[terminé] La vie est courte, mais les journées sont longues ⊱ LEE

Rhys & Lee.
la vie est courte, mais les journées sont longues.

« Mais non Lee, pas de malaise entre nous. » Elle le regarda sans rien dire. Si, il y avait bel et bien un malaise entre eux - mais il l'ignorait totalement. Plus elle posait les yeux sur lui, plus elle le trouvait magnifique et plus le signal d'alarme qui résonnait dans sa tête se faisait pressant. S'éloigner-de-lui-sans-plus-tarder. Voilà ce que ce signal lui répétait, voilà ce qu'elle aurait dû faire. Mais au lieu de ça, elle restait à ses côtés, buvant ses paroles en essayant tant bien que mal de se préparer à la suite. « C’est juste que je sais jamais quand j’en vis une ou non. Mais je pense que… » Elle avait vu juste, il avait bel et bien une histoire - ou une non-histoire, il n'avait pas l'air d'en être certain - avec quelqu'un. Pourquoi l'avait-elle amené à parler de sa vie sentimentale, déjà ? Ah, oui. Pour se persuader qu'il n'était pas fait pour elle, qu'il méritait bien mieux qu'une serveuse mariée et complètement inintéressante, et qu'il fallait qu'elle arrête de penser à lui comme autre chose qu'un ami. Son souhait était exaucé mais bizarrement, cela faisait plutôt mal... En bonne amie, elle ne l'interrompit pas et le laissa continuer tout en alignant une rangée de gobelet pour se donner une contenance. « m’enfin on s’est juste embrassé, ca ne doit pas vouloir dire grand-chose si ? » Et voilà que la jalousie pointait à nouveau le bout de son nez. Ridicule. Et totalement déplacé. Avait-elle oublié l'alliance qui ornait son annulaire gauche ? Elle était mariée, Emrys était célibataire et il avait le droit d'embrasser qui il voulait. Essayant de masquer au mieux ses émotions, elle haussa un sourcil. « Tous les baisers veulent dire quelque chose, non ? On n'embrasse pas quelqu'un comme ça, sans raison... Un baiser, ce n'est jamais anodin », déclara-t-elle. Ou bien être bien que si ? Qu'y connaissait-elle, après tout ? Elle n'avait embrassé qu'un seul et unique homme dans toute sa vie. Et on ne pouvait pas dire que sa relation avec Casey soit une réussite, malgré tous ses efforts. Alors au fond, peut-être qu'elle n'y connaissait rien en amour et qu'elle était mal placée pour lui donner des conseils. « Et... Je peux savoir qui est l'heureuse élue ? » Elle esquissa un petit sourire avant d'attraper le gobelet, plongeant son regard dans la mixture violette. La prochaine fois, elle éviterait d'aborder ce sujet. Même si elle était contente pour lui et qu'elle souhaitait le voir heureux. Elle espérait secrètement que cette fille soit Pandore. Parce qu'elle savait qu'elle tenait réellement à lui. « Bon ben, je me lance », déclara-t-elle avant de porter le gobelet à ses lèvres pour boire une gorgée du cocktail. La sentence ne se fit pas attendre : « Sans vouloir te vexer, c'est vraiment dégueulasse », grimaça-t-elle. Elle versa aussitôt la moitié du cocktail dans un second gobelet, qu'elle tendit à son collègue. « Allez, je suis sympa. J'accepte d'en boire la moitié avec toi. » Elle ne pouvait pas se résoudre à le laisser finir entièrement le cocktail, même s'il avait assuré qu'il le ferait.

Rhys & Lee.
la vie est courte, mais les journées sont longues.

« Tu sais… Je n’ai pas toujours été aussi… ‘sage’ que tu ne le penses. » Ajoutez à cela un air on ne peut plus coupable et un regard légèrement fuyant et vous comprendrez pourquoi cette phrase avait légèrement inquiété Emily. Que voulait-il dire par là ? « Ah non ? Tu m’intrigues, là ! Tu vas devoir m'en dire plus, maintenant ! », dit-elle d’un ton léger pour le pousser à la confidence. Elle avait un peu peur de ce qu’il allait lui révéler mais elle préférait le prendre à la rigolade plutôt qu’afficher un air outré ou inquiet. De toute façon, il n’avait pas de compte à lui rendre - et elle n’était pas là pour le juger. L'opinion qu'elle avait de lui ne changerait pas, peu importe ce qu'il allait lui dire. Le sourire qui s’empara des lèvres du jeune homme lorsqu’elle évoqua l’heureuse élue ne lui échappa pas et elle tourna la tête. Elle se maudissait d’avoir commencé cette conversation débile et encore plus de continuer à lui poser des questions alors qu’elle savait pertinemment que chacune de ses réponses lui lacérait le cœur. Il ne fallait pas qu’il le remarque. Plutôt mourir ! Elle devait prendre sur elle et faire comme si tout allait bien. Cela ne devrait pas être si compliqué, elle avait l’habitude de le faire avec Casey. « Je ne pense pas que tu la connaisse. En fait c’était… elle était ma patronne. Sa patronne ? L’identité de cette mystérieuse jeune femme ne faisait plus aucun doute, maintenant. « Pandore », murmura-t-elle doucement, plus pour elle-même qu’autre chose. Et comme à chaque fois que le prénom de cette jolie blonde était évoquée, Lee ressentait des émotions complètement contradictoires. De la jalousie, elle devait l'avouer, mais aussi de la satisfaction. Elle enviait la journaliste parce qu'elle aurait aimé être comme elle. Aussi belle, aussi charismatique, faire preuve d'autant de caractère... Et avoir la même assurance, même si ce n'était qu'un masque destiné à tromper les étrangers. Pandore représentait tout ce qu'elle n'était pas, tout ce qu'elle aurait voulu être et tout ce qu'elle ne serait jamais. Mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de l'affection et d'être contente qu'Emrys s'intéresse à elle de cette manière. Malgré les apparences et les dires de certains, Pandore était une fille bien qu'Emily appréciait. « Mais avant que tu ne penses quoique ce soit de totalement faux, je te promets que ce n’était pas voulu et que j’ai pas fait ça pour avoir une augmentation… de toute façon elle m’a viré donc bon. », continua-t-il. Elle nota le changement d’intonation de sa voix à la fin de la phrase. Ce qui laissait présager que ce licenciement l’ennuyait… Et probablement pas pour les raisons habituelles. Comme elle l’avait assurée à Pandore quelques jours plus tôt, elle était sûre qu’Emrys l’appréciait. Beaucoup. Et le fait qu’il en parle de cette manière ne pouvait que la conforter dans son idée. Trouve quelque chose à dire, abrutie. N’importe quoi, mais parle ! Son silence allait finir par devenir gênant, à la longue. Et c’était le meilleur moyen pour qu’Emrys remarque quelque chose, ce qui était totalement exclu. Elle mourrait de honte et ne s'en remettrait pas. « Peut-être bien qu’elle va te réembaucher, si vous devenez aussi… proches », déclara-t-elle finalement, un sourire de circonstance sur les lèvres. Elle aurait aimé dire autre chose. Lui dire qu'elle était contente pour eux, qu'elle espérait que tout allait très bien se passer, qu'il pouvait lui en parler dès qu'il en ressentirait le besoin... Mais c'était la seule chose qui était sortie et elle ne voulait pas trop en faire. Cette situation était déjà bien assez inconfortable comme cela. Fort heureusement, elle put jouer les filles occupées grâce au cocktail surprise. Elle reprit son gobelet en main après avoir versé la moitié de son contenu dans un autre verre, tout en évitant soigneusement d’avoir à le regarder dans les yeux. « Tu vois, qu’est ce que je te disais ? Qu’est ce que je ferai sans toi ? » Elle haussa légèrement les épaules. Elle n’avait rien trouvé à répondre et préférait garder le silence. Elle porta finalement son gobelet à ses lèvres et imita son collègue, avalant toute la boisson d’une seule traite pour écouter le supplice. « Rappelle-moi de te dire non, la prochaine fois que tu voudras me préparer un cocktail », plaisanta-t-elle avant de se mettre ànettoyer le plan de travail où il s'était installé pour préparer la boisson.

Rhys & Lee.
la vie est courte, mais les journées sont longues.

« Disons que… si une jolie fille voulait m’embrasser... Ma foi, je ne disais pas non. » Alors c’était ça, son secret inavouable ? À voir l’air préoccupé qu’il avait affiché quelques secondes auparavant, Lee était persuadait qu’il s’agissait d’autre chose. De quelque chose de plus important. Il y avait fort à parier qu’il lui avait menti (ou dû moins qu’il avait masqué une partie de la vérité), mais elle se contenterait de ce qu’il voulait bien lui dire. « Je vois », répondit-elle en souriant un peu. « Et pourquoi tu avais l’air si embarrassé ? C’est un crime, de se laisser embrasser par des jolies filles, maintenant ? » Elle le regarda un instant, l’air espiègle, histoire de lui montrer qu’elle n’était pas du tout offusquée par cette histoire de baisers. Papillonner et profiter de la vie sans contrainte, c’était généralement ce que faisaient les jeunes de leur âge. Et ce n’était pas parce qu’elle s’était mariée à dix-huit ans, avec son seul et unique petit-ami, qu’elle ne pouvait concevoir l’idée de s'amuser sans réellement s’engager. Elle aurait peut-être dû agir comme toutes les filles de son âge, d'ailleurs. Sortir, rencontrer des garçons, faire la fête... Si elle avait eu une jeunesse normale, elle n’en serait peut-être pas là aujourd’hui et sa vie serait probablement moins navrante. Elle laissa échapper un soupir blasé malgré elle et leva la tête vers Emrys lorsqu’il assura douter du fait que Pandore le réembaucherait. « Pourquoi ? Ce serait plutôt logique, non ? » Pandore l’avait plus ou moins renvoyé à cause de cette attirance qu’elle ressentait pour lui. Maintenant qu’ils allaient probablement se mettre ensemble, elle n’avait plus de raison de ne pas vouloir travailler avec lui. « Enfin, tu verras bien », conclut-elle en souriant un peu. Après tout, elle n’avait pas son mot à dire. C’était entre Emrys et Pandore, ça ne la regardait pas. Elle devait vraiment apprendre à éviter de se mêler de la vie des autres. Pour eux comme pour elle. « Toi, tu as une tête à connaitre la personne de qui je parle Lee…» Heureusement qu’elle avait fini d’avaler sa dernière gorgée, sans quoi elle aurait recraché toute la boisson sans ménagement. Cette question était aussi étrange qu’inattendue. Jouant un peu avec son gobelet pour éviter d’avoir à regarder son collègue dans les yeux, elle haussa doucement les épaules. « Pandore de Balzac, c’est bien ça ? On s’est croisée quelques fois », répondit-elle. Ce n’était pas un mensonge, elles s’étaient effectivement croisées à plusieurs reprises. Et elles avaient longuement parlé de leur attirance pour Emrys mais ça, elle ne pouvait pas le dire. « Tu as bon goût, elle est très jolie », déclara-t-elle soudainement en relevant la tête vers son ami. Elle était mal à l’aise mais elle espérait qu’il ne remarquerait rien. La culpabilité, la jalousie et le désir ne faisaient visiblement pas bon ménage. Sa tête n’allait pas tarder à exploser, à force de retourner cette situation dans tous les sens pour chercher un moyen de s’en sortir. Elle avait envie de pleurer, de hurler, de casser quelque chose, n’importe quoi qui pourrait l’aider à se libérer de ces sentiments destructeurs qui ne faisaient qu’amplifier son désarroi. Impuissante, elle se mura alors dans le silence. Elle préférait ne rien dire du tout plutôt que de continuer cette conversation gênante au plus vite. Elle faisait mine d'être occupée à ranger des gobelets pour s'occuper, histoire qu'Emrys ne croit pas qu'elle faisait la tête. Ce n'était pas le cas, d'ailleurs. Mais elle n'avait pas envie de passer le reste de l'après-midi à le regarder sourire dès qu'il penserait à Pandore. C'était au-dessus de ses forces.

Rhys & Lee.
la vie est courte, mais les journées sont longues.

« Je n’espère pas, mais je suis un peu lassé de tout ça.. Je me dis qu’il faudrait peut-être que je sois un peu plus… ‘sérieux’ ? » Cette réplique fit sourire Emily. Elle réalisait à quel point sa vie était peu commune ; là où ses amis voulaient se ranger et vivre des histoires sérieuses, elle rêvait de se détacher de son mariage chaotique et imaginait ce qu'elle serait aujourd'hui si elle avait vécu une jeunesse dite normale, enchainant petits-amis et sorties. « Tu deviendras sérieux quand tu trouveras la bonne personne », dit-elle très sincèrement. Elle était persuadée qu'il reconnaîtrait la femme de sa vie quand elle se présenterait et qu'il se rangerait de lui-même, sans y penser. C'était souvent comme cela. On s'amusait jusqu'à trouver la bonne personne, celle que l'on aime suffisamment pour en oublier les autres. Il eut l'air surpris lorsqu'elle complimenta la beauté de Pandore mais elle ne lui en demanda pas plus. Elle voyait bien que parler si ouvertement de ses sentiments le gênait un peu et elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise. Surtout qu'il y avait un risque pour qu'il lui parle de Casey en retour et bizarrement, elle n'avait pas envie d'aborder le sujet. « Tiens, tu ne m’as jamais dit comment vous vous êtes rencontrés toi et Casey ? » Et voilà. Elle l'avait vu venir et pourtant, elle n'avait pas pris la moindre précaution pour éviter d'avoir cette discussion. Elle ne pouvait pas montrer qu'elle était mal à l'aise à l'idée de parler de sa rencontre avec Casey, même si c'était clairement le cas. Repenser à cela la rendait nostalgique parce que cela la renvoyait à l'époque où tout se passait bien entre eux, où il était le petit-ami idéal et où elle projetait de finir sa vie à ses côtés. Après deux ans de mariage, les choses n'étaient plus du tout les mêmes et elle se demandait pourquoi. Ses sentiments n'avaient pas vraiment changé, elle tenait toujours à lui, mais elle commençait à baisser les bras. « Par des amis communs, à une soirée. Je l'ai trouvé plutôt mignon, sympa, marrant... Parfait, quoi », répondit-elle, en souriant un peu. « On s'est tout de suite super bien entendu. On s'est revu quelques fois et puis... Voilà. Ça s'est fait naturellement - et ça a été très vite », ajouta-t-elle. Trop vite, peut-être. Ils auraient peut-être dû attendre quelques années avant de se marier. Mais ils étaient jeunes et aveuglés par l'amour, ils n'avaient pas réfléchi et ce qui leur semblait être une excellente idée n'était en réalité qu'une énorme connerie. « On aurait peut-être mieux fait de réfléchir avant de nous précipiter, d'ailleurs » Elle avait murmuré d'une voix à peine audible, plus pour elle-même qu'autre chose. Elle ne voulait pas parler de ses problèmes de couple, préférant qu'ils ne passent pas la porte de son petit appartement. Mais parfois, c'était plus fort qu'elle. Elle lâchait une petite phrase, par-ci, par-là, qui laissait entendre que sa vie de couple n'était pas si idyllique qu'elle le paraissait. Fort heureusement, quelques clients pénétrèrent dans le café, ce qui ne laissa pas le temps à Emrys de répondre. Elle ignorait s'il avait entendu sa dernière réplique mais elle préférait penser que ce n'était pas le cas, histoire de ne pas se torturer l'esprit inutilement. « Le devoir nous appelle... Au boulot, camarade ! », sourit-elle avant d'accorder son attention aux clients. Avec un peu de chance, ils s'enchaineraient les uns après les autres et ne leur laisseraient pas le temps de terminer cette conversation gênante.