. « T’en fais pas. C’est ce qui risque d’arriver. »

« On fait tous des erreurs mais ce n’est pas une raison pour mériter d’être malheureux. » Tu le penses sincèrement parce que même si Woody t’a déjà fait beaucoup de mal – et à son entourage également –, il a aussi apporté beaucoup de bonheur et de lumière dans ta vie. Il t’a rendue tellement heureuse. Alors non, il ne mérite pas tout ce qui lui arrive, il ne mérite pas d’être seul et de souffrir de cette situation chaotique entre vous. « L’important c’est qu’aujourd’hui tu ne t’empêches plus de sourire, de rire, d’être heureux. » C’est tout ce qui compte à présent, à tes yeux. Et savoir Woody heureux te rendra forcément heureuse. Par contre, tu n’es pas encore passée à l’étape supérieure, celle qui te permettra d’accepter qu’il soit heureux avec une autre que toi. Ou encore qu’il s’endorme, chaque soir, aux côtés d’une femme qu’il aimera. Tu n’en es pas encore à ce stade parce que votre histoire n’est pas encore totalement terminée dans ta tête. C’est mal, vis-à-vis de Concho, et injuste, tu en es bien consciente mais tu ne parviens pas encore à fermer ce livre qui retrace cette incroyable histoire d’amour aux côtés de Woody. L’homme qui t’a appris à aimer. « Non, je ne souhaite pas cela et ça n’arrivera pas. » Dis-tu en fronçant les sourcils, convaincue que l’Australien trouvera la paix un jour ou l’autre. « Je ne suis simplement pas encore prête à te laisser totalement partir… » Ajoutes-tu en baissant les yeux vers ta tasse de thé, à peine entamée. « C’est égoïste, je le sais. » Mais c’est pourtant ce que tu ressens et ce n’est pas aujourd’hui que tu vas commencer à mentir à Woody en lui faisant croire que tu souhaites qu’il soit heureux avec quelqu’un d’autres que toi.

Woody se contenta d’hausser les épaules. À son avis, il avait suffisamment merdé au cours des dix dernières années pour assumer ce qui lui arrivait sur le plan interrelationnel. Freja avait juste un trop grand cœur, comme toujours, et c’est d’ailleurs pour cette raison-là – parmi tant d’autres – qu’il l’aimait tellement. Elle l’élevait quand il était à son plus bas. La norvégienne ajouta qu’aujourd’hui, l’important était qu’il ne s’empêchait plus de sourire et d’être heureux. S’il ne s’en empêchait plus, cela ne signifiait pas qu’il l’était pour autant, heureux. Woody ne s’imaginait l’être qu’aux côtés de Freja, alors pour lui, le bonheur était bon à y mettre une croix. Il hocha cependant la tête, un mince sourire aux lèvres. Il n’avait pas envie que la norvégienne s’inquiète davantage pour lui, il avait été si égoïste en laissant le monde tourner autour de lui. La jeune femme avait son lot de problèmes, et il n’avait plus le sentiment de pouvoir en être un de plus pour elle. Pourtant, Freja ne semblait pas prête à le laisser partir à ce point-là, comme elle le soulignait elle-même. Woody se retrouvait donc dans un entre-deux, entre l’espoir et l’échec, et si sa question sonnait comme s’il relevait une injustice, au fond il n’en avait rien à faire de cette position. Peu importe où il se trouvait dans la tête de Freja, en avant ou en arrière-plan, lui l’attendrait toujours. « C’est peut-être égoïste, mais j’n’en ai rien à faire. » Il soupira, baissa les yeux un moment, secouant doucement la tête de gauche à droite. Puis, en relevant le regard vers la norvégienne, il haussa à nouveau les épaules. « J’ai pas envie que tu me laisses totalement partir non plus. » Woody se condamnait lui-même, en s'accrochant à Freja, mais au point où il en était cela n'avait plus aucune importance. Il avança sa main sur la table pour venir retrouver celle de la femme qu’il aimerait, sans aucun doute, jusqu’à son dernier souffle.

Dans cette cafétéria, face à Woody, tu as l'impression d'être exactement à la bonne place. Même après cette annonce qui vient de tomber, mettant fin à un de tes plus grands rêves, tu parviens à t'évader au moins un peu dans les yeux de l'Australien. Dans son regard, tu pourrais te perdre durant des heures pour lire la profondeur de son âme et de l'amour qu'il te porte. Tu n'as jamais vraiment douté des sentiments de Woody à ton égard car un amour aussi fort, aussi puissant, que le vôtre, ça ne s'invente pas. Et aujourd'hui encore, même si tu es heureuse avec Conchobáhr, tu regrettes que ta relation avec le physiothérapeute n'ait pas abouti à quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus fort. Vous auriez pu être heureux et aller très loin tous les deux mais les nombreux obstacles qui se sont mis sur votre route ont eu raison de votre couple. Heureusement, pas de votre complicité ni de votre relation aussi compliquée soit elle. La preuve, aujourd'hui, Woody met de côté ses dernières rancoeurs pour être à tes côtés dans l'un des moments les plus difficiles de ta vie. Et c'est pour ce genre de gestes que tu l'aimes démesurément. « Tu n'es pas lucide. » Constates-tu quand Woody déclare qu'il n'en a rien à faire de ton égoïsme et qu'il n'a pas envie que tu le laisses totalement partir non plus. Vous voilà dans une impasse, encore une fois. Et comme toujours, tu n'as aucune solution, aucune réponse pour contourner cette impasse ou faire demi-tour. « Encore une fois, je suis dans le flou le plus total. Je n'sais pas quoi faire ni ce que je veux... » Mais ce n'est pas étonnant après ce qu'on vient de t'annoncer. Tout ce que tu sais, c'est que l'amour que tu portes à Woody ne s'effacera jamais même si tu es parfaitement heureuse dans une relation avec un autre.

Woody n’était peut-être pas lucide, c’est vrai, il était aveuglé par l’amour qu’il portait à Freja et ce, depuis plusieurs années maintenant. Et cet amour-là, trop intense à contenir pour lui, lui avait fait faire le pire comme le meilleur. En prenant du recul face à eux, face à ce qu’ils avaient un jour été et ce qu’ils étaient aujourd’hui, Woody prenait pleinement conscience de son égarement. Tout était tellement simple, entre eux mais aussi en lui, avant qu’il ne se complique le cœur avec des questions sans réponses. Des questions qui n’avaient amené que des doutes, que de la tristesse et de la colère. Borné à se tracer un futur sans pouvoir véritablement savoir ce que l’avenir lui réservait, Woody s’était fermé peu à peu au monde, et surtout à Freja. Celle qui lui avait justement permis d’oser s’en imaginer un, futur. « Pourtant j’ai l’impression qu’au contraire, j’l’ai jamais autant été. » Il haussa les épaules. Son amour pour Freja avait toujours été clair et limpide, mais maintenant qu’il se disait prêt à s’engager auprès d’elle, il ouvrait enfin les yeux à tout ce qu’ils auraient enfin pu être. Et ce qu’il ne pouvait malheureusement plus avoir. Freja lui avoua ne pas savoir quoi faire, ne pas savoir ce qu’elle voulait. C’était une lueur d’espoir, une lumière à travers la porte qu’il pensait fermée, mais qui était peut-être entrouverte, finalement. « Take your time. I took mine. » Dit-il en esquissant un faible sourire. Il avait après tout pris des années avant de faire le pas vers l’avant, sans en faire un vers l’arrière tout de suite après. Il pouvait bien donner à Freja le temps dont elle avait besoin pour réaliser qu’ils ne retrouveraient jamais ailleurs ce qu’il y avait entre eux. « Tu sauras où me trouver. »

Avant de rencontrer Woody, tu n'aurais jamais pensé que l'amour pouvait te pousser aussi loin, avec une telle intensité. Pour l'Australien, tu as été prête à tout et ce, pendant longtemps. Aujourd'hui encore, tu as l'impression que tu pourrais donner ta vie contre la sienne malgré que le temps vous ait éloignés. Même si aujourd'hui, c'est avec un autre que tu partages ton quotidien, tes peines, tes joies, tu vois toujours le monde à travers les yeux de Woody. La preuve en est, alors que tu es en train d'apaiser ton chagrin, au moins un peu, à ses côtés. « Et si un jour il est trop tard ? » Trop tard pour vous, pour votre histoire, pour cet amour qui ne cesse de grandir entre vous ? Si un jour, le physiothérapeute rencontre quelqu'un et fait voler votre relation en éclats, que se passera-t-il ? Devras-tu vivre avec des regrets ? Et si un jour, Woody décide de vivre une nouvelle expérience, une nouvelle aventure, avec quelqu'un d'autre, comme c'est le cas pour toi avec Concho, le supporteras-tu ? Probablement pas. Ce sont ces interrogations, que tu ne devrais pas avoir, qui sèment la confusion dans ta tête à cet instant précis. Peut-être que l'annonce de ta stérilité te bouleverse davantage encore mais malgré tout, tu te sens complètement perdue entre cet amour indescriptible pour Woody et ce sentiment de bien-être, d'être aimée et d'aimer en retour, auprès de Conchobáhr. « J'peux pas me poser toutes ces questions... J'devrais y aller. » Dis-tu en secouant la tête, confuse, et en buvant quelques gorgées de ton thé. Et même si tu es convaincue de ce que tu dis, tu n'as aucune envie de partir.

Et si un jour il est trop tard ? Était-ce possible qu’il le soit ? Qu’un jour, Woody n’attende plus Freja ? Depuis que la norvégienne était entrée dans son cœur, le jeune homme ne s’était pas imaginé pouvoir terminer ses jours avec une autre personne qu’elle. Bien sûr, il avait parfois été nostalgique de la simplicité de son amour avec Sara et, bien sûr, lors de son voyage en Chine, il s’était demandé ce qu’ils auraient pu devenir s’il n’avait pas tout brisé entre eux. Sara avait été son premier amour et ce n’était pas une relation qu’on pouvait totalement oublier. Cependant, il était tombé amoureux de Freja d’un amour si fort qu’il en était sans doute malsain. Et depuis, aucune autre qu’elle ne hantait son esprit comme son cœur. À l’heure actuelle, non, Woody ne s’imaginait pas vieillir avec une autre qu’elle. « J’peux même pas penser à cette possibilité-là, en ce moment, Freja. Pour moi, il ne sera trop tard que si l’un de nous deux n’est plus là … » Son cœur se serra rien qu’à penser qu’il puisse ne pas être le premier à mourir. Sa maladie était un fardeau, mais elle n’était pas sa fin. Il ne voulait pas songer à un monde dans lequel Freja n’était plus. Il allait cependant devoir s’habituer à ce qu’elle ne soit plus vraiment dans son monde à lui. Pas de la manière qu’il aurait voulu qu’elle le soit, du moins. Woody soupira discrètement quand la brunette refusa de se poser toutes ces questions, jugeant qu’il était sans doute temps qu’elle y aille. « Je sais, je suis désolé de te mettre dans cette position. Mais je m’en serais voulu que tu ne saches pas où moi, je me situe. » Et même si Woody ne savait pas forcément où Freja se situait malgré cette conversation, elle qui semblait vouloir s’en aller sans toutefois le laisser partir lui, le trentenaire repartirait quand même avec le cœur un peu plus léger. Parce qu’il saurait qu’elle n’avait donc pas complètement tiré un trait sur lui.

L’idée qu’un jour, Woody ne soit plus là te terrifie. Te paralyse, même, quand il t’arrive d’y penser. Aujourd’hui, tu as un bref aperçu de ce qu’est une vie sans Woody – enfin presque. Parce que même s’il ne fait plus partie de ton quotidien, il mène toujours sa vie de son côté, essayant de remonter la pente petit à petit. Alors égoïstement, tu espères être la première à partir, à quitter ce monde pour n’avoir jamais à affronter un monde sans Woody. Cette simple pensée te donne des hauts le cœur et fait remonter toutes ces angoisses que tu gardes enfermées à l’intérieur. Aujourd’hui, tu peux définitivement rajouter la peur de ne jamais être mère à ces angoisses bien gardées. « Non, tu as raison… Je préfère être au courant de ce que tu penses et ressens. Même si ça complique bien des choses. » Comme si ta vie n’était pas assez compliquée en ce moment… « Je vais y aller. » Murmures-tu en sentant à nouveau une crise d’angoisse monter en toi. Tu as besoin de prendre l’air et surtout d’être seule avant d’annoncer cette nouvelle à Concho et à tes proches. En parler rend les choses bien trop réelles et c’est encore trop douloureux alors pour l’heure, tu as simplement besoin de te retrouver. « Merci d’avoir été là. » Dis-tu avec un faible sourire sincère, à l’attention de Woody. Puis, après avoir déposé un tendre baiser sur sa joue, tu t’éloignes et quittes cet endroit à présent maudit. Mais à peine arrivée à l’avant de l’hôpital, tu sens tes jambes commencer à trembler et tu as tout juste le temps de prendre appui contre le mur avant de t’effondrer. Epuisée c’est le mot pour décrire ce que tu ressens à cet instant précis. Tu as même l’impression que ton souffle est plus court qu’à l’habitude et que ton corps manque progressivement d’air. A cet étourdissement s’ajoute une vive douleur à la poitrine. Tu grimaces en posant ta main contre ton cœur, supportant difficilement cette douleur qui t’assaille. Quelqu’un s’arrête pour te demander si tout va bien et, difficilement, tu hoches la tête. Tu as l’impression que ton cœur va te lâcher comme si il était en train de subir l’annonce de ta stérilité. La présence de Woody a un peu apaisé ta peine mais à présent, puisqu’il n’est plus là, tout revient puissance mille. Tu as tellement mal au cœur que tu ne peux contenir tes larmes. « J’ai l’impression que mon cœur va exploser. » Murmures-tu quand une jeune femme s’approche de toi pour te venir en aide. Et sans attendre, elle appelle une infirmière qui te prend en charge pour être sûre que tout va bien et que ce ne sont pas les symptômes d’une crise cardiaque. Une demi-heure plus tard, tu es de retour dans ta voiture, prête à retourner chez toi et à affronter ce douloureux quotidien qui est le tien, à présent.

Fin du sujet