everybody makes mistakes, everybody has those days (aïnhoa)

Je me retrouvais là, mon verre entre les mains en train de discuter avec Aïnhoa. On s’est rencontré il y a pas très longtemps. Ça faisait un moment que je voulais lancer un podcast féministe mais je n’avais pas envie d’elle seule, il me fallait des invitées et des personnes qui soient là régulièrement. J’ai passé une petite annonce pour trouver des personnes qui soient sur Bowen pour que ce soit plus simple d’enregistrer. Je n’ai pas de matériel mais je me suis dit qu’on pourrait bien trouver quelqu’un pour nous dépanner. Je me disais qu’Elmo avec son groupe devait bien avoir quelques micros potables. C’était un premier test. Parmi les personnes qui m’avaient répondu, il y a eu Aïnhoa. On a enregistré un épisode ensemble et j’en ai enregistré un autre avec d’autres personnes. Les deux se sont super bien passés et je suis hyper contente du résultat. Pour l’instant ils ne sont pas encore sortis, il faut encore faire du montage et tous les graphismes des miniatures et l’identité visuelle du podcast mais bon c’est un bon début. Il y a quelques jours elle m’a proposé de passer la voir pour discuter, en dehors du podcast. J’aime bien échanger avec des personnes qui ont les mêmes combats que moi, en général on s’apprend toujours des choses et puis, elle a l’air sympa alors je me suis dit que ça pourrait être l’occasion de la connaître en dehors de ses luttes féministes. Et c’est ainsi que je me suis retrouvée assise dans son canapé, enfin je suppose que c’est le sien, entourée d’instruments dans un studio de musique. « J’y pense, j’t’ai même pas demandé ton insta en fait ! » Je venais de réaliser qu’on s’était parlé directement par message, du coup je ne sais même pas à quoi ressemble son insta, je suis sûre qu’il doit un peu ressembler au mien.

Aïnhoa avait été enchantée de trouver chaussure à son pied, c'est-à-dire une jeune femme engagée qui comme elle, avait envie de se faire entendre et de dire les choses vraies, les choses importantes. Et de les diffuser. Une sœur d'armes, quoi, en somme. Elles ne se connaissaient pas encore bien, mais ça avait tout de suite matché avec Vega. Elles avaient les mêmes idées, le même franc-parler, la même révolte qui animait leur feu intérieur, le même poing levé. C'était sans hésiter que la Belgo-Sénégalaise avait contacté la jeune femme suite à son annonce pour un podcast. Ce n'était pas un domaine qu'elle maîtrisait totalement, en tout cas, ce n'était pas ça qu'elle faisait de sa vie, mais elle aimait beaucoup ce format et elle le voyait comme une super opportunité, en plus d'être un chouette moment avec une ou plusieurs autres personnes. C'était intéressant, enrichissant et plein d'échanges. Le podcast qu'elle avait fait avec Vega avait aussi pris la forme d'un safe space durant cette heure ensemble, c'était cette bulle caractéristique où des minorités pouvaient se retrouver sans devoir marcher sur des œufs, sans non-dits et sans barrières, où les choses pouvaient se dire et se comprendre. Outre le fait d'être intéressant et important, ça avait été un moment qui lui avait fait du bien, à Aïnhoa. Quelques temps plus tard, voilà qu'elle se retrouvait à inviter Vega au studio, celui dont Judas lui avait passé les clés pour qu'elle puisse enregistrer ses raps quand elle le souhaitait, en empruntant tout le matériel à disposition. C'était pas son meilleur ami pour rien, lui. Une fois la joie de ce cadeau passé, et du confort et plaisir de pouvoir enregistrer des sons comme et quand elle le souhaitait, Aino avait aussi pensé aux autres utilisations de ce studio. Ni une ni deux, elle avait envoyé un message à la podcasteuse. L'endroit était parfait si elle souhaitait enregistrer d'autres épisodes avec elle à l'avenir. Elle lui aurait même bien proposé de le faire pour tous les autres, mais elles ne se connaissaient pas encore vraiment assez pour qu'Aïnhoa se sente de faire une telle offre, et puis ça restait le studio de Judas, surtout, elle se serait sentie mal d'en offrir l'utilisation à une autre personne, même avec son accord. « Alors, t'en penses quoi ? » demanda la brune en désignant d'un signe de tête tout ce qui entourait les deux jeunes femmes, un air enthousiaste sur le visage, et un peur fier aussi. Elle était fière de Judas, fière qu'il lui laisse la possibilité de venir ici comme chez elle, et fière de pouvoir exploiter toutes les possibilités de cet endroit. « Oh ouais, bonne idée ! Moi c'est @angrywitch, tu m'ajoutes ? » acquiesça la couturière en sortant son téléphone et ouvrant l'application.

J’étais contente de pouvoir connaître un peu plus Aïnhoa. On avait déjà bien parlé en écoutant le podcast mais ça tournait surtout autour du féminisme et de nos expériences en temps que femmes. C’était très intéressant mais ça ne nous représente pas entièrement, nous ne sommes pas composé à 100 % de féminisme, contrairement à ce que certains pourraient penser. J’aime défendre mes idées, je passe une bonne partie de mon temps libre à faire du bénévolat pour différentes associations ou à me renseigner sur le militantisme. J’ai beau participer à toutes les manifs du coin, je ne sais pas tout sur tout et c’est toujours intéressant de découvrir de nouvelles idées, de nouveaux points de vue pour faire un peu évoluer le sien ou le confronter. Mais je fais d’autres choses en dehors de ça, je sors, je bosse, je passe du temps avec mes amis, je regarde des séries à la con sur Netflix. Et c’est tout cette partie en dehors du militantisme que j’ai envie de découvrir chez Aïnhoa. Du coup lorsqu’elle m’a invitée pour qu’on discute, boit un verre, bref qu’on se voit, j’ai pas mis longtemps à dire oui. Elle me demande ce que je pense du studio d’enregistrement où elle m’a donné rendez-vous. C’est vrai que je ne m’attendais pas forcément à ça quand elle m’a invité, c’est plutôt original comme lieu. Mais à part ça je n’y connais pas grand-chose en musique et même en podcast d’ailleurs, j’improvise pas mal et je me débrouille comme je peux pour la matériel. Donc oui je ne vais pas être le genre à s’exclamer : wouah un micro [insérer ici une référence très précise], incroyable ! Ils sont bien mieux que [insérer ici une autre référence très précise]. Non, je ne vais pas dire ça. « C’est plutôt cool ! Et le canapé est confortable ! Ça doit être sympa d’enregistrer ici. » Je lui dis avec un sourire en espérant qu’elle me prenne pas pour une grosse débile. Je lui demande ensuite son insta pour que je l’ajoute. J’ouvre mon appli pour aller sur son profil et je scrolle quelques secondes. Je peux m’empêcher de rire légèrement devant une image qu’elle a posté « Cette image là c’est mon fond d’écran ! » Je lui explique alors, lui montrant l’image qui indique : angry women will change the world. C’est un peu nous les angry women. J’appuie ensuite sur le bouton s’abonner et tourne à nouveau mon écran vers elle, me rapprochant un peu. « Moi c’est alphalyrae. » Mon feed est essentiellement constitué de photos de mes amis, quelques unes de moi et aussi des manifs auxquelles je participe. Je ne suis pas tant active que ça, je mets des story plus souvent, partageant des posts de comptes militants que je suis.

Aino était contente de pouvoir se poser ici, surtout avec une personne qui était, ou plutôt deviendrait sans doute une super bonne amie. Si la jeune maman pouvait parfois être difficile à vivre, de par son tempérament plutôt fort et ses réactions parfois plus piquantes que matures, elle restait quelqu’un d’agréable et qui aimait beaucoup la compagnie des gens. Elle s’était toujours sentie entourée, dans la vie, même si elle n’avait pas des tonnes d’amis proches. Elle savait qu’il y avait des personnes infaillibles dans sa vie, qui savaient tout d’elle, et sur qui elle pourrait toujours compter. Et c’était réciproque. Ce soir en tout cas, elle était contente de pouvoir faire plus ample connaissance avec Vega, qui lui avait montré un esprit et une force de caractère qui lui plaisait beaucoup. Elle en était même admirative, quelque part. « Je pense que c’est l’élément majeur de la pièce. » rit Aïnhoa alors qu’elles s’installaient justement sur le canapé. « En fait, c’est le studio de mon meilleur pote, qui fait de la musique. Mais il connait beaucoup mieux que moi l’utilisation de tout ça, disons que j’ai juste les bases pour enregistrer quelques sons. » avoua la couturière avec un air humble. Certes, ce n’était pas la première fois qu’elle mettait les pieds dans un studio, mais elle n’était pas vraiment une grande habituée non plus. Elle n’avait enregistré que quelques fois, principalement avec Judas, et plutôt pour le fun. Elle se produisait parfois en petit comité, balançait quelques textes de slam ou chantait un rap devant des amis, ou lors de petits événements. Mais ça s’arrêtait là. Elle aimait se faire entendre, dire ce qui lui tenait à cœur et ce qui lui prenait les tripes. Elle aimait partager ça au monde et à qui voulait bien l’entendre, mais elle n’en vivait pas, ce n’était pas son but. Vega lui demanda son insta, et les deux filles sortirent leur téléphone pour partager leur feed. « Ah top, oui je vois, je t’ajoute ! » lança-t-elle en cliquant sur le bouton follow. « Les grands esprits se rencontrent ! » rit à son tour Aïnhoa, tout aussi amusée de voir qu’elles partageaient visiblement le même contenu, en partie. Elles parcouraient les photos de l’une et puis de l’autre, papotant des comptes qu’elles suivaient, et sans grand surprise, en avaient pas mal en commun. « Tu veux une bière, au fait ? » demanda la brune au visage tacheté, se rappelant soudainement qu’elle avait quand même proposé de boire un verre.

La musique j’en écoute mais je ne suis pas une grande fan qui sait décomposer les morceaux, analyser les textes et tous ces trucs là. Non, j’écoute un peu les paroles, forcément, mais je me contente souvent de mon feeling, si la chanson me plaît ou pas, sans vraiment plus y réfléchir. Donc forcément, je n’ai pas vraiment idée d’à quoi ressemble un studio ni à quoi sert tous les trucs que je peux voir autour de moi. Et ce n’est pas comme si j’allais y mettre les pieds un jour pour enregistrer quoi que ce soit. Je ne joue d’aucun instrument et je ne chante pas très bien. C’est plutôt Elmo et son groupe qui devraient enregistrer quelque chose, je suis sûre que leur album fonctionnerait hyper bien. Mais bon c’est du boulot de faire ça donc j’imagine qu’ils sont un peu tous trop occupés pour se lancer. Aino m’explique que c’est le studio de son meilleur ami, qui lui fait de la musique et donc sait à quoi servent tous ces trucs mais qu’elle, elle est un peu comme moi, elle n’y connaît pas non plus grand-chose. Enfin un peu plus que moi quand même, j’imagine, si elle sait comment enregistrer un son. « Tu joues ou tu chantes ? » Je lui demande alors, intéressée par son côté artistique. On parle ensuite de nos instagram respectifs, qu’on échange au passage. Si nos profils sont différents, on peut quand même voir qu’il y a quelques thèmes qui se rejoignent et ça ne m’étonne pas trop. On suit aussi des comptes en communs,, que ce soit des gens de Bowen qu’on doit connaître toutes les deux ou des comptes militants. Je lui montre mon fond d’écran qui est aussi une photo qu’elle a partagé sur son insta et on rit toutes les deux devant la coïncidence. Enfin coïncidence, pas vraiment sûre, on a juste des choses en commun et ça me plaît bien. Elle me propose de boire une bière, ce n’est pas forcément ma boisson préférée mais une fois de temps en temps, ça passe. « Oui pourquoi pas ! » Je lui dis avec un sourire. « En tout cas c’était cool d’enregistrer l’émission avec toi. Si jamais tu veux revenir un jour tu es la bienvenue. » Pour l’instant je n’ai encore sortie aucun épisode parce que le montage des deux premiers que l’on a enregistré, un avec elle et l’autre avec d’autres, me prend pas mal de temps. C’est un peu comme la musique, j’y connais pas grand-chose alors ça me prend du temps pour avancer, le temps de tout apprendre.

Aïnhoa expliquait rapidement à la brune que le studio était l’endroit que son meilleur ami lui prêtait, enfin, il lui en avait plutôt donné l’accès illimité, ce qui était vraiment cool de sa part. Elle était fière de lui aussi, d’avoir acquis ce studio. C’était un grand pas dans ses projets. Et ça aidait aussi Aino dans les siens, enfin en tout cas, ça lui apportait un certain confort pour quand elle avait envie de poser des mots ailleurs que dans sa tête. « Je slam. » répondit la métisse avec un sourire convaincu. Elle s’occupait surtout de coucher des paroles sur sa voix, en fait. Tantôt poème, tantôt chanson, souvent un mélange des deux, tout dépendant de comment ça devait sortir. Quand il s’agissait de ce qu’elle avait à dire, Aïnhoa se laissait porter par l’instinct, par l’émotion. Elle rappait, elle slammait ou elle criait, ce n’était pas vraiment elle qui décidait, c’était son corps, son cœur. « Je fais du rap aussi, ce qui est plutôt du chant, donc, mais c’est pas vraiment comme ça que je définis ce que je fais. » poursuivit la jeune maman pour être un peu plus claire. Si c’était vraiment clair. C’était autant une passion qu’une nécessité, le fait d’exprimer en poésie ce qu’elle pensait. Pas un boulot ni une performance. Juste un besoin, pour elle et pour la société, en tout cas selon elle. Après s’être échangé leurs comptes insta, la brune proposa une bière, ce que Vega accepta. « Déso, j’ai rien d’autre à proposer, j’crois que y a que ça. » fit-elle avec une petite moue, en revenant avec des pils. Au moins, elles étaient fraîches, sortant du mini-frigo. « À fond ! Moi je suis partante, quand tu veux, c’était vraiment cool. Je m’étais même dit, en fait, qu’on pouvait enregistrer avec le matos d’ici, si t’as envie. » répliqua Aino avec enthousiasme à l’idée de faire d’autres épisodes avec la jeune fille, puis désignant le studio d’un large geste.

J’étais curieuse de savoir ce que la jeune femme pouvait faire, question musique. De mon côté, ce n’est pas vraiment ma spécialité. Je ne chante pas très bien et je ne sais jouer d’aucun instrument. J’aime bien en écouter, aller voir le groupe d’Elmo en concert et surtout danser. Je suis plus dans le public que sur scène en somme. Aïnhoa m’explique qu’elle slame et qu’elle fait du rap. « Cool ! T’as déjà enregistré quelques trucs du coup ? Fin des choses que tu pourrais me faire écouter ? » Je lui demande avec un sourire. Je n’écoute pas du tout de slam, du rap un peu plus mais comme j’écoute pas mal de musiques pour danser, ce n’est pas vraiment le style le plus approprié. Même si certains sons sont plutôt entraînants. J’en écoute pour les paroles, certains artistes arrivent à me toucher et je me reconnais dans leurs paroles. J’en mets parfois sur mon trajet pour aller bosser. Après avoir échangé nos comptes Instagram, elle me propose une bière. Même si ce n’est pas forcément ce que je préfère, j’accepte parce qu’une fois de temps en temps, ça passe bien. Elle part en chercher deux, s’excusant de n’avoir rien d’autre à proposer. « T’inquiète pas, ça fera l’affaire. » Je lui dis en riant. J’ajoute que si jamais elle a envie qu’on enregistre un jour à nouvel épisode ensemble, je suis partante. Elle semble enthousiaste, ce qui me fait sourire, elle me propose même d’enregistrer avec le matériel du studio. « Oui, ça pourrait être top ! On aurait une super qualité de son. » Même si le matériel avec lequel nous avons enregistré n’est pas mauvais, il ne s’agit pas d’un studio professionnel. Et dans un podcast, la qualité du son est très importante puisqu’il n’y a pas d’images. « Je vais déjà m’occuper de l’épisode qu’on a enregistré avant d’en faire d’autres. » Parce que le boulot ne se termine pas à l’enregistrement et comme je découvre, je suis un peu lente. J’espère en tout cas que ce projet va continuer et que des gens s’y intéresseront.

Aino’ était touchée par l’intérêt de son interlocutrice envers sa musique. Elle savait que ses sons plaisaient, pas à tout le monde mais à du monde quand même, mais c’était sympa qu’on lui demande spontanément de faire écouter quelque chose. Et puis qu’on se le dise, c’était un petit boost pour l’ego qu’elle ne refusait pas. Aïnhoa ne prenait pas le micro pour se faire voir, bien sûr, l’important pour elle était avant tout que ses mots résonnent dans d’autres âmes et marquent des esprits. Mais ça faisait toujours plaisir quand même d’avoir son talent complimenté. « Pas énormément, mais oui, surtout depuis que mon pote à son studio ! » répondit avec enthousiasme la jolie brune. Elle enregistrait rarement, parce qu’elle croyait plus à la communication de ses textes directement à un public, de la bouche à l’oreille, d’un regard à un cœur. Elle avait envie de partager des mots en direct, de transmettre des émotions et des convictions, à une assemblée présente, dans un espace et un contexte concret. Mais c’était sympa aussi d’enregistrer, seule ou avec Judas, quand ils travaillaient parfois à deux sur des morceaux, comme ils l’avaient d’ailleurs fait récemment. « Oh, j’en ai une à te faire écouter, l’enregistrement est sur un des ordis ici si je me rappelle bien. » se rappela la métisse, son visage tacheté s’illuminant en repensant au premier rap qu’elle avait enregistré dans ce studio. Elle se rendit dans l’autre salle, avec les commandes de sons et les ordinateurs, pour retrouver rapidement son morceau (ici) et laisser les haut-parleurs du studio transmettre sa voix à Vega, revenant s’asseoir auprès d’elle. Ça lui faisait un peu bizarre, de faire écouter un de ses sons à quelqu’un en particulier, dans ce contexte plus intimiste. Elle le faisait avec April et Judas, parce que c’étaient ses meilleurs amis, ou bien face à un public plus large. C’était très différent. D’autant plus que cette chanson, comme tant d’autres, lui chamboulaient l’âme. Elle avait fait exprès de prendre la position de l’homme, dans ce texte, pour dénoncer avec force et rage la violence de ces tas de relations toxiques dominées par le patriarcat, et très peu condamnées par la société. Au sens large, au sens restreint, propre ou figuré. Il y avait tant d’interprétations possibles, et tant de revendications qui en découlaient. Le son de sa voix flottait en fond, feutré, alors que les deux filles ouvraient leurs bières et que Vega assurait que ça lui allait. « Oui hein ? C’est ce que je me suis dit aussi, franchement ça peut se faire sans problème, tu me dis quand t’as besoin et je book le studio. » sourit Aïnhoa, emballée par le fait que la brune le soit aussi. « Oui, j’imagine que ça doit prendre teeellement de temps en postprod’. » acquiesça-t-elle, bien consciente que le travail était loin d’être fini une fois les séquences enregistrées.

J’étais intéressée de découvrir un peu plus la musique d’Aïnhoa. J’imagine des paroles percutants qui ont du sens, pas des trucs vides comme on peut souvent en entendre. Enfin, les trucs légers, j’aime bien aussi. J’écoute souvent des chansons pop grands publics, le genre qui fait bouger et qui donne de la motivation, qui sont joyeuses. Mais des fois, écouter des sons un peu plus engagés, ça permet aussi de se booster et de s’encourager à faire des trucs pour bouger les choses. La jeune femme se lève et part dans la pièce d’à côté pour chercher un son à me faire écouter. Au bout de quelques secondes, de la musique sort des enceintes et j’entends les paroles de la jeune femme raisonner. J’essaie de me concentrer sur les paroles. C’est plus poétique, je trouve, que ce à quoi je me serai attendue mais j’aime bien, ça parle de sujets importants. J’ai tendance à parler trop directement, à ne pas passer par quatre chemins quand je dis les choses, je ne serais pas capable d’écrire des paroles comme elle, qui sont clairs sans être trop crus et trop directs. « C’est vraiment bien, j’aime beaucoup. » Je lui dis avec un sourire quand un bon bout du morceau est passé. Après je n’ai absolument aucune compétence en musique donc mon avis de profane ne doit pas trop compter pour elle par rapport à ce que de vraies personnes du milieu pourraient lui dire. En tout cas elle a un super cadre pour enregistrer, elle me propose d’ailleurs de me prêter le studio pour les podcasts, de temps à autre. « Au moins j’aurais pas à galérer pour trouver un milieu à chaque fois. » Oui parce que ce podcast se fait un peu avec les moyens du bord sinon. J’ai pas beaucoup de moyens à mettre dedans et la passion ne permet pas franchement d’acheter du matériel. Mais l’enregistrement n’est pas le seul problème, il y a aussi tout ce qui vient après et comme Aïnhoa le souligne, ça prend du temps, beaucoup de temps. « Oui, surtout que j’y connais globalement rien à tout ça donc j’apprends sur le tas. Quelqu’un d’un peu plus pro doit faire ça beaucoup plus vite. » Je lui dis avant d’ajouter « Si jamais tu t’y connais là-dedans, j’suis pas contre quelques conseils. »

Aïnhoa était touchée que la podcasteuse salue son travail. Elle pouvait entendre que ce n'était pas le style musical de tout le monde, et ne se serait pas formalisée si ce n'était pas au goût de Vega. Enfin si, elle aurait sans doute été un peu déçue, mais elle aurait compris. Sa musique, c'était son moyen d'expression, son besoin, même. Elle était très attachée à ce qu'elle y mettait comme message et comme émotion, bien plus qu'à combien d'auditeurs elle avait. Et elle pouvait comprendre que ça ne parlait pas à tout le monde, mais ça faisait toujours du bien d'avoir un retour positif, une connexion momentanée à travers son art. Surtout dans un contexte comme celui-ci, où la brune n'était pas une simple personne venue assister à un petit concert en bar, mais bien une amie, dans un studio presque cosy, où elles n'étaient que toutes les deux. « Ça me fait vraiment plaisir. » répondit Aïnhoa, sincèrement, alors qu'elle était presque en passe de rougir. « C'est quand tu veux, tu m'envoies juste un petit message et j'arrange ça. » répondit la métisse avec un grand sourire quand elle proposa de louer le studio pour les futurs podcasts de Vega. C'était vraiment pas un problème et ça aurait été con de pas lui proposer, si ça pouvait lui faciliter la vie dans la création de ses épisodes. « Malheureusement j'y connais pas grand chose non plus, c'est pas comme si j'étais musicienne pro' et que je tournais des clips. » rit-elle en secouant la tête en signe de négation. Comme Vega, elle touchait un peu à ce domaine, mais ça restait une passion et un hobby sans être un vrai métier, pour elle. Judas l'aidait pas mal aussi dans les enregistrements et les réglages, son truc à elle, c'était plutôt rédiger les textes et poser sa voix dessus, pas tout ce qui était technique. « Je suis seulement couturière, si t'as besoin d'une tenue pour une vidéo, ça je peux faire, mais c'est à peu près tout. » ajouta-t-elle en riant avec un petit haussement d'épaules, avant de porter sa bouteille de bière à ses lèvres. « Mais si jamais t'as juste besoin d'un coup de main pour aller plus vite, soit tu m'expliques soit je tâtonne aussi un peu, mais c'est avec plaisir que je t'aide. »

Je suis contente d’avoir découvert la musique d’Aïnhoa, c’est un peu une part d’elle et ça fit plutôt bien avec les choses que je peux ressentir. De toute façon j’ai bien vu pendant le podcast qu’on a des points communs. Si on n’en avait pas elle aurait jamais accepté de venir dans un podcast féministe même pas encore lancé et fait par une fille qu’elle ne connaît quasiment pas. On partage les mêmes idéaux et ça, ça compte beaucoup. En plus de ça elle me propose de me passer le studio d’enregistrement si j’ai besoin pour enregistrer mes épisodes. Pour l’instant le projet n’en est qu’à son début et je sais même pas quand j’en tournerais, combien, si ça va marcher, si je vais continuer. C’est une nouvelle aventure pour moi, qui prend du temps. « C’est vraiment sympa, merci. » Je lui réponds avec un sourire. Je lui explique que pour le montage et tout le reste j’apprends en faisant donc ça me prend du temps. J’essaie de pas trop couper de passages parce que le but c’est que la discussion soit naturelle mais il faut bien rajouter un ou deux jingle et je passe beaucoup trop de temps à chercher des sons sympas pour ça. La jeune femme m’explique qu’elle non plus n’y connaît pas trop grand-chose à ça. « Ça arrivera peut-être un jour. » Je doute pas que si elle persévère, elle ne fera plus écouter ses chansons qu’à ceux qui passent au studio mais à plein d’autres gens qui écouteront ses sons en boucle pour aller bosser. « Si t’es aussi douée pour la couture que pour composer, tu peux me faire une robe quand tu veux. » Surtout que j’aime bien les vêtements. Je passe pas mal de temps en friperie à chercher des pièces originales et pas trop chères. Au quotidien j’aime bien m’habiller avec des trucs plutôt confortables, des t-shirts amples par exemple, comme ça j’ai pas besoin de mettre de soutien gorge, des jeans pas trop serrés non plus, des baskets. En soirée j’aime bien sortir le grand jeu, mettre des robes originales, pas toujours très confortables par contre. « T’as l’air déjà bien occupée, j’ai pas envie de te rajouter des trucs en plus. » Surtout que moi j’ai juste un boulot à mi-temps, qui ne me rapporte pas beaucoup mais me laisse pas mal de temps libre, notamment pour faire des projets comme celui-là. « Mais j’suis contente que t’aies bien voulu enregistrer avec moi, ça m’a permis de te rencontrer. » On aurait peut-être eu d’autres occasions vu notre engagement militant mais je suis contente de déjà faire de belles rencontres dès les premiers épisodes.

« Pas de quoi. » répondit Aïnhoa avec un air enjoué, mais sincère. Si elle pouvait aider une femme dans la réalisation d'un projet, elle n'hésitait pas. Surtout un projet porteur de sens. Elle était prompte à mettre la main à la pâte, dans la limite de ses capacités, quand il s'agissait d'empowerment féminin. La jeune maman sourit avec un petit haussement d'épaules, buvant sa bière, quand Vega suggéra qu'un jour peut-être, elle serait une artiste vocale professionnelle. Elle n'était pas certaine que c'était ça, sa voie, ni même de la vouloir. Partager ses mots en petit comité, se faire entendre à son échelle, et réciter les fleurs poétiques de ce qu'elle avait sur le cœur, ça lui suffisait amplement. Ça lui permettait un train de vie combinable avec une famille. Et puis, elle aimait ce qu'elle faisait à côté, la couture n'était pas un boulot par dépit. Elle aimait l'ambiance du cabaret, les gens divers qu'on y rencontrait, la créativité, l'ouverture d'esprit. Elle s'y sentait bien, et elle aimait créer des pièces au bout de ses doigts, faisant danser les motifs et les textures. « Je suis toujours partante pour habiller des amis ! En plus, j'ai pas mal de chutes de tissu super utilisables au cabaret. Si tu veux passer au cabaret une fois, on peut regarder à ça. » répondit positivement la Belgo-Sénégalaise, l'enthousiasme lisible sur son visage tacheté. Ça serait clairement un plaisir de créer une robe pour Vega, si celle-ci aimait les aventures textiles. « Tu me rajoutes rien, c'est moi qui propose. » contesta la brune avec un sourire affable. Aïnhoa n'était pas de ceux qui avaient absolument besoin de s'occuper tout le temps, mais elle aimait bien être productive, la plupart des jours. Il fallait dire qu'elle avait un certain rythme depuis sa jeunesse, depuis qu'elle était maman. Et elle avait donc appris à bien s'organiser, pour pouvoir profiter au maximum de ses journées et pouvoir suivre ses envies tout en remplissant ses obligations. Parfois il y avait des couacs, elle n'était pas un agenda virtuel non plus. Mais elle parvenait à équilibrer ses activités, passant parfois plus de temps sur l'écriture de textes, et une autre semaine, beaucoup de temps avec Laël et dans des tables rondes militantes, pour la semaine d'après, s'offrir un peu de sport et une ou deux sorties plus ou moins arrosées. Il y avait toujours moyen de s'arranger, selon elle. Et puis, être costumière au cabaret, c'était pas l'équivalent d'un 40h/semaine plein de pression et d'heures supplémentaires pour closer des deals avec des gros riches obnubilés par la rentabilité. C'était déjà plus faisable d'aménager son quotidien autour de ce qu'on avait envie de faire. « Moi aussi, ça m'a beaucoup plu, et je suis contente qu'on se revoit. C'est vraiment cool de parler avec quelqu'un comme toi. » acquiesça Aïnhoa, trinquant avec sa bière contre celle de Vega, plissant les yeux de plaisir.

Ça me faisait du bien de parler avec quelqu’un avec qui je me sentais sur la même longueur d’onde. Souvent je me sens toujours un peu en décalage parce que mes convictions sont très importantes pour moi et beaucoup de gens ne comprennent pas ou en tout cas jamais totalement. Mais avec Aïnhoa c’est différent, pendant l’enregistrement on a pu parler de tout un tas de choses, des choses qui nous tiennent à cœur à toutes les deux et ça fait du bien de parler sans se faire juger. Elle me propose de me faire une robe si jamais j’en ai besoin, moi qui adore la mode je ne peux pas refuser un truc pareil. Je me sens un peu coupable qu’elle fasse tout ça pour moi et que de mon côté je n’ai rien à lui offrir. Je ne suis pas une artiste, je n’ai pas vraiment de talent particulier et je bosse à mi-temps dans une bibliothèque donc à part lui autoriser un renouvellement supplémentaire sur un bouquin, je ne vois pas trop ce que je pourrais faire. « Avec plaisir ! En plus il doit y avoir tout un tas de costumes magnifiques là-bas alors j’imagine qu’avec le tissu tu peux faire des merveilles. » Je lui réponds en souriant. J’ai l’habitude de traîner dans les friperies pour trouver mes vêtements, je n’achète rien de neuf depuis des années à part les sous-vêtements, parce que j’ai beaucoup trop de mal à m’imaginer porter la culotte de quelqu’un d’autre. Parfois on trouve vraiment des merveilles pour pas grand-chose, c’est ce que je préfère, fouiller dans un tas de vêtements pour une ressortir une pièce unique et magnifique. Je n’ai pas envie de lui rajouter encore plus de choses à faire alors qu’elle a déjà l’air bien occupée dans sa vie mais elle me rassure en me disant que si elle propose, c’est qu’elle veut bien. Je hoche la tête avant de la remercier d’avoir accepté d’enregistrer l’épisode avec moi. Je souris en trinquant avec elle. « Oui ça fait du bien de pouvoir parler librement sans avoir quelqu’un qui vient t’expliquer la vie à côté. » Je lui dis en riant. « T’es vraiment une belle personne. Je sais que ça peut faire un peu bateau de dire ça mais je le pense vraiment. »

Les deux jeunes femmes semblaient se rejoindre sur le plaisir de parler ensemble, librement, sans devoir justifier chaque propos et sans devoir peser chaque mot – ou faire les frais de ne justement pas les peser. Certes, elles avaient des idées de justice à défendre et c'était pas un problème de le crier au monde, chacune à sa façon. Mais c'était épuisant, aussi, de faire valoir ses droits, de devoir les crier haut et fort, dans une société écrasante qui tentait tout pour les museler. Même si elles ne devaient pas parler que féminisme, c'était tout simplement reposant d'avoir une conversation, même sur un autre sujet, qui ne prendrait pas l'allure d'un ring de boxe à la moindre dissonance, à la moindre nuance dans leurs propos. C'était pouvoir parler dans un espace bienveillant, où l'une comme l'autre connaissait une partie des embûches semées sur le chemin de son interlocutrice. « Génial ! Oui, y a de quoi faire et franchement, tout est possible ou presque, on peut faire de belles choses. » souriait la brunette avec un sourire radieux. Elle testait souvent un tas de combinaisons de tissus et d'accessoires pour les costumes du Delirium, allant du plus simple et délicat au plus excentrique et habilement pensé. Parfois elle s'y reprenait à quinze fois s'il le fallait, mais elle n'abandonnait jamais avant d'avoir produit un résultat à la hauteur de ses attentes, et correspondant à la vision de celui ou celle qui allait le porter. C'était le travail de ses mains, mais elle estimait que c'était aussi un travail d'équipe, dans son métier, un travail de créativité partagée et d'ouverture. Elle n'hésitait pas à changer le modèle, à enlever quelque chose ou ajouter des touches de dernière minute à la demande de la personne qui porterait sa création, parce que ça apportait beaucoup à la pièce finale, selon elle, que de se plier à plusieurs avis et idées. Alors que leurs bières tintaient l'une contre l'autre, Vega et Aïnhoa se faisaient plus complices en se remémorant le chouette moment passé à enregistrer le podcast de la première, et parlant de cette facilité à parler entre deux âmes libres et engagées. « On est bien d'accord ! Genre, le mec qui te donne sa bénédiction d'aborder tel sujet dans ton militantisme féministe puis te donne son "humble avis" en disant que tu vas trop loin dans un autre. » renchérit la métisse en roulant des yeux. « Ou qui va t'expliquer comment ton corps de femme fonctionne. Genre merci mec, je pense savoir mieux que toi comment me donner du plaisir en fait. » rajouta-t-elle, emportée d'un torrent d'exemples qui l'horripilaient. Des comme ça, y en avait à la pelle. « Sorry, je m'emporte. Mais j'ai envie de leur faire bouffer mes règles à ceux-là, parfois. » pouffa la jeune femme. « Non mais c'est pas bateau, c'est vraiment gentil. Et je te retourne le compliment, Vega. Je veux dire, je savais déjà que t'avais une vibe hyper cool quand on a commencé ton podcast, mais repartager un moment ensemble comme ça, c'est...Ouais, c'est vraiment top. » reprit Aïnhoa avec plus de sérieux, ses iris marron foncé pétillant de sincérité et de joie, plongés dans ceux de la brunette.

Au final avec Aïnhoa on partage pas mal de choses, en dehors de certaines de nos expériences communes et de nos engagements, notamment notre goût partagé pour la mode. Je suis bien incapable de créer un vêtement de A à Z, je n’ai jamais été trop du genre manuelle ou même très créative mais j’aime toujours fouiner dans les friperies et reprendre certains vêtements que j’achète pour qu’ils me fitent mieux. Parce que le problème avec les friperies c’est que parfois on tombe sur une super pièce mais elle n’est pas à notre taille. Quand elle est trop petite il n’y a rien à faire, c’est foutu, en tout cas si on veut garder le style de base de la pièce mais si elle est trop grande, surtout si c’est de pas beaucoup, il est possible de reprendre un peu certaines parties. Ça, j’arrive à le faire mais ça s’arrête là. Alors qu’Aïnhoa, elle, peut créer des vêtements à partir de bouts de tissues et ça, ça me fascine. Donc forcément, si elle veut créer pour moi, je ne peux qu’accepter cette proposition. « J’en suis sûre. J’ai vraiment envie de voir ce que tu peux créer. » Je lui réponds en souriant avant de lui dire que je suis contente de pouvoir partager ce moment simple avec elle parce qu’au final ce n’est pas si commun de pouvoir parler de son ressenti, de son expérience sans qu’on vienne nous juger ou nous expliquer des trucs sur des sujets qu’on maîtrise mieux. J’apprécie tout autant notre discussion pendant le podcast que celle qu’on a là, où on peut un peu plus parler de nos vies, de tout et de rien sans forcément que cela tourne autour du féminisme, même si c’est un sujet central de nos vies. Je ris à sa réponse, tout en l’approuvant parce que c’est exactement ça. Combien de fois je me suis pris des réflexions ? Comme je ne suis pas franchement patiente ou diplomate, j’ai tendance à m’énerver, à être un peu trop cru et donc je me prends tout un tas de réflexions sur la forme ou sur ce que je suis plutôt que sur le fond de mes propos. « Tellement ! Genre le gars qui pendant le sexe essaie de t’expliquer qu’il va te faire jouir comme jamais alors que bon, gars, j’ai plutôt pas mal étudié la question de mon côté donc j’pense savoir ce que je veux. » C’est un truc qui m’a saoulé dernièrement et peut-être une des raisons qui font que mon envie penche plus vers les femmes depuis que j’ai découvert ce que c’est, le sexe lesbien. Au moins on n’essaie pas de m’expliquer ce que c’est l’anatomie d’une femme alors que je pense être un peu plus au courant qu’un mec cis qui a lu une page wikipédia. « Merci. J’suis aussi contente qu’on puisse discuter comme ça, sans un micro entre nous. » Je lui dis en souriant, mon regard planté dans le sien. Après un léger moment d’hésitation, je me mords la lèvre avant de poser ma main sur sa cuisse. Je sens tellement une bonne vibe que j’ai envie de plus mais je veux qu’elle soit ok avec ça, clairement alors je juge dans son regard si c’est ok.