if you let me, i'll care of you + woody

D'où vient mon sale petit caractère? Je crois de mon père. Il était politicien. Prêt à tout pour gagner. lui dis-je tandis que nous descendions les escaliers. Mon ton ne trompe pas. Je ne suis pas franchement fière d'hériter quoi que ce soit de mon père. Notre relation restait cordiale. L'amour parental est celui dont je n'ai jamais ressenti. Je regardais cette jolie photo de famille des Rutkowski. Ça doit être génial d'être une grande fratrie. Devon et moi avons, comme beaucoup de jumeaux, un attachement surdimensionné. Nous partageons les mêmes amis, nos peines, nos joies. Il est une partie de moi, comme moi je suis une partie de lui. Malgré cela, nous sommes deux caractères opposés. J'étais celle qui avait le plus d'ambition, qui a toujours su ce qu'elle voulait. A table, nous buvons notre café et je raconte à Woody mon passé d'étudiante en tant que physicienne. Il me complimente. "Belle et intelligente". Portant toute mon attention sur ma tasse à café, je rougis, ce qui m'arrive très rarement. Je suis encore plus flattée qu'il aime mes muffins. Comme dit Woody ce changement de vocation était drastique, mais il en vaut la peine. J'aimerais en dire autant pour nous.

J'ai la langue tellement pendue que j'en avais oublié notre Woolie qui nageait en rond dans son petit sac en plastique. Il fallait lui fallait trouver un endroit où l'installer. Oh. Hum. Quelque part dans le salon, près de la fenêtre? Il y sera bien éclairé et il y verra du monde. Le salon de Woody est de loin la pièce la plus lumineuse et spacieuse de la maison.

Ce fut d’abord un regard impressionné qui anima le visage de Woody en apprenant que papa Keynes était politicien, mais il comprit bien vite que cela n’était pas une fierté pour Charlie dont le ton de voix ne laissait pas entrevoir d’affection pour son père. « Il n’est plus en politique, aujourd’hui ? » Demanda Woody, puisqu’elle avait dit qu’il était politicien. Si ça se trouve, il était décédé et il venait de créer un malaise. En regardant la photo de famille, la jeune femme déclara que ce devait être génial d’être une grande fratrie. « Ça doit aussi être très particulier d’avoir un frère jumeau. C’est vrai, ces histoires de se sentir connecté à l’autre ? » La questionna-t-il, curieux. Les autres jumelles qu’il connaissait, et connaître est un grand mot, étaient Freja et Frida, mais elles-mêmes n’avaient pas une très belle relation, ce qui avait fait en sorte que Woody ne connaissait pas Frida. Pourquoi, bordel, est-ce que chaque conversation le ramenait à elle ? Après avoir appris que Charlie avait étudié la physique quantique, le trentenaire la complimenta, ce qui sembla la faire rougir et sourire. Il sourit à son tour, les ramenant tous les deux à l’ordre en parlant de Woolie qui avait sans doute hâte – autant qu’un poisson peut avoir hâte à quoi que ce soit – de nager dans une plus grande étendue d’eau. « Ouais, je devrais pouvoir tasser quelques trucs pour lui faire de la place sur le meuble devant la fenêtre. » Il mangea les dernières bouchées de son muffin, résistant à la tentation de s’attaquer à un deuxième maintenant. « Allons voir ça. » Il reprit sa canne et alla chercher l’aquarium et les décorations. Au salon, il changea de place certains objets, assez pour dégager l’espace et y installer la nouvelle maison de leur combattant. Ils décorèrent ensemble avec les petites roches, les faux coraux et autres babioles et remplirent d’eau le contenant, à la même température que celle du sac. Une fois Woolie bien installé, Woody le regarda nager dans l’aquarium. « Mission accomplie. Maintenant, faut qu’on le garde en vie. »

J'aurais aimé éviter d'aborder le sujet "mon père est un sale type, chapitre 1" avec Woody. Mais si on commence à se fréquenter, le sujet sera inévitable. Non il a été mêlé à une sale affaire. C'est pour ça que nous avons déménagé en France. Je grimace. Parler de lui me rend très mal à l'aise. Je n'ai pas tellement envie de déballer les horribles histoires dont il était associé, d'autant plus que je n'en connais pas les détails (fort heureusement, d'ailleurs). Sur cette photo des Rutkowski, ils ont tous l'air heureux, sans l'ombre d'une querelle familiale. Elles sont très jolies tes sœurs, celle-ci a tes airs. lui dis-je en montrant la dénommée Nevaeh. Une si grande fraternité doit apporter un grand amour. Avec Devon, c'était différent d'être deux. Le twin thing est bien plus qu'une légende que les jumeaux prétendent. Disons qu'on se sent... Comme une moitié de l'un et de l'autre. Un fait aberrant quand on sait que Devon et moi sommes totalement opposé, caractériellement parlant.

Après avoir fait le tour des pièces, nous descendons boire nos cafés accompagnés des muffins pâtissés par mes soins. Au passage je suis flattée qu'il les ait autant apprécié. Je suggère ensuite d'installer notre combattant dans le salon près de la fenêtre. Ensemble nous installons les décorations dans l'aquarium. Une fois que le poisson est bien installé dans son nid douillet, je croise fièrement les bras et l'admire nager. Woolie semble déjà heureux.   Tu t'en charges la première semaine, donc si il meurt c'est entièrement de ta faute! lui dis-je d'un ton qui cherche la provocation. J'avoue, j'adore jouer avec le feu. Surtout quand on sait que Woody est joueur aussi.

Déménager en raison de démêlés politiques, Woody ne pouvait s’imaginer que de très sales affaires. Ce n’était pas qu’une simple dégringolade vers l’oubli, c’était un scandale qui avait dû faire les manchettes, poussant la famille à vouloir disparaître loin des regards. Ce devait être difficile pour le reste de la famille, de payer pour les actes du père. « Arf, je suis désolé pour ta famille et toi. Vous habitiez où avant la France ? » Demanda-t-il avant même de songer que, selon sa réponse, Woody allait sans doute pouvoir retracer toute l’histoire. Une curiosité malsaine, sans doute. Ou juste le besoin de savoir sans pour autant rendre Charlie mal à l’aise avec toutes sortes de questions pourtant inutiles. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire, ce que son père avait fait de croche ? Rien du tout. Ça ne changeait rien. Le jeune homme sourit quand la brunette affirma que ses sœurs étaient jolies, Nevaeh ayant ses airs. « Elle est la plus proche de moi en âge. Après c’est Alex, puis Ox. » Une grande fratrie, c’était bien, oui, même si ça faisait encore plus de personnes pour le surveiller, ce qui ne lui plaisait pas toujours. Avoir un jumeau, en revanche, ce devait être très particulier. Charlie le lui confirma. « Moi qui ai du mal à apprécier ou à faire confiance aux mecs qui fréquentent ma sœur, j’imagine pas ce que c’est pour ton frère envers les tiens. » Releva le trentenaire avec un sourire amusé. C’était aussi pour obtenir un aperçu de ce qui l’attendait, si jamais ça devait devenir plus sérieux avec Charlie. Après les muffins et les cafés, et après avoir installé Woolie dans son aquarium, tous les deux contemplèrent ce petit coin maintenant animé par le combattant. « J’vais l’tenir un minimum en vie jusqu’à ce que tu viennes le récupérer, au moins. Comme ça après, ce sera ta faute. » La nargua-t-il à son tour. Il rit, avant de constater que maintenant que le poisson était parmi eux et qu’ils avaient dégusté les muffins de Charlie, leurs plans de la journée étaient techniquement accomplis. « T’as envie de rester à dîner ? » Demanda-t-il en plongeant une main dans la poche de son pantalon, l’autre toujours autour de sa canne.

Bien contente d'esquiver le sujet concernant mon père, mon visage s'illumine soudainement. À Paris, tout près de la place de la Madeleine. Un concentré de bobos chics parce qu'il y a des boutiques de luxe. Des individus potentiellement stressés par le travail. Et en hiver, un super marché de Noël. Tu t'y plairais. J'adore Paris mais il m'arrive de noircir le portrait de la capitale, tant adulé par les touristes. Quand on vit à Paris, on s'habitue à sa beauté et à ses défauts. Certains clichés sont véridiques. Les gens dans le métro tirent la tronche et la circulation est à s'arracher les cheveux. À côté de ça, Paris a de belles merveilles à découvrir. Pour ma part, mon cœur s'est toujours partagé à Bowen et pour rien au monde je quitterais ma ville natale.

Tandis que Woody me montre une photo de famille des Rutkowski, nous discutons de la fraterie sous toutes ses coutures. Certains frères et sœurs partagent tout. Peut-être que Woody et Nevaeh, qui ont peu d'années d'écart, parlent ouvertement de leurs relations. Avec Devon, je n'étais pas très à l'aise de parler des garçons que je fréquentais. Oh, tu sais comment sont les grands frères, personne n'est assez bien pour sa petite sœur. De toute façon je suis pudique et pas très bavarde, quand on en parle lui et moi. Petite gêne. Puis après une fraction de seconde d'hésitation, je rajoute Sauf si ça devient sérieux. Je sens que la grande et importante question plane au-dessus de nos têtes. Est-ce que lui et moi, sommes prêts à se lancer dans une relation sérieuse? Je n'ai pas tellement envie d'y réfléchir, même si au fond, j'aimerais connaître ses intentions à lui. Billie m'a dit qu'à partir du cinquième rencard, on peut se permettre de se poser la question. Je m'autorise donc à ne pas la poser.

Après avoir bu notre café et installé l'aquarium de notre combattant, Woody lance déjà les pronostics de la durée de vie du poisson. À croire que notre pauvre petit combattant ne survivra pas. Je lui rejette la faute et évidement, il me rend la monnaie de ma pièce. C'est tellement fourbe comme stratégie! lui fais-je remarquer, après avoir rit à mon tour. J'observe alors notre pauvre poisson auquel nous préméditons déjà sa mort. Les belles nageoires de Woolie sont encore plus étincelantes à la lumière du jour. Relevant les yeux vers Woody, je ne m'attendais pas à ce qu'il m'invite à rester chez lui au dîner. J'en ai très envie, oui. lui dis-je le sourire aux lèvres, m'approchant lentement de lui. Qu'est-ce que je pourrais te préparer de bon? D'humeur câline, mes mains glissent sur ses épaules jusqu'à son cou. Je plonge mon regard dans le sien, résistant à l'envie de l'embrasser.

N’ayant jamais été à Paris – ce n’était pas une destination propice au vélo de montagnes et puis lorsqu’il voyageait en dehors de ça, il préférait les endroits plus naturels -, Woody hocha simplement la tête avec un sourire en entendant Charlie lui parler de la place de la Madeleine. Rien que de voir son regard illuminé comme ça, ça suffisait à lui faire oublier les histoires de politique de son père. « Je m’y plairais parce que je me fondrais bien aux individus en veston de luxe potentiellement stressés par le travail ? » Demanda-t-il avec un sourire amusé. En entendant la description de Charlie, Woody ne regrettait pas de vivre dans une petite ville comme Bowen. Et puis, ils avaient eux aussi leur très magnifique marché de Noël à chaque année. Plus jeunes, les Rutkowski s’y rendaient toujours ensemble, les quatre enfants s’émerveillant devant le grand sapin. Ils avaient des photos sur plusieurs années, avec le Père-Noël de la place de la ville. Jusqu’à ce que Woody n’y croie plus. Jusqu’à ce qu’il ne croie plus à grand-chose. Surtout pas en l’intégrité des copains de ses sœurs. Charlie lui mentionna alors qu’elle était peu bavarde avec son frère concernant ses fréquentations, sauf si ça devenait sérieux. Une petite seconde de malaise, à peine. Woody se demandait juste si, un jour, son frère jumeau aurait vent de son existence. Se rendraient-ils jusque-là ? Il n’en avait sincèrement aucune idée. « C’est bien comme ça, je pense. On n’est pas obligés de tout se dire entre frères et sœurs. » Il était comme ça, lui, en tout cas. À garder des secrets. À se refermer. C’est Nevaeh qui essayait de lui sortir les vers du nez, tout le temps. Alex ne se mêlait pas trop des affaires de son frère, il le savait réticent. Et Oxane, disons que Woody avait fait exprès de mettre de la distance entre eux pour éviter des conversations trop difficiles. Bref, une fois Woolie bien installé, le trentenaire était déjà en train de songer à l’état dans lequel il le remettrait à Charlie. Il rit quand elle parla de sa stratégie, n’ajoutant rien. À la place, il l’invita à dîner. « C’est moi qui t’invites, c’est moi qui te cuisines quelque chose … Et puis, tu m’as déjà fait de délicieux muffins. C’est à mon tour. » Il esquissa un sourire, posant ses mains sur les avant-bras de Charlie dont les mains entouraient son cou. Il plongea son regard dans le sien, un moment, son sourire en suspens dans le temps. Chacun de ses pouces caressait la peau de la pâtissière. Puis, pile au moment où ce serait devenu trop long et qu’elle aurait sans doute retiré ses mains, Woody avança son visage vers elle pour l’embrasser, d’abord doucement puis, suivant sa réceptivité, avec un peu d’intensité maintenant que l’intimité le leur permettait.

Paris mérite bien sa réputation de clichés. Les parisiens stressées, véridique. Il n'y a qu'à monter dans le métro en heure de pointe pour le voir. Ne bousculez jamais un homme en costume. Paris, la capitale de l'amour, véridique aussi. Les balades le long de la seine, le parc Monceau, et j'en passe. J'exagère. J'adore Paris. Mais j'aime encore plus Bowen. Toutes les personnes que j'aime le plus habitent ici. Mon frère le premier. D'ailleurs je tente d'expliquer à Woody le lien qui nous liait avec Devon. Nous nous considérions comme la moitié de l'un et de l'autre, tout en conservant chacun notre jardin secret. Je n'étais pas très à l'aise de parler de mes relations quelque qu'elles soient avec lui. Ce que Woody semble comprendre. Nous descendons et comme prévu, nous buvons notre café parlant de choses et d'autres. Puis enfin nous installons Woolie dans le salon. Nous avions fait ce que nous avions envisagé de faire et contre toute attente, le physiothérapeute m'invite à dîner. Et je tiens à le souligner, il souhaite cuisiner, lui! Je suis agréablement stupéfaite. Oh Une grande première. Je n'ai pas l'habitude qu'on cuisine... pour moi. lui admet-je, un peu déconcertée alors que je me rapproche de lui. Les mains caressant son cou, je le dévore des yeux parce que j'attendais impatiemment qu'il prenne l'initiative de m'embrasser. Tandis je m'apprête à reculer, il le fait. Il m'embrasse, et ce baiser est moins timide que tous les autres baisers que nous avons eut jusqu'à présent. Avec un sourire malicieux, je détache mes lèvres sans relâcher notre étreinte. Est-ce un avant-goût du dessert? Parce que j'en reprendrais bien un morceau. lui dis-je d'une voix douce, ne résistant pas cette fois à l'embrasser la première. Je reprend alors notre rythme, puis avec un peu plus de cadence. La sensation est tellement plus chaude, à l'abris des regards indiscrets.

Woody esquissa un sourire amusé à propos de l’exagération de Charlie. Puis, il hocha la tête quant à Bowen. « C’est un endroit paisible. » Enfin, paisible, en apparence. Les petits quartiers résidentiels, les rues pas trop bondées de gens même à l’heure de pointe, la plage et l’océan, les activités sociales assez fréquentes, tout le charme d’une petite ville. Et pourtant, ses habitants avaient leur lot de drames relationnels et Woody n’était pas épargné. Fort heureusement, avec une population pareille, que l’environnement venait un peu rétablir l’équilibre. Bref, une trentaine de minutes plus tard, Woody et Charlie se trouvaient au salon. Ne souhaitant pas écourter cette rencontre alors que la soirée commençait à peine, le trentenaire avait invité la brunette à dîner. L’heure du repas approchait, mine de rien, même si les muffins mangés pourraient certainement les faire tenir quelques heures encore. « T’es sérieuse ? Tu passes tes journées à cuisiner, il faut bien quelqu’un pour t’accorder un moment de répit … » Fit-il remarquer, lui aussi déconcerté. Woody était loin, très loin, d’être un grand romantique ou un petit ami idéal. Cependant, on ne pouvait pas lui reprocher de se montrer paresseux et de ne rien foutre pour l’autre. Et puis, cuisiner, c’était important pour lui. Sa maladie l’obligeait à avoir une alimentation des plus saines et cela l’avait amené à aimer découvrir différents aliments et leurs recettes associées. Son regard plongé dans celui de Charlie, un court silence s’installa ensuite, que Woody décida de prolonger en venant l’embrasser. Il rit à sa remarque lorsque leurs visages se détachèrent. « Peut-être un avant-goût de l’apéro ? J’suis peut-être pas assez patient pour attendre jusqu’au dessert. Tu pourras rajouter ça à ma liste de défauts. » Il sourit, avant de recevoir ce second baiser initié par Charlie. Sans rompre le contact de leurs lèvres, les mains de l’homme vinrent se poser sur les hanches de la pâtissière, avant que l’une d’entre elle ne descende contre la jambe droite de la jeune femme, sur le tissu de sa robe puis en-dessous, sa paume reposant presque sagement contre la peau de la cuisse de Charlie.

Une expression de gratitude se dessine sur mon visage. Parce qu'il y a bien longtemps qu'un homme n'avait pas cuisiné pour moi. Je prenais toujours ce rôle, car cela valait de soit, c'était acquis. Même quand je dépose mon tablier à Imogen, j'ai tendance à vouloir me cacher derrière les fourneaux parce que j'aime ça. La pâtisserie est d'ailleurs mon échappatoire, à moi.

Puis... nous y voilà. Ce moment d'intimité, où aucun bruit, aucun regard, ne pourront nous interrompre. C'est Woody qui prendra l'initiative de déposer ses lèvres sur les miennes. Je savoure l'inauguration d'un baiser plus intense que ceux dont nous avions eut jusqu'à présent. Celui-ci surpasse tous les autres. Plus chaud, moins contrôlé. Si ce baiser est notre dessert, j'en reprendrais bien un morceau. Ce à quoi il répond qu'il n'était pas assez patient pour le dessert. Un défaut que je peux rajouter à sa liste. C'est, de loin, celui que je préfère. dis-je dans un murmure avant de fermer les yeux et de l'embrasser à nouveau. Je sens une de ses mains descendre jusqu'à ma jambe et s'y glisser derrière ma robe. Le contact de sa paume contre ma cuisse est douce. Je peine à contenir ce désir qui gronde en moi et émet un silencieux râle de plaisir dans sa bouche. D'un geste lent, tendre, je caresse son torse. Je suis prête à croquer la pomme dans le jardin d'Eden. Si il ne s'arrête pas, je ne m'arrêterais pas non plus.

C’aurait pu lui mettre la pression, à Woody, de savoir que Charlie avait toujours été celle à préparer les repas. Elle devait être franchement douée. Et si elle n’aimait pas ce qu’il lui préparait ? Et si ça n’était pas à la hauteur de ce qu’elle était capable de faire ? Mais Woody ne se remettait que rarement en question, encore moins pour des sujets aussi futiles. Il ne doutait de toute façon aucunement de ses capacités à préparer un repas digne de ce nom. Ce ne serait rien de compliqué, l’heure du repas approchait alors il ne pouvait se lancer dans les grandes recettes. D’autant plus que ni Woody ni Charlie ne semblait très pressé de se mettre à table. Le trentenaire profitait de cette intimité loin des regards pour profiter pleinement de la présence de la jeune femme qui, plus il apprenait à la connaître, plus elle lui plaisait. Pour le moment c’était simple, doux, sans prise de tête, et c’était ce dont il avait besoin actuellement. Ça ne durerait sans doute pas, ça ne durait jamais, mais il s’autorisait à profiter du présent. Il sourit au murmure de Charlie avant de descendre sa main jusqu’à sa cuisse qui sembla s’enflammer au contact de sa paume. Alors qu’ils s’embrassaient, un râle de plaisir s’échappa des lèvres de Charlie, rapidement étouffé par les baisers continuels de l’homme. La main de la pâtissière vint se poser sur le torse du physiothérapeute, qui avança de quelques pas, obligeant la jeune femme à reculer au même rythme, jusqu’à ce que le derrière des genoux de la demoiselle touche les coussins du divan. Woody avait l’impression qu’en-dedans de lui, le désir implosait, et pourtant c’était comme si son corps ne suivait pas cette course folle de l’envie. Ses sentiments tourbillonnaient, l’ouragan de l’excitation ne voulant que prendre Charlie dans ses tournoiements. Physiquement, seulement, la démonstration n’était pas la même. Ça ne lui était jamais arrivé auparavant. L’impuissance.

Il n'y aura que les murs pour nous regarder. Je me retrouve seule avec Woody et goûte notre premier baiser en toute intimité. La main qu'il glisse sur ma cuisse me fait frémir. J'exprime un râle de plaisir qui s'échappe dans sa bouche. Sûrement parce qu'il sent mes joues s'enflammer, il accélère son élan. Nouveau râle, mon rythme cardiaque s'accélère, lui aussi. Il m'embrasse de plus belle et dans cette fougue je suis contrainte à reculer jusqu'à toucher le divan. Mon désir s'enflamme, j'imagine que les choses déraperont, mais non. Soudain, sans comprendre pourquoi, je ressens que notre baiser s'essouffle. Je ralentis la cadence, jusqu'à ce que finalement nos visages se détachent. Carressant son cou, je reste un court instant muette, à retrouver une respiration plus calme. Puis je me décide et lui demande d'une toute petite voix : J'ai fait quelque chose qui ne fallait pas? J'ose à peine le regarder dans les yeux. Peut-être que je suis allée trop vite. Ou peut-être qu'il ne me désire tout simplement pas. C'est plus fort que moi, je pense à Liam et à toutes ces fois où il me faisait sentir belle et désirée. Je ne suis plus certaine de plaire à Woody et me remet en question.

L’esprit de Woody s’embrasait. Il aurait juré que son corps suivait la même cadence, parce que pour lui l’un n’était jamais allé sans l’autre. Pourtant, alors qu’il s’apprêtait à coucher Charlie sur le divan pour surmonter son corps de son désir, il réalisa que les signaux ne se rendaient pas à la bonne place. Ne se rendaient nulle part. Il aurait pu se montrer patient, prendre son temps, mais l’hésitation dans son geste avait réveillé les doutes de Charlie, qui lui demanda si elle avait fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Il secoua la tête, son front contre celui de la pâtissière, avant de reculer légèrement afin d’être à une distance lui permettant de la regarder dans les yeux, même s’il n’en fit rien. Il avait bien trop honte. « Non, pas du tout. You’re … amazing, and beautiful, and sexy. » Affirma-t-il. « C’est moi le problème. » Lâcha-t-il ensuite, avant de soupirer et de prendre place sur le fauteuil, celui qui aurait dû accueillir leurs ébats mais qui n’était témoin que de l’échec de l’homme. Woody releva enfin les yeux vers Charlie, son cœur balançant entre l’envie qu’elle s’en aille et le laisse seul avec son déshonneur, et le besoin de lui expliquer d’où cela venait. Qu’elle n’avait rien à voir là-dedans. « Tu ne m’as jamais demandé pourquoi j’avais besoin d’une canne. Pourquoi ? » Demanda-t-il alors.

Notre désir s'est éteint aussi indubitablement que le souffle sur une flamme. Je me sens nulle, nulle, nulle. Tellement nulle que j'ose à peine regarder Woody dans les yeux. Malgré la situation très gênante, j'ose lui demander timidement si j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Car cela ne peut qu'être moi, la cause du problème. Il ne me désire pas parce que je ne l'attire pas. Il a beau m'assurer le contraire, je ne le crois pas. Je soupire et le rejoins sur le canapé. Enfin il se décide à me parler de son besoin de s'appuyer sur une canne. Lors de notre première rencontre, j'avais remarqué que le sujet était sensible. Ma réponse me semblait évidente.  Très surprise j'hausse les épaules.  Parce que tu n'avais pas l'air de vouloir en parler et je le respecte. Bien entendu, il y avait une raison médicale derrière tout ça, quelque chose de grave peut-être, mais j'avais fait ce choix de ne pas insister. Je tenais à ce qu'il en parle de lui-même. Je marque une pause et termine par avouer presque à contrecœur. Mon frère est atteint de mucoviscidose. Il doit comprendre où je veux en venir. Je suis bien placée pour voir comment se passe ses relations amoureuses avec Devon, étant lui-même malade. Avec les filles, c'est compliqué. Mais je pense que c'est parce qu'il se met lui-même des barrières. Ce que je veux dire, tu me plais beaucoup, Woody. Je me sens bien avec toi. Je lui prends la main. Tu peux tout me dire. Cela peut paraître énorme, je sais, venant d'une fille qu'il vient à peine de rencontrer. Mais moi, je ne suis pas comme toutes les autres filles. J'espérais lui apporter ce petit quelque chose en plus. Je ne parle pas d'amour. Prendre soin de lui, l'écouter, lui donner de l'affection, de petites choses insignifiantes qui aiderait à soigner son âme brisé.

S’il avait pu disparaître, là, maintenant, Woody l’aurait très certainement fait. De toute façon, sa honte le pesait tellement qu’il finirait bien par passer en-dessous du plancher. Il s’assit sur le divan et, ne voulant pas chercher des excuses, de peur que Charlie voit à travers tous ses mensonges et qu’elle finisse par se convaincre que c’était elle le problème, Woody ne tourna pas davantage autour du pot. Il parla de sa canne, même si le sujet épineux de sa maladie avait toujours le don de le mettre sur ses gardes, de le rendre fermé, sombre. Elle méritait au moins quelques explications, même si la mettre à la porte aurait été pas mal plus facile et soulageant. « C’est vrai, je n’ai pas envie d’en parler. Mais je voudrai jamais en parler et pourtant, il le faudra bien un jour. » Pas forcément, non. Si sa relation avec Charlie n’évoluait pas, s’ils en restaient à quelque chose de bien superficiel juste le temps de réparer leurs cœurs chacun de leur côté, mais ensemble l’instant de quelques rires, elle n’avait pas besoin de le savoir. Ça ne changerait rien. Ça ne changerait quelque chose que s’il l’imaginait rester auprès de lui un peu plus longtemps. Il n’avait aucune idée d’où ils s’en allaient et pourtant, de toute évidence, il ressentait en ce moment le besoin de tout lui dire. Avec surprise, il apprit que son frère était atteint de fibrose kystique. Il releva un regard étonné vers Charlie, en l’écoutant. Il connaissait la lourdeur de la mucoviscidose, et tout de suite il pensa à Alma, cette fille qui en était atteinte, rencontrée dans un groupe de soutien. Elle n’était pas revenue depuis un moment. Il se demanda s’il avait déjà rencontré le frère de Charlie dans un de ces groupes débiles auxquels il se présentait à reculons. « J’ai la sclérose en plaques. » Lâcha-t-il. « Tu me plais beaucoup aussi, Charlie. Mais mes barrières, elles ne sont malheureusement pas que là. » Dit-il en posant son index sur sa tempe. Il soupira. « Mon corps, il … il s’éteint, en quelque sorte. » Avoua-t-il, cherchant à camoufler le trouble dans sa voix.

Sclérose en plaque. Je m'attendais bien à une maladie moche, je ne suis pas surprise. Et bien. Que dire pour ne pas froisser la susceptibilité de Woody... Je te plais? lui fais-je répéter dans un sourire, comme si je n'avais écouté que cette partie. J'espèrais lui arracher, moi aussi, un sourire, avant que la discussion ne reprenne un ton plus sérieux. Oui cette partie où il avoue que son corps s'éteint. D'où la panne. Ce n'est pas drammatique en soit mais je sens que quoi que je dise, il va être difficile de rassurer Woody. C'est qu'il est très orgueilleux, très. Écoute, je me doutais bien qu'il y avait quelque chose. admets-je en haussant les épaules d'un air détaché. Mais ça n'a pas d'importance. Je me sens bien avec toi, on ne pourrait pas... juste s'en contenter? Sans se poser de question? Sans barrière? Pour moi il est clair que nous n'avons pas à définir notre relation. Ni lui ni moi sommes prêts à le faire. Mon cœur est encore bien trop meurtrie pour éclore des sentiments à un autre homme. Ce n'est pas pour autant que je me ferme à Woody et j'attends qu'il en fasse de même pour moi.