everybody makes mistakes, everybody has those days (aïnhoa)

L'enthousiasme dont témoignait Vega pour la création de vêtements ensemble était entièrement partagé par sa binôme, qui renchérit. « Je le répète, c'est quand tu veux. » sourit-elle avec un visage on ne peut plus sincère. Elle n'avait aucun doute qu'elles partageraient un bon moment, sentant avec plaisir cette superbe connexion, cette vibe dont elles ne tardèrent pas à parler. Vega, elle avait le profil de ces personnes avec lesquelles on sent qu'elles ne seront pas de simples connaissances. Il y avait une volonté de partager des pensées et des idées, de se lancer sur la même longueur d'onde, qui vibrait à travers l'air. C'était ces gens avec qui ça matchait bien, que ce soit au détour d'une annonce pour un podcast, une rencontre fortuite dans une foule de manifestants ou d'un concert. Un sourire, une parole bien placée, et l'accord mélodieux se faisait de lui-même. Aïnhoa adorait rencontrer des gens de la sorte, avec qui elle se sentait naturellement bien et lumineuse. On ne pouvait jamais le prévoir ni le provoquer, mais c'était bon de s'en rendre compte, comme elles n'hésitèrent pas à s'en faire part plus tard. Pour l'heure, elles s'enflammaient au sujet du sexisme ordinaire qu'en tant que personnes perçues comme femmes, elles s'étaient trimballées toute leur vie. C'était un boulet commun qu'elles traînaient, des expériences malheureusement partagées parfois mot pour mot. Et si les évoquer amenait une émotion enflammée, ça faisait aussi beaucoup de bien de partager ces propos entre deux vécus qui ne pouvaient que se comprendre, et sans devoir se prendre une tempête outragée d'hommes en face. Dire les mots comme ils venaient, comme elles l'avaient vécu et ressenti, sans se soucier d'une réaction inappropriée ou révoltante. « Mais trooop ! Y a des jours où je me demande vraiment si j'ai pas envie de me réserver qu'aux femmes. » acquiesça Aïnhoa en riant, avant d'admettre sans détours que oui, par moments, elle se disait que ça lui épargnerait bien des choses que de ne plus engager la moindre intimité avec un homme. « Moi aussi. » répondit Aïnhoa à la jeune fille, alors que leurs regards s'étaient accrochés au cours de paroles plus posées et profondes. Et ne semblaient plus pouvoir se détacher, rien qu'un moment, qu'elles semblaient savourer de la même manière. Deux belles personnes. Libres et légères, au moins ce soir. La belle slameuse aurait menti si elle avait dit ne pas être surprise par le geste qui suivit de la part de Vega. Mais il lui semblait aussi naturel. Honnête, ouvert, sans non-dits, bien que leurs lèvres ne parlent pas. Leurs regards semblaient suffire. Néanmoins, Aino' était plutôt pour la communication, même si la marge d'erreur lui semblait réellement minime dans son interprétation de la situation. Elle ne perdait pas de vue non plus que Vega était pas mal plus jeune qu'elle, même si ça ne devait amoindrir en rien son discernement, la jeune maman préférait y accorder une minute d'attention. Aïnhoa posa sa bière sur une table basse adjacente, puis l'autre rejoignit celle de Vega, celle qu'elle avait posé sur sa cuisse. Il n'y avait pas d'hésitation dans ses yeux. « Est-ce qu'on devrait remettre un micro entre nous... Ou est qu'on a envie de faire ça ? » demanda-t-elle tout en faisant glisser la main de son amie de quelques centimètres plus haut sur sa cuisse. C'était une question détendue, qui entendrait n'importe quelle réponse, mais voulait s'assurer d'en avoir une.

Je me dis que la création d’une robe peut être l’occasion pour moi d’apprendre à coudre réellement. Il m’arrive parfois de retoucher des vêtements quand ils ont des trous ou des tâches en y ajoutant des patchs pour cacher la misère ou bien ajuster un vêtement acheté en friperie mais ça reste assez maladroit et bien loin de créer un vêtement en partant de rien. J’aime la mode mais de part mon budget plutôt réduit et mon éthique qui me donne absolument pas envie d’aller acheter des vêtements dans les grandes marques pas chères qui exploitent juste des gens à l’autre bout du monde, j’écume les friperies. Et puis je trouve ça bien plus intéressant et passionnant de fouiner pendant un moment entre les rayons en quête de la perle rare, en retournant des bacs entiers, plutôt que de juste chercher sa taille parmi des dizaines de t-shirts identiques. Et il y a ce côté unique, car même si les pièces des friperies viennent pour la plupart de marques très connues, les modèles ne sont plus si souvent portés par les gens que la dernière collection de Zara. Mais créer une robe à partir de rien, c’est encore plus unique et je suis sûre que ça ne coûterait pas si cher au final. Nous revenons rapidement au genre de discussion que nous avons eu derrière le micro. On a ce besoin de partager, quand je rencontre quelqu’un qui me comprend je sais que je peux parler pendant des heures, ça fait du bien de se libérer de toutes ces choses qui nous agacent. En premier lieu les types qui pensent tout savoir sur le plaisir féminin alors qu’on ne peut pas dire qu’ils soient les premiers concernés. Je souris quand la jeune femme me répond que parfois elle aimerait juste coucher qu’avec des femmes pour éviter tous ces problèmes. « C’est vrai que ça serait plus simple. Maintenant j’essaie de faire plus gaffe aux gars avec qui je discute, y’a des signes des fois dans la conversation qui font se dire que ça va pas bien se passer ensuite. Heureusement il y a quand même des gars bienveillants qui comprennent que si nous on peut pas savoir ce qu’ils ressentent bah eux non plus peuvent pas savoir ce qu’on ressent. » J’ai certainement beaucoup moins d’expériences qu’elle en la matière. J’ai grandi vite et sans doute eu ma première fois, catastrophique, assez jeune mais au final dans ma vie je n’ai pas couché avec tant de personnes que ça. Je comprends aussi avec le temps ce que je préfère et que j’ai pu avoir des expériences qui, avec mon regard de maintenant, n’étaient pas ok. Je n’aurais plus de scrupules à dire non à un mec et tout arrêter si je le sens pas, plus de peur de blesser ou je sais pas quoi si je me sens pas bien. Là je me sens bien parce qu’Aïnhoa est bienveillante, parce qu’on partage beaucoup d’expériences communes et dans un élan impulsif, alors que nos regards sont accrochés, je me rapproche pour poser ma main sur sa cuisse. Je cherche un sentiment dans ses yeux, je n’ai pas envie de la mettre mal à l’aise et je sais que si ce n’est pas ok, elle me le dira. Sa main vient se poser sur la mienne pour la faire glisser un peu plus haut. « J’ai envie de faire ça. » Je lui réponds, le cœur battant. « Et toi ? »

C'était agréable, et libérateur même, de pouvoir discuter de ces choses si malheureusement présentes dans la vie d'une femme sans devoir tout décortiquer en Powerpoint pédagogique. Quand on avait des expériences merdiques similaires si pas identiques, ça faisait un bien fou de se sentir sur la même longueur d'onde sans devoir se perdre en explications. Aïnhoa avait eu sa part, de moments merdiques, un en tout particulier, qu'elle évoquait plus rarement, fallait dire que ça alourdissait beaucoup une conversation aussi. Et puis, en tant d'années de travail thérapeutique et avec elle-même, avec son trauma, elle ne ressentait pas le besoin d'en parler non plus. C'était un épisode de sa vie, qui serait toujours ancré en elle comme un tatouage qui ne cicatriserait jamais, mais avec lequel elle avait appris à vivre. En revanche, ça n'avait fait que renforcer son envie de changer le monde, son besoin et sa passion de crier les mots tout fort que la société essayait encore d'étouffer. Et Vega avait raison, certains mecs suivaient cette ligne directrice de déconstruction et d'écoute, avec bienveillance et une volonté de comprendre le monde à travers des yeux moins privilégiés. Aino' n'avait pas décidé de fuir les hommes, mais elle était néanmoins déterminée à se battre pour qu'ils aient tous conscience des comportements et idées plus que problématiques que le monde leur inculquait dès le plus jeune âge. « Oui, tellement, ce genre de dates ou tu repères déjà trois red flags au bout d'une demie-heure. » rit la brune. Elle n'avait pas eu énormément de dates dans sa vie, mais suffisamment pour bien visualiser ce que son amie partageait. « C'est sûr, heureusement qu'il y en a. » acquiesça-t-elle ensuite. Aino' avait suffisamment d'amis masculins, et d'amis blancs aussi, plus que bienveillants et ouverts pour avoir encore confiance en l'humanité, au moins un peu. Même si malheureusement, comme les deux filles le soulignaient, elles n'étaient jamais à l'abri de mauvaises surprises dans un monde dominé par des normes arbitraires et violentes. Ce sujet vif s'éteignit doucement, pour laisser place à une connexion d'une autre nature, leurs pensées sincères s'échangeant alors que leurs yeux s'accrochaient, exprimant ce plaisir qu'elles avaient à passer du temps ensemble. Plaisir qui prit lui aussi une autre teinte, quand leurs peaux initièrent un contact progressivement sensuel. Aïnhoa sourit à la réponse de la jeune fille, un sourire qui alluma ses prunelles marron d'une douce lueur de confiance. « Moi aussi. » confirma-t-elle, avec un naturel presque déconcertant, tellement la tournure de ce moment paraissait simple, inattendue mais bienvenue. La jolie brune se rapprocha un peu plus de son interlocutrice, sa main quittant la sienne pour venir effleurer sa joue, ses lèvres patientes et tentatrices se rapprochant de celles de Vega, alors que leurs regards ne se quittaient plus. « J'ai envie de faire ça, aussi... » souffla-t-elle, attendant l'approbation, dans une sorte de suspension dans le temps ô combien enivrante.

Il y a des sujets qui ne sont jamais très simples à aborder, même avec des femmes. Ça m’est déjà arrivé de parler de certains comportements d’hommes problématiques avec des femmes et elles ne voyaient pas le problème, beaucoup trop baignées dans ce monde depuis leur enfance pour comprendre qu’il y a tout un tas de choses qui ne sont pas normales. Mais avec Aino les choses sont bien plus simples, on est sur la même longueur d’onde. Je ne connais pas toute son histoire mais avec le podcast j’ai pu en apprendre plus sur elle et voir qu’on partage beaucoup de combats en commun. Nous sommes deux femmes queer racisées. Si j’ai grandi dans un milieu privilégié où j’ai moins connu certaines violences, j’ai aussi vu que je n’étais pas toujours acceptée dans ce milieu en majorité composé d’enfants riches et blancs, je faisais un peu tâche dans le paysage par moments. Et je pense que ce genre de chose, ma nouvelle amie peut bien le comprendre. En tout cas sur les dates foireux où par message le type semble ok mais en réalité, dans une conversation bien plus spontanée, son vrai visage se révèle au grand jour. « Ouais et après le gars comprend pas pourquoi t’as envie de te barrer alors que c’est son troisième sous-entendu sexiste, soit disant pour la blague. » Je lui réponds en roulant des yeux. En général les types qui sont du genre à sortir des : on peut plus rien dire ; ça se repère assez vite, même par message parce que je cache pas mes convictions et que c’est important pour moi d’en parler assez rapidement pour savoir si ça peut matcher, même pour un soir. Heureusement pour nous, tous les hommes ne sont pas si catastrophiques, sinon on perdrait vraiment foi en l’humanité je pense. Mais maintenant je trouve ça plus simple d’aller vers les femmes, il y a moins de chance que les choses tournent mal et comme j’ai vécu quelques années en pensant que j’étais hétéro sans m’intéresser à autre chose, j’ai un peu envie de rattraper le temps perdu. Et cette conversation avec Aïnhoa a réveillé en moi l’envie d’aller plus loin, je lui demande si de son côté elle ressent la même chose et ça semble être le cas. Elle se rapproche un peu plus de moi, je sens ma respiration s’accélérer quand nos lèvres se rapprochent un peu plus. Sa dernière confirmation me pousse à sceller notre premier baiser, mes lèvres se posant sur les siennes dans un baiser doux mais teinté d’envie. Je pose une de mes mains sur sa joue tandis que l’autre se place sur sa hanche.

Aïnhoa acquiesçait vigoureusement aux paroles de son amie, elles avaient probablement dû se taper quelques moments tristement similaires, dans leur position de minorités. Il y avait de ces personnes qui nous comprenaient en un regard, avec qui il n’y avait pas besoin de s’exténuer à expliquer les choses. Ça ne voulait pas dire être toujours d’accord sur tout, mais généralement, il y avait des valeurs communes bien ancrées et une compréhension partagée du monde. Une communion autour de certains indispensables, une façon d’appréhender la société avec les yeux grands ouverts, qu’on ne pouvait plus jamais refermer ensuite. La jolie brune ne s’était pas attendue à ce que le fil habituel de leurs conversations évolue vers quelque chose de bien plus intime, plus calme, plus étroit. Ça s’était fait un peu tout seul, un peu naturellement, et si Aino y accorda quelques secondes de réflexion, elle suivit le chemin ouvert par Vega. La tournure des événements pouvait paraître un peu insolite, pourtant elle n’y voyait rien d’insensé, maintenant qu’elles en étaient là. La Canadienne était une belle jeune fille, une belle jeune femme, avec un regard pétillant et attrayant, et une langue qui savait ce qu’elle disait. Un esprit vif et bienveillant. L’attirance ne sortait donc pas de nulle part, bien que ça n'ait pas encore effleuré l’esprit de la jeune maman avant ce moment précis. En attendant, la connexion s’était créée, simple, accueillante, confiante. Cette façon qu’elles avaient de se regarder, d’expliciter la flamme qui s’était allumée dans leur regard. Cette franchise qui n’en perdait pas moins d’attente respectueuse. Et quand finalement, leurs lèvres se trouvèrent, sans que ça n’ait le moindre goût d’étrangeté, Aïnhoa se sentit envahie d’une bulle légère, qui se baladait dans sa poitrine, jusqu’à explorer d’autres recoins de son corps. Elle sentit la main la belle brune trouver une place près de sa taille, l’autre découvrir le grain de peau de sa joue, alors qu’elle rouvrait les paupières, closes le temps de ce premier échange intime, pour sonder le regard de sa partenaire. Il n’en fallait pas plus que ça, pour qu’elle se sente à l’aise, pour qu’elle ait envie de se déshabiller, de la déshabiller, juste pour explorer leurs corps à chacune, avec patience et délectation. Après tout, elles avaient tout le temps du monde. Ce soir n’appartenait qu’à elles, pour un moment qui n’était plus réellement défini dans le temps. Sa main glissant de sa joue à la racine de ses cheveux, caressant sa nuque fleurie de boucles marron, Aino décida de goûter une deuxième fois au coin des lèvres de la jeune fille, pour glisser le long de sa mâchoire, trouvant un point juste sous son oreille.

Ce rapprochement avec Aïnhoa me paraît être une évidence sur l’instant. On partage tellement de choses en commun, de luttes, d’agacement, j’ai l’impression d’avoir trouvé quelqu’un qui me comprend pleinement et ça fait tellement de bien de ne pas se faire questionner sur ce qu’on pense, sur ses choix, sur ses principes. De ne pas s’entendre dire par des personnes plus privilégiées sur la question qu’on ne choisit pas les bonnes luttes, qu’on en fait trop. Alors ne pas s’entendre donner des leçons, même si c’est pas fait méchamment, c’est une bouffée d’air frais. Après un petit moment à s’assurer qu’on a chacune envie de la même chose, nos lèvres se joignent pour un baiser. Que tous ceux qui disent que demander son consentement à quelqu’un ça casse le moment, ne l’ont jamais vraiment fait et ne se rendent pas compte de tout ce que ça peut procurer, ça ne casse pas du tout le moment, au contraire, ça renforce l’attraction pour moi. Après ce premier baiser, on se regarde un instant, pour voir si aucune de nous n’a changé d’avis. Je n’ai pas changé d’avis et Aïnhoa ne semble pas non plus, ses mains caressant mes cheveux et ses lèvres s’approchant à nouveau des miennes me le confirment. Je profite de ce nouveau moment de proximité avant que sa bouche ne parte vers mon cou et que mes mains ne décident de s’aventurer sous son t-shirt, pour doucement venir explorer sa peau, toujours attentive à ce qu’elle veut, ce qu’elle a envie. J’ai envie que ce moment ce soit tout ce qu’on attend toutes les deux d’un moment intime, tout l’inverse de ce qui a pu nous décevoir par le passé. Je souris avant de tourner la tête pour venir à nouveau joindre mes lèvres aux siennes dans un baiser plus intense, avec plus d’envie. Je soulève son t-shirt et décolle mes lèvres pour lui demander « Je peux ? »