looking back on my life, you're the only good I've ever done (bella)

Pourquoi l'avenir était aussi stressant? Pourquoi ça rendait tout compliqué? Pourquoi les gens se foutaient une pression monstre s'ils n'atteignaient pas les objectifs qu'ils se fixaient eux-mêmes dans la seconde près. C'était démesuré. La colère de Bella, elle était légitime. Évidemment qu'à force d'essuyer des refus à répétition, elle avait le droit de se sentir non seulement frustrée mais aussi complètement démolie et triste. Sa confiance en prenait tout un coup lui rappelant que clairement elle n'avait pas ce qu'il fallait, ni même l'étoffe, pour être avocate. Avocate. C'était un titre qu'elle ne connaîtrait sans doute jamais, maître Garcia n'existait pas. Mais même si cette colère était légitime, et que la brune aurait bien voulu que son petit ami la comprenne plutôt que lui fasse la morale, ça ne lui donnait pas le droit d'être irritable et explosive comme elle l'était. Elle avait ses torts, elle aussi, dans cette situation qui prenait des proportions bien trop démesurées. Qu'est-ce qu'ils étaient immatures, tous les deux. « P't'être que j'ai pas envie d'avoir la pitié des gens », affirmait la Costaricaine avec irritation. « C'est déjà assez dur d'essuyer les putains de refus, j'ai pas non plus envie que mon petit ami me voit comme une perdante qui n'arrive pas à se faire embaucher. Déjà que je suis nulle au café. » Elle aurait voulu qu'il y ait moins d'émotions dans sa voix, mais elle avait finit par trembler. Bella avait même dû mordre sa lèvre à la fin de la phrase pour s'empêcher de pleurer. Elle aurait voulu qu'Elmo puisse comprendre sans qu'elle ait à mettre des mots sur ses émotions, qu'il puisse voir plus loin que juste le refus et qu'il puisse se mettre dans ses chaussures un instant. Juste un peu. Il avait le droit de ne pas être d'accord avec elle, mais Bella, au fond, tout ce qu'elle aurait souhaité, c'était un peu de réconfort. Mais la discussion n'allait clairement pas dans ce sens et l'Italien, lui, annonçait qu'il en avait terminé avec ça. Avec eux, qu'elle comprenait. « Mais ça n'a fucking rien à voir », s'énervait Bella alors qu'il insinuait qu'elle ne le trouvait pas assez bien pour elle parce qu'il travaillait dans un café. Elle s'en fichait royalement de ça, elle n'avait d'ailleurs jamais vraiment passé de commentaires. C'est vrai que par moments elle se demandait ce qu'il ferait du reste de ses jours, mais la réflexion s'arrêtait ici. Ce qui l'avait dérangé, au tout début, c'était de perdre son partenaire de teuf, celui avec qui ils organisaient les plus incroyables soirées universitaires. C'était leur relation qu'elle avait eu peur de perdre, déjà qu'elle n'avait rien de simple à l'époque. Mais ce qu'il faisait, Elmo, pour gagner sa vie, ça ne la concernait pas. C'était une histoire qui ne concernait qu'elle et qu'elle seule. Elle en compétition avec elle-même et ses propres exigences. « Tu pourrais récurer les fucking toilettes du motel le plus miteux de Bowen que j'serais amoureuse de toi. Franchement, que tu penses ça de moi, c'est fucking plus blessant que tout le reste », crachait-elle comme du venin. Mais c'était trop tard. Et il était déjà dos à elle. « Comme tu veux », lança-t-elle en haussant les épaules, abasourdie qu'il l'ait plaqué pour ça. Tremblotante, Bella avait attrapé son portable dans son sac à main, composant le numéro de Nova. « Babe... Faut que tu viennes me chercher... », sanglotait-elle au bout de la ligne.

Que Bella pense qu’Elmo avait ce genre de réflexion à propos d’elle, ça le faisait chier. Il leva les yeux au ciel. « Bien sûr, j’pense que t’es une perdante. T’as réussi tes études avec brio mais j’pense juste que t’es un échec sur pattes parce que t’arrives pas à te faire embaucher dans les premiers mois après ton assermentation. » Lâcha-t-il avec sarcasme. « Et j’peux comprendre que t’aies pas envie d’avoir la pitié des gens mais y m’semble qu’avec moi t’aurais pu partager ça sans attendre que ça explose, non !? » Pourtant, Elmo faisait exactement ça de son côté, lui aussi. Il gérait mal l’incertitude de sa vie, gérait mal ses finances aussi, mais il gardait cette anxiété-là pour lui. Il ne voulait pas qu’on lui dise, et encore moins Bella, qu’il aurait dû y penser avant de lâcher ses études. Il n’avait aucun plan de vie, c’était le summum de l’irresponsabilité, et même s’il avait l’air de bien vivre ce mode de vie un peu bohème, ce n’était pas le cas du tout. Il avait toujours été habitué à un cadre et maintenant qu’il n’en avait plus, il se désorganisait. C’est sans doute en raison de ses propres doutes qu’il fit de la projection sur Bella, l’accusant de ne pas pouvoir se contenter de lui, qu’il ne serait jamais assez pour elle. « Ça a tout à voir ! Qu’est-ce qu’on s’en fout que tu bosses dans un café pour quelques mois, ça ne fait pas de toi quelqu’un de moins bien ! Pourtant t’as l’air de penser ça de toi alors que pour le moment, moi, c’est bien parti pour que je sois barista toute ma vie ! » Elmo le prenait donc très personnel, laissant ses propres failles de confiance se faire ouvrir, béantes, par les mots de sa petite amie. Ex-petite-amie, si on en croyait la tournure de la conversation. Bella sembla blessée par cette réaction de la part d’Elmo, et cette croyance qu’il avait. Il se sentit cheap, mais ne démordit pas. Il n’était pas allé aussi loin dans ses propos pour reculer maintenant. Il aurait eu trop honte. « Évidemment tu peux pas dire le contraire, de quoi t’aurais l’air d’admettre que j’ai raison ? » Elmo s’éloigna en affirmant que non, il ne la rappellerait pas, il ne voulait pas se montrer insistant en plus d’être un bon à rien. Il n’avait pas envie d’avoir l’air désespéré. Il ne répondit plus rien à Bella et s’éloigna, sortant son téléphone une fois quelques mètres franchis. Il envoya un sms à Vega si t’es encore au Shake Shack, tu peux ramener une cargaison de burgers, stp ? Stress-eating en vue. C'était du temps que Vega bossait encore là-bas. Il rangea son téléphone, donna un coup de pied au pied d’un lampadaire, et disparu au coin de la rue.

FIN