Don't / Saphyr + Charlie

Il n'y a rien de plus vivifiant de courir dans la forêt. L'appel de la nature, l'humidité des feuilles... une vraie bouffée de fraicheur. Une fois que je rentre à la maison, je m'endors comme un bébé. Ma tête, mon cœur, mon corps, ont besoin de s'épuiser pour oublier un homme qui hante mes pensées.

40 minutes. Un temps record. Adossée à un arbre, je peine à reprendre mon souffle. Je jette un œil à ma montre connectée qui m'indique mon rythme cardiaque. Il ne faut pas que je m'arrête brusquement. Je marche, d'un pas moins pressé. Il y a devant moi une femme mais sinon le sentier est libre. Tout d'un coup des coups de fusil me font sursauter. La vache! Mon rythme cardiaque a dû refaire un bond.

Vous ai-je déjà dit que je suis captivée par les émissions comme faites entrer l'accusé, crimes ou les interviews de Stéphane Bourgoin? Alors les faits divers, ça me connait! Je me suis déjà préparée psychologiquement à une éventuelle attaque d'un psychopathe ou d'un tueur en série (oui, oui, vous pouvez dire que je suis folle). Mais là, sur le feu de l'action, je ne suis à moitié rassurée car je ne suis pas seule. Qu'est-ce qu'on fait, on court? Un autre coup de feu retentit. Je sursaute. La jeune femme me demande si c'est la période des chasses. J'hausse les épaules incapables de savoir.T'as une arme sur toi? Bombe lacrymogène? Des clés? Les coups de feux se rapprochent de plus en plus. Et il y a cet instinct de survie qui rapplique. Je lui prends la main et l'amène dans ma course. Cours! Cours! L'adrénaline remplace la peur. Il n'y a qu'un chose qui me vient en tête : courir le plus vite possible. J'en oublie que je viens de cavaler pendant 40 minutes et que j'étais à bout de souffle.

Nous sommes, moi et cette jeune inconnue, dans la forêt profonde. À nous deux les seules armes que nous avons sont des clés et nos jambes pour courir. Les coups de feux ne présagent rien de bon et je décide de cavaler et de l'entraîner avec moi. Nos mains se lâchent mais nous courrons l'une auprès de l'autre. Nous fonçons à travers les branches, sans se rendre compte que les bouts de bois et la terre instable peuvent nous faire tomber à tout moment. T'arrêtes pas de courir! dis-je avec un ton encourageant. J'essaie de me rassurer, de me dire que nous allons pas mourir mais les bruits assourdissants des coups de feux m'en empêchent. Entre temps je ne parviens pas à réfléchir où pouvons-nous nous réfugier. Pendant un instant de folie, j'ose regarder derrière nous, mais cela ne fait que ralentir ma cadence. Ne regarde pas derrière toi! Au loin, j'entends des voix qui se rapprochent.

En temps normal, je me serais marrer mais là franchement, ma concentration reste très limitée. Je cours à une vitesse dont jamais je n'aurais cru capable d'atteindre. Je regrette de ne pas avoir garder plus d'énergie. De toutes mes forces physiques et mentales, je m'efforce de garder la cadence près de mon acolyte. Ma respiration s'accélère par l'effort et la peur des coups de feux qui se rapprochent. J'ignore la douleur des courbatures dans mes mollets. Mais je n'arrive pas à ignorer qu'il faut que nous trouvons une issue à cette course poursuite. J'sais plus... où... s'trouve... le... sentier dis-je à bout de souffle. J'espère qu'elle pourra me donner une quelconque indication. Pendant un instant je me dis qu'on pourrait se cacher derrière un arbre mais je me demande si cela suffira pour éloigner les chasseurs. C'est la seule option que je puisse envisager : se cacher comme un animal sauvage.

Je cours à une allure qui me semble bien au-dessus de mes capacités. Si je pouvais cracher mes poumons je le ferais. Je n'aurais jamais cru avoir autant d'endurance avec cette rapidité. Il m'est difficile de réfléchir avec lucidité et j'en oublie que j'ai moi aussi mon téléphone. Ma partenaire de course me suggère qu'elle regarde sur son téléphone. Vas-y! Mais faut qu'on se cache derrière un arbre, un gros! Les coups de feux retentissent encore et je pousse un juron. Je commence aussi a croire de plus en plus qu'il y a des chasseurs qui nous prennent pour des bêtes sauvages.

Je me fais la promesse de ne PLUS JAMAIS faire de jogging en pleine forêt. La bouche sèche, hors d'haleine, épuisée, je continuais à courir sous les coups de feux qui ne semblaient pas s'arrêter. La peur m'empêche de réfléchir et heureusement que ma partenaire de course prend l'initiative de prendre son téléphone. Nous nous cachons derrière un arbre et je ne sais comment elle parvient à faire sa recherche au GPS, qui semble ne pas nous localiser. J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure. Si le GPS nous localise pas, on est foutu! Soudain, ça marche. Elle trouve la sortie. Elle m'indique d'aller tout droit. Pas le temps de se reposer sur ses lauriers, il faut y aller! Je prends une profonde inspiration avant que notre course se poursuit. Mais cette pause m'a fait plus de mal que de bien. J'en... peux... plus! dis-je d'une voix hachée, comme si je cherchais de l'oxygène. J'espère qu'elle va m'annoncer qu'on y est bientôt.

Le GPS nous a localisé, certes, mais maintenant il fallait continuer à courir pour s'éloigner davantage des coups de feus qui retentissent. L'idée de reprendre notre course m'effraie. Exténuée, j'avais donné toute mon énergie dans mon endurance mais aussi ma peur. De plus en plus insupportable, je commençais à ressentir une douleur envahissante au niveau de la poitrine. Heureusement que ma partenaire lit en moi mon désespoir et décide de me prendre par la main. Sans quoi, je n'aurais pas trouvé la force que j'avais bien puisé depuis. Dis-moi... que... c'est un cauchemar... Ces deux minutes restantes me semblent interminables. Je suis en sueur, en nage même, et je ne cesse de me répéter sans cesse j'en peux plus, j'en peux plus, j'en peux plus...

Cette adrénaline-là est horrible, brûlante, douloureuse et brutale. Aussi lointain que je m'en souvienne, je ne crois pas que j'ai autant souffert de courir. Si ma partenaire de course ne me poussait pas, je ne sais pas comment mes jambes auraient la force de tenir debout. Le bruit assourdissant des coups de feu me semblent lointain maintenant car nous arrivons enfin à un sentier. Je n'ai jamais été aussi heureuse de voir du béton. Mes jambes tremblent lorsque je m'arrête près d'elle, qui s'est écrasée sur la portière de sa voiture. Je l'embrasserais si je n'étais pas pleinement lucide. Heureusement qu'elle m'a aidé sur ces dernières minutes de course. Tu peux me déposer? Soulagée de ne pas rester seule, je maudis tout de même mon garagiste qui a pris une semaine supplémentaire à réparer ma Duster. À l'intérieur de sa voiture, j'autorise mon cœur à ralentir son rythme cardiaque. Alors que les coups de feu se sont arrêtés, je me sens enfin en sécurité. Oh merde! J'ai eut la peur de ma vie! Et c'est rien de le dire. J'en ai encore la chair de poule. Merci de... M'avoir sauvé la vie. J'en perds mes mots tellement que je suis troublée. La gorge sèche, je toussote avant de reprendre mes esprits. Tu crois qu'on devrait voir les flics? Chasseurs, tueurs ou qui que ce soit a essayé de nous tirer dessus, quand même! Et si jamais ils s'en prenaient à d'autres personnes?