it is better to protest than to accept injustice (noam)

Noam eut un petit rire quand elle lui dit qu'il la connaissait bien. On ne pouvait pas vraiment dire qu'il la connaissait... Plutôt qu'il arrivait à la cerner. Enfin, il en avait l'impression en tout cas. Vega était franche, donc c'était plutôt facile -évidemment si elle était honnête et n'essayait pas de se faire passer pour une autre personne.

-C'est juste que tu renvoies quelque chose de fort.

Ils finirent par parler de sa vie, de son autre vie, même si c'était un sujet qu'il n'affectionnait pas vraiment. Vega était compréhensive et il lui sourit. Non, c'est vrai, les êtres humains n'étaient pas des robots. Ils avaient des sentiments, des émotions. Ils ne pouvaient pas faire comme si rien ne s'était passé après un aussi grand événement. Ou bien ils le pouvaient, se mentir à eux-mêmes, mais à un moment ils finissaient par craquer. Noam n'avait jamais essayé de mentir, à lui-même ou à ses proches. Parce que cet événement avait mit l'accent sur tous les dysfonctionnements qu'il ne supportait pas dans son pays.

-Oui... A me dire que ça pourrait arriver de nouveau. Et puis, à savoir que n'importe qui peut dégainer une arme n'importe quand.

En général je ne suis pas le genre de personne qui laisse indifférents les gens, soit on m’aime bien, soit on me déteste. Je ne suis pas non plus particulièrement indifférente aux gens, j’ai toujours un avis, qu’il plaise ou non. Donc je comprends que Noam ait pu voir mes doutes et mes ambitions, je ne les cache pas de toute façon. Lui par contre, il me parle d’un sujet et je sens qu’il ne l’évoque pas avec la première personne venue. Cet événement l’a touché et c’est tout à fait normal, à sa place j’aurai sans doute eu un choc post-traumatique et je n’aurai pas pu voir les hôpitaux de la même manière, même en changeant de pays. Je comprends sa peur de se dire que ça pourrait de nouveau arriver. Avant on se dit qu’on est protégé et puis quand quelque chose arrive, on se rend compte qu’on n’a pas plus de chance que les autres. « Oui, c’est flippant. Je suis bien contente qu’ici ce soit pas comme aux US. » Je suis contre les violences, même pour faire passer mes idées, alors imaginer des personnes se trimballant avec des armes comme si c’était leur sac à main, ça me fait peur. Et puis, aux États-Unis les afro-américains sont davantage tués par arme à feu, que ce soit par des personnes lambdas ou par la police. Donc forcément, ça fait peur, même si en Australie aussi j’ai peur, parfois.

Noam esquissa un sourire et acquiesça d'un petit signe de tête. Quelque part, Bowen était devenu son petit coin de paradis. Même si, évidemment, la ville avait ses qualités mais aussi ses défauts.

-Oui, c'est beaucoup plus safe. Enfin, j'ai quand même beaucoup plus peur des animaux ici qu'à New York par contre ! C'est un autre monde !

Les énormes araignées, les serpents, les insectes, sans oublier les animaux aquatiques... Il fallait vraiment prendre ses précautions. Noam était biologiste, et même si son affection penchait pour les plantes, les animaux l'intéressaient également et il respectait bien trop la vie pour les tuer, et était trop fasciné pour en avoir peur, quelque part. Mais il avait bien qu'il valait mieux rester sur ses gardes.
Il lui sourit.

-Après, Bowen est aussi une ville bien plus tranquille que New York, évidemment. Ca a son charme. Ma vie est clairement bien différente ici.

Comme le dit Noam, l’Australie a peut-être moins de types armés jusqu’aux dents qui se baladent dans les rues mais il y a beaucoup plus d’animaux dangereux et mortels ici. C’est connu pour ça, pour les alligators, les mygales, même les kangourous ne sont pas toujours amicaux. « C’est sur qu’un rat est moins dangereux qu’une araignée tueuse. » Je lui réponds en souriant. Bon sauf si le rat en question porte une maladie et qu’il nous mord. Même si nous sommes un peu en campagne, nous ne sommes pas en pleine nature alors les animaux sauvages sont plus rares en centre-ville. « Oui ! J’ai grandit à Osaka et Sydney, clairement ça n’a rien à voir ici. Ça me manque parfois les grandes villes, ça a aussi ses côtés positifs. » Moi qui hésite toujours à quitter Bowen pour une grande ville, j’ai pesé le pour et le contre de chaque situation. Si je m’en vais ailleurs, il y a aura plus d’opportunités, plus de gens avec qui me rassembler, de gens qui me ressemblent et me comprennent.

Noam hocha la tête, rieur.

-Tout à fait ! Même si ça transmet un certain nombre de maladies...

Mais il était à peu prés sûr qu'en faisant le calcul, on imputerait moins de morts au rats, malgré leur nombre conséquent, qu'aux dangereux animaux d'Australie.

Vega lui révéla avoir grandit ailleurs, dans des villes bien plus importantes d'Australie. Noam fut un peu surpris, alors qu'à vrai dire il n'avait pas d'idée préconçue sur l'enfance de Vega.

-Et pourquoi tu es venue à Bowen alors ? Pour prendre ton indépendance ? Tu ne te sens pas trop... au milieu de nulle part ?

Il eut un petit rire. Après tout, le contraste devait être un peu saisissant.

Il est vrai que je n’aimerais pas me faire mordre par un rat, ni par un autre animal en réalité. Je préfère pas imaginer toutes les maladies qu’ils peuvent transporter. « C’est vrai. » approuvais-je avant d’évoquer mon enfance dans des grandes villes. D’abord au Japon, où je suis née et où j’ai grandit, puis à Sydney lorsque mon père a changé de poste. Comparé à ces villes, le choix de Bowen semble un peu particulier comme endroit pour s’établir, ce que Noam relève, me demandant ce qui m’a poussé à venir ici. « Mes parents se sont séparés et ma mère a décidé de venir s’installer ici, un peu loin de tout. Donc j’ai pas vraiment choisi...donc ouais des fois j’me sens un peu au milieu de nulle part. » Et pas seulement parce que Bowen est perdue, mais parce que je ne sais pas trop ce que je fais là. Rester avec mon père n’était même pas une possibilité pour moi alors j’ai accepté la vie campagnarde que souhaitait ma mère en s’installant dans une ferme, un peu en dehors de la ville. « Tu préfères la tranquillité toi ? »

Noam hocha doucement la tête, montrant qu'il écoutait attentivement ce que lui disait Vega. Les divorces, ce n'était jamais drôle. Ni pour les parents, ni pour les enfants, même quand tout se passait à l'amiable. La jeune femme ne disait pas en avoir particulièrement souffert, mais il était peu probable qu'elle se confie à lui si vite, ils ne se connaissaient pas beaucoup après tout.

-Oh, je comprends mieux.

Il lui sourit.

-Et tu n'as pas encire de repartir dans les grandes villes ? Enfin je dis ça, tu n'en as peut-être pas les moyens...

Ca aussi, après tout, c'était une autre question. Le prix de l'immobilier dans les grandes villes... Pour les étudiants et les jeunes en général, c'était un gros frein.

A sa question, Noam regarda le ciel un instant puis finit par sourire.

-Je crois que oui. Je m'y suis habitué, et ça a grandement diminué ma tension !

Il eut un petit rire.

Je ne m’étale pas trop sur le divorce de mes parents. Même si ça fait des années maintenant je garde de plutôt mauvais souvenirs de cette période. Mais si j’y repense, je préfère ma vie à Bowen où mon père n’existe plus que la vie d’avant à faire des soirées hors de prix beaucoup trop jeune et à toujours repousser les limites. Noam me demande justement si je ne compte pas repartir dans une ville un peu moins perdue que Bowen. « J’y pense, j’hésite, j’ai failli le faire avant d’entrer à la fac mais j’suis restée pour des raisons stupides. Maintenant je pourrais mais j’ai pas encore pris de décision. » Je lui confie. Ça fait plusieurs mois que je pense à retourner à Sydney, histoire d’être dans un coin moins paumé et avoir plus d’opportunités mais je n’ai pas encore décidé. Il y a quelques années j’étais restée là parce que j’étais amoureuse d’un con qui n’en avait rien à faire de moi mais maintenant je n’ai plus personne et au fond à Bowen je n’ai pas énormément d’amis ou en tout cas peu qui me feraient rester. Il y a Elmo, c’est bien le seul qui arrive à faire que je ne me sois pas encore barré. Je pourrais peut-être le convaincre de venir avec moi, il accepterait peut-être. Noam lui semble s’être bien fait à la vie plus tranquille de Bowen. Je ris lorsqu’il me dit que sa tension a baissé depuis qu’il vit ici. « En même temps entre le changement de lieu et de travail, ça doit faire une sacré différence. »

Vega semble beaucoup hésiter sur la poursuite de sa vie. Ce n'est pas Noam qui va lui faire la morale sur la question. Et puis, hésiter, ça montre qu'on est acteur et qu'on ne se laisse pas simplement porter par le courant. Qu'on se pose des questions sur ce qui nous rendra heureux.

-Des raisons stupides ? Peut-être que tu ne les trouvais pas si stupides à l'époque.

Il esquissa un sourire. Il ne fallait pas qu'elle s'en veuille pour avoir pris une décision qui, avec le recul, elle jugeait ne pas être la meilleure.

-Rien ne presse pour que tu prennes une décision, fais-le sereinement.

Prendre une décision dans la précipitation était le meilleur moyen de le regretter plus tard.
Noam eut un petit rire à son tour et hocha la tête de haut en bas. Ca ne faisait pas de doute, oui. Entre New-York et ici, entre médecin et professeur...

-Totalement. Pour moi, c'est une bonne chose.

A l’époque je trouvais ça totalement normal de rester à Bowen pour un type qui n’en valait pas la peine. Mais au fond est-ce que ma vie aurait été mieux à Sydney ? Je ne le saurais jamais mais ce n’est pas si grave, j’ai de bons souvenirs ici aussi, des moins bons également mais ça fait partie de la vie. De l’époque, avant que mes parents divorcent, où j’étais à Sydney, je garde davantage de mauvais souvenirs que de bons. « J’étais trop jeune à l’époque pour me rendre compte que c’était stupide. » Je lui réponds alors. Par rapport à lui je suis encore bien jeune et quand j’ai choisi de rester à Bowen j’avais même pas dix-huit ans. Tel un grand sage il me dit que j’ai le temps pour me décider et que je n’ai pas besoin de me précipiter. C’est vrai, je n’ai pas quatre-vingts ans non plus, je peux encore prendre quelques mois pour me poser et décider quelle direction je veux que ma vie prenne. « Tu devrais écrire un bouquin de développement personnel. » Je lui dis avec un sourire, parce que ses conseils sont plutôt judicieux. Noam a changé de vie bien plus tard et ne semble pas regretter ce choix et même apprécier le changement radical. « Tu as des projets à Bowen ? » Je lui demande, curieuse.

Noam esquissa un léger sourire. C'était bien normal de regretter certaines décisions, de se rendre compte qu'on avait eu tort. Ce n'était pas une raison pour être trop dur avec soi-même. Tout le monde évoluait, incessamment.

-Il faut bien faire des erreurs pour grandir.

Il eut un rire quand il lui parla de développement personnel. Il secoua la tête de gauche à droite, amusé par la taquinerie. Est-ce qu'il était un peu trop en train de faire l'adulte avec la jeune femme ? Peut-être qu'il allait finir par l'agacer.

-Je ne connais rien à tout ça. C'est juste qu'en tant que professeur, je vois beaucoup de jeunes passés alors... J'essaye juste de faire de mon mieux pour les aiguiller.

Il passa une main dans ses cheveux, se grattant la tête. Il espérait toujours être de bons conseils, mais ce n'était pas facile. Tout le monde était si différent.
La brun est un peu surpris de sa question. Enfin, elle était jeune, c'était normal qu'elle ait des projets, ou essaye d'en avoir. Lui ? Son projet en arrivant ici était de vivre une vie tranquille, avec le minimum de stress. Et il semblait bien y arriver. Par contre, il n'avait jamais pensé à rien d'autres.

-Et bien... pas tellement à vrai dire. Je me laisse porter par le courant. Je suis un vieux plutôt ennuyeux !

J’ai un peu l’impression de parler avec un vieux sage. Il faut dire que par rapport à moi il a connu un peu plus de trucs dans sa vie, enfin d’années au moins. Malgré mon jeune âge j’ai quand même vécu pas mal de choses, plus je pense qu’une personne moyenne au même âge. Ça fait grandir plus vite, peut-être pour ça que la plupart de mes amis sont plus vieux et que parmi les gens que j’ai fréquenté quand j’étais à l’université, j’étais plus mature. « Oui, c’est vrai, faut essayer de voir le positif dans tout. » Même si au moment de ma rupture avec Nikolaj j’étais plutôt déprimée, regrettant tous mes choix. Heureusement qu’Elmo ne m’a pas laissé et qu’il a arrêté de me faire la gueule, ça m’a fait du bien d’avoir quelqu’un avec moi. « Tu dois être un bon prof. » Parce que ceux qui s’intéressent vraiment aux élèves, surtout à l’université, ce n’est pas la majorité. C’est ce qui m’a en partie fait lâcher les cours. Personne n’est venu me voir pour savoir comment j’allais, ce que je voulais faire ensuite. J’aurais pu aller les voir c’est sûr mais je me sentais déjà pas à ma place en amphi. Je me renseigne ensuite sur les éventuels projets de Noam, qui me répond ne pas vraiment en avoir. Je ris avant de lui dire « Mais non ! C’est juste que tout le monde veut pas les mêmes choses. C’est bien aussi de juste vivre sa vie tranquillement sans avoir des objectifs, des projets et plein de trucs à faire. »

Noam adressa un sourire touché à la jeune femme à sa supposition, qui ne reposait sur pas grand chose, en soit, mais qui faisait toujours plaisir.

-C'est gentil, j'espère être vraiment à la hauteur de ce genre de compliment.

Vega essaye de le rassurer, à sa façon sur le fait qu'il n'avait pas de projet particulier. Il se rendait compte qu'il était content d'avoir pu passer ce temps-là avec elle. Être proche de la jeunesse et comprendre leur problématiques était quelque chose qu'il espérait toujours pouvoir faire.

-Peut-être qu'un jour je trouverais un projet qui me donnera la flamme de m'activer pour quelque chose. Mais j'avoue que j'ai peur de troubler l'équilibre que je me suis trouvé. Me construire une vie apaisante ici a été relativement laborieux.

Il secoua doucement la tête.

-Bon, peut-être est-il temps de rentrer avec toutes nos affaires maintenant ?

J’imagine pas Noam être le genre de profs qui s’en fout de ses élèves ou qui fait des cours ennuyeux à mourir. Je ne sais pas comment il est quand il est face à ses élèves mais s’il arrive à m’intéresser, je me dis qu’il doit bien intéresser les autres qui doivent être un peu plus studieux que moi. « Je pense que tu l’es. » Je lui assure avant de le rassurer sur le fait que ce n’est pas si grave de pas avoir de projets. Surtout qu’il n’a pas eu une vie simple avant alors il est parfois mieux de vivre sans avoir de grands projets qui viennent perturber cet équilibre. « C’est ça ton projet en fait, vivre une vie tranquille et apaisée. » Pour moi c’est vraiment quelque chose. Un projet de vie c’est pas forcément de vouloir changer le monde, même si longtemps pour moi ça a été ça. Ça peut juste être d’avoir comme objectif de réussir à vivre au calme et à se défaire du passé. A discuter on finit par rester plantés là sur le trottoir alors qu’il nous reste encore à ramener les banderoles au local de l’association. « Oui t’as raison. » Je lui dis en me dirigeant vers la rue du local. « J’suis contente d’avoir pu discuter avec toi. »

Il esquissa un sourire aux paroles de Vega, acquiesçant doucement d'un signe de tête.

-J'imagine qu'on peut dire ça oui.

On pouvait aussi dire que ce projet manquait d'ambition, mais tant pis. Il s'était fait à l'idée il y a bien longtemps, et même la jeune femme ne semblait pas le juger.

Ils réunir les sacs poubelles et les banderoles avant de prendre tous les deux le chemin du local. Elle lui adressa un sourire sincère.

-Moi aussi je suis content, c'était un moment.

Il ouvrit la porte d'une main pour qu'ils puissent rentrer tous les deux.

-J'espère qu'on pourra se recroiser !