I told you I'll be here forever (givio)

Mais il le faut. Pas vrai ? Bien sûr qu'il le fallait et le hochement de tête de la part de Livio en fut la réponse. Ils ne pouvaient plus s'empoisonner et empoisonner leur relation par tous ces non-dits, ces regrets dissimulés comme un secret. Il était temps d'agir comme des adultes et se parler à cœur ouvert même si c'était douloureux, même si cela ravivait des cicatrices qui n'étaient pas fermées. Livio avait gardé tout ça pour lui, ne pouvant même pas en parler à Aura. Sa petite amie ne savait même pas que cet avortement avait été traumatisant pour l'italien, que cela alimentait ses doutes pour sa future paternité. Et concernant Giulia, il n'en parlait pas avec elle parce qu'ils se disputaient déjà bien assez, parce qu'il avait l'impression d'être responsable de son avortement. Pourtant, cette décision, ils l'avaient prise à deux, mais peut-être n'avaient-ils pas pris suffisamment de temps, à peser le pour et le contre.  Mais cette fois, quand elle lui demanda s'il regrettait, il ne chercha pas à arrondir les angles, à se dissimuler derrière des excuses. Il l'annonça, de vive voix, que oui, il regrettait leur décision. Il alla même plus loin en se remettant en cause, en se demandant pourquoi il n'avait pas eu la maturité d'assumer cet enfant. Giulia tenta de le rassurer, en évoquant leurs nombreuses disputes. Qu'est-ce que cela aurait donné avec un bébé au milieu ? « Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que ça aurait donné, Gigi. Mais avec le recul, je me dis que, même si on se disputait, on aurait dû aller au bout. On aurait dû le laisser naître. » Sa voix s'étouffa sur le dernier mot. C'était cela qu'il regrettait. C'était d'avoir mis fin à une grossesse, à un enfant en devenir. Il osa jeter un regard vers Gigi, la voyant tourner la tête, sûrement pour cacher son émotion. « Je suis désolé... Si tu savais comme je suis désolé... » Il n'était pas le seul responsable dans l'histoire, elle avait aussi sa part de responsabilité. Mais il était nécessaire pour lui de faire ce pas.

Sans le vouloir, de façon innatendu, ils faisaient leur thérapie seuls dans la voiture. Ils n'allaient peut-être pas pouvoir s'apporter de conseils mais au moins ils en parlaient enfin. Cet avortement les avaient bouleversé tous les deux. Quand Livio admit regretter, quand elle entendu sa voix s'étouffer, pire encore, quand il lui dit être désolé, ce fut un coup de poignard dans son cœur. Gigi craqua. Oh non ne dis pas ça, s'il-te-plait, ce n'est pas de ta faute murmura-t-elle d'une voix suppliante avant d'échapper un sanglot. Elle cacha son visage au creux de ses mains et pleura, sans retenue, comme si le poids de ce silence s'effondrait brusquement. Même si elle s'était tourné, même si Livio connaissait toute sa vulnérabilité, elle n'aimait pas qu'il la voit ainsi. Mais ce relâchement lui permettait de vider ses pensées les plus profondes. Livio s'était livré et maintenant c'était à son tour de libérer le poids de sa culpabilité. Je m'en veux tellement... À chaque fois que j'y pense... je me dis... Que je suis un monstre. Que je n'aurais jamais, jamais dû faire ça. avoua Gigi qui de nouveau, se mit à fondre en larmes. Elle avait tellement besoin de le lui dire. Seul Livio pouvait comprendre sa peine, parce qu'il avait partagé sa souffrance et lui aussi le lui avait caché.

Il pensait que se trouver face à des inconnus, des personnes extérieures allaient les aider à désamorcer la conversation. Mais en vérité, il fallait juste qu'ils se retrouvent dans une espèce de cocon, à l'abri des regards, et qu'ils osent lancer une perche. C'était finalement dans cette voiture, arrêtée au bord et de la route et alors que la tension était à son paroxysme, que les langues se délièrent. Pour la première fois, Livio mit des mots sur ses sentiments qui le minaient profondément. Oui, il regrettait. Il regrettait d'avoir pris peur, de ne pas avoir suffisamment confiance en lui, confiance en Giulia pour assumer ce bébé. Il était désolé, tellement désolé de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas avoir eu le cran de dire on le garde. Quand Giulia essaya d'atténuer la culpabilité de l'italien, Livio secoua la tête : « Si, c'est de ma faute aussi. » C'était de leur faute. Il n'y en avait pas un qui était plus à la traîne que l'autre, qui avait plus d'excuses. Ils étaient sur la même ligne. Giulia fondit en larmes et cette vision atteignit Livio en plein cœur. Il avança une main jusqu'à elle, s'arrêtant néanmoins dans son geste. Ses yeux bleus se firent humides et il dut prendre sur lui pour ne pas craquer. Il ne fallait pas qu'il craque, lui aussi. Là, Gigi avait besoin de lui. Et ce furent ses derniers mots qui le firent réagir : « Je t'interdis de dire ça ! » Sa voix était nette et assurée. « Je t'interdis de dire que tu es un monstre. » Mais quand elle admit tout haute qu'elle n'aurait jamais dû faire ça, Livio sentit son cœur se briser face à la douleur de l'italienne. Il se pencha jusqu'à elle et la prit dans ses bras, la serrant contre lui et murmurant : « On a pris peur, Gigi. On pensait ne pas être prêts, ne pas être capables. On a fait une erreur, ça ne fait pas de nous des monstres. » Oui, ils pouvaient avoir des regrets, mais se voir comme des monstres, non.