Where is my mind ? [ ft. Tahlia ]

Toute la journée, Tahlia avait eu le regard rivé sur l'horloge qui trônait sur le mur de son petit studio. Elle attendait avec impatience 17h, l'heure à laquelle sa mère passerait à l'appartement pour garder sa fille. Tahlia aimait son bébé de tout son cœur, mais elle avait aussi besoin de moments pour elle, où elle pouvait se ressourcer, voir du monde et sortir de son appartement. Ce qu'elle ne faisait malheureusement plus et qui commençait à affecter sérieusement son moral. Elle qui avait toujours été une pile électrique s'éteignait doucement. Elle comprenait parfaitement quand l'équipe de l'hôpital lui avait dit de prendre soin d'elle, quand Thaïs était encore à l'hôpital à cause de sa grande prématurité. Elle aimait son rôle de mère, mais il fallait avouer qu'il était compliqué de gérer un bébé de presque deux mois, seule. Ajoutez à cela son futur déménagement, la reprise prochaine d'un boulot qui ne lui convenait plus et cela donnait tout un tas de questions qui tournait en boucle dans son esprit. Alors, quand son ancien entraîneur lui avait envoyé un message pour savoir comment elle allait et lui rappelait que le club était toujours prêt à l'accueillir, Tahlia se décida pour une séance de boxe. Cela faisait longtemps, bien trop longtemps qu'elle n'avait pas remis ses gants. Et elle avait un gros besoin de se défouler...

17h tapantes, sa mère était là. Tahlia fit un dernier bisou à sa fille, récupéra ses affaires et quitta le studio afin de rejoindre le club qui se trouvait à deux pas. Après s'être changée et après avoir salué quelques têtes connues, elle se plaça devant un sac de frappe. Si ses mouvements semblaient rouillés et que sa force de frappe semblait légère, Tahlia sentit rapidement une énergie folle au niveau de ses mains. Elle repensa à tout ce qu'elle avait vécu : sa rupture avec le père de Thaïs, ce déni de grossesse, cet accouchement prématuré, les semaines à l'hôpital. Elle repensa à toute cette colère engendrée, à toute cette tristesse, cette peur accumulées, à toutes ces émotions qu'elle ne gérait plus. Là, ses coups se firent plus forts, moins maîtrisés, comme si elle ne cherchait qu'à taper, qu'à lâcher ce qui lui pesait sur le cœur. Elle tapa jusqu'à être à bout de souffle, jusqu'à reprendre conscience de l'environnement au sein duquel elle évoluait, jusqu'à se rendre compte qu'un homme se trouvait à ses côtés, prononçant son prénom. Elle arrêta, essoufflée, et posa ses yeux verts, déterminés, sur le nouvel arrivant. Elle arqua un sourcil en reconnaissant cette silhouette. Jayden, ce collègue avec qui elle avait parfois dû travailler avant que les supérieurs n'estiment qu'ils avaient des caractères trop forts pour travailler ensemble. Il était sympa comme mec, mais au boulot, c'était une tête-à-claques. Du genre à ouvrir trop sa bouche... ça vous rappelle quelqu'un ? « Salut Jayden. » dit-elle, avec un léger sourire, avant de retirer ses gants pour récupérer sa bouteille d'eau. « Je ne t'avais pas vu. » Sûrement qu'elle aurait fui si cela était le cas. Elle avait encore bien trop de mal à croiser d'anciens collègues. « ça... ça fait longtemps. »  dit-elle en haussant les épaules. « Toi aussi tu es venu te défouler un peu ? »

Plus elle tapait sur ce sac et plus elle sentait cette énergie dans ses mains s'évaporer peu à peu. Mais elle n'était pas là non plus pour s'épuiser. N'oublions pas qu'elle avait encore un corps qui n'était pas complètement remis des derniers événements. Et Thaïs avait besoin d'une maman en forme. Alors quand elle s'arrêta pour boire un coup, elle fut surprise de voir Jayden à ses côtés. Elle ne l'avait pas vu, alors que d'ordinaire, Tahlia avait l'oeil partout. Elle commençait vraiment à perdre tout ce qui faisait d'elle une bonne flic. Parce que oui, elle avait été une bonne flic malgré cette petite erreur de parcours. Elle esquissa un sourire quand il lui avoua presque ne pas l'avoir reconnue. « J'ai tant changé que ça en un an à peine ? Je crois que la trentaine ne me réussit pas... » lâcha-t-elle en tentant le trait d'humour. D'un côté, ce n'était peut-être pas plus mal que des anciens collègues ne la reconnaissent pas. Non pas par honte – elle n'avait pas honte de ce qu'elle avait fait – mais c'était plutôt pour elle, pour ne plus qu'elle souffre face à cet emploi perdu.Quand elle lui demanda s'il était venu ici pour se défouler, sa réponse démontra que c'était une réflexion stupide. « Ma question était conne. » ajouta-t-elle en haussant les épaules et en buvant une gorgée d'eau. Mais elle manqua de s'étouffer en entendant sa dernière question. Là, au moins, il allait droit au but. « Je te rassure, je ne fais pas que martyriser pas que des sacs. J'ai aussi fait un enfant. » C'était quand même la grosse nouveauté dans sa vie. Bien sûr, elle avait changé de boulot, mais ça, il devait s'en douter. « Et toi, qu'est-ce que tu fais de beau dans ta vie depuis que j'ai été virée ? Hormis martyriser des sacs... » dit-elle avec un sourire, un poil amusé. Il remuait le couteau dans la plaie, mais Tahlia aimait quand on allait droit au but. « Toujours dans la police ? »