On croit que c'était pire mais parfois une personne arrange les choses (pv Noah Rutkowski) TERMINE

Cela faisait maintenant une semaine que j'avais emménagé dans mon nouvel appartement. Les premiers jours, je devais l'avouer, la sensation de me retrouver seul avait été déstabilisante. La dernière fois que j'avais habité dans un appartement sans avoir le moindre colocataire datait de mes dix-huit ans, et cela avait duré trois ans. Par la suite, j'avais décidé de m'installer dans une colocation, puis j'avais encore changé d'appartements lorsque je m'étais mis en couple. Donc être à nouveau seul, vivre selon mes propres règles, faire ce que je voulais sans avoir le moindre regard accusateur et ne pas avoir à supporter les agissements irritants de qui que ce soit, avait nécessité un temps d'adaptation. Je trouvais le temps surtout long le week-end toutefois, la semaine mon travail m'occupant bien. Mais l'essentiel demeurait que plus ça allait, plus j'appréciais le nouveau rythme de vie que je possédais.

Ce matin, mon chaton s'était faufilé alors que quittais mon appartement pour aller travailler. Je n'avais pas fait en sorte de le rattraper, sachant que mon animal ne traînait pas dehors pour la première fois, que rien de fâchant de s'était passé lors de ses expéditions à l'extérieur, et que le quartier était tranquille. Je ne craignais pas que la petite se fasse écraser par une voiture ou autre. Et j'eus bien raison de ne pas me tracasser cette journée, car le soir en rentrant à nouveau chez moi, j'entendais les miaulements de Rosie s'approcher vivement de ma personne pour qu'elle retrouve notre chez nous. J'attrapais le chaton et la calais dans mes bras, le temps de passer la porte. Je me dirigeais vers mon lieu de résidence, mais me stoppais lorsque je remarquais une silhouette assise à même le sol me saluer. Je souris doucement à la jeune femme, dont le chemisier était taché de café et qui semblait plutôt désemparée. « Bonjour. » Je n'osais pas vraiment lui demander comment elle se portait, bien qu'elle avait l'air sympathique. Après quelques secondes d'hésitation, Rosie ronronnant contre moi, je finis par interroger : « Est-ce que je peux t'aider ? »

J'écoutais avec attention le récit de la jeune femme. De toute évidence, elle avait passé une très mauvaise journée, et avait enchaîné les mésaventures ainsi que fait preuve de beaucoup de malchance. Il y a vraiment de ces jours, où tout semble vouloir tourner contre nous. Je souris l'air désolé, commentant avec compassion : « En effet, ça semble être une journée à rester couchée. » Je lui souris doucement, tandis qu'elle m'annonça qu'elle pouvait très bien prendre son mal en patience et attendre sa colocataire. Je jetais un coup d’œil à la porte de l'appartement puis attirais à nouveau mon attention sur la jeune femme. Je trouvais ça plutôt triste, qu'elle ait à patienter assise à même le sol pendant Dieu savait combien de temps car elle avait simplement oublié ses clefs. Je lui proposais ainsi : « Je n'ai peut-être pas de machine à remonter le temps, mais j'ai une machine à laver si tu veux tenter de sauver ton chemisier ? Et tu peux attendre ton amie chez moi, j'habite juste en face, tu l'entendras certainement rentrer. » Je sentais Rosie se mouvoir entre mes bras et finir par s'en dérober, pour sauter sur le plancher et s'approcher nerveusement de Haley. « Promis, je ne suis pas un tueur en série. D'ailleurs, j'ai même un téléphone. Si tu as le numéro de ton amie, je peux te le prêter pour que tu l'appelles. » annonçais-je doucement, avant de rattraper mon chaton, puis de répondre à sa question quant à mon animal de compagnie : « C'est fort possible, oui. Depuis qu'elle est sortie une fois, elle veut toujours partir à l'aventure. Une vraie rôdeuse. » Je farfouillais dans la poche de mon pantalon avant d'en sortir un trousseau de clefs. « Qu'est-ce que tu penses de mon offre ? » questionnais-je, tout en me retournant pour déverrouiller la porte de mon propre appartement.

Tandis que ma clef déverrouillait la porte menant à mon appartement, j'entendais la jeune femme accepter mon invitation et se lever, récoltant ses affaires sur le sol. Je ne pus m'empêcher de penser que son sac paraissait lourd, ce qui me propulsait quelques années en arrière à l'époque où j'étais encore étudiant. Ce ne me manquait pas trop, étrangement, bien que ces années avaient été plutôt faciles et agréables, en comparaison avec celles du monde professionnel. « Après toi dans ce cas. » l'invitai-je à l'intérieur de mon lieu de résidence, tout en souriant. Mon interlocutrice pénétra l'appartement, et je m'amusais de la voir analyser les lieux. Sans doute que tous les appartements devaient se ressembler dans cet immeuble, à part peut-être l'agencement et la disposition du mobilier ou des différentes pièces. Je relâchais Rosie qui se précipitait vers sa gamelle, manifestement n'ayant pas trouvé de rongeur à grignoter dans le quartier.

Je laissais la porte se refermer derrière moi et déposais mon manteau dans mon placard. « Tu veux que je pende ta veste ? Tu peux poser ton sac par là si tu veux, ne t'en fais pas, Rosie n'y touchera pas. » lui proposais-je, par habitude. Puis, je répondis à sa question : « Non, seulement un peu plus d'une semaine. Mais je suis de Bowen à la base. » Je lui offris un sourire, avant de m'orienter vers la toute petite pièce qui me servait de buanderie. « Alors si tu veux il y a la machine à laver ici. Et... » Je me penchais pour attraper un flacon de détergent. « Et la recette miracle de ma mère pour enlever les tâches. Je te jure, j'en ai sauvé des chemises grâce à ça. » Je ris doucement, lui déposant le matériel sur une petite table à côté d'elle. « Attends, je reviens. » Je disparaissais derrière une autre porte, avant de revenir avec un t-shirt noir. « Il est un peu trop petit pour moi. Si tu veux te changer, je peux te le prêter. » Je déposais le t-shirt à côté du détergent, avant de me rappeler : « Oh ! Et mon téléphone, si tu veux appeler ton amie. » Je lui tendais l'appareil après l'avoir extirpé d'une de mes poches, me rendant compte que je devais peut-être un peu bousculer la nouvelle arrivée. Surtout que je venais de me rendre compte qu'elle ignorait ne serait-ce que mon prénom. « En fait, je m'appelle Noah. » finis-je par me présenter.

Je me posais un peu, me rendant compte que j'avais peut-être l'air un peu hyperactif aux yeux de la jeune femme depuis que nous avions franchi la porte de mon appartement. Il faut dire que lorsqu'il s'agissait de venir en aide à quelqu'un, j'étais comme ma mère : je déployais les moyens à disposition et agissais plutôt rapidement. Je me doutais que Haley n'avait pas spécialement toute la journée non plus, et que la situation dans laquelle elle vivait présentement n'avait rien de plaisant. Sa colocataire n'était pas disponible, elle avait passé une très mauvaise journée et elle campait dans le couloir de l'immeuble avant que je ne la croise.

« C'est normal ! » répondis-je lorsqu'elle m'affirma que c'était très gentil ce que je faisais pour elle tout en me remerciant. Je me contentais d'agir comme j'aimerai que quelqu'un agisse envers moi si je me retrouvais dans les mêmes circonstances que Haley. Je l'observais composer le numéro de son amie, bien que selon elle il y ait des chances pour qu'elle ne réponde pas, ce qui fut malheureusement le cas. Je récupérais mon téléphone, répliquant : « C'est pas grave, tu pourras réessayer plus tard si tu veux. » Je souris doucement lorsqu'elle annonça qu'elle mettrait à l'épreuve la solution de ma mère et disparaissais dans le salon question de lui laisser l'intimité nécessaire pour qu'elle se change. « Je serai dans le salon, si t'as besoin d'aide. » précisais-je toutefois. Je l'entendais mettre en route la machine à laver quelques minutes plus tard, puis le son de sa voix résonner à nouveau : « Je suis urbaniste. Je travaille dans tout ce qui est amélioration des logements et leur accessibilité pour les personnes à faibles ressources etc. » C'était un court résumé de mes tâches, mais je craignais l'ennuyer si je rentrais dans les détails. « Et toi ? Tu es étudiante ? » J'avais remarqué son sac qui avait l'air plutôt lourd. Lorsqu'elle revint dans le salon, je souris doucement en voyant mon t-shirt sur elle, avant de lui proposer : « Est-ce que tu veux boire quelque chose ? »

Je tentais de lui expliquer succinctement mon rôle dans le monde professionnel, avant de lui demander si elle était infirmière. Manifestement, j'avais de bonnes qualités de déduction pour une fois car elle acquiesça, m'informant qu'elle étudiait l'histoire et désirait décrocher sa licence. Elle ajouta également qu'un professeur lui avait proposé un stage, bien qu'elle n'était pas certaine d'avoir le caractère pour tenir une classe professionnellement. Je souris doucement, me disant que si un de ses enseignants lui avait fait cette proposition, c'est qu'il devait déceler en Haley quelque chose d'intéressant. « Ce qui est bien, c'est que ça te donne un aperçu du métier tout en t'engageant à rien. » déclarais-je, avant de me diriger vers mon réfrigérateur pour lui servir une boisson. « Alors, j'ai : jus d'orange, eau et bières au frais. Quelque chose te dit ? » J'écoutais Haley me dire qu'elle aidait également son ami dans la réalisation de son film, ce que je trouvais plutôt impressionnant. « Ça a l'air super ! C'est un film sur quoi ? » Je revenais dans le salon avec les rafraîchissements, prononçant : « Tu dois être douée en Histoire, pour déjà recevoir autant d'opportunités. » Je m'installais sur le canapé en face d'elle, Rosie cherchant déjà à adopter Haley. Je veillais la scène entre la jeune femme et le chaton, avant de répondre sur le fait que je vivais seul dans cet appartement. C'était idiot, mais j'avais appris à juger les gens à comment ils se comportent avec les êtres que l'on peut considérer inférieurs à eux. Un animal, par exemple. Et je faisais aussi confiance à Rosie, pour me dire qui était une bonne personne ou pas. Apparemment, Haley faisait partie de la bonne catégorie d'individus, contrairement à mon ex, que mon chaton ne pouvait pas voir, bien qu'à la base Rosie était à elle. « Je vis seul. » annonçais-je. « Mon ex et moi nous nous sommes séparés il y a environ un mois maintenant. » C'était encore frais, et à chaque jour qui se déroulait sans elle dans ma vie, j'avais l'impression de respirer encore mieux. Chaque matin sans elle débutait par une vraie bouffée d'oxygène.

J'écoutais avec grand intérêt Haley me raconter le synopsis du film auquel elle contribuait, tout en m'avouant qu'elle avait des origines amérindiennes et que son implication à ce projet permettait de gommer tous les clichés qui collaient malheureusement à la peau de ces derniers. J'acquiesçais doucement « Je comprends ce que tu veux dire. En tout cas, il a l'air intéressant, comme film. » Sauf peut-être pour la partie amoureuse. J'étais dans une période où l'amour me révoltait un peu, mais cela, ce n'était que personnel et éphémère, alors en faire part à Haley ne vaudrait rien. Après lui avoir déposé un jus d'orange sur la table basse en face d'elle, je lui annonçais : « Attends, je reviens. » Deux minutes plus tard, je réapparaissais dans le salon avec une pile de livres en mains. « Je dévore les livres dans mon temps libre, ce qui fait sans doute de moi un type bizarre, je le conçois. » Je posais les livres sur la table entre son verre et ma bière, ils avaient tous un thème en commun : les amérindiens. Il y avait des biographies, des romans, des fictions, des rapports d'expéditions. Un peu pour tous les goûts. « J'ai toujours trouvé les amérindiens super intéressants. Du coup, j'ai lu un peu sur eux. » Un peu était un euphémisme pour le coup, surtout que cette pile n'était pas exhaustive. « Tu sais de quelle tribu viennent tes ancêtres ? » questionnais-je par la suite, curieux.

Puis je lui expliquais que je vivais seul dans cet appartement - si ce n'était pour la compagnie de Rosie. D'ailleurs, cette dernière semblait apprécier de plus en plus Haley, à mesure des minutes qui défilaient. A son attitude décontractée et ses ronronnements, j'étais persuadé que bientôt le chaton dormirait à poings fermés sur cette humaine qu'elle venait d'adopter. En un vrai temps record, d'ailleurs. Je me confondais toutefois lorsque je vis que mes aveux mirent Haley mal à l'aise. « Oh, non, ne t'en fais pas ! » assurais-je aussitôt. « Je suis plus heureux sans elle, pour être honnête avec toi. Et puis je ne suis pas si seul que ça. » Je lançais un regard à Rosie, avant de confier : « Et si je peux me permettre, je préfère nettement quelqu'un qui me pose ses questions directement, qu'une personne qui essayera de trouver des informations sur moi à gauche à droite. Hé, il y a rien de mieux que la source primaire. » Je lui offris un sourire amical. « Donc du coup, tu es à Bowen pour tes études, c'est ça ? » L'université d'ici n'était pas toujours le premier choix pour les étudiants, mais il était vrai qu'elle proposait des cours très intéressants que d'autres universités ne dispensaient pas.

J'observais Haley feuilleter quelques uns des livres que j'avais apporté dans le salon, l'air intéressé. Elle me répondit que l'université de Bowen possédait un pôle histoire qui l'avait attiré dans cette ville, ce que je pouvais aisément comprendre. J'acquiesçai doucement, avant de prendre un air agréablement surpris lorsque la jeune femme m'avoua qu'elle ne pensait pas trouver quelqu'un qui semblait lire autant qu'elle. « Moi non plus, pour le coup. » Je me demandais si son amour pour la lecture allait jusqu'au même point que le mien : où mes placards contenaient quasiment plus de livres que de vêtements. Elle m'annonça qu'elle faisait partie des Arapahos et je fronçais doucement les sourcils, récoltant dans ma mémoire les informations que j'avais pu emmagasiner dans mes lectures quant à cette tribu. « Je vois... Les quatre là en parlent pour sûr. » Je démontrais quatre ouvrages, et l'entendis m'interroger sur mon intérêt quant aux amérindiens et éventuellement le chamanisme. « En fait, j'ai lu sur eux pour la première fois quand je devais avoir huit ans, et le sujet m'a tout de suite interpellé. J'ai voulu en apprendre plus, et j'ai découvert qu'il y avait énormément à apprendre... D'où la quantité de livres, et encore, ils ne sont pas tous là. » Je ris doucement. J'étais étranger à cette culture, je n'avais ni origine ni éducation leur appartenant. Alors j'avais comblé ma curiosité par les écrits. « Quant au chamanisme, c'est pareil. J'ai lu dessus, forcément, mais après je n'ai pas été plus loin. » Je savais que des personnes joignaient des chamans et faisaient des réunions, mais je ne m'étais jamais rendu jusque là. « Tu le pratiques ? » interrogeais-je par la suite, avide d'en connaître plus sur le sujet, surtout que Haley était extrêmement bien placée. Lorsqu'elle me montra la photo d'une des historiennes qui avait écrit un des livres et commenta qu'elle espérait vieillir mieux, je ris avec elle. « Je pense que tu n'as pas de souci à te faire. » assurais-je, avant d'expliciter, ne voulant pas passer pour un homme qui offre des compliments gratuits : « Vous ne mènerez pas la même vie, n'étant pas de la même génération. Alors ta beauté sera plus facilement préservée. » Je lui souris doucement, puis ajoutai : « A moins que tu comptes partir à l'aventure. » Je fronçais les sourcils, repensant à une de ses réponses. « Alors tu es de Denver ? Ça fait combien de temps que tu es à Bowen ? Parce que je ne sais pas si tu en as déjà entendu parler, mais au mois de novembre, chaque année, il y a une bouquinade qui a lieu, et c'est la meilleure pour trouver ce genre de trésors. En plus, les livres ne sont pas du tout chers, vu que c'est pour une oeuvre caritative. »