LILY&KELLY ► Quand une soirée pénible devient agréable

kelly & lily

Lily-Rose soupira de soulagement quand elle vit l’ambiance dans le bar se calmer peu à peu. Cela faisait près de trois heures que les jeunes n’arrêtaient pas de hurler et se déhancher comme des bêtes sauvages sur la piste de danse, et Lily ne savait plus où donner de la tête. Heureusement, l’euphorie et l’énergie que connait l’alcool pendant les deux premières heures, trois pour les plus tenaces, commençait à se dissiper et les clients se calmaient peu à peu, assommés par la quantité de boissons qu’ils avaient ingurgitées. Encore un peu de patience, et ils commenceraient à se lasser de l’ambiance qui manquer de punch selon eux, et ils s’en iraient, permettant à la brunette de s’en aller et rentrer chez elle pour dormir un peu. Sa journée de baby-sitting avait été assez pénible, Mia Rhodes étant tombée malade et sa mère, la « grande » Arielle Rhodes avait décidé de ne pas laisser Lily s’en occuper seule. L’agacement et la fatigue qui s’était accumulé aujourd’hui avait eu du mal à s’évaporer avant qu’elle ne soit obligée d’aller travailler au bar. Et pour couronner le tout, le propriétaire du bar avait eu l’excellente idée d’organiser une soirée à thème, ce qui ne permettait pas à Lily de décompresser un minimum.

« Lily, va servir les clients là-bas » lui ordonna une de ses collègues qui se croyait plus importante qu’elle, alors qu’en vérité elles partageaient toutes les deux le même salaire depuis l’arrivée de Lily. Sans doute que le certain complexe de supériorité qu’elle avait développé au fil des années lui faisait croire que Lily n’était qu’une moins que rien, alors que le directeur félicitait souvent cette dernière pour sa rigueur et sa professionnalité. De toute façon, Lily ne l’aimait pas, et l’autre n’aimait pas Lily, alors quelle importance. « Oui chef. » répondit froidement la brunette, attrapant le plateau sur le comptoir en résistant difficilement à l’envie de le lui envoyer dans la figure. Oui, Lily était vraiment fatiguée, elle n’en pouvait plus, elle ne voulait qu’une seule chose : dormir. Retrouver son lit le plus tôt possible, afin de pouvoir récupérer et retrouver sa bonne humeur pour le lendemain, où elle retrouverait sa petite puce de Mia Rhodes, en meilleur forme qu’aujourd’hui espérait-elle.

Lily se dirigea rapidement vers la table que lui avait indiquée sa collègue, pleine de nouveaux venus, arrivés après la tempête du début de soirée. Des jeunes principalement entre vingt et vingt-cinq ans, plutôt calmes pour le moment mais ils riaient déjà à gorge déployée. « Bonsoir, vous désirez quelque chose ? » Alors qu’ils lui faisaient une petite liste de boissons variées, plus ou moins alcoolisées – pour le coup qu’ils ne commençaient pas directement avec la vodka ou quelconques shooters – Lily prenait note rapidement de son « écriture de médecin » comme elle l’appelait, et après les avoir remercié et promis qu’elle amènerait leur commande le plus rapidement possible, une silhouette familière passa furtivement dans son champ de vision, et cet aperçu la fit sourire. Enfin elle rencontrait un visage amical dans cette soirée où elle s’était sentit terriblement seule. Zigzaguant entre les clients en train de consommer, Lily se rapprocha du comptoir en tendant la commande au barman qui se tenait près d’elle, et la jeune femme se tourna enfin vers Kelly Smith, qui attendait patiemment et tranquillement le verre qu’elle avait demandé. Lily se fraya un chemin entre les jeunes qui rigolaient à cause du taux d’alcool qu’ils avaient dans le sang, et elle posa doucement sa main sur l’épaule de son amie. Un léger sursaut fit trembler la main de Lily, ce qui la fit une nouvelle fois sourire. « Désolée je ne voulais pas te faire peur ma belle ! » lui dit-elle alors que Kelly se tournait vers elle.

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Rien au monde n’aurait pu rassembler Kelly et Lily. Elles n’étaient pas du même monde, n’avaient pas le même genre de travail, elles trainaient dans les bars mais pas pour la même raison, ne connaissaient initialement personne qui aurait pu connaitre l’autre. Pourtant, elles étaient devenues plus qu’amies, elles étaient des confidentes. Un soir, Kelly était venu au bar pour oublier son amour perdu, et Lily avait été là pour la soutenir, l’empêcher de faire des bêtises qu’elle aurait pu regretter par la suite. Lily n’aime pas voir des âmes en peine dans le bar où elle travaillait, et Kelly l’avait été. Au bout de quelques semaines elles ont commencées à se rapprocher, chacune connaissant l’histoire douloureuse de l’autre, et le présent pénible pour chacune d’elles. Malgré la différence d’âge, un véritable attachement s’est créé entre les deux jeunes femmes, et elles savaient toutes les deux qu’elles pouvaient compter l’une sur l’autre quand elles avaient des ennuis. Sans jugements, sans méchanceté. Avec toute la gentillesse du monde que des amies se donnent mutuellement.

Lily sourit lorsque Kelly se tournait vers elle. Elle savait qu’avec son travail elle n’avait pas vraiment le temps de venir au bar, mais elle essayait d’y aller assez souvent pour voir Lily et la soutenir jusqu’à la fin de son service. Néanmoins, elle avait une petite mine maussade. Sans doute avait-elle besoin de parler, besoin de voir du monde au lieu de rester chez elle, devant la télé à s’ennuyer et à ne pas savoir quoi faire pour essayer d’oublier son amour perdu. C’est fou ce qu’une rupture résultant d’un amour passionnel peu faire mal. Lily n’avait jamais été autant amoureuse que Kelly l’était – ou du moins l’est encore – de son ex, et si elle n’avait jamais eu de relation avec un homme elle aurait pu prendre peur en voyant la pauvre Kelly pleurer des heures, réclament les bras de son amoureux pour pouvoir survivre dans ce monde froid et qui laisse peu de place aux sentiments, dans un monde où le travail prime, sans que la personne puisse s’épanouir comme elle l’aurait voulu. Lily considérait qu’elle n’avait pas le temps pour les relations amoureuses, entre son travail de baby-sitter et de serveuse, pour l’instant du moins. Peut-être que dans quelques années ça sera différent. « Hum... Pas de soucis, je m'en remettrais. Tiens le coup va. Il ne te reste plus longtemps à tenir. » Avait-elle une tête si affreuse que sa fatigue se voyait à dix kilomètres ? Elle avait eu une rude journée, entre la chaudière et son portable qui l’ont lâchement abandonnés, la petite Mia Rhodes qui était tombé malade, la journée qu’elle avait passé avec Arielle Rhodes, sa patronne qu’elle ne pouvait absolument pas supporter, et enfin cette soirée à thème qui l’avait complètement achevée. Oui, il devait lui rester une demi-heure de service environ, avant qu’elle puisse rentrer chez elle et qu’elle aille se coucher tranquillement dans son lit douillet. « J’ai eu une rude journée aujourd’hui, je te la raconterai si tu veux, je termine dans une demi-heure. »

Lily balaya rapidement la pièce pour voir si des clients avaient besoin d’elle, alors que Kelly reprit la parole. « Ta collègue est aussi longue que le mois de mai, ça fait 5 minutes que je lui ai commandé une vodka citron, elle papote avec un mec là-bas, quelle conne, c'est elle que tu n'aimes pas ? » La jeune femme suivit le regard de son amie, qui désignait effectivement sa collègue qui se prenait pour la chef de groupe, en train de discuter de manière très intime avec un homme qui lui était inconnu. Elle était collée à lui, à sourire bêtement pour le séduire, caressait doucement le torse, sans doute pour le faire craquer. N’importe quoi. On voyait bien que c’était pour draguer qu’elle avait choisi ce travail, prenant ainsi la place d’un ou une étudiant qui aurait vraiment besoin de ce job pour s’en sortir. Lily leva les yeux au ciel, passa derrière le comptoir et attrapa un verre propre. « Ouais c’est elle. Tu vois, elle préfère draguer plutôt que bien faire son job alors qu’elle donne des ordres aux autres. On en a déjà parlé au patron mais il ne veut rien faire. » Elle attrapa tout ce qu’il fallait pour faire la boisson de Kelly, et fini par la servir. « Attends je reviens. » Lily se dirigea vers sa chère collègue, qui était maintenant en train d’étudier la langue étrangère de l’homme qui l’accompagnait. « Hum hum. » Sa collègue se tourna vers Lily, avec son air hautain habituel dès qu’elle voyait que Lily osait lui adresser la parole. « Juste pour te dire que j’ai servi la cliente là-bas, et qu’il y en a d’autres qui ont besoin que quelqu’un les serve. Va montrer ton art de serveuse, toi qui sais si bien le faire, chérie. » dit-elle avec un ton glacial, avant de retourner au bar, vers Kelly, tout servant les autres clients que l’autre avaient oublié. « Pffff j’en ai marre. »

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Si on lui avait dit que sa journée aller s’achever d’une manière aussi amicale et douce, Lily n’aurait certainement pas cru ses paroles. Elle n’était pas de nature pessimiste, mais elle le sent lorsque c’est une mauvaise journée. Dès le réveil elle avait été contrariée par « les malices du destin ». Tout lui était tombé dessus sans qu’elle n’ait rien demandé à personne. La chaudière, le portable, la patronne chiante, la petite malade et la soirée, avouez que ça faisait tout de même beaucoup dans un seul jour. Mais maintenant que Kelly était venue pour boire un verre, elle aurait peut-être l’opportunité de parler avec elle, de lâcher tout ce qu’elle avait sur le cœur à sa confidente de toujours.

La brunette avait toujours eu des problèmes pour faire confiance aux gens. Avec ses nombreuses expériences dans les foyers – entre les abrutis qui lui tournaient lourdement autour, les pimbêches qui lui tiraient les cheveux sans arrêt lorsqu’elle était plus jeune, les méchancetés qu’elle avait subi sans raison – avaient finis par l’aider à lui forger une solide carapace, ce qui entrainait naturellement une tendance à ne pas accorder facilement sa confiance aux gens, et une certaine méfiance sur les personnes qu’elle jugeait trop facilement. Oui, l’expression dit « ne pas juger un livre à sa couverture », mais Lily avait une forte tendance à le faire quand même. Là aussi, c’était un moyen de créer une distance entre elle et l’étranger, afin de se protéger de ce qu’il pourrait lui faire. Pour ne pas être blessée, ne pas être déçue.

Comme son amie Kelly l’avait été. Lorsque Lily rencontra la jeune femme, celle-ci sortait d’une relation passionnelle et fusionnelle avec son ex. Elle lui disait qu’elle était persuadée qu’elle allait finir sa vie avec cet homme – en même temps à leur âge c’était compréhensible – mais ils avaient fini par se séparer. Lily avait compati avec la douleur de cette jeune femme, et malgré le fait qu’elle était plus jeune qu’elle, l’avait prise sous son aile afin de la sortir de ce cercle infernal qu’était sa peine et sa douleur. Et petit à petit, la confiance s’est forgée entre elles, et elles ont fini par devenir très proche et être la confidente pour l’autre, toujours là pour soutenir les projets et les opinions de l’autre, dans la peine comme dans la joie la plus intense. Lily appréciait beaucoup Kelly pour sa capacité à absorber tous ses soucis, et sans doute que Kelly aimait Lily pour ça aussi.

« Merci ma Lily ! Tu es compétente toi ! » Lily sourit à son amie, et reprit le court de son travail. Il restait bien moins de monde depuis le début de la soirée à thème, mais les clients se bousculaient tout de même entre le comptoir et la piste de danse. Ils ne pouvaient s’empêcher de jouer les petits gosses de riches – ce qu’ils étaient peut-être sait-on jamais – et de se plaindre dès que Lily leur demandait de patienter quelques instants avant qu’elle puisse prendre leur commande. Certes, elle n’était pas toute seule, il y avait en tout quatre serveurs dans la boite ce soir-là, mais en supprimant l’autre qui draguait dans son coin, il ne restait plus tellement de bras pour servir l’ensemble des clients. Enfermé dans son bureau au fond de la salle, Lily savait que le patron les observait, veillant au moindre faux pas pour venir leur voler dans les plumes dès le lendemain, en les critiquant devant tout le reste du personnel. L’autre conne n’aurait certainement pas d’ennui, puisqu’elle avait subtilement choisi son terrain de drague, dans un endroit invisible depuis le bureau de leur patron, une espèce d’angle mort. Lily avait vraiment hâte de sortir et de passer le reste de la soirée avec son amie qui l’attendait patiemment au comptoir, rejetant les quelques dragueurs qui tentaient de la mettre dans leur lit. La brunette était d’ailleurs fière d’avoir aidé Kelly à cette période sombre de sa vie, là où elle acceptait assez facilement ce genre d’offres absolument pas élégantes. Qui sait ce qui aurait pu lui arriver, un simple oublie peut vraiment bouleverser une vie. Lily en était l’exemple concret. Sans doute était-elle le fruit d’une grossesse non-désirée, ce qui avait entrainé son abandon à l’hôpital le jour-même de sa naissance. Voir Kelly faire la même erreur lui aurait arraché le cœur.

Lily retourna finalement auprès du comptoir, soupirant et se massant le bas du dos, qui était fortement demandé pour lui permettre de rester debout. Depuis deux heures qu’elle était debout, son corps la faisait peu à peu souffrir, ses jambes devenaient lourdes, et sans doute que son visage traduisait de plus en plus la fatigue qui s’accumulait. « Lâche prise ! Économise-toi Lily ! Allez plus que vingt minutes ça va passer vite. » La brunette jeta un coup d’œil à l’horloge qui trônait sur le haut du comptoir où était exposés les boissons, et vit effectivement qu’il ne lui restait plus que vingt minutes à travailler avant qu’elle ne puisse partir. Elle balaya à nouveau la salle, et observa certains clients qui s’en allaient peu à peu, donc il n’allait donc pas rester grand monde pour les collègues de Lily. Cette dernière sourit. Elle souffla une dernière fois, comme pour se donner du courage, et gonfla le torse comme pour faire le super-héros. « Justement, il faut que j’utilise mes dernières forces pour me concentrer dans le travail et que le temps passe plus vite ! » Elle lança un sourire complice à son amie, puis reprit les quelques verres qu’elle avait préparé et reparti aussi vite que l’éclair, pour servir un groupe assez sympathique – du moins ils ne faisaient pas le cirque – sa bonne humeur revenant peu à peu au fil des minutes qui défilaient.

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