There ain't no grave can hold my body down + Felix

Meet me in the middle of the air
Il était tard, trop tard, Samuel n'avait aucune idée de l'heure qu'il était mais s'il regardait à travers la fenêtre il voyait que l'obscurité s'était abattue sur Bowen. Il s'était installé sur ce bout de comptoir en fin d'après midi, il avait commandé une bière, puis une seconde, qu'il buvait seul face à son carnet de notes, l'air absent, ailleurs. Généralement quand il se rendait au bar c'était pour prendre un verre avec des potes, pas pour consommer seul. Mais il en avait marre des quatre murs de son appartement et il n'avait pas envie d'une des pâtisseries d'Imogen, il avait besoin d'air, de voir ailleurs, pour voir si l'inspiration venait différemment. Et autant dire qu'aujourd'hui ce n'était pas grandiose. Il avançait sur son foutu manuscrit, il avait la trame de son histoire, le portrait de ses personnages, quelques premiers chapitres prometteurs. Mais il le sentait, ce livre là il allait le pondre dans la douleur et il lui faudrait du temps. Sauf que le temps manquait, il avait fait la connerie d'envoyer les premières pages à son éditeur et comme un vautour aux abois il en voulait plus, toujours plus, toujours plus vite. Puis Sam avait accepté et encaissé une belle avance alors il n'avait pas le choix, il devait écrire. Il ne comptait plus les bières qui s'enchaînaient devant lui et l'alcool commençait à lui monter à la tête, il n'écrirait plus rien pour ce soir, il le savait. Alors il referma son carnet, avala une grande gorgée et regarda un peu autour de lui, découvrant une toute autre ambiance que celle qu'il y avait quand il avait poussé la porte du bar, ce n'était plus les couples ou les amis qui prenaient un café, à présent beaucoup avaient une bière devant eux, comme lui. A sa droite un homme seul, accoudé lui aussi au comptoir, l'air absent, comme lui, ça le fit sourire. Il avait l'air d'un homme d'affaire, enfin il n'en savait rien mais quelque chose lui disait qu'il n'était pas d'ici... comme lui. Alors il tenta une approche, parce qu'il était du genre avenant, le britannique. De toute façon soit le gars le calculait, soit non et il finissait sa bière et rentrait chez lui, il ne risquait pas grand chose. Dure journée ? Il se souvenait qu'à Londres les traders et autres bureaucrates étaient monnaie courante à cette heure là, sortant du boulot, prenant un verre avant de rentrer à la maison voir leur femme, il aimait bien se mélanger à ces hommes-là, c'était toujours intéressant de parler avec eux.