((Morgan)) That day

Tu l'entends dans le salon, il parle tout seul en regardant la télévision. Tu sais qu'il a eu une grosse journée, et qu'il est sûrement fatigué, alors tu ne veux pas lui traîner dans les pattes, tu n'aimes pas vraiment quand il est de mauvaise humeur. Tu finis d'installer les draps du petit berceau que ton mari a acheté cette semaine. Même si l'arrivée du bébé n'est pas prévue pour maintenant, tu peux pas t'empêcher d'installer les meubles comme s'il allait arriver demain. Peut-être que c'est pour te convaincre. Ou peut-être qu'au fond, tu as vraiment hâte de le voir pointé son bout du nez. Tu ne saurais pas dire. Tu passes ta main sur le tissus gris -que tu as voulu d'une couleur unisexe- pour lisser les plis, et tu redresses la petite peluche de lapin qui est tombée. Tu soupires.

Il commence à se faire tard, la nuit est déjà tombée depuis un moment, mais tu as besoin de t'occuper les idées. Si tu vas te coucher maintenant, tu n'arriveras pas à dormir. Tu as prévu de nettoyer la salle de bain demain, alors tu peux bien commencer maintenant. Tu passes dans la cuisine récupérer un produit et un chiffon, et tu jettes un coup d’œil au canapé. Il n'a pas bougé, sa bière à la main. Est-ce que tu dois lui en proposer une autre ? Tu hésites, tu as peur de le couper dans sa contemplation du téléviseur. Alors tu repars juste.

Tu commences par nettoyer le miroir, et quelque chose parvient à tes oreilles, tu ne saurais pas dire quoi. Tu fronces les sourcils, comme si ça pouvait te faire entendre plus distinctement les sons. Mais rien. Tu as dû rêver. Tu reprends ton activité quand un bruit assourdissant se fait entendre. Tu n'as jamais rien entendu de pareil, et la peur t'a fait lâcher dans l'évier ce que tu tenais à la main.

Tu te retournes brusquement, tu ne sais pas si tu dois lui demander s'il va bien ou rester cachée ici comme il t'a dit de le faire le jour où il se passe quelque chose. Tu entends des voix, et t'as l'impression qu'ils retournent toute la maison. Tu regardes autour de toi comme si la solution était posée sur une étagère, mais un mot parvient à tes oreilles. « La police... ? » que tu murmures pour toi même. Tu te décides à quitter la pièce.

Dans l'encadrement de la porte, poing sur le cœur, tu regardes la scène surréaliste qui se déroule devant toi. Tu as l'impression que tout se passe au ralenti : La porte d'entrée ouverte, le verrou arraché, les hommes en uniforme qui s'engouffrent un à un dans la pièce, et ton mari, allongé sur le ventre, le genou d'un des hommes sur son dos pour le maintenir en place. Tes jambes flagellent et tu peux pas t'empêcher de tomber à genoux, la main fermement cramponnée au châssis contre lequel tu es appuyée. Tu vois un homme approcher de toi, et tu peux pas t'empêcher de lui poser la question « Qu... qu'est-ce qui ce passe ? »