I'll be there ı Beth

La salle de bain était un champ de bataille où, visiblement, Beth n'avait pas gagné la guerre. La guerre, elle l'avait menée contre Ivy, un an et trois mois, qui avait décidé qu'elle ne voulait plus prendre de bain. Alors qu'elle avait toujours adoré l'eau et son jouet baleine qui flotte, tout à coup, depuis que mademoiselle fréquentait la garderie, il n'y avait plus rien à faire : tout son quotidien changeait. Et chaque semaine, c'était un nouveau truc. Cette semaine, c'était la grève du bain. Chaque soir, elle hurlait, elle pleurait, elle faisait l'étoile pour éviter d'entrer dans la baignoire et Beth finissait la routine du coucher complètement exténuée. Mais hier soir, elle avait décidé de faire une trêve. Pas de bain. Pas de bain, parce que le lendemain c'était congé de garderie. Beth avait décidé de garder Ivy avec elle et dans l'espoir de passer une bonne soirée, et une bonne nuit, elle avait acheté la paix. Cependant, aujourd'hui, c'était reprise des habitudes et bain forcé pour madame Williams-Ellington qui avait fait une scène monstre dans les toilettes, mettant de l'eau partout sur le carrelage et, évidemment, sur sa maman.

Beth était trempée. De la tête aux pieds. Ses cheveux n'avaient pas été épargnés non plus. Son jean était devenu foncé avec la couleur de l'eau et ses manches étaient complètement imbibées. Ivy, elle, faisait deux-trois pas dans son ensemble une-pièce, toute propre, avant de tomber au sol et de se relever. C'était le calme après la tempête pour mademoiselle. Heureusement. L'Anglaise en était à essuyer le sol de la salle de bain lorsqu'on toqua à la porte, sans qu'elle attende quelqu'un. Et, elle était seule à l'appartement aujourd'hui. Milo était on ne sait trop où, depuis qu'ils s'étaient disputés, son meilleur ami désertait le 13 et Azriel devait bosser. Elle n'attendait donc personne. Serviette dans les mains, elle se dirigea vers la porte où elle eut la douce visite surprise de Charlène et, instinctivement, Beth lui sourit. Elle était son baume au coeur, sa maman-pas-maman, la voix de la raison. Et Ivy l'adorait. D'ailleurs, la petite enchainait les quelques pas pour venir saluer leur visiteur surprise. « Désemparée », lâchait la brune à la question de son amie. Elle l'était, et pas que pour la salle de bain trempée. « Et toi, comment vas-tu ? », demandait-elle en retour avant de s'avancer pour lui faire une bise. Gênée, elle lui fit un regard rempli d'excuses. « Je ne suis pas présentable et toute mouillée, désolée », lui lançait-elle avant de s'intéresser aux mains pas tout à fait vides de Charlène. « Oh, mais dis-moi, qu'est-ce que tu nous as apporté », fit-elle en chantonnant. « Allez, entre. Ivy, Chacha veut surement son bisou. » Et la petite soufflait des baisers dans les airs, avec son sourire aux dents pas toutes poussées.

Charlène resplendissait. Son petit ventre qui commençait à prendre des formes lui allait bien, laissant un petit goût de nostalgie à l'Anglaise qui se rappelait des moments partagés avec Ivy alors qu'elle était encore abritée par son ventre. La grossesse n'avait pas été chose facile pour Beth. Elle avait découvert que Ivy poussait en elle complètement seule avec l'idée folle de retrouver le père à l'autre bout du monde. Finalement, elle avait vécu la grossesse seule, heureusement bien entourée de ses amis qui étaient maintenant de sa famille. Elle n'aurait jamais cru avoir envie de vivre de nouveau cette expérience, la maternité n'avait pas laissé que de bons souvenirs dans son esprit. Et, pourtant, depuis quelque temps maintenant, bien qu'elle avait perdu l'amour de sa vie, Beth se surprenait à avoir envie de sentir à nouveau la vie grandir en elle. Mais cette fois, elle voulait le faire bien, ne plus être seule. Et ça, ce n'était pas complètement gagné. Il fallait encore trouver la force de pardonner Zak. Et il fallait encore qu'il ait envie de la retrouver. Et il fallait encore qu'il veuille d'un enfant avec elle. Coup de blues, elle soupirait. « Ta présence est déjà un bon début », lui assurait-elle. La discussion viendrait, Charlène arrivait toujours à rendre Beth assez à l'aise pour qu'elle se confie. Elle le ferait, seulement pas sur le pas de la porte d'entrée. « Tu es resplendissante », lui fit-elle remarquer.

Lorsqu'il était question de maternité, Beth se fiait aux dires de Charlène. Elle était ce qui se rapprochait le plus d'une maman alors que la sienne était à l'autre bout de l'océan, sur un tout autre fuseau horaire. Elle ne pouvait pas l'appeler à la moindre question. Charlène avait l'expérience, elle avait des enfants, elle connaissait le boulot d'une mère. Et ses mots rassuraient la jeune maman qui lui sourit. « Je ne dirais pas non. » Ivy adorait Charlène. Elle répétait sans cesse Chacha, réclamant des bisous de sa part. « Doucement Ivy, tu sais que Chacha a un bébé dans son ventre hein. » La petite d'un peu plus d'un an ne pouvait tout comprendre, mais Beth tentait de lui rappeler chaque fois qu'elles voyaient Charlène.

Beth s'était éclipsée l'instant d'essuyer le parquet de la salle de bain et, surtout, de se changer dans des vêtements secs. À son retour, elle trouva Charlène et Ivy en pleine discussion. « J'espère que tu ne t'es pas compliqué la vie », fit Beth en référence aux douceurs qu'elle avait apportées. « Tu sais que seule ta présence me fait du bien. » La brune la gratifia d'un sourire sincère. « Merci d'avoir veillé sur elle. Ce n'est pas toujours simple d'être seule.. » Et dire qu'il y a quelques mois, ils auraient pu fonder une petite famille de trois, Ivy, Zak et elle, si elle ne l'avait pas quitté.