The more I drink + Thomas

C'était le genre de soirée sans, sans personne dans sa grande maison, sans Alba qui n'était pas disponible, sans d'autre envie que celle de se poser au comptoir d'un bar pour noyer cette solitude qui effrayait parfois Léo. Ce n'était pas bien compliqué, depuis quelques semaines, quand il n'avait pas la perspective de finir sa nuit dans les bras de son ex, il tournait en rond, ressassant beaucoup trop sa rupture avec Blanche, ne trouvant pas d'intérêt à son quotidien à Bowen. Le Léo que tout le monde connaissait aurait eu vite fait de prendre un avion pour n'importe quelle destination exotique et se vider la tête durant quelques semaines. L'envie de lui manquait pas, mais il avait son fils ici à présent et celui-ci le réclamait d'autant plus. Et puis il était devenu accro à ses rendez-vous nocturnes avec Alba et ça c'était tout un autre problème. Ce soir il s'était posé sur une chaise du Hendrix, dans l'espoir de rencontrer des personnes qu'il connaissait et avec qui il pourrait passer un moment, boire quelque bières et oublier qu'il se sentait mal ne serait-ce que le temps de la soirée, avant de rentrer chez lui. Mais le bar était plutôt calme et le clients inconnus, ça arrivait rarement mais Léo ne connaissait pas tout le monde dans cette ville. Sa bière commençait à se réchauffer devant lui, décidément, ça n'était pas sa soirée. Il sentit du mouvement derrière lui, une personne venait de prendre place sur le tabouret à sa droite, il se retourna par curiosité, un homme, qu'il connaissait. Mais pas vraiment de ceux avec qui il avait envie de discuter. Thomas Rankin, celui qui avait brisé le cœur de Romy quelques années plus tôt. Romy c'était son amie alors évidemment, Emerson s'était rangé de son côté. Et même s'il n'était pas non plus exemplaire dans ses relations avec les femmes, il ne s'était pas gêné pour juger l'acteur et depuis il restait sur le fait qu'il ne l'aimait pas. Sans jamais avoir cherché à creuser plus loin. Par politesse, il le salua d'un hochement de tête. Salut. Puis bu une gorgée de sa bière en regardant face à lui.

En général, quand tu te sentais seul ou quo tu n’avais rien à faire, tu te réfugiais dans les lieux de fête de Bowen. Ce soir n’avait pas coupé à cette tradition. Romy et Arthur étaient ensemble, et tu n’avais rien de prévu. Tous tes amis étaient occupés. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. Mais tu n’aimais pas être seul chez toi à broyer du noir. a chaque fois que tu le faisais, tu ressassais ton histoire avec Romy et c’était pas la meilleure chose à faire parce que tu déprimais toujours. A ton habitude, tu optais pour le Elm, pour aller passer un moment avec ton vieil ami Marcus. Cette fois, tu avais changé et tu étais parti au Hendrix. Une bonne ambiance, de la bonne musique, de quoi rencontrer des gens et peut-être te faire des nouveaux amis ou simplement des compagnons de boissons pour une soirée. Alors sans plus tarder, tu avais attrapé ta veste en jean et tes clefs et tu avais pris la route à pieds jusqu’au centre ville. Heureusement que tu n’habitais pas loin. Et puis qui sait, tu vas peut-être finir complètement saoul et prendre la voiture serait irresponsable. Alors tu arrivais dans le bar et tu allais t’assoir au comptoir. Ce n’est qu’après avoir commandé ta bière que tu remarquais la personne assise à côté de toi. Léo. Malheureusement, les relations n’étaient pas au beau fixe entre vous. En effet, le jeune homme était un très bon ami de ton ex-femme et il avait prit son parti au moment du divorce. Tu ne peux pas le blâmer là dessus. « Salut » rétorquas-tu surpris qu’il te dise bonjour. Vous n’étiez pas ennemis non plus, mais vous étiez simplement cordial entre vous. « Tu vas bien ? » demandas-tu poliment, pour engager une conversation. Il n’avait pas à te répondre s’il le voulait. Mais c’était le moyen de briser la glace entre vous.

Léo n'était pas du genre à juger sans connaître les gens, il connaissait bien trop ce sentiment d'injustice, lui qui était fils de, lui qui exerçait un métier que beaucoup considéraient comme inutile ou pas un vrai métier, lui qu'on jugeait trop souvent instable alors qu'on ne connaissait rien de son histoire. C'était facile de faire des raccourcis, c'était plus simple que de creuser pour en savoir plus. En règle générale il se faisait toujours sa propre opinion et souvent il était surpris. Pour Thomas il avait tout fait de travers et il s'était retrouvé à faire comme tous ces gens qu'il détestait. En vérité il n'avait surtout pas cherché plus loin que le bout de son nez, Thomas avait trompé Romy, Romy était son amie, Thomas était un sale type, point. Et puis c'était si simple, il ne connaissait que l'acteur sur lequel les tabloïds avaient craché à l'époque, le beau gosse coureur de jupons. Depuis qu'il vivait à Bowen jamais il n'avait eu l'occasion de le croiser, de le rencontrer, alors il n'avait pas fait l'effort. Pourtant s'il l'avait fait il se serait sûrement rendu compte qu'ils se ressemblaient plus qu'il ne le pensait, mais ça, évidemment c'était difficile à admettre et quelque part il aurait l'impression de trahir son amie. Ce soir, pourtant, le vent tournait d'une drôle de façon et c'était comme s'il avait la chance de rattraper son erreur, enfin pour l'instant il ne le voyait pas comme ça, alors qu'il le saluait assez froidement. C'aurait été difficile de l'ignorer, les tabourets étaient assez serrés, il ne pouvait pas ne pas l'avoir vu. Ca va. Dit-il en haussant les épaules, qu'est ce qu'il aurait pu dire d'autre ? Il n'allait pas lui déballer son vague à l'âme à ce type-là. Silence un peu gêné, il vida sa bière. Il hésita à partir et puis fuck, la perspective de retrouver sa maison vide le déprimait bien trop, alors si ça devait être Thomas, ce serait donc lui. T'attends quelqu'un ? Ou je paye ma tournée ? Il ne connaissait pas de meilleur moyen pour briser la glace.

Tout l’entourage de Romy à Bowen avait son opinion sur toi et en général, ce n’était pas positif. En même temps, tu étais celui qui avait trahit et trompé l’australienne. Tu comprenais que les gens ne te portent pas dans ton coeur. Tu n’avais même pas pris la peine de défendre ta cause car elle était perdue et tu le savais. C’étai triste à dire, mais tu ne voulais pas défendre l’indéfendable. Alors tu avais laissé faire. Même si tu étais persuadé que tu aurai pu t’entendre avec certains. Comme Léo. Vous n’aviez jamais vraiment discuté, depuis que tu es arrivé sur le sol australien. Normal, c’est un très bon ami de ton ex-femme. C’était le fruit du hasard qui vous avez emmené ici, tous les deux, l’un à côté de l’autre. Peut-être était-il temps de faire enfin connaissance ? Surement. Assis près de lui, une bière pas encore entamée devant toi, il te saluait. Et rapidement tu répondais. Tu lui demandais même comment il allait, pour faire la conversation. Ca n’avait pas l’air d’être la pleine forme pour le jeune homme mais tu n’allais pas t’aventurer là dedans. Après tout, vous ne vous connaissiez pas et il avait peut-être pas envie d’étaler sa vie à un inconnu. « J’suis tout seul » dis-tu, en regardant ta pinte. C’était presque une habitude de boire seul dans les bars. Triste, surtout. Mais malheureusement, c’est ce qui arrive quand tu trompes la femme de ta vie. « J’payerai la prochaine » dis-tu avec un mince sourire. « Qu’est-ce que tu bois ? » demandas-tu en jetant un oeil à sa bière. Un peu paumé, tu savais pas vraiment quoi dire ou faire. Et puis, t’étais pas dans un super bon mood ce soir, non plus. Vous aviez l’air d’en être au même point tous les deux.  

Léo aurait très probablement réagi comme Thomas s'il avait lui-même été dans sa situation. Il avait plus ou moins fait la même chose d'ailleurs, dans d'autres circonstances. Autant ne rien dire, ne pas rentrer dans le jeu des gens, ne pas alimenter des histoires. À un moment les choses finissaient par se tasser. Et dans le cas du couple de Romy, beaucoup avaient certainement oublié cette histoire, trouvé un nouveau ragot à alimenter, une nouvelle personne à critiquer. Lui, il était un peu plus hargneux que les autres, sûrement parce qu'il s'agissait de son amie et qu'elle avait morflé à cause de lui. Il y avait pourtant prescription, les années étaient passées, la preuve, Arthur était presque un homme ! Visiblement le destin se disait qu'il était temps que les deux fassent enfin connaissance, loin de tout jugement. Il esquissa l'ombre d'un sourire quand Rankin affirma qu'il payerait la tournée suivante, il appréciera de ne pas se faire renvoyer promener. Une pinte de brune. Il fit d'ailleurs signe au barman de le resservir. C'était la bière phare de ce bar, souvent Léo tournait au whisky, mais plus en fin de soirée. Il soupira, lui qui avait pourtant le mot facile habituellement, là il ne savait pas quoi dire, comment briser la glace. Écoute, je ne t'aime pas, t'as été un sale con avec Romy. Mais au fond j'te connais pas… Arthur dit que t'es un père cool, dans ton genre. Alors j'imagine qu'on a tous droit à une seconde chance. Maintenant que c'était dit, il se tourna plus franchement vers lui et leva son verre à nouveau plein. Moi c'est Léo. C'était comme un moyen de repartir sur une bonne base, peut être parce qu'il était actuellement dans la situation de Thomas et qu'il espérait ne pas être qu'un sale con lui non plus.

Tu savais pas trop comment cette soirée allait tourner. Léo n’est pas ton plus grand fan, parce que Romy est une de ses bonnes amies et que tu lui avais brisé le coeur. Tu t’y attendais, en venant à Bowen, de croiser les amis de ton ex-femme et qu’ils te détestent en retour. Mais c’était pour ton fils et surtout pour ton bien que tu étais là. Tu avais pensé à toi avant de penser à des situations gênantes comme celle-ci. Tu avais essayé d’entamer une conversation avec le photographe mais ça ne s’avérait pas facile. Il se faisait resservir sa bière pendant tu hochais la tête, simplement. Et rapidement, c’est Léo qui brisait la glace entre vous. Surpris, tu te retournais vers le jeune homme, posant ta bière sur le comptoir. « T’es pas obligé, Léo, je comprendrai que tu me portes pas dans ton coeur et que je gâche ta soirée » dis-tu en haussant les épaules. Mais tu n’avais pas le temps de finir ta phrase qu’il se présenta à toi, pour un nouveau départ. Il était très proche de ton fils, et il t’en parlais souvent Arthur, de Léo. Alors tu te devais d’apprendre à le connaître. Et ce soir semblait être le moment pour ça. « Ravi de te connaître, Léo. Moi c’est Thomas » dis-tu au brun en tendant ta main pour te présenter poliment. Tu faisais appel au serveur pour vous servir deux shooters. Quoi ? Il faut bien délier les langues et surtout ne pas rester sur vos à priori. C’est bien beau de vouloir repartir sur de bonnes bases, mais il faut savoir se détendre et ne pas rester bloquer sur ces idées. Le serveur vous posa les deux petits verres devant vous, tu savais même pas ce qu’il y avait dedans mais tu faisais signe à Léo en levant le verre vers toi pour le boire d’une traite. Là, tu étais prêt à parler avec le français.

Léo n’était pas un saint lui non plus, d’ailleurs Romy avait eu quelques sueurs froides à cause de lui. Il avait, plus d’une fois, trahi la confiance de sa cousine, Blanche, et à chaque fois la blonde avait aidé à ramasser les pots cassés. Pourtant elle lui avait pardonné à chaque fois. C’était peut-être pour ça qu’il se radoucissait ce soir et qu’il ne se montrait pas désagréable envers Thomas, chacun avait fait ses propres erreurs, tout le monde méritait une seconde chance. Il lui dit pourtant ce qu’il pensait, ce qu’il avait rêvé de lui dire plus une fois depuis l’arrivée de l’acteur à Bowen, si toutefois il le croisait. Mais ce fut pour terminer sur une note plus positive et encourageante. Il était prêt à s’ouvrir, à passer au-delà de son a priori. Sa soirée était mauvaise de toute façon, alors au pire, s’ils n’arrivaient pas à s’entendre, ça ne changerait pas grand-chose, il balaya les paroles de Rankin d’un mouvement de tête et choisi plutôt de lui tendre la main pour effacer le passé et donner une chance au présent. Arthur avait plaidé la cause de son père plus d’une fois auprès du photographe, il ne savait pas s’il le savait, mais tous les deux étaient plutôt proches, Romy lui avait laissé prendre la place du tonton sympa qui lui faisait faire l’avion quand il était petit et qui, aujourd’hui, le sortait de galères quand il ne voulait pas que ses parents soient au courant. Alors il était temps qu’il apprenne à connaître cet homme. Thomas serra sa main et dans la foulé il commanda deux shooters, ce qui plu évidemment beaucoup à Léo qui n’était jamais contre ce genre de plan. Il était d’accord sur le fait que ça aiderait à ce qu’ils soient plus détendus, plus enclins à la discussion. Chacun attrapa un verre et le vida sur le champ, ils auraient pu porter un toast au renouveau, ou à toute autre connerie du même goût, mais ils préférèrent visiblement les actes aux paroles. L’alcool était fort, il lui brûla la gorge, Léo aimait cette sensation, il fit signe d’en resservir deux. Le serveur avait gagné deux bons clients ce soir. Alors ça fait quoi d’avoir abandonné ta carrière d’acteur pour vivre dans une petite bourgade paumée ? Tu te plais ici ? Emerson ne jugeait pas, il s’en foutait pas mal que l’autre ait été acteur ou quoi que ce soit d’autre, il était juste curieux. Lui le premier, qui adorait parcourir le monde, finissait par parfois s’ennuyer dans sa ville et avoir besoin d’espace.

Venir à Bowen avait signifié tout plaquer, toute ta vie, pour rester auprès de ton fils. Mais ça signifiait aussi côtoyer l’entourage de Romy. Et il y avait sa famille qui t’avait rejeté, surtout ses frères, vis à vis de la tromperie que tu avais commise mais il y avait surtout ses amis les plus proche. Et Léo en faisait parti. Pourtant, toutes les fois où vous étiez venu en vacances ici, lorsque vous étiez encore marié, vous ne vous entendiez pas trop mal. Il a fallu que tu commettes l’irréparable pour que tu te fasses détester de tous ses amis. Mais ce soir, vous étiez tous les deux accoudés au comptoir du Hendrix à être morose. Tu entendais la petite voix de ton fils dan eta tête qui te disait : tu sais, tonton Léo il est vraiment troooop cool ! Il fallait bien que tu t’en rendes compte à ton tour. Il avait proposé de faire table rase ce soir, de repartir à zéro, sur de bonnes bases. Il te demandait ce que ça faisait d’avoir abandonné ta carrière d’acteur pour cette petite ville qui n’a pourtant rien à envier à Los Angeles. « Tu sais, quand je suis près de mon fils c’est le plus important » dis-tu en haussant les épaules. Rien d’autre ne comptait mis à part Arthur dans ta vie. Et on te faisait souvent le reproche de vivre par procuration du jeune Rankin. « Et puis en vrai, j’suis vachement mieux dans ce que je fais maintenant » ajoutas-tu simplement. Après avoir pris quelque gorgées de ta bière, tu levais les yeux vers le jeune homme. « Et toi ? Romy m’a toujours dis que tu voyageais beaucoup. Mais tu restes à Bowen quand même. Qu’est-ce qui te plais ici ? » demandas-tu à ton tour au jeune homme. Peut-être qu’il pourrait te faire découvrir des endroits que tu ne connaissais pas encore. Ou peut-être restait-il dans cette ville par attachement. Tu ne savais pas vraiment vu que c’est la première fois que tu parles vraiment avec le brun.

Il fallait avouer que Léo avait vite oublier le Thomas sympa que Romy lui avait présenté après leur rencontre. Ils avaient fait quelques soirées ensemble et il fallait avouer qu’ils s’étaient bien entendus. Mais ça paraissait tellement vieux, comme sorti d’une autre vie. Et c’était bien dans une autre vie, en quelque sorte, quand il n’y avait pas d’histoire de tromperie, quand ils étaient jeunes et qu’après quelques verres, n’importe qui devenait le meilleur ami d’Emerson. Depuis, il avait choisi son camp et évidemment ce n’était pas celui de Rankin. Depuis ils étaient devenus deux vieux cons qui traînaient leur lot de casseroles, assis face à leur bière, seuls, c’était un peu triste, c’était un vrai gâchis pour ceux qui, à une époque, avaient tout eu pour être heureux. Il l’aimait, Léo, son titre de tonton cool auprès d’Arthur, il ne l’avait pas cherché, il était arrivé avec les années et il ne se doutait pas que c’était lui qui aiderait, ce soir, à ce que les deux hommes entèrent la hache de guerre. Ils commençaient à discuter un peu, par des sujets simples, histoire de se connaître un peu mieux. L’alcool aidait à dénouer les langues et le deuxième shooter chauffait un peu Léo. Il afficha un sourire en coin en regardant l’ancien acteur. Le plus important… fais pas la chattemite avec moi ! T’es un homme aussi. Y a plein de belles australiennes ici. Il y a Romy aussi, même si c’est plus délicat… tu ne vas pas me dire que tu ne vis que pour ton fils ? Le gars, gonflé, après des années à lui en vouloir, il ne croyait pas qu'il puisse s'être rangé. Lui, Léo, même quand il était amoureux, il était incapable de résister et quand il était seul, si une femme le tentait, il était capable de passer la nuit avec, ça n’enlevait rien aux sentiments qu’il pouvait avoir pour une autre, mais ça occupait ses nuits solitaires. Enfin il n’était pas non plus un exemple et puis, qui sait, peut-être que sous ses airs d’ancien coureur, Thomas s’était assagi avec le temps. Tu élèves des chevaux, c’est ça ? J’imagine que c’est une passion alors c'est d'autant plus gratifiant. Il avait de la mémoire, Thomas, il se rappelait de ce que Romy lui avait dit sur son ami à l’époque. Et il n’avait pas tort. Oui, j’y reviens toujours. Une fois je me suis posé la question, j’étais tellement bien, ailleurs. En Thaïlande, j’aurais pu y passer ma vie. Mais je finis toujours revenir. Bowen c’est ma maison, j’y ai mes amis, ma famille. Il faut qu’elle me manque pour que je reparte. Et puis maintenant j’ai mon fils qui vit ici, tu vois… j’te comprends un peu finalement. Il articula un sourire emprunt de douceur alors qu’il pensait à Jonah, petit homme qui avait bouleversé sa vie, surtout depuis les quelques mois qu’il vivait à Bowen avec sa mère.

Là, tous les deux avec votre verre et votre malheur, vous allez surement trouver un terrain d’entente et pas vous entretuer dans ce bar. Ca serait dommage, il semblait être quelqu’un de bien et Romy et Arthur l’adoraient. Il n’y avait pas de raison que vous ne vous entendiez pas, si vous repartiez à zéro, sur de bonnes bases. Il se moquait un peu de toi quand tu disais que tu étais venu à Bowen rien pour les beaux yeux de ton fils. Le sourire de Léo te faisait rire. « Je vis que pour mon fils, tu me crois pas ? » dis-tu avec un rire. C’était vrai, le jeune Rankin prenait une grande place dans ta vie et tu ne t’imaginer vivre à des milliers de kilomètres de lui. C’était impossible, t’aurai pas supporter longtemps cette distance entre vous. « Mais j’avoue, t’as gagné, j’suis pas venu rien que pour lui. Pour rester proche de Romy, aussi… » dis-tu en te mordant la lèvre, un peu gêné. Tu savais pas comment il prendrait cette raison de ton arrivée à Bowen, mais pourtant c’était la vérité. Tu voulais avoir un oeil sur elle et qui sait, peut-être te faire pardonner de ce que tu lui avais fais. C’était le principal à tes yeux. Mais tu comprenais qu’elle veuille refaire sa vie ici, dans sa ville natale. Le brun te demandais ensuite ce que tu faisais spécifiquement, vu que tu avais lâché ta carrière d’acteur à Los Angeles. « Oui, c’est exactement ça ! C’est clair, j’prends énormément de plaisir à faire ça » dis-tu avec un sourire. Il se souvenait de ta passion, tu ne pensais pas du tout. Et puis à ton tour, tu lui demandais ce qui le retenait à Bowen, puisque tu savais qu’il voyageait à droite et à gauche, qu’il était photographe aussi. Tu hochais la tête lorsque Léo t’expliquait pourquoi il revenait sans cesse dans cette ville. « Oh oui, je comprends. Tes racines sont ici » dis-tu avec un sourire levant ton verre à tes lèvres. Après avoir bu un peu de ta bière, tu reposais la pinte sur le comptoir. « On est pas si différent, finalement » dis-tu dans un souffle. Vous viviez pour vos fils, c’était le point principal que vous aviez en commun. Après tu ne connaissais pas grand chose de la vie du photographe.

On ne pouvait pas dire que Léo connaissait Thomas, du moins pas assez pour juger de la véracité de ses paroles, mais, pour un homme qui avait trompé sa femme, il se permettait d'avoir un doute sur le fait qu'il reste à se morfondre à la maison en attendait que son gamin rentre… quoiqu'on pouvait tous changer, après tout. Je ne demande qu'à te croire ! Quitte à repartir sur de bonnes bases, autant lui laisser le bénéfice du doute. Sauf que Rankin ajouta ce petit élément de réponse qui changeait tout, Léo le regarda de travers, évidemment, s'il ne courrait pas après les femmes, c'est qu'il attendait le retour de sa promise. Mais ladite promise c'était Romy et Emerson était très protecteur envers ses amis. Certes, ils étaient plutôt en froid tous les deux en ce moment, mais ça ne l'empêchait pas de considérer la blonde comme quelqu'un d'important dans sa vie. Hmmm, il est inutile de te dire que si tu lui fais mal une autre fois ce n'est pas un verre que je t'offrirais ! Mais j'imagine que tu as appris de ton erreur. Il se voulait menaçant Léo, à mettre Thomas en garde que s'il blessait Romy il lui tomberait dessus, sauf qu'il n'était pas du tout crédible, sachant qu'il était le premier à détruire les femmes de sa vie et à recommencer. Enfin, il espérait que l'autre ne le savait pas, dans le doute. Ils changèrent rapidement de sujet, autant éviter les choses qui fâchaient. Parler de carrière professionnelle, c'était plus safe. Léo se souvenait des chevaux oui, ils avaient passé une soirée, il y a bien longtemps à en parler longuement, c'était le genre de choses qu'il retenait. Mais il n'avait pas énormément de mérite non plus, il vivait à Bowen, il bossait avec le journal local de temps en temps, alors il entendait parler de tout ce qu'il se passait. Et le fait qu'un acteur autrefois célèbre se soit reconverti en éleveur équin, ça ne passait pas inaperçue. Je pense bien, oui. J'avoue que ne suis pas le plus à l'aise avec les chevaux, mais je me souviens en avoir photographié une horde sauvage en Colombie, c'était un beau spectacle. A son tour il se confia un peu sur son besoin de rester en contact avec ses racines et Thomas sembla attentif. Non, on n'est pas si différents… Autant dans leur attachement à leur famille, à leur fils, que dans leurs conneries. Finalement Thomas et Léo n'étaient pas de mauvais garçons, ils avaient juste fait quelques erreurs. Il avala une nouvelle gorgée de sa bière, l'air pensif. Avant de se retourner vers son nouvel acolyte. Tu sais pourquoi j'suis là, seul comme un con ce soir ? Parce que j'ai trompé ma copine, elle est partie. Et en plus j'te fais des leçons de morale. En vérité j'en ai envie, de prendre un sac à dos et de foutre le camp, mais à un moment faut assumer ses actes il parait. Alors j'suis là, tu vois. Il ne savait pas trop pourquoi il lui disait ça, Thomas s'en foutait de ses états d'âme, mais il avait besoin de parler lui aussi, peut-être de se prendre une claque pour rebondir. Ou juste d'une discussion honnête avec quelqu'un de neutre, parce que trop de monde avait son avis sur cette histoire qui ne regardait que Blanche, Alba et lui.

En général les gens ne te croyaient pas quand tu disais que tu vivais seulement pour ton fils. Pourtant, c’était vrai. Il t’avait initié à tous ses jeux vidéos, tous les films qu’il aime et la seule chose que tu lui avais apporté, c’était l’équitation. Et en tant que vrai papa gâteau, tu lui avais même acheté un cheval, une fois que tu t’étais installé à Bowen. Mais rapidement, tu expliquais à Léo que tu étais venu aussi pour Romy et ne pas être loin d’elle. Mais ça, c’était un secret pour personne. Tu ris à la remarque de Léo avant de prendre une gorgée de ta bière. « Y’a une longue liste de gens qui ont prévu ce genre de choses si je lui fais du mal. Promis, j’me tiendrai à carreaux » avouas-tu au brun en posant ta bière sur le comptoir. Le français faisait parti de ces gens qui avaient pris parti lors de votre divorce, et tu ne le connaissais pas trop de base. Mais lorsque tu avais mis les pieds en Australie, tu savais que tu serai amené à le croiser en ville. C’était une petite ville, il faut dire. Vous ne vous étiez croisé que rarement, tous les deux. Et c’était toujours des simples politesses que vous aviez échangé. Au plus loin que tu te souviennes, c’était la première fois que vous aviez une vraie conversation ensemble. Vous échangiez ensuite sur vos métiers respectifs, sur ce que vous faisiez dans la vie. « Oh oui, je veux bien te croire » répondis-tu un peu rêveur à ce que venait de te confier le photographe. Il répéta la phrase que tu venais de dire, sans trop savoir pourquoi, tu ne faisais pas attention. Mais il se retournait vers toi, après avoir bu. Tu ne comprenais pas trop. Mais c’est là qu’il t’expliquait pourquoi il était dans ce bar ce soir, pourquoi il comptait boire à en perdre raison. Tu ne savais pas qu’il avait des problèmes dans son couple. Tu connaissais Blanche, vu qu’elle était la cousine de Romy. Mais tu ne savais rien d’eux. « Je comprends » soufflas-tu pour commencer. Tu interpellais le barman pour vous commander la même chose avant de reprendre ton regard sur Léo. « Ca sert à rien de fuir, au contraire, ça aggrave le plus les choses. Faut assumer, j’assume aussi mais c’est dur et ça fait mal » dis-tu en haussant les épaules. « J’suis personne pour te juger, Léo » ajoutas-tu une fois que le barman revenait avec vos bières pour les poser devant vous.

Non, Léo n’était pas une véritable menace pour Thomas, il ne semblait pas du tout lui faire peur avec ses leçons de morale. Peut-être parce qu’il n’avait aucune crédibilité, ou sûrement aussi parce que bien d’autres avaient prononcé les mêmes mots avant lui. Rankin n’était pas idiot, il savait qu’il était ici sur la terre de Romy et qu’elle avait du monde derrière elle pour la soutenir s’il venait à lui faire du mal. D’ailleurs il souriait, plutôt ironiquement, à la réflexion de Léo, mais le photographe ne s’en formalisa pas, ce que Thomas ne savait pas c’est qu’il le surveillerait toujours du coin de l’œil, histoire d’être sûr que Romy ne serait pas à ramasser à la petite cuillère. Il n’ajouta rien, de toute façon il n’y avait rien de plus à dire, s’il se tenait à carreaux, comme il le disait. Et puis, qui sait, si on était optimiste on pourrait espérer que les deux ex pourraient avoir une fin heureuse ensemble, un jour. Bien que Léo ait du mal à voir les happy ends en général. Visiblement il laissa le cavalier rêveur en lui parlant de chevaux sauvages, c’était sa façon à lui, le photographe, de les apprécier, ces animaux-là, derrière son objectif plutôt qu’en montant dessus. De toute façon Léo préférait toujours voir les bêtes dans leur habitat naturel, il ne les aimait pas vraiment en cage et même les animaux de compagnie ce n’était pas trop son truc, il redoutait un peu le jour où Jonah lui réclamerait un chien ou un chat. Il voyait bien que Thomas le regardait de travers lorsqu’il commença à répéter ses paroles bêtement avec l’air un peu perdu. Pourtant il savait parfaitement où il allait, il avait besoin que ça sorte, peut-être que si ça n’avait pas été lui, il aurait tout débité au pauvre barman qui essuyait ses verres, mais il avait fallu que ça tombe sur cet homme qui disait qu’ils avaient des points communs, il ne savait pas ô combien c’était vrai. Thomas l’écouta sans rien dire, jusqu’à ce qu’il reprenne une tournée, preuve qu’il compatissait à sa façon, qu’il l’épaulait aussi. Léo sourit en coin, un sourire fatigué, il ne servait plus à rien de jouer la comédie, il était finalement épuisé de faire bonne figure alors que tout prenait l’eau. Tu ne juges pas, pourtant moi je t’ai jugé à l'époque. C’est dire quel genre d’homme je suis. Et combien Rankin valait mieux que lui. Et puis si seulement c’était la première fois qu’il trompait une femme, mais il lui épargna ce détail là. Il avala une gorgée qui lui brûla la gorge et soupira. J’assume mais elle est quand même partie. J’ai eu le droit de me faire engueule par ton ex d’ailleurs. J’avais l’impression d’être à la place d’Arthur à ce moment-là. Il pouffa de rire même si ce jour-là il ne riait pas tant que ça.

T’avais longtemps entendu les gens critiquer la façon dont toi et Romy vous aviez divorcé, enfin surtout la façon dont tu l’avais trompé juste avant que ça arrive. Alors bon, les leçons de morale des gens ne te touchaient plus. C’est pour ça que tu ne te confiais pas beaucoup sur le fait que tu voulais la reconquérir. Même si ça avait toujours été d’actualité, tu le montrais seulement maintenant. Au final, vous n’étiez pas si différent avec Léo. Vous aviez gâché une belle relation amoureuse pour quelqu’un d’autre. Mais tu n’avais rien à dire là dessus, tu n’étais personne pour juger l’homme à côté de toi. Et surtout, tu ne voulais pas qu’il devienne un réel ennemi. C’était un des amis proches de Romy, et tu voulais par dessus tout t’entendre avec tout son entourage, c’était le plus important. « Je comprends pourquoi tu l’as fais » dis-tu e haussant les épaules. « J’ai fais du mal à ton amie, qui a plaqué toute sa vie en Australie pour vivre avec moi et se marier avec moi. Je comprends que tu m’es jugé. Moi-même j’me suis jugé » ajoutas-tu en levant ton verre vers tes lèvres. Elle avait donné tout pour toi, elle avait changé de continent, de nationalité suite à votre mariage et même de nom de famille. Tu avais fais pareil en les rejoignant à Bowen. Tu avais changé de pays, de métier pour te consacrer à ta famille. Et c’était important pour toi de le faire. Tu posais ton verre sur le comptoir et tu écoutais Léo te parler de sa mésaventure amoureuse. « Ça ne m’étonne même pas » dis-tu avec un léger rire. Tu voyais très bien ton ex-femme engueuler son ami de la même façon qu’elle engueule votre fils. « Elle m’engueule de la même façon, j’ai l’impression de retourner à mes 15 ans à chaque fois » dis-tu en confidence à Léo avec un léger rire.

En ami fidèle, Léo avait protégé Romy et s’était rangé de son côté, sans forcément connaître tous les tenants et les aboutissants de son histoire avec son mari. Pour lui c’était simple, Thomas l’avait trompé, il était le fautif, Romy morflait par sa faute, il allait le détester jusqu’à la fin de ses jours. Pourtant, alors qu’il était tout à fait capable de se mettre dans ce genre de situation, il voyait bien que tout n’était pas toujours blanc ou noir, il le savait bien, au fond de lui, que les choses étaient rarement aussi simples. Et ce soir, alors qu’il faisait face à un mec plutôt sympa, visiblement de bonne foi, qui cherchait juste à rattraper sa connerie depuis des années, il se sentait un peu con de lui avoir réservé ce traitement. Bien qu’il sache que si c’était à refaire, il referait la même chose. La dernière réflexion du cavalier arracha un sourire à Léo. On est souvent les juges les plus durs, quand il s’agit de soi-même. Bonne réflexion de philosophie de comptoir, après quelques verres, Léo se voulait profond. Toi t’as plaqué ta carrière pour elle, c’est plutôt un sacré sacrifice quand on fait un job comme le tien. Beaucoup d’acteurs devaient préférer le succès, l’argent, le potentiel de nombreuses conquêtes, plutôt qu’une seule femme derrière laquelle courir. Mais visiblement Rankin n’était pas de ceux-là et c’était tout à son honneur. Et puis Léo finit par se confier sur le fait que Romy l’engueulait comme un gamin, sûrement que ça ferait rire son acolyte et effectivement il lui confia qu’elle était la même avec lui. Il esquissa un léger sourire. Si elle te le fait toujours c’est qu’il y a de l’espoir. Mais je le plains, votre gamin, il ne doit pas rire tous les jours avec une mère pareille ! Il rit un peu, en vrai il savait bien que la blonde était une mère douce, une louve, elle aimait son fils plus que sa propre vie.