! (violence) aura & livio --- promesses à tenir.

Tout passait bien trop vite, n’est-ce pas, Emi ? Il y a quelques jours, tu profitais des paysages de Bowen, tu vivais une existence paisible, t’oubliais tout ce qui t’avais mené ici et t’en avais le cœur léger. T’avais remis ton sac de randonnée sur le dos, mit tes chaussures et tu arpentais les sentiers inconnus, tu te fondais à l’intérieur de cette ville te servant d’évasion. Sauf que cette parenthèse idyllique ne durait pas : fallait dire que le bonheur était éphémère, qu’il était facilement entaché par une multitude d’éléments sinistres, macabres. Et t’échappais pas à ça, Emi, parce que t’avais seulement refoulé tes chimères dans un coffre, oubliant de le fermer à double-tour. Putain, qu’est-ce que ça te faisait mal de le voir, Elio, en face de toi. De poser tes prunelles azurées dans les siennes, à sentir un univers s’effondrer sur tes épaules. Des choses à se dire, qu’il disait, en empoignant violemment ton carré brun, fraîchement coupé par tes soins, la veille. Et ces sensations, là, de violence pure, de haine profonde, ponctuées par des cris, des sentiments éparpillés, malmenés, Emilia, t’avais tellement oublié. Du verre éclaté pour mutiler ta chair, te faire payer cet abandon, ce silence radio, tandis que tu voyais ta vie défiler, dans cette chambre louée. Le repas préparé pour Aura et Livio valdinguait dans la pièce et Emilia, t’en prenais plein la gueule. Rouée de coups : les poings, les pieds, tantôt soulevée par la tignasse, tantôt martelée au sol, tu pleurais à n’en plus pouvoir, la gueule en sang, le corps souillé par du plasma, des constellations amères. Et tu pensais mourir, Emi. Le soleil s’éteignait, ta respiration était si difficile, que tu fermais les yeux, oubliant que le couple ne tarderait pas à arriver. Toi, sur le point de perdre connaissance, dans du sang, des coups, à même le sol. Emi, t’étais morte de l’intérieur.

Des éclats de rire retentissaient encore dans cette cage d'escalier, alors que Livio venait de lâcher une énième blague à Aura. L'ambiance était légère alors que les deux tourtereaux s'apprêtaient à venir déjeuner chez Emilia. Depuis qu'elle était arrivée à Bowen, Livio mettait tout en marche pour qu'elle reste ici. Il ne le montrait pas, mais la haine résidait en lui, vivace. Depuis qu'il avait appris la vérité sur le petit ami de sa soeur, sur les sévices et les horreurs qu'il lui avait fait vivre, Livio n'avait qu'une envie : se venger. Seulement, il savait que ce n'était pas cela qui ferait avancer Emilia. Alors, il tentait de la convaincre de venir vivre en Australie, afin de débuter une nouvelle vie, loin de ce bourreau qui avait détruit sa soeur. Mais Livio avait oublié une chose : les bourreaux revenaient toujours auprès de leurs victimes, ils continuaient de planer sur elles, dangereusement, vicieusement. Ce constat lui revint en pleine face quand, en arrivant à l'étage où vivait Emilia, des bruits étouffés de bataille et des cris se laissaient entendre. Le sang de Livio ne fit qu'un tour. Blême, il lâcha brutalement la main de la jeune Luciano et s'élança jusqu'à la porte de la chambre louée par Emilia. Là, il le vit. Lui, ce connard qui disait aimer sa soeur, ce connard qui, au lieu de la mettre sur un piédestal, la jetait à terre. Il le vit au-dessus d'elle, à la frapper sans vergogne. Une colère sans précédent s'empara du jeune italien, s'insinua dans ses muscles, dans ses poings qui se serrèrent automatiquement. "Lasciala andare... adesso !" hurla-t-il avant de se jeter sur lui, de l'agripper par le col jusqu'à le balancer sur la table qui se brisa sous le choc. C'était l'effet de surprise qui avait permis à Livio de prendre l'ascendant, mais très vite, les coups fusèrent des deux côtés, avec une violence que le jeune Manzoni ne se connaissait pas. Ses poings frappèrent le visage d'Elio, avec force. Il se contrefichait des coups envoyés en retour, de la douleur, du goût métallique du sang qu'il sentait dans sa bouche. Il voulait juste le faire disparaître... C'était l'envie qui s'empara de lui quand ses mains vinrent entourer la gorge d'Elio, qu'il serra avec force usant de son poids pour le maintenir à terre. Toute raison s'échappait de lui, il voulait le voir suffoquer, souffrir comme il avait fait souffrir Emilia. Mais avant de commettre l'irréparable, il eut un dernier sursaut, un dernier regard vers Aura et Emilia. Un dernier regain de conscience qui lui fit lâcher son étreinte. Il se laissa tomber à ses côtés, essoufflé, tremblant. "Appelle les flics..." finit-il par lâcher à sa petite amie.

J’éclatais de rire au moment où Livio me glissa une de ses blagues à l’oreille. J’aimais ces moments-là, légers et insouciant. J’avançai avec mon amoureux dans la cage d’escalier qui nous menait à la location qu’avait pris Emilia, la soeur cadette de mon milanais préféré. Hélas, l’allégresse ne dura pas et mon sourire se tarit en même temps que celui de Livio, dès l’instant où des éclats de voix et un vacarme glaçant parvint à nos oreilles. Livio lâcha immédiatement ma main et s’élança vers l’appartement de sa soeur où quelque chose de terrible était en train de se produit. Le sang dans mes veines se glaça et m’immobilisa un court moment, avant que je ne reprenne mes esprits. J’accourais, à mon tour dans la chambre louée par Emilia et découvrir la scène d’horreur. Une angoisse monta doucement en moi, je la sentis venir, comme de l’acide remontant depuis mon estomac mais je refusai, soudain, de la laissé m’envahir, ce n’était pas le moment de flanché. Livio frappait l’homme qui avait mis à terre sa petite soeur, d’une violence que je n’avais jamais décelé chez lui. Des larmes nerveuse me montant aux yeux, je me précipitais sur Emilia, couverte de bleue et de sang.
— Emi…tu…tu m’entends ? fis-je en m’agenouillant près d’elle, essayant tant bien que mal de faire abstraction du reste.
Je ne savais pas quoi faire ? Devais-je tenter de la relever ? Ou bien le moindre mouvement la ferait-elle souffrir. Instinctivement, je posais une main chaleureuse sur son épaule, juste pour lui indiquer que quelqu’un était là pour elle et qu’elle n’avait plus rien à craindre. Je croisais son regard, et lui souris à travers mes larmes.
— Dis…dis-moi où tu as mal. Est-ce que...tu peux te lever ?
La voix de Livio me fit tourner la tête. Il tenait le type au sol, et il ne l’avait pas raté. Je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça, j’éprouvais moi aussi une colère vive pour l’homme qui avait fait du mal à Emilia.
— Les flics ? Mais…et…et…toi ? Livio, ta soeur a besoin d’aide. On…on devrait l’amener à l’hôpital…
Malgré tout, et à mesure que je parlais, je fouillai dans mon sac à la recherche de mon téléphone portable, sachant pertinemment, que Livio, malgré mon inquiétude, n’allait pas laisser l’homme qui avait passé sa soeur à tabac s’en sortir facilement, quand bien même cela le mettait en danger, lui aussi.

Emi, tu voyais ta vie, bien trop courte, défiler devant tes prunelles, au fur et à mesure des coups qui te brisaient un peu plus. La violence pure, brute, presque animale, à s’acharner comme si tu n’étais qu’un sac de sable sur lequel l’on venait se défouler après une longue journée stressante. Emilia, tu crachais du sang, ce même liquide carmin qui ruisselait de tes narines, qui coulait le long d’une de tes arcades sourcilières. Tu ne voyais plus trop bien, tes sens étaient perturbés, comme s’ils perdaient leur efficacité et tu ne parvenais pas à te protéger ni à riposter. Tu encaissais, subissais et tes côtés craquaient, tu les sentais atteintes, touchées par l’acharnement. Ta maigre enveloppe charnelle se retrouvait allonger au sol, t’avais des cheveux arrachés et t’étais sur le point de t’évanouir. Si bien que tu ne réalisais même pas que Livio était arrivé, qu’il était sur le point de réduire à néant son ancien beau-frère. Si bien que tu devinais à peine la silhouette d’Aura à tes côtés, qui tentais de te faire réagir, de voir si tu étais consciente. Le temps passait rapidement et tu restais immobile, ton pouls battait faiblement, l’impression que t’allais y rester, Emilia. Incapable d’aligner des mots, de te mettre sur le dos, tes doigts crispés s’agrippaient difficilement à la paume de ton frère, rivant tes prunelles fébriles des siennes, perdant connaissance peu de temps après.

Face à cet homme, face à cette brute qui avait osé lever la main sur une femme, Livio vit rouge. Il n'y avait plus aucune raison en lui, il y avait juste cet instinct de vengeance, bestial, violent. Il voulait lui faire mal. Le même mal qu'il avait fait subir à sa petite soeur. A cet instant, il se contrefichait des coups qu'il prenait, oubliant la douleur, n'agissant que sous le coup de la haine, au travers de ces poings qui s'écrasaient sur le visage de son ex beau-frère, au travers de ses mains qui enroulaient son cou. Il le savait, il pouvait le tuer. Il avait envie de le tuer. Et c'était con. Complètement con. Sur cette pensée, et dans un dernier sursaut de conscience, il finit par le relâcher. Le voir dans les vapes suffisait à calmer quelque peu sa colère. Tentant de reprendre ses esprits, il demanda à Aura d'appeler les flics. "Les flics ! L'ambulance ! Des secours, quoi !" répondit-il peut-être un peu trop brutalement. Il se traîna jusqu'à Emilia qui attrapa sa main. Les yeux de Livio scrutaient le visage tuméfié de sa soeur, le coeur serré. Il aurait dû agir. Il était au courant des sévices que sa soeur avait connu mais il avait cru, naïvement, que la vie à Bowen allait la protéger. Il s'était trompé. Il s'était royalement trompé. ALors que la jeune Manzoni soutint son regard, Livio lâcha, d'une voix qu'il voulait douce : "ça va aller, Emi. On est là... on est là." Sa main resserra la sienne. Mais très vite, les yeux d'Emilia se fermèrent. Livio releva un regard paniqué vers sa petite amie. "Aura ! Elle s'est évanouie ! Il faut appeler les pompiers... On... on ne peut pas la bouger, là. On va lui faire du mal..." lâchait-il dans une tirade angoissante. "Emi... tu m'entends ? Reste avec nous. Ouvre les yeux, regarde-moi. Putain, regarde-moi !"

J’avais déjà été témoin de violence, ou du moins, j’avais souvent vu les effets. Sur la gueule de mon frère, entre autre, lorsque cet imbécile rentrait chez nous après s’être foutu sur la tronche avec un mec. Mais je n’avais jamais été témoin d’une violence comme celle que j’avais sous les yeux. Quelques chose de si gratuit et inhumain, quelque chose qui remuait les tripes, quelque chose de si ignoble. Quand Livio me demanda d’appeler les flics, j’eus un moment de panique. Ma peur pour lui prenant le dessus un court instant, avant que Livio ne nous rejoigne et qu’Emilia ne perde connaissance. Lire la détresse dans le regard de mon amoureux me scia en deux. Une vive tristesse m’envahit, mais je compris que je devais tenir bon. Pour lui. Rassemblait mes forces, j’attrapais sa main.
— Calme toi, on…on va appeler les secours. Il faut que tu tiennes. Pour ta soeur, ok ?
Je me détâchai doucement de lui, le temps de passer un coup de fil. Je donnais l’adresse du logement d’Emilia, et moins de vingt minutes plus tard, vingt minutes d’angoisse. Nous fumes rejoint par les secours et la police. Le petit ami violent, qui s’était réveillé entre temps, fut embarqué et nous fumes transporté, nous, à l’hôpital de Bowen. La soeur de Livio était entre les bonnes mains des médecins, Livio, lui-même avait bénéficier de soins, un peu plus tôt, et nous attendions désormais dans la salle d’attente, les secondes s’égrainant avec lenteur. L’angoisse au ventre, je tournai le regard vers mon petit ami, assis à côté de moi. Sans trop savoir quoi faire pour l’apaiser, je pris sa main dans mienne.
— On est arrivé à temps, lui assurai-je. Elle va s’en sortir.