It's been a while. 7 years or something like that ? (Ruby)

Ces derniers mois je me sentais tendu, et je dois bien admettre que je ne savais pas trop combien j’allais pouvoir tenir à vivre à un rythme aussi effréné. Je dois admettre que le temps faisait son œuvre et qu’à force de bruler la chandelle par les deux bouts la fatigue allait finir par avoir ma peau. Fallait que je pense à me poser, m’économiser.  Évidemment étant le bourreau de travail que je suis, il m’était difficile de me plier à une telle requête pourtant je savais, dans mon for intérieur, que je ne pouvais que foncer droit dans le mur si je persistais dans cette voie.

Histoire de me changer les idées, et évidemment de profiter la fraicheur que pouvais procurer les nuits de Bowen à ce temps ci de l’année, j’avais décidé de sortir de chez moi et de marcher en direction de la plage. L’endroit se voulait calme, fort peu fréquenté, pour moi c’était tout simplement l’idéal puisque je n’avais pas forcément envie de tomber sur des gens que je connaissais et devoir me justifier.

Vêtu d’un short et d’un t-shirt j’avais retiré mes sandales, afin de marcher pieds nus dans le sable, et c’est alors que je vis au loin une autre personne déambuler le long du littoral. De toute évidence je n’avais pas été la seule personne à avoir l’idée de venir me délier les jambes par ici. Étant quelqu’un de discret je n’avais pas jugé pertinent de l’importuner je l’avais donc laissée poursuivre sa route puis, alors que je m’étais retourné afin de regarder le contenu de cette notification apparaissant sur mon téléphone, je remarquai qu’elle venait d’échapper un truc. Elle était rendue trop éloignée pour que je hurle après elle, puis j’aurais eu l’air d’un sacré con, je préférai donc m’approcher et récupérer ce qu’elle venait de laisser malencontreusement tomber afin d’accélérer le pas et aller le lui porter.

« Je pense que ceci vous appartient. » Lui dis-je alors que je lui tendais ce qui semblait être les clés de sa résidence, du moins c’était la conclusion à laquelle j’en étais venue.

Luke s’était couché tôt, épuisé de sa première journée à l’école. Ce n’était pas simple d’intégrer une nouvelle classe en plein milieu d’année. Ruby était à l’écoute de chaque préoccupation de son fils et ce soir il avait juste demandé d’aller se coucher. Assurée qu’il dormait profondément, Ruby aurait pu choisir de boire un verre de vin devant un bon film. Mais elle avait besoin d’autre chose. Heureusement d’avoir loué un appartement au pied de l’océan, elle fermait la porte pour assurer la sécurité de son fils et partait en direction de la plage. Luke savait où trouver sa mère, il lui suffirait d’allumer la lumière du salon pour alerter la brune. C’était leur petit signe. Bowen était la ville de son cœur. Chaque endroit lui rappelait un doux souvenirs et pourtant elle n’arrivait pas à retrouver le même sourire. Un an qu’Antoni était décédé et le deuil était dur. Ils n’étaient pas une famille traditionnelle, mais elle avait perdu son mari et son ami. Luke aussi ressentait ce manque, surtout qu’il avait perdu une figure paternelle.

Marchant sur la plage, elle faisait quelques allers-retours pour ne pas trop s’éloigner de l’appartement si son fils se réveillait. L’air frais était agréable et ça permettait à Ruby de profiter de l’air marin dont elle avait manqué ces sept dernières années. Queenstown était une adorable petite ville très touristique, avec un lac magnifique mais l’air iodé manquait à l’appel. Elle fut perturbé dans ses pensées par une alerte sur son téléphone. En prenant l’appareil, ses clés tombaient au sol mais Ruby continuait son chemin ne remarquant pas l’objet laissé derrière elle. Roméo lui envoyait un message, Ruby souriait, mais ce soir elle avait la tête à autre chose. Elle sursautait quand un homme sortit de nulle part lui tendait ses clés. « Oh mais oui ! » Répondait-elle surprise. « Merci beaucoup ! » Elle levait la tête pour sourire à son sauver. « Hé mais je vous connais. » Ruby fronçait les sourcils parce que cet homme lui disait clairement quelque chose.

Jamais je n’aurais pu me résoudre à passer mon chemin lorsque je vis cette demoiselle échapper ses clés, j’aurais eu l’impression de manquer de courtoisie et de civisme si je m’étais permis d’adopter un tel comportement qui allait à l’encontre de mes valeurs les plus profondément ancrées. Lorsqu’elle me remercia pour mon geste j’avais préféré me montrer humble. « Ce n’est que deux fois rien, la moindre des choses tout simplement. » Puis lorsqu’elle leva les yeux en ma direction j’eus cette folle impression de déjà vu, comme si nous nous étions déjà rencontrés auparavant mais je n’arrivais pas à déterminer précisément d’où et comment nous pouvions nous avoir croisés dans le passé. « Je dois admettre que votre visage, votre regard, ne m’est pas totalement inconnu mais je ne saurais dire précisément d’où nous nous connaissons. J’en suis sincèrement désolé. » Je rencontre tellement de gens dans une journée qu’il est normal que certaines rencontres soient plus marquantes que d’autres. Puis la regardant, tout en continuant de réfléchir sur les circonstances qui nous auraient emmené à se croiser la toute première fois, je me permis de prendre une chance quitte à prendre le risque de faire fausse route. « Peut-être en Nouvelle-Zélande. Plus j’y réfléchis plus je suis d’avis que c’est en Nouvelle-Zélande que nous nous sommes croisés mais bon je peux me tromper, je n’en suis pas certain à 100%. »

Il lui arrivait tellement de fois à Ruby de perdre ses clés ou son portable. Elle était plutôt maladroit sauf quand il s’agissait de son travail. Dans ces moments-là, elle était très concentrée, prenant soin de blesser ses patientes. Mais ce soir, sur cette plage, elle n’avait pas fait attention. Heureusement qu’il y avait encore des personnes bienveillantes. Elle aurait continuer son chemin et n’aurait jamais retrouvé ses clés, l’océan aurait pu les emporter avec lui. « Tout le monde ne l’aurait pas fait. » Répondait la gynécologue avec un sourire. Il faisait sombre et pourtant elle avait l’impression d’avoir déjà vu cet homme quelque part. Sauf qu’elle était incapable de s’en souvenir. Peut-être qu’elle l’avait simplement croisé dans la rue et son cerveau l’avait enregistré. Il la rassurait un peu, elle n’était pas la seule à avoir cette impression. « Oh ne vous excusez pas. J’ai l’impression qu’on se connait, mais je ne sais pas d’où. » Elle venait à peine de revenir sur Bowen, ça ne pouvait pas être là qu’elle l’avait rencontré. Il parlait ensuite de la Nouvelle-Zélande. Et là Ruby se souvenait. Elle venait d’arriver à Queenstown, enceinte de plusieurs mois, elle avait dû mal à s’ne sortir. Alors qu’elle voulait attraper un paquet de pâte, elle avait failli se retrouver enseveli pour le rayon. Heureusement que cet homme en face d’elle l’avait aidé. « Oooh mais si ! Vous êtes celui qui m’a sauvé la vie, à Queenstown ! » Cette homme l’avait juste aidé, remise sur pied. Il lui avait posé deux questions avant de partir laissant Ruby déçue de ne pas l’avoir remercié à sa juste valeur.