you and me, perfect disaster (livio)

Faire la tournée des bars avait été une sortie de routine pour Liam dans les derniers jours, non pas parce qu'il avait quelque chose à noyer ou la soif permanente de s'éclater la tronche jusqu'à ne plus ressentir de contrôle sur sa propre personne. Ça avait été une tactique stratégique pour comprendre quels genres de monde de la nuit abritait Bowen, quels étaient ses compétiteurs, comment ils fonctionnaient, c'était purement stratégique et il se l'avouait pleinement. Parfois, il s'était même présenté au propriétaire, avait parlé de sa propre boite dont l'ouverture était prévue pour la semaine suivante, parce que le terme compétiteur était tout de même un peu fort dans sa situation. Avoir des alliés dans le monde de la nuit, ce n'était pas de refus. Parce que ce qu'il faisait, ça n'était pas pour tout le monde et, au fond, il finirait bien par attirer sa propre clientèle. Il ne lui restait que le bar sur la plage à visiter, mais l'un des patrons d'un bar où il avait été cette semaine lui avait suggéré de passer l'après-midi plutôt qu'en soirée s'il souhaitait parler au gérant des lieux. Père de famille, il laissait son équipe de nuit gérer seule, préférant prendre les quarts d'après-midi et retrouver sa petite famille le soir venu. Liam comprenait très bien et donc, alors que le soleil tapait sur Bowen, il s'était rendu sur la plage, crème solaire fraîchement badigeonnée, pour retrouver ce bar qui habitait bien ce coin de paradis donc certaines tables étaient si près de l'eau qu'on aurait cru pouvoir s'y baigner en même temps de trinquer. Après avoir adressé deux ou trois mots au gérant, un gentil homme qui lui souhaitait la meilleure des chances à Bowen, il s'était rendu sur le quai pour admirer la vue. Au loin, un jeune homme d'à peu près son âge était seul à une table, l'air d'attendre quelqu'un. Un homme que l'Espagnol connaissait bien, trop bien. Il s'approcha de lui avec un sourire, lui adressant un : « Hey, Livio », lorsqu'il fit assez près de lui. « Tu t'es lassé de Milan ? »

A défaut d'avoir un vrai bureau, au sein duquel il pouvait établir son projet australien, échanger avec ses équipes restées en Italie, Livio avait opté pour le bar de la plage. C'était amusant de faire des visioconférences sur la terrasse du bar, lunettes de soleil vissées sur le bout du nez et le bruit de l'océan en fond. Son équipe devait s'imaginer qu'il se la coulait douce en Australie, mais il montrait qu'il était actif sur le terrain. Et puis, de toute manière, il était le patron, alors il faisait bien ce qu'il voulait ! Terminant la conversation avec son directeur de collection, il lui annonça qu'il lui envoyait les derniers résultats de l'étude de terrain faite ici, dans la région de Queensland. Livio tenait à s'adapter à la culture locale, tout en apportant la patte italienne qui avait fait son succès à Florence. S'apprêtant à rédiger son mail, il but une gorgée de café - le troisième en deux heures - afin de relancer sa motivation et continuer de faire un travail efficace. C'était le problème de Livio. Il n'arrivait pas à rester en place, devant l'écran de son ordinateur portable. Il y avait toujours quelque chose ou quelqu'un qui attirait son attention et qui le déconcentrait pleinement. C'était l'un des gros problèmes qu'il avait vécu lors de sa scolarité, d'ailleurs. Commençant à rédiger son mail, une voix le poussa à relever le regard. Quand ses yeux se posèrent sur l'homme qui venait d'arriver, un large sourire s'afficha sur les lèvres de l'italien. "Mira quién está aquí !" s'exclama-t-il, avec joie. C'était Liam, l'un de ses bons amis avec qui il avait fait les 400 coups lors de son année d'études en Espagne. Il se mit à rire en l'entendant poser sa question : "ça fait longtemps que je me suis lassé de Milan." Il se sentait davantage florentin que milanais. Et même plus encore, il se sentait davantage terrien qu'italien. Depuis quelques temps, il était de moins en moins en Italie. "Mais oui, j'avais besoin de voir un peu plus de soleil." Et quoi de mieux que d'aller à l'autre bout de la planète ! "Mais... et toi ? Qu'est-ce que tu fais là ?" ça pour une surprise, c'était une bien belle surprise. Il lui montra le siège en face de lui. "Tu m'accordes un peu de temps ?"

Qu'est-ce que ça faisait du bien de voir un visage familier à l'autre bout du monde. Il y avait bien Pippa que Liam avait retrouvé ici, mais dans le cas de son ami Livio, les choses étaient bien différentes. Il avait un allié en l'Italien, le genre d'ami avec qui on faisait les plus grosses conneries sans même se demander si c'était mal. Dans les bars, ils en avaient dragué, des filles. Ils en avaient bu, des verres. Et des souvenirs, ils en avaient plein la tête. Mais après leur séparation, il y a de cela quelques années, Liam pensait ne plus se retrouver sur la même route que son bon ami, pensant que leur chemin ne se croiserait que sur les réseaux sociaux, entre les joyeux anniversaires et les félicitations sous les photos d'exploit. Quelle ne fut pas sa surprise de voir son ami là, en chair et en os, dans la même ville que lui. Liam n'en avait rien eu à faire qu'il soit au milieu de la rédaction d'un e-mail sans doute important, il s'était immiscé dans la bulle de l'homme pour le retrouver. « Le soleil ? », pointa Liam en riant à gorge déployée. « Tu trouves pas que l'Italie est assez choyée en matière de beau temps ? » À moins qu'il parlait d'une fille, dans cette métaphore du soleil qui l'avait attiré ici, en Australie. Et connaissant Livio, ça pouvait même être l'histoire de quelques filles. « Ouf, moi, c'est une longue histoire », lança Liam quand son ami lui retourna la question. Livio lui demanda ensuite s'il lui accordait un peu de temps. « Évidemment ! », décréta l'Hispanique en tirant la chasse face à l'Italien. « Mec, par où commencer... », dit Liam dans un rire. « J'ai ouvert ma boite de strip-tease », lâcha-t-il d'amblé, préférant éviter de tourner autour du pot.

Ce n'était qu'une question de jours pour que Liam et Livio se rencontrent à Bowen. Le jeune italien avait compris que son ami s'était établi dans cette ville, et comme ce n'était pas une grande ville, il avait toutes les chances de se croiser. Voilà que c'était fait ! Alors que Liam lui demanda s'il s'était lassé de l'Italie, Livio rétorqua que c'était le besoin de soleil qui l'avait mené ici. Oui bon, ce n'était pas la bonne excuse puisque l'Italie était bien pourvue de ce côté-là. Alors il éclata de rire avant de se reprendre : "Le soleil... et les surfeuses. Autant rétablir la vérité." Et même là, les surfeuses australiennes avaient été bien vite oubliées de Livio, depuis qu'il avait recroisé le chemin d'une belle italienne qui le rendait fou d'elle. Quand Liam allait apprendre ça, sans doute n'allait-il pas le croire. Livio en couple, c'était rare, bien trop rare. Comme quoi, tout le monde changeait ! Alors qu'il lui retourna la question, lui demandant s'il lui accordait un peu de temps, Livio esquissa un sourire en voyant son ami s'installer face à lui. "Une petite bière ?" demanda-t-il. Ils allaient parler, beaucoup parler, il fallait donc se rafraîchir. Liam commença alors à raconter ce qui le menait ici. Et il y avait pas mal de changement, visiblement ! Livio haussa les sourcils en apprenant qu'il avait ouvert sa boîte de strip-tease, un sourire s'affichant ensuite sur ses lèvres : "Sérieux ?! ça fait combien de temps ?" Et Livio faisant du grand Livio, il ajouta en riant : "ça vaut le coup que j'aille y faire un tour ou je risque de passer plus de temps au bar ?" Afin de savoir s'il cherchait davantage une clientèle féminine ou une clientèle masculine...

Il auraient fini par se croiser, tôt ou tard. Bowen, ce n'était pas si grand. Et encore plus quand on y reconnaissait des visages. Mais le voir aujourd'hui, et qui plus est disponible pour piquer une jasette, c'était agréable. Cependant, il était surpris de le croiser en Australie, lui qui pensait que Livio ne quitterait jamais sa petite Italie adorée. Il le voyait tellement comme un Italien typique, développer son entreprise dans le pays de la mode. Que faisait-il ici? Liam s'en questionnait. Le soleil, il l'avait en Europe. Pourquoi choisir le pays des kangourous? « Aaaaaaaah, je te reconnais, là », riait Liam alors que Livio parlait des surfeuses. « Tu t'es laissé des Italiennes? », répondit-il en lui accordant un clin d'oeil. « T'as eu raison, d'ailleurs, les Australiennes sont... Charmantes », fit-il en pointant au loin deux filles sur la plage, leur bikini était tellement fin qu'on aurait dit qu'elles étaient en string. Et ce n'était pas pour déplaire à l'espagnol. « Un pichet, tu veux dire? » Il leur faudrait pas mal de verres pour rattraper le temps perdu.

Il raconta le début de son récit, la partie la plus importante, d'ailleurs, l'ouverture du Tabù. Évidemment, Livio s'y intéressa. « C'est tout nouveau, je cherche encore des partenaires et à faire des rencontres dans le domaine de la nuit pour être certain que le club se porte bien. » D'où sa visite dans se bar, à quelques minutes de son club. Mais quand le brun questionna son ami sur sa plaisance, Liam secoua la tête. « À moins que tu aies changé d'équipe sans me le dire, j'crois que tu préfèrerais rester chez toi », gloussait Liam. On ne voyait que très peu d'hommes tenir des boites de striptease qui visaient une clientèle féminine. « Tu te cherches pas un job, d'ailleurs? », demandait-il, très sérieux. « T'es beau, mec, j'suis certain que les filles te mangeraient du regard. »

L'excuse du soleil avait été un échec monumental. Et quand il évoqua les australiennes, Liam reconnut parfaitement Livio. Il fallait dire que l'espagnol savait que l'italien n'était pas un saint. Ils avaient usé et usé de leurs charmes auprès de la gente féminine, quand ils sortaient tous les deux, à l'époque où ils étaient deux étudiants avides d'amusement. "Non, les italiennes restent chères à mon coeur." dit-il d'abord. Et pour cause, il sortait avec l'une d'elles. Il dévia le regard vers l'endroit pointé par Liam, voyant ces deux Australiennes aux corps de rêve. "En effet, elles ont un charme particulier." répondit-il en riant. Regarder n'était pas tromper. Comme on disait : ce n'était pas parce qu'on était au régime que l'on ne pouvait pas regarder le menu. L'invitant à boire une bière, il hocha la tête quand Liam évoqua directement le pichet. "ça, c'est mon pote !" répondit-il, enjoué, interpellant la serveuse pour qu'il puisse passer leur commande.

Vint enfin le moment d'être sérieux et d'évoquer réellement ce qu'ils devenaient. Livio fut fier de Liam quand ce dernier lui apprit qu'il avait ouvert sa boîte de strip-tease. Liam était le genre d'hommes qui en voulaient, qui fonçaient dans le monde de l'entrepreneuriat. De par leurs ambitions, ils se ressemblaient énormément. Quand l'espagnol lui apprit qu'il ouvrait à peine et qu'il cherchait encore des partenaires, Livio demanda : "C'est pour ça que tu étais là ? Et ça va, tu arrives à te faire une place ?" Il n'allait sûrement pas faire concurrence à ce bar, par le fait qu'ils ne visaient pas la même clientèle, mais sans doute valait-il mieux entretenir des relations cordiales avec le voisin. Quand Livio tenta d'en savoir plus sur la clientèle qu'il cherchait à avoir pour sa boîte, l'italien éclata de rire face à la réponse de son ami : "Eh non, je n'ai pas changé d'équipe. Je vais devoir rester chez moi." Livio avait déjà eu un intérêt pour les hommes, mais cela s'était plutôt traduit par un intérêt pour l'âme plutôt que le corps. Les femmes restaient sa came. Toutefois, Liam semblait avoir une autre idée pour rameuter Livio dans son club. Quand l'espagnol lui demanda s'il ne cherchait pas un job, il arqua un sourcil, surpris, attendant qu'il développe. Et quand il comprit où il voulait en venir, le jeune Manzoni se mit à rire : "Tu es en train de m'offrir un job dans ton club ?" Liam avait le don pour étonner Livio. "Je ne crois pas que ce soit une bonne idée." commença-t-il, amusé. "Déjà, je danse comme un pied. J'ai pris un peu de ventre depuis que je teste la gastronomie australienne. Et surtout, je risque de me faire tuer par ma copine si je me trémousse devant des filles." Friand de défi, Livio aurait sûrement tenté un soir, juste par curiosité. "Tu ne veux pas avoir ma mort sur ta conscience, quand même ?!" exagéra-t-il en riant, même s'il voyait déjà Aura lui lancer un regard noir s'il venait à lui dire qu'il bossait dans un club de strip-tease. Ah, l'amour avait bien changé Livio...

« C'est ce que je croyais, mec! », fit Liam alors son ami parlait de cette affection particulière pour les italiennes. « Elles ont du mordant », fit-il en bougeant les sourcils. « J'en connais une, blonde, poudre à canon, bombe de beauté. Elle m'a électrisé. C'est filles-là n'ont rien à voir avec Pippa », lâcha-t-il en parlant de Pippa, cette blonde qu'il avait rencontré en Espagne, Barcelone, sa ville natale et qu'il s'avait originaire d'ici. Il l'avait d'ailleurs contacté dès son arrivé, l'avait revu et avait renoué avec ce côté charnel qu'ils avaient connu à Barcelone. Quant aux Austrlaiennes, elle n'était pas la seule à prendre place dans son coeur. Il y en avait bien une autre, une beaucoup plus discrète, qu'il avait rencontré... Mais une qui était aussi chasse gardée. Il ne lui en parlerait pas maintenant. Non, l'heure était à boire. Un pichet, c'est ce qu'il proposa.

Quand ils eurent le bière en main, Liam initia un toast à leurs retrouvailles avant de tomber dans des discussions sérieuses de retrouvailles. Ça ne durerait pas des heures, parce que lorsqu'ils se retrouvaient tous les deux leur QI semblait vouloir descendre à 4 à deux, mais ça faisait du bien de prendre des nouvelles de son bin ami perdu de vu depuis trop longtemps. Mais d'abord, ce fut lui qui posa des questions. « Ce que j'ai ouvert est loin d'être dans la compétition, c'est propre à lui », lâchait-il en souriant, laissant planer le mystère alors que Livio demandait si ça marchait. Et, rapidement, il se mit à lui expliquer ce qu'était sa boite. « Peut-être bien », gloussait Liam alors que Livio s'étonnait qu'il lui offre un job. Alors qu'il refusait, Liam répliquait d'arguments en arguments, n'écoutant qu'à demi ce que l'italien avait à lui dire. « On s'en fiche que tu danses mal, j'te chorégraphe le tout et tu auras l'aire de Channing Tatum mec! J'te jure! », fit-il pour défaire le premier argument de son amie. « Du ventre? Ouais, tu déconnes. J'te dis, t'es beau, mec, ça plairait », renchérit le danseur. « Ta copine? tu pourrais l'inviter à te voir dan... » Et il s'arrêta sec et net, regardant Livio comme un con. « Ta quoi? », répéta-t-il, incertain d'avoir bien compris. « T'as une copine? Depuis quand? Mec, çca fait trop longtemps qu'on s'est vu... J'te croyais pas du type en couple et rangé », fit-il avec surprise. « J'veux pas te voir mort, non.... Mais j'veux surtout que tu m'expliques tout ça! »

« Pippa ? » lâcha-t-il en haussant les sourcils à plusieurs reprises, l'air malicieux. « Je crois que tu as des choses à me dire, toi aussi. » Et il ne comptait pas le lâcher. Mais d'abord, c'était l'heure de la pinte de bière. La première pinte de bière ! Ils avaient sûrement beaucoup, beaucoup de choses à se dire. Mais avant d'en dire davantage sur cette Pippa, Liam parla de l'ouverture de son club. Club qui expliquait sa présence ici, même s'il n'y avait pas de compétition dans l'air puisque ce club avait son genre à lui. Et pour cause, Liam avoua rapidement que c'était un club de strip-tease, avec des hommes sur scène. Très vite, l'espagnol taquina son ami en lui proposant un job. Livio lança tout un tas d'arguments, bien vite démontés par Liam. C'était à croire qu'il le voulait vraiment sur scène. « Tu sais que j'ai un job ? » dit Livio en riant. « Ceci dit, pour le défi, je ne dirai pas non. » Liam connaissait Livio. Il savait qu'il était du genre à foncer tête baissée dans les défis du genre. Et comme il n'était pas très pudique, il se fichait de montrer ses fesses à toute une assemblée de femmes. Mais il y en avait une qui risquait de ne pas accepter l'idée. Sa copine. Sa copine qu'il voulait inviter au club. Livio attendit le moment où Liam réagirait, celui où il le regarderait avec des yeux en lui disant 'hein ? Ta quoi ?'. Il ne fallut pas plus de dix secondes pour entendre l'exclamation de son ami. Le regard surpris de Liam le fit éclater de rire. « Moi non plus, je ne me croyais pas du type en couple et rangé. Comme quoi, tout arrive. » Et quand il demanda plus d'explications, Livio haussa les épaules : « Il n'y a pas grand chose à dire. Ça fait quelques mois que je suis avec elle. Mais ... je la connais d'Italie. Disons qu'on a un passé en commun. Je ne me mets pas en couple aussi facilement, voyons. » Il se mit à rire, ne voulant pas passer pour un canard. Mais en vrai, il était complètement dingue de sa belle italienne. « Et toi, alors ? Cette Pippa ? »