my imagination's too creative (blanche)

Une fois le premier tatouage passé, la peur de l'aiguille et surtout de la douleur envolées, il est difficile de s'arrêter et de ne pas vouloir retenter l'expérience. Tu fais partie de cette catégorie de personnes qui désire en refaire encore un, deux, trois, dix... Néanmoins, tu préfères les petits tatouages noirs et discrets. Parfois à des endroits invisibles à l'oeil nu ou impossible à desceller lorsque ton corps est complètement couvert. Aujourd'hui, tu vas officiellement donner vie à ton quatrième tatouage. Ou plutôt, Blanche va donner vie à ton quatrième tatouage. Tu as fait les trois premiers chez elle, on peut dire que tu lui es fidèle parce qu'elle est douce et incroyablement douée. En plus, vous vous êtes rapidement bien entendues, étant à l'aise à l'idée de vous confier sur vos vies respectives grâce à ces quelques points communs que vous partagez. Après quelques minutes de marche, tu passes la porte de sa boutique, attendant à l'accueil qu'elle vienne te rejoindre. Il ne faut pas plus de quelques secondes à la blonde pour t'accueillir. « Salut beauté. » Dis-tu avec ton franc parler naturel, un sourire accompagnant tes mots. « Tu peux pas savoir depuis combien de temps j'attends que tu piques à nouveau ma peau. » Ajoutes-tu en riant légèrement au sens de ta phrase. On ne va pas se mentir, l'aiguille du tatouage n'est pas agréable du tout et pour une grosse pièce, tu n'imagines pas à quel point ça doit être insupportable. Mais en ce qui te concerne, le temps de tatouer ne dépasse jamais la demi-heure. Cette fois-ci, tu désires te faire tatouer le mot famille en espagnol, sur les côtes, juste derrière le sein. Le tout accompagné d'un petit brin de blé. Quelque chose de discret mais d'extrêmement joli. Et Blanche sait exactement comment le sublimer avec des traits particulièrement fins. « Tu as terminé avec ton précédent client ou je dois patienter un petit peu ? » Demandes-tu, prête à t'installer sur le petit canapé faisant office de salle d'attente.

Il est vrai que les tatouages ont cet effet chez les gens. Beaucoup les redoutent, beaucoup on peur de l'aiguille qui vient encrer de façon indélébile la peau, beaucoup craignent la douleur. Mais une fois que le cerveau sécrète son endorphine, une fois que la peau est anesthésiée naturellement et engourdie par les picotements du dermographe, plus rien ne peut arrêter ces gens qui, au tout départ, étaient craintifs. Ils reviennent, toujours et toujours. Un deuxième. Peut-être un troisième. Et leur histoire commence à se dessiner, petit à petit, sur des bout de leur corps. Blanche était fière d'être celle qui faisait prendre forme ces parties d'aventures sur la peau de ses clients. Parfois, certains tatouages étaient plus parlants que d'autres, certains étaient plus touchants. Et ces personnes la choisissaient pour montrer leur vulnérabilité, parce qu'ils lui faisaient confiance autant sur le plan créatif qu'émotionnel. Son travail, il était pas mal plus compliqué que de seulement tatouer et dessiner. Ça allait bien plus loin que ce côté détaché.

Maé entrait dans le salon de la blonde, son sourire qui réchauffait la pièce. Elle était belle, incroyablement belle. Et elle ne le savait pas assez. Le client que la tatoueuse était en train de convaincre de ne pas se dégonfler avait tourné la tête, ne lâchant pas la brune du regard. Blanche se leva pour accueillir son amie. « Salut, toi », fit-elle avant de coller une bise rapide sur sa joue. « Il me tarde de te piquer à nouveau », répondit-elle avec le même ton léger que Maé, avant que celle-ci ne s'interroge sur le temps d'attente. « En vrai... », commença Blanche d'une toute petite voix que seules elle et la brune pouvaient entendre. « Il a peur. Il ne veut plus se faire tatouer... Tu pourrais pas battre de tes longs cils, le séduire, je sais pas... et le convaincre de se laisser tatouer ? C'est une histoire de deux minutes, il veut que je lui fasse un 22 à l'intérieur du poignet.... »

Une chose est sûre, tu ferais une bien mauvaise tatoueuse si tu devais prendre la place de Blanche. Tu n'as vraiment aucun talent pour le dessin et tu ne conçois pas qu'un tatoueur ne sache pas dessiner même si tu sais que ça existe. Aujourd'hui, avec la technologie, il est plus "facile" d'accéder à la profession. Mais les meilleurs tatoueurs restent, selon toi, ceux qui sont capables de faire passer leur art à travers leurs mains. La blonde en est plus que capable et c'est pour cette raison que tu reviens chez elle, inlassablement. « Sadique. » Rétorques-tu avec un sourire espiègle aux lèvres. Voyant qu'un client est toujours présent à l'arrière du salon, tu interroges Blanche sur le temps d'attente potentiel. Tu es prête à attendre le temps qu'il faudra, cela fait trop longtemps que tu as ce rendez-vous pour le repousser. Et visiblement, il ne manque qu'un petit coup de pouce à l'homme en question pour le convaincre de sauter le pas. « Quelle mauviette... » Plaisantes-tu, la voix plus basse qu'à l'habitude pour qu'il ne t'entende pas. « Pourquoi est-ce que tu penses qu'il se laisserait séduire ? Je ne l'intéresse peut-être même pas. » Murmures-tu en haussant les épaules. Néanmoins, si c'est pour faciliter la tâche à Blanche et passer tout de suite sous l'aiguille, tu es prête à tout tenter. Après avoir hoché la tête en regardant la blonde, tu te diriges vers le client en question qui semble vraiment tiraillé par la peur. Cela ne va peut-être pas être si facile. « C'est vraiment plus impressionnant qu'on ne l'imagine. Vous ne sentirez rien ou en tout cas vous n'aurez pas le temps d'avoir mal. Et puis ça vaut la peine, ça va être vraiment joli. Regardez le mien, ça vaut la peine non ? » Demandes-tu en relevant tes cheveux pour lui montrer celui que tu as derrière l'oreille. « Alors ? » Ajoutes-tu en battant des cils plus qu'à l'habitude jusqu'à ce que le client en question marmonne quelque chose que tu n'es pas sûre de comprendre. Tu regardes Blanche, l'incompréhension se lisant sur ton visage. Est-ce que ça veut dire qu'il accepte ou qu'il est toujours aussi terrifié ? Tu n'en as aucune idée.

Sadique. Ce n'était pas tout à fait le mot pour décrire Blanche. Elle pouvait parfois être froide et manquer de patience avec ses clients, surtout lorsqu'on lui donnait l'impression de perdre son temps, mais pas sadique. Évidemment, Maé le savait et se moquait bien de la réplique de la blonde qui lui sourit. « Tu sais combien j'aime faire mal aux gens. » Ce n'était pas vraiment pour ça qu'elle était tatoueuse. C'était pour l'art, pour le partage de ses créations et, surtout, pour faire du bien aux gens qui avaient besoin de quelqu'un pour illustrer une partie de leur histoire. C'est ce qu'elle avait voulu faire avec le client sur sa chaise, derrière elles. Il lui avait demandé quelque chose de tellement simple, mais qui comptait. Un 22, la date de la mort de sa mère. Rien de trop chargé, pas de flaflas, juste deux et deux, tracé finement. Et, pourtant, il semblait refuser, maintenant que le jour J était venu.

Blanche gloussa à la remarque de la brune. « Chut, des plans pour qu'il refuse que je le fasse à présent... », gloussait-elle tout de même avant de jeter un coup d'oeil à l'homme. « Regarde comment il te mange des yeux », lâcha la blonde en faisant un coup de menton vers lui. En même temps, pouvait-on lui reprocher? Maé était une beauté. Et la pièce semblait s'être illuminé pour l'homme depuis qu'elle y était entrer. « Plus vite tu le feras, plus vite je pourrai tacher ta peau », lâchait Blanche en haussant les sourcils.

Et comme si elle avait réussi à convaincre Maé de le faire, la brune s'était avancé vers l'homme et commençait déjà sa tactique. Derrière le client, qui ne pouvait pas voir Blanche, la blonde souriait à son amie, lui envoyant des pouces en l'air en guise d'encouragement. Et quand elle vit que le client hésitait toujours, et surtout pour plaisanter, elle baissa son propre décolleté, le pointant en espérant que Maé le fasse à son tour pour le convaincre, tactique ultime.

Tu sais combien j'aime faire mal aux gens. Tu ris à sa remarque, hochant doucement la tête. « Oui je sais que tu aimes me voir souffrir. » Rétorques-tu, pas du tout sérieuse. En réalité, tes tatouages n'ont, jusqu'ici, jamais été vraiment très douloureux. La sensation était tout à fait supportable et ça a toujours été des petites pièces demandant un temps très court. Comme c'est le cas pour cet homme, d'ailleurs, qui est en pleine hésitation quant à son tatouage. Le problème n'est pas le tatouage en lui-même mais la douleur qu'il peut lui procurer. Alors, Blanche met ton aide à contribution pour tenter de convaincre son client de sauter le pas. Seulement, tu n'es pas aussi sûre qu'elle de pouvoir avoir un réel impact sur lui, même lorsqu'elle affirme qu'il te mange des yeux. « Tu es bien plus jolie que moi. » Affirmes-tu en jetant un coup d'oeil à l'homme en question. Mais étant donné que tu as vraiment envie d'être tatouée aujourd'hui, tu obtempères, suivant Blanche jusqu'à l'arrière boutique pour rejoindre son client. Là-bas, tu tentes de le convaincre comme tu peux mais il est visiblement encore hésitant. C'est ce moment-là que choisit la tatoueuse pour te faire comprendre qu'il faut utiliser d'autres atouts. Tu écarquilles légèrement les yeux en la regardant te montrer son décolleté alors que tu es dos au client, laissant un léger rire s'échapper d'entre tes lèvres. « En ce qui me concerne, aujourd'hui, j'aimerais me faire tatouer juste-là... Oh mince comment je peux vous montrer ça sans que vous voyez toute ma poitrine... » Bonne actrice, tu lui laisses entrevoir un peu plus ton décolleté, de plus près surtout, pour qu'il voit à peu près la zone où tu désires te faire tatouer, sur les côtes, juste derrière le sein. L'homme ne te lâche pas des yeux, balbutie un truc puis accepte enfin de se faire tatouer. « Amen. » Articules-tu rien que pour Blanche en joignant tes mains l'une contre l'autre. « Tout va bien se passer, j'espère que vous viendrez me montrer le résultat après. En attendant, je vais attendre mon tour là-bas. » Mais tu n'as pas le temps de t'éloigner que le client te demande de rester à ses côtés pour lui donner du courage. Tu te retiens de rire et te tournes vers Blanche avant de demander : « Tu es d'accord que je reste ? »

« Oui, mais que toi », fit Blanche en souriant, moqueuse. Avec le temps, Maé était devenue une copine. La blonde se permettait des plaisanteries qu'elle n'oserait pas faire avec d'autres clientes. Parce que Maé, elle n'avait rien de typique, de basique. Et le client actuel de la blonde l'avait lui aussi remarqué, pâmé devant la beauté que la brune était, figé devant sa peur des aiguilles. Comment ne pouvait-elle pas voir sa beauté ? Et comment pouvait-elle la comparer à celle de la tatoueuse ? Elle avait les cheveux remontés dans un chignon défaits, un t-shirt bien trop grand pour elle qu'elle avait sans doute piqué dans les affaires de Léo et qu'elle ne lui avait jamais rendu. Son jean troué était taché d'encre, elle le portait toujours au studio, ce qui lui donnait l'air artiste mélancolique qui lui collait à la peau. « N'importe quoi », lâchait la blonde en roulant ses yeux bleus pour montrer son désaccord. Et pourtant, Maé avait accepté de tenter le tout pour le tout et de convaincre l'homme de finir ce qu'il avait commencé.... Lui permettant de se faire tatouer à son tour.

Enfin, le tout pour le tout, ce n'était pas tout à fait ça. Les mots de Maé était doux, mais Blanche, dos au client, mimait à la brune autre chose pour le séduire, un peu plus de peau pour le détendre. Douce Maé, belle Maé, elle était parfaite à se contorsionner pour montrer sa peau lisse à l'homme qui accepta finalement de poursuivre son tatouage. Enfin. Enfin, presque. Dès que Maé disparu de son champ de vision, il la réclamait à nouveau. « Je ne fais jamais ça, mais pour toi je vais faire une exception », mentit-elle en se moquant, alors que l'homme demandait à la brune de rester près d'elle le temps du tatouage. Blanche s'installa donc sur son tabouret, reprenant le travail Le bruit du dermographe retentissait, l'aiguille toucha la peau de l'homme qui finit son tatouage sans trop rechigner. Après quelques minutes, il quitta le salon non pas sans tenter d'obtenir le numéro de la brune sulfureuse qui lui avait tapé dans l'oeil. « Il t'intéresse ou pas ? », gloussait Blanche alors qu'elles se retrouvaient toutes les deux, seules.

Tu ris à la plaisanterie de la tatoueuse, secouant légèrement la tête. En effet, aujourd'hui on peut dire que Blanche est devenue plus que ta tatoueuse attitrée. Vous n'êtes pas encore assez proches au point de faire des sorties toutes les deux mais on peut dire que vous êtes copines. C'est le plus important. A son n'importe quoi, tu secoues la tête, lui lançant un regard réprobateur. La blonde ne voit pas à quel point elle est jolie et à quel point elle attire l'oeil ce qui est vraiment malheureux. Elle pourrait en faire tourner des têtes, Blanche. Mais tout ce qui compte, visiblement, c'est de faire tourner la tête d'un homme en particulier. Toi, tu as du mal avec le concept d'amour exclusif parce que tu es persuadée qu'on peut aimer plusieurs personnes à la fois. Chacun son truc, comme on dit. Finalement, le client de Blanche accepte de se faire tatouer. Enfin. Mais il te réclame à ses côtés comme un enfant qui réclame sa mère chez le médecin. Tu ris, acceptant de rester le temps de son tatouage. Par chance, c'est une toute petite pièce qui prend quelques minutes à peine. Malgré ses essais pour récupérer ton numéro de téléphone, tu tiens bon et ne lui donnes pas. Ce n'est pas comme ça qu'on obtient celui-ci et encore moins quand on a peur d'une toute petite aiguille de rien du tout. « Absolument pas. Pas mon style, trop fleur bleue. » Dis-tu en riant. Tu laisses la tatoueuse désinfecter son espace de travail puis prends place pour commencer votre séance. « Alors ma belle Blanche, qu'est-ce que j'ai raté de nouveau dans ta vie ? » Demandes-tu, persuadée qu'elle doit avoir des tas de choses à te raconter.