life is uncertain, eat desert first ⤅ jake

life is uncertain, eat desert first

Poussant joyeusement la porte de l’Imogen, faisant tinter la petite clochette aux tonalités d’argent, Saoirse pénétra dans la pâtisserie, se dirigeant d’un pas sûr vers le comptoir. Cela faisait quelques fois maintenant qu’elle venait ici, ça devenait même quelque chose de régulier, elle en faisait une habitude, petit à petit. C’était agréable, de se dire qu’elle se créait des routines. Cela faisait quelques mois maintenant que l’Irlandaise avait débarqué à Bowen et elle avait pris ses marques. Elle ne connaissait pas encore la ville et ses environs comme sa poche, mais elle pouvait désormais se considérer comme une habitante. Elle savait où elle allait, par où passer, les détours en cas d’imprévu et les petits raccourcis moins faciles d’accès. Elle avait sympathisé avec quelques commerçants, avec des gens de la ville aussi, à force de jouer du violon sur la place. Quand elle venait chez Imogen, elle était toujours bien reçue et les employés avaient compris le petit jeu de découverte qu’elle avait mis en place. Chaque fois qu’elle venait, elle demandait à goûter quelque chose de différent, et vu l’offre assez large de l’endroit, elle avait encore le temps avant d’avoir fait le tour de tout. Elle aimait qu’on lui explique ce qu’elle mangeait exactement, d’où venait cette pâtisserie à la base, si c’était une spécialité d’ici, le goût recherché. Plein de petites informations qu’elle aimait connaître quand elle goûtait quelque chose, d’autant plus qu’elle ne pouvait le voir, mais cela avait le don d’exacerber les saveurs qui fondaient en bouche. « Bonjour ! Est-ce qu’il y a une table de libre où je pourrais m’installer ? J’espère qu’il n’est pas trop tard, je repasserai demain si vous comptiez fermer. » lança la rouquine en s’arrêtant juste devant la vitre du comptoir. Elle avait décidé en dernière minute de faire un crochet par ici, elle ne savait pas exactement quelle heure il était mais elle ne voulait certainement pas empiéter sur le temps libre des employés en venant s’installer cinq minutes avant la fermeture.

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La voix du commerçant lui parvient pour lui donner une réponse, alors qu’elle attend sans se départir de son sourire, laissant pendant ce temps ses narines délicates s’emplir de la douce odeur sucrée qi règne ici. « Merci. » répondit-elle d’un air jovial, attendant qu’il ne la rejoigne pour effectivement la guider jusqu’à une table. Elle avait reconnu sa voix, parmi celles des employés de l’Imogen, et il lui avait semblé comprendre qu’il s’agissait du gérant. Elle pouvait se tromper, mais cela faisait tout de même quelques fois qu’elle venait s’installer ici et discutait avec l’une ou l’autre personne au comptoir, et depuis qu’elle vivait avec sa cécité, elle avait une excellente mémoire auditive. Elle l’entend approcher, puis sent la paume légère sur son bras, qu’elle suit gracieusement. « C’est bien gentil à vous ! » sourit Saoirse alors que sa main part à la recherche de la table et du dossier de la chaise, pour venir s’asseoir et replier sa canne qu’elle pose sur le côté de la table. La rouquine écoute ensuite les diverses propositions du pâtissier, se demandant ce qu’était un cookie Red Velvet, mais déjà le jeune homme lui fournissait les explications, avant de trébucher dans sa phrase. Un sourire en coin imperturbable reste accroché au coin des lèvres de la jeune femme, alors qu’elle rit intérieurement. Elle sait bien qu’il ne voulait pas être offensant, elle peut l’entendre au son même du malaise qui perce dans le léger silence qui suit. Elle ne releva pas, le laissant poursuivre, jusqu’à ce qu’il termine. « Effectivement, les couleurs n’ont pas beaucoup d’importance pour moi. » sourit-elle avec bienveillance, histoire qu’il ne se torture pas inutilement non plus. Il n’avait rien dit de faux, elle ne pouvait en effet pas voir l’esthétique de cette création culinaire, qui représentait donc la moitié de la particularité du cookie. Elle n’allait pas le blâmer pour ça, certainement pas. « Une religieuse aux macarons me tente bien ! » décida-t-elle finalement en passant à autre chose. « Vous faites vraiment beaucoup de choses variées, et délicieuses, je suis impressionnée par cet endroit, je dois dire. Vous devez avoir énormément de succès. » reprit la jolie rousse, histoire d’enterrer définitivement toute possibilité de malaise inutile.

Au ton de sa voix, Saoirse pouvait discerner la gêne qui traversa le commerçant, et elle secoua la tête avec un sourire quand il s’excusa, pour signifier qu’il n’y avait pas de quoi. Elle comprenait bien que ce n’était pas facile de penser immédiatement à ce qui était utile ou non de dire face à une personne aveugle. Le quotidien des gens était truffé de toutes sortes d’automatismes liés à leurs cinq sens et on ne les remarquait pas forcément. La rouquine sourit quand le jeune homme affirma que c’était un bon choix, après qu’elle ait opté pour la religieuse. Ça semblait délicat et hors du commun, elle était bien tentée d’y goûter. « C’est vraiment sympa, je suis contente d’avoir découvert votre établissement. Par chez moi, il n’y avait pas autant de choix ! » ajouta-t-elle après ses compliments. Des pâtisseries, elle n’en avait pas croisé beaucoup avant de venir à Bowen, et n’avait pas eu l’occasion de goûter à des sucreries si variées et originales dans sa communauté. Ils avaient à manger, ils avaient des choses simples, ça suffisait. Et chacun pouvait très bien se contenter de ça, mais c’était chouette de découvrir de nouvelles saveurs et des mets un peu spéciaux. Même si ce qui paraissait spécial pour quelqu’un ne l’était pas forcément pour une personne à l’autre bout du monde. « Je prendrais bien un thé vert. Ou, non, une infusion. Vous avez des infusions ? » répondit la violoniste en tournant la tête vers le jeune homme.

L’intérêt du manager lui faisait plaisir, alors qu’il lui demandait d’où elle était originaire. C’était peut-être cette facilité de conversation avec les clients et cette sympathie qui faisait la réputation de l’Imogen, aussi. Saoirse n’en savait encore rien. Mais elle appréciait un brin de conversation spontané. « D’Irlande. Dans le coin de Galway, enfin, plus ou moins. » répondit-elle sans s’étendre sur l’environnement dans lequel elle avait grandi, qui était plus atypique que ce que les gens auraient pu s’imaginer à sa réponse. Peut-être que ses vêtements, un peu atypiques aussi, suffisaient à poser question. Ou peut-être pas. La rouquine n’aurait pu le savoir, elle ne voyait pas la façon dont les Australiens s’habillaient quotidiennement autour d’elle. Ils n’avaient sûrement pas des longues jupes en dentelle avec des pull-over brodés aux couleurs criardes. « Merci. » souffla la jeune femme en entendant déjà le bruit de ses pas s’éloigner. Pendant que le commerçant s’affairait à préparer ce qu’elle avait demandé, Saoirse se laissait envahir par les odeurs et les bruits, seule source de repères pour elle. Mais ô combien agréable. Se concentrer sur les effluves sucrées et le son de l’eau qui bouillait, c’était profiter d’un concert pour ses sens restants. « C’est très gentil, mais ça ira. » Avec son handicap, on aurait pu croire qu’elle avait besoin d’assistance pour un rien, mais c’était faux. Le temps lui avait appris à repérer l’espace autrement. Elle avait entendu où s’était posé le plateau, la tasse avait tinté, et en approchant sa main délicatement de cet endroit, mais avec une assurance digne d’une voyante, elle pouvait sentir la chaleur s’en dégageant. Elle tâtonna autour pour trouver l’infusion et la servit dans la tasse, dont la chaleur concentrée lui indiquait son emplacement exact et ses contours. Et puis, au pire, elle se brûlerait. « Et vous, vous êtes originaire d’ici ? » reprit la jeune femme alors qu’elle trouvait la petite fourchette posée à côté de sa pâtisserie.