there's no lesson greater, it's hard from time to time (juniper)

Lara avait beau être née depuis huit mois maintenant, cela ne faisait pas de moi un expert en parentalité. J’avais pourtant un autre enfant âgé de quatre ans mais, disons que les circonstances toujours bien dramatiques de mes relations amoureuses avaient fait en sorte que je n’avais pu explorer auprès de lui ses premières années de vie. Tout le côté « bébé » de la vie m’était donc inconnu. Certes, j’avais déjà eu à garder les enfants de certains potes, par exemple la fille de Perry, Siobhan, mais les occasions avaient été plutôt rares et disons qu’entre passer deux heures avec un bébé versus des journées complètes, il y a une sacrée différence. Zelda, elle, semblait se débrouiller à merveille, comme si elle avait d’un coup appris tous les secrets d’être une mère rien qu’en accouchant. Je savais que ce n’était pas le cas, je savais qu’elle devait elle aussi flipper par moments mais quand même, elle n’en donnait pas l’impression. Pour ne pas toujours avoir l’air du père un peu débile qui ne sait pas trop ce qu’il fout, j’avais décidé de m’inscrire dans un cours de nouveaux parents offert sur les lieux du lycée. Zelda n’était même pas encore au courant. Je voulais un peu lui faire la surprise de devenir enfin le papa convenable qui sait reconnaître les étapes du développement de sa fille. Je me rendais là à tous les vendredi matin depuis environ quatre semaines. Encore aujourd’hui, je me présentai à l’heure, avec ma petite Lara dans sa poussette. Je ne l’avais pas toujours avec moi, quand c’était Zelda qui avait sa garde je me présentais seul mais je prenais quand même des notes. Aujourd’hui, j’avais la petite. J’allai me placer à mon endroit habituel, à côté de Juniper, une jeune maman tout aussi paumée que moi. Ça me soulageait un peu de voir que je n’étais pas le seul à avoir à en apprendre beaucoup. Certains parents qui assistaient à ces rencontres semblaient déjà avoir lu dix bibles différentes sur la parentalité, c’était à se demander jusqu’où ils iraient. Je souris à Juniper. « Salut, coéquipière. » Coéquipière parce que lorsqu’il y avait des trucs à faire en duo, on les faisait ensemble, puisqu’elle aussi semblait être mère célibataire. Ou alors le papa ne venait pas. Ou alors il n’était pas au courant, comme Zelda.

Un sourire s’afficha directement sur mon visage quand je vis Juniper attraper la main de Rosie pour faire coucou à Lara. Nous étions peut-être – de toute évidence – des parents nuls, mais nous étions des parents aimants et ça, au fond, ça annulait un peu la nullité, non ? Bon, cette réflexion ne faisait aucun sens dans ses termes mais je me plaisais à croire que parce que nous avions énormément d’amour à donner à nos progénitures, ça nous pardonnait un petit peu de ne pas connaître à la lettre les bons comportements à adopter en tant que parents. « Bonjour Rosie. » Dis-je à mon tour en me penchant vers la toute petite, qui me fixait de ses grands yeux. J’aurais été prêt à parier qu’elle commençait à me reconnaître, à force de me voir à toutes les semaines. Mais est-ce qu’à cet âge un bébé peut reconnaître aussi facilement les visages ? J’en avais aucune idée. On l’apprendrait sans doute ici, un jour, et au moins je pourrais arrêter de dire des sottises quand je voyais les yeux de Lara s’illuminer face à un visage que je présumais connu pour elle. « Euh … Non, j’ai pas regardé, mais attends, j’ai sans doute le livret qu’on nous a donné au premier cours … à quelque part là-dedans … » J’ouvris ma pochette plastique, celle retrouvée dans une vieille boîte de mon époque de lycéen, vieille boîte de carton qui renfermait les maigres souvenirs de cette école de laquelle j’avais décroché trop tôt. Je sortis un livret un tantinet mal en point parce que je l’avais mal rangé. Je le dépliai et regardai le contenu du quatrième cours. « La motricité fine de un an à un an et demi … » Je tournai la tête vers Juniper. « J’préférerais jamais en arriver là, j’aime tellement pas quand elle se retrouve avec des objets dans les mains, j’ai toujours peur que ce soit trop petit pour elle et qu’elle puisse s’étouffer avec … » Dis-je en baissant les yeux vers Lara. Je n'allais quand même pas l'empêcher de jouer avec tous ses jouets, tout ça parce que j'étais trop inquiet. Mais s'il fallait qu'il lui arrive quoi que ce soit ...