all these places we went to see sights (candy)

Aux premières heures de la journée, le soleil ayant à peine eu le temps de se lever complètement à l’horizon, le premier ferry de ce dimanche ensoleillé débarqua Candy et Isaiah, aux côtés de quelques autres courageux du week-end, sur l’île d’Holbourne. Sur cette île inhabitée, puisque classée comme parc national, on retrouvait 139 espèces dans sa faune et sa flore. Des oiseaux, des reptiles et des plantes. Pour Candy et Isaiah, des amoureux de la nature, c’était un endroit paradisiaque pour terminer la fin de semaine. Surtout, ce serait enfin l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les plantes, en compagnie de Candy qui aurait un tas d’espèces à lui présenter, expliquer, montrer les bienfaits. Avoir une meilleure amie étudiant en botanique, c’était quand même un accomplissement, pour Isaiah. Il sourit en sentant le soleil réchauffer sa peau, et le vent caresser chaque poil de ses bras et de ses jambes dénudés. En se concentrant bien comme il faut, il pouvait effectivement les sentir valser de droite à gauche selon les envies des fines bourrasques. « Je pourrais rester ici pendant des jours. » Déclara-t-il alors que ses pieds venaient à peine de toucher le sable, et que le ferry entamait son retour vers les côtes du Queensland. Malheureusement, ce n’était pas possible, et ils allaient devoir prendre le dernier bateau de la journée, mais Isaiah comptait bien en profiter avec Candy pour toutes les prochaines heures. Ils avaient amené de quoi manger et pour le reste, l’artiste n’avait pas de mal à s’imaginer qu’ils sauraient s’occuper avec tout le sauvage qui les entourait. Si le temps s’allongeait, ils n’auraient qu’à se faire une séance de yoga sur la plage ou sur de gros rochers, ou bien à aller nager au-dessus des coraux même s’ils n’avaient pas d’équipement. Candy et Isaiah ne se cassaient jamais vraiment trop la tête, et c’est pour ça qu’ils s’entendaient aussi bien. « On s’éloigne un peu des autres ? » Proposa Isaiah. Il n’était pas du tout asocial, mais il avait envie aujourd’hui de ne faire qu’un avec la nature, et s’il était toujours talonné par ce photographe et son trépied, son expérience allait être amoindrie.

Lorsqu’Isaiah lui avait proposé, quelques jours plus tôt, d’aller sur l’île d’Holbourne pour passer une journée dans la nature, la demoiselle n’avait pas pu dire non. A présent elle connait par cœur les espèces de plantes de Bowen mais n’a que peu l’occasion de sortir de la ville pour se balader en pleine nature. Heureusement son meilleur est là pour l’accompagner et lui faire découvrir des endroits qu’elle ignore. En général elle n’ose pas voyager seule car ses faibles revenus ne lui permettent pas de pouvoir découvrir la nature autant qu’elle le voudrait. Mais avec lui c’est différent, elle peut bien dépenser un petit peu pour qu’ils passent la journée tous les deux, loin de Bowen, perdus entre les arbres. Elle a emporté avec elle tout un petit nécessaire en cas de problème mais aussi un livre de botanique, histoire de les aider si elle n’arrive pas à identifier certaines plantes, également pour pouvoir enrichir ses connaissances. En arrivant sur l’île elle est tout excitée et heureuse. Ils marchent dans le sable, Isaiah lui disant qu’il pourrait rester ici des jours. « Moi aussi ! Je pourrais m’installer ici et vivre dans la nature. Je ferais peut-être ça plus tard, vivre dans une cabane en forêt, entourée par la nature. Je pourrais gagner un peu d’argent en cultivant quelques plantes ou en faisant un blog de botanique. Je ne suis pas sûre qu’il y ait internet mais bon, ça peut s’arranger. » Comme toujours elle s’emballe trop vite, s’imagine trop de choses. Elle vit encore chez ses parents et rêve de pouvoir déménager, sans doute pour cela qu’elle s’imagine beaucoup trop d’autres vies à côté, des vies où elle vivrait heureuse dans son chez-elle. Les gens autour d’eux discutent, s’émerveillent, réfléchissent à où partir, quel circuit emprunter, le calme de la petite île n’est plus avec tous les touristes débarqués, eux y compris. Le jeune homme lui propose de s’éloigner un peu de la foule. « Oui, on peut aller par là. » dit-elle en montrant un sentier qui s’aventure dans la forêt. Elle commence à s’avancer, observant avec attention les plantes qu’elle aperçoit, espérant réviser un peu ses connaissances en même temps que de se balader dans un paysage idyllique.

Ce qui était particulièrement bien avec l’île d’Holbourne, c’était qu’elle n’était pas bien loin de chez eux. Quelques kilomètres en voiture, une petite traversée en ferry, et ils mettaient les pieds dans un lieu complètement naturel et déconnecté du reste. Le billet de traversier ne coûtait pas bien cher alors Isaiah se le permettait, de temps en temps. C’était cependant la première fois qu’il s’y rendait avec Candy, allez savoir pourquoi ils n’avaient pas décidé de s’y aventurer ensemble plus tôt. Isaiah comptait bien profiter des connaissances de Candy, et lui pourrait apporter un peu des siennes concernant les différents types d’arbres qui se trouvaient. À force de travailler le bois, évidemment qu’il s’était intéressé aux différentes essences et qu’il pouvait désormais identifier pas mal d’espèces. Bref, ce ne serait pas une simple journée à se prélasser sur une plage digne d’une île déserte, non. Isaiah et Candy faisaient généralement ce genre d’activités un peu plus aventurières ou qui, au moins, allait satisfaire un aspect de leur curiosité. Le jeune homme sourit à sa meilleure amie quand elle affirma qu’elle voudrait un jour vivre dans la nature, reculée en forêt dans sa cabane en bois. Il l’imaginait bien, oui. Il s’imaginait aussi. « Tu me permettrais d’être ton voisin ? J’pourrais avoir ma cabane, un kilomètre plus loin, par contre j’aurai pas Internet mais si toi non plus et qu’t’as besoin d’aller en ville pour entretenir ton blog de temps en temps, je t’accompagnerais. » C’était beau, de rêver, mais en réalité pour Isaiah ça avait longtemps été un projet. Il avait souvent songé à cela, à s’éloigner de la société, à se déconnecter complètement. Il s’était toujours dit que s’il demeurait seul et nomade, il finirait sans doute comme ça, dans l’arrière-pays de n’importe quel pays avec de belles étendues de forêt. Mais il avait rencontré Aisling, il avait maintenant une famille, et ce futur-là était repassé au stade du rêve, oui. Bref, préférant s’éloigner des touristes, Candy et Isaiah se dirigèrent vers un sentier s’engouffrant dans la forêt, alors que les autres restaient pour le moment les pieds dans le sable. Tant mieux. Moins de bruit = moins de risque de faire fuir la faune. Après quelques mètres, il pointa quelque chose sur une branche au-dessus de leur tête. À voix basse, il lâcha : « Regarde. Un cisticole à couronne dorée. » Ils étaient drôles à voir, Candy les yeux rivés au sol sur les plantes, Isaiah la tête en haut pour les oiseaux.

Candy s’imaginait vivre au milieu de la nature, sur cette île dans une cabane précaire, cultivant sa propre nourriture, passant ses journées à étudier la végétation en écrivant dans un carnet ses observations. Elle oubliait un peu qu’elle ne pouvait pas vraiment vivre sans internet et l’électricité. Certes elle n’est pas une influenceuse hors paire mais elle aime tout de même partager quelques photos de temps à autres sur Instagram, parler aux gens aussi. Si être seule avec Isaiah sur une île lui plairait un temps, elle finirait sans doute par se sentir seule. C’est une demoiselle sociable qui a besoin de voir du monde, de rencontrer des gens, de tomber amoureuse aussi. Si elle restait seulement avec son meilleur ami elle finirait bien par tomber amoureuse de lui, à défaut d’avoir quelqu’un d’autre sur qui jeter son dévolu. « Bien sûr que tu pourras être mon voisin ! Et à moins d’un kilomètre si tu veux aussi. On pourrait peut-être faire de l’électricité en pédalant ? » se demanda-t-elle. Et puis il doit bien avoir un réseau de téléphone qui passe sur l’île, il y en a partout maintenant. Si cette vision a son lot d’inconvénients, elle se dit tout de même que faire du yoga tous les matins face à la mer, sur une plage déserte, ça doit être le top. Il lui arrive parfois de se rendre dans des petites plages de Bowen le matin pour faire son yoga, mais ce n’est pas pareil que d’avoir à juste sortir de chez soi pour avoir un cadre agréable. Les deux meilleurs amis s’éloignèrent un peu des autres visiteurs pour être plus au calme et pouvoir étudier la nature tranquillement. Ils commencèrent à s’enfoncer dans la végétation. Rapidement Isaiah pointa un petit oiseau posé sur une branche, disant à la blonde qu’il s’agit d’un cisticole à couronne dorée. Candy regarda l’oiseau avant de doucement sortir son téléphone pour en prendre une photo, histoire de documenter sa journée et avoir des traces des différentes espèces aperçues. Après quelques minutes à observer l’oiseau en silence, la demoiselle descend son regard vers les plantes avoisinantes. « Il y a des acronychia ici, on devrait voir des green catbird pas loin je pense, ils sont verts donc ils vont pas être faciles à repérer dans les arbres. » dit-elle en montrant une plantes avec de petits fruits roses très mignons.

Être autosuffisant c’était un peu le rêve d’Isaiah, et même si son petit jardin dans la cour de la maison louée à Aino produisait suffisamment pour les approvisionner en légumes de tous genres, il était encore loin du stade où il n’aurait plus à aller faire les courses. S’il vivait sur une île déserte, il n’aurait d’autres choix que d’apprendre à vivre complètement indépendamment. Enfin … avec l’aide de Candy, bien sûr, qui l’aiderait à repérer les plantes comestibles. Après quelques mois passés sous sa supervision, sans doute arriverait-il à se débrouiller par lui-même sans finir ses jours comme Alexander Supertramp. La solitude ne l’effrayait pas autant, ce qui était étonnant pour un homme qui avait vécu le confinement très difficilement et qui avait énormément d’amis pour l’entourer, à chaque coin du monde. Ici, ce n’était pas la solitude qu’il entrevoyait, c’était la liberté. « Bonne idée ! Et puis y’aurait peut-être moyen de développer l’énergie solaire sur l’île, aussi … quelques panneaux pas trop envahissants … à deux notre consommation ne serait pas trop énorme. » Surtout pas la sienne. La facture d’électricité à la maison était déjà bien basse, lui qui n’allumait jamais la télévision de lui-même et qui n’avait pas d’ordinateur. Alors sur une île déserte, ça risquait d’être quasi nul. Bref, ce petit rêve resterait une fantaisie et de toute façon, pour le moment, cette île était loin d’être déserte. Des touristes affluaient à tous les jours, eux compris, mais ils décidèrent de s’éloigner du reste de la foule du ferry. Observant les oiseaux au-dessus d’eux, Candy le ramena ensuite aux plantes les entourant. Il s’agenouilla auprès de l’Acronychia pointée par sa meilleure amie. « Oh il me semble avoir déjà vu ces fruits … Ça se mange ? » Et sans trop attendre la réponse de l’étudiante en botanique, il détacha l’un des fruits rose pâle et le porta à ses lèvres. « Hm. C’est croustillant. Citronné mais doux aussi. » Il releva les yeux vers Candy. Sur une île déserte, même avec Candy, il aurait vraiment fini comme McCandless en moins de deux heures.

A vivre sur une île comme celle-ci Candy voyait aussi l’occasion de se débarrasser de ses parents avec qui elle ne s’entend plus depuis des années sans qu’elle ne puisse aller vivre ailleurs. Ses finances sont assez faibles alors à moins de dormir dans une cabane faites en bambou sur une île non loin de Bowen, elle devra attendre d’avoir un travail pour enfin pouvoir s’échapper de la maison familiale. Cependant elle n’est pas sûre de réellement s’épanouir sur une île déserte à vivre simplement, une partie de son confort lui manquerait trop. En soit elle a l’habitude de dormir dans le théâtre de l’université les soirs où elle ne veut déranger personne pour l’héberger, mais ce n’est pas comparable à dormir dans une cabane où des animaux sauvages pourraient rentrer. Et c’est bien connu, l’Australie est le paradis des insectes dangereux, venimeux, bref, l’Australie veut votre mort. Candy continuait tout de même à imaginer la possibilité de vivre avec Isaiah sur l’île et lui aussi visiblement, ça ne l’étonnait pas vraiment, ils sont tous les deux assez rêveurs. « On pourrait vivre en quasi autonomie. » dit-elle pensive. Elle aimerait bien que sa maison, plus tard, soit écologique, responsable et durable. Mais il faudra sans doute attendre quelques années car elle n’aura pas les moyens avant un moment de concrétiser ce rêve. Les deux meilleurs amis s’éloignèrent du reste du groupe pour s’enfoncer dans la végétation, repérant plantes et animaux. La demoiselle montra une plante bien connue de l’île à Isaiah qui s’empressa de lui demander si ça se mangeait, ce qui la fit rire. Il n’attendit pas sa réponse pour attraper un fruit et le goûter. « Mais faut pas manger les trucs comme ça ! T’as de la chance c’est pas dangereux mais on sait jamais, il pourrait avoir un animal qui a déposé des germes ou du poison, faut faire attention et toujours nettoyer ce que tu manges dans la nature. » lui expliqua-t-elle, inquiète qu’il puisse manger tout et n’importe quoi. Si ça continue dans deux heures ils sont à l’hôpital. « Maintenant tu manges plus rien sans l’avoir nettoyé et que je sois sûre que c’est pas dangereux, d’accord ? J’ai pas envie qu’il t’arrive un truc. » lui dit-elle, protectrice.