accept no defeat, surrender, retreat (oskár)

On ne peut pas dire que le paintball soit vraiment ma passion, j’en ai même jamais fait. Mais bon, pour la fête de la mangue, je peux bien faire une exception. Une dizaine de membres de chaque équipe ont été tirés au sort pour participer donc je n’ai pas trop eu le choix si je ne voulais pas qu’Elmo me fasse la gueule parce que je suis pas drôle et que j’ai pas envie de gagner, blablabla. Du coup j’ai accepté, même si j’y connais rien, même si j’ai jamais tenu d’arme dans mes bras, vraie ou fausse et que je suis globalement contre toute forme de violence. Pour pimenter les choses l’organisation a eu la brillante idée de mettre les gens par binôme dans chaque équipe, au hasard. Je me retrouve donc accrochée avec une corde de quelques mètres à un type que je ne connais pas du tout, qui s’appelle Oskár. Le but du jeu est de ramener le drapeau adverse dans notre base et pareil pour l’autre équipe. Sans franchement demander l’avis à mon coéquipier, je me suis dévouée pour assurer la défense de notre base. Comme ça si les autres assurent, je n’aurai pas grand-chose à faire. Une fois les équipes en position et le top départ lancé, on se retrouve rapidement seuls tous les deux, notre drapeau à côté de nous. Je me tourne vers mon coéquipier pour lui demander « T’as déjà fait du paintball toi ? » Histoire de savoir si je suis avec un pro où si on va se faire avoir en deux secondes quand les ennemis arriveront jusqu’à nous.

De ton côté, t’avais plutôt espéré que ton nom sorte de la pige. Contrairement à l’activité avec les chiens de refuge, durant laquelle ton binôme avait été Sahar, pour une heure des plus mouvementées, au paintball tu serais un peu plus dans ton élément. Pas que t’aimais les fusils, non, t’étais loin d’être un redneck, mais quand ces fusils crachent de la peinture et que c’est pour le plaisir, tu te fais un peu plus à l’idée. Et puis, il fallait que tu l’admettes, Oz, t’aimais beaucoup user de ta stratégie et de ton sens de l’observation pour avancer sur un terrain de paintball, trouvant les parcours les plus logiques pour atteindre la base des autres, te cachant aux endroits les plus tactiques et pratiques pour tirer sur les autres joueurs qui viendraient dans l’coin. Bref, tu te prenais carrément pour un militaire quand tu jouais au paintball, alors si en plus c’était pour la victoire des Pamplemousses, tu te donnerais à fond. T’étais carrément prêt à aller voler c’drapeau à l’autre équipe. Malheureusement, ta binôme, une fille du prénom de Vega que t’avais assez peu côtoyée durant la fête finalement, décida d’assurer la défense de votre base. T’avais tourné la tête vers elle, surpris, pris au dépourvu, un peu déçu, mais le choix était fait et l’équipe d’offense avait déjà donné son nom ensuite. Damn. Vous étiez attachés ensemble à une corde qui vous laissait peu de mouvement sans l’autre alors tu la suivis près du drapeau. À sa question, tu répondis : « Ouais, quelques fois. Mais rarement pour protéger la base, c’pas mon truc de juste attendre ici pendant que ça se tire partout dans la game. Mais bon. » Déjà vous entendiez les coups retentir, d’ailleurs. T’espérais que c’était pas des pamplemousses qui se faisaient éliminer à la vitesse de la lumière. Toi en tout cas, t’étais prêt à tirer n’importe qui s’présentant dans votre quadrilatère. C'est ton petit côté bagarreur qui ressortait, là.

J’aurais pu essayer d’un peu plus m’impliquer dans cette activité mais je pense que de toute façon j’aurais été relativement nulle. J’ai jamais été bonne pour les jeux en équipe. A l’école je n’étais pas la dernière choisie juste parce que je m’en sortais pas trop mal en course parce que c’est clair que c’est pas pour ma vision de jeu ou pour mon adresse avec un ballon qu’on me choisissait. Quand je me bats c’est pour mes idées et avec des mots, en allant manifester, en boycottant, bref pas avec de la violence. Je sais que ça peut parfois être utile mais je laisse ça aux autres. Une fois en position je demande à mon partenaire s’il est un peu plus expérimenté que moi. Je sens dans sa réponse qu’il est bien déçu que je l’ai entraîné avec moi en défense, il aurait sans doute préféré batailler pour conquérir le territoire adverse et pas rester là à attendre qu’un ennemi se pointe. « Ah ouais toi tu veux être au cœur de la bataille non ? S’il y a une deuxième partie tu pourras peut-être faire voir tout ton talent à l’équipe ! » Ouais j’essaie un peu de lui donner de l’espoir parce que bon c’est un peu ma faute si c’est pas la grosse éclate. On entend des tirs au loin mais ils sont pas encore près de nous. Je scrute tout de même les alentours histoire qu’on se fasse pas surprendre par un ennemi embusqué. « J’suis pas très pistolet, guerre et compagnie. » Je lui dis pour justifier mon choix de nous avoir mis à la défense plutôt qu’à l’attaque.

La réponse de ta binôme te détendit au moins un peu, dans le sens où elle aurait très bien pu te trouver tellement grognon qu’une genre de mini-guerre se serait installée entre vous deux. Attachés par une corde sans nulle part où aller, c’aurait été la partie la plus longue de ton existence. Et puis, si vous aviez été surpris en train de vous quereller sur votre attitude, on aurait pu vous voler votre drapeau dans le temps de le dire, et c’est là que t’aurais réellement été déçu. Enfin, déçu, tu l’étais mais tu t’en remettrais. Il y avait encore une chance que t’aides à la victoire de l’équipe, en défendant comme il se doit votre base. Et puis, comme Vega le disait, s’il y avait une deuxième partie tu pourrais bien aller au cœur de la bataille comme elle l’appelait. « Ouais, j’aime bien m’prendre pour un navy SEAL quand j’le peux. » Admis-tu avec un petit sourire au bord des lèvres, ce qui changeait de ton visage dur et renfrogné au moment du lancement de la partie. Tu regardais toi aussi aux alentours, tenant ton fusil de peinture prêt à tirer, parce que même si Vega elle était très jolie, c’était pas le moment de tomber là-dedans. Même si les tirs étaient loin, il y avait peut-être un très bon joueur dans l’autre équipe qui s’était déjà faufilé jusqu’à vous. Il pourrait sortir d’un des corridors n’importe quand. La jeune femme lâcha qu’elle n’était pas très pistolet, guerre et tout ça. Tu lui jetas un bref coup d’œil. « Ah non, t’es plus quoi ? » T’avais pas envie de lancer des suppositions, t’avais pas envie de tomber dans des préjugés ou quoi que ce soit. T’avais aucune idée de qui elle était alors tu ne pouvais pas essayer de deviner, aussi bien la laisser parler d’elle-même, par elle-même.

Pour un type qui aime jouer les gros durs il n’a pas l’air trop méchant. J’aurais pu très bien tomber sur un type qui n’aurait pas accepté que je prenne la décision et qui m’aurait fait tout un discours sur sa pseudo virilité et mon petit cerveau de femme qui n’est pas capable de comprendre quoi que ce soit à l’art de la guerre. Oui au final je ne suis pas si mal tombée. Oskár est peut-être un type du genre mais si c’est le cas il cache ses remarques pour lui, c’est déjà ça. « Donc si quelqu’un arrive tu le dégommes en deux secondes ? » S’il est si fort que ça il peut bien compenser le fait que je sois complètement novice et franchement intéressée pour m’améliorer. Après il aime peut-être se prendre pour un gars des forces spéciales mais qu’en réalité il ressemble plus à Johnny English ou inspecteur Gadget et qu’il arrive à ses fins uniquement grâce à la chance. Je lui fais comprendre que tout ce qui est armes, combat et violence, ce n’est pas vraiment dans mes centres d’intérêt premiers. « J’suis plus non-violence, égalité, acceptation tout ça. » Je suis pas non plus une hippie qui prône l’amour à tout bout de champ, non j’aime bien gueuler, je dis les choses comme je les pense et la plupart du temps sans grande finesse mais frapper quelqu’un pour faire passer mes idées ce n’est pas franchement dans mes principes de vie. « Du coup t’es le genre gros dur qui tape sur tout ce qui bouge ? » Sans doute cliché mais bon, quitte à devoir rester là autant discuter un peu pour apprendre un minimum à se connaître et faire passer le temps. Je n’aime pas franchement les silences même si ça nous permettrait d’entendre un peu mieux ce qu’il se passe autour de nous.

Tu ne pensais pas avoir une masculinité toxique et un besoin d’affirmer ta virilité en toutes occasions. Cependant certaines personnes pourraient argumenter le contraire en voyant tes réseaux sociaux : ta page Instagram regorgeait de photographies de style boudoir, alors on pourrait t’accuser d’objectiver le corps de la femme. De ton côté t’interprétait plutôt ça comme l’appréciation de l’art derrière, la beauté du corps ainsi capturée. Et puis, pour ce qui était de ton côté un peu bad boy et ta tendance à flirter dès qu’une femme te plaisait, tu ne voyais pas ça non plus comme un trait toxique. T’aimais être un peu délinquant, t’aimais séduire, t’aimais aller à l’encontre des règles de temps en temps, mais jamais dans la violence, et jamais dans l’illégalité - ou si peu. « J’y compte bien ! Surtout si c’est Chelsea ou Luna. » Lâchas-tu, un peu plus pour toi-même pour cette dernière partie, mais tu tournas quand même la tête vers Vega quelques secondes, pour préciser : « Deux collègues à moi, chez les Mandarines. » T’esquissas un sourire. T’avais du mal à imaginer Chelsea avec un fusil à peinture entre les mains, alors si en plus ils l’avaient foutu à l’avant-plan, t’allais bien rire. Luna en revanche, t’aurais été curieux de la voir aller. Tu demandas par la suite quel type de personne était Vega, puisqu’elle n’était pas pistolet et tout ça. Tu hochas la tête. « C’est quand même pas mal mieux, ouais. » Admis-tu. T’étais là-dedans aussi, sachant qu’en Australie les mexicains ne couraient pas les rues, il avait fallu que tu luttes contre certains préjugés qu’ils pouvaient avoir, les australiens. Aujourd’hui encore ça t’arrivait, d’ailleurs. Tu resserras ton emprise sur ton fusil, juste pour te remettre dans le bon état d’esprit. Ça te donnait sans doute des airs de gars violent, cette position que t’adoptais. En tout cas, assez pour que ça éveille les questions chez Vega. « Nan pas vraiment. J’préfère quand c’est de la peinture qui sort du fusil, tu vois. » Il esquissa un sourire. Il allait quand même pas lui avouer : ouais, ça m’arrive de sortir les poings alors attention si tu me cherches, j’risque de t’en foutre une.  « J’ai l’air de ça ? » Demandas-tu, amusé, arquant un sourcil alors que tu lui jetais un coup d’œil.

Je peux compter sur lui pour assurer nos arrières c’est déjà ça. Il cite deux noms de femmes, ou en tout cas qui y ressemblent, et je hausse un sourcil, perplexe. Il précise alors qu’il s’agit de deux collègues à lui. Ok, ça n’a pas l’air d’être le type qui veut passer ses nerfs sur ses exs ou je sais pas trop quoi. Chez les mandarines par contre il y a bien mon ex et j’avoue que rien que pour lui je serai prête à prendre mon pistolet et à remplir sa combinaison de peinture, je pense que ça me ferait du bien. Même si ça va bientôt faire quatre ans maintenant, ma haine est toujours présente. C’est avec lui que la poisse amoureuse a commencé ! « Elles t’énervent et du coup tu veux passer tes nerfs ? » Je lui demande en riant, en espérant qu’il ne réponde pas oui sérieusement à ma question. Je me demande ce qu’il fait comme boulot en fait, j’essaie de l’observer un peu pour voir si sa tête me dit un truc mais j’ai croisé tellement de gens à Bowen que j’ai du mal à m’en souvenir. Il me paraît pas si étranger que ça mais impossible de savoir où j’aurais pu le croiser. Peut-être qu’il vient aux manifs lui aussi ? Vu qu’il ne trouve pas que ça soit débile d’être pacifiste et pour l’égalité de tous. Pour moi c’est des trucs basiques que tout le monde devrait penser mais je me rends bien compte, en voyant tout ce qu’il se passe dans le monde et certaines réactions autour de moi, que ce n’est pas franchement une évidence pour tout le monde. « Ça va alors on va pas s’entre-tuer. » Je lui réponds un sourire. De toute façon ça serait un peu con et je pense que les autres gens de l’équipe nous en voudrait à mort de nous chamailler comme des enfants et de faire perdre la team. Je lui demande tout de même s’il est du genre à jouer les gros bras et à adorer les armes. Visiblement non, il aime bien uniquement quand il s’agit de billes de peinture. Elles peuvent faire mal, j’appréhende un peu, mais nettement moins dangereuses que de vraies balles. « Non, non, non. » Peut-être que sans m’en rendre compte j’ai eu un peu trop de préjugés sur Oskár, tout ça parce qu’il voulait aller en attaque et tirer sur les gens de l’équipe adverse. « C’est juste que comme t’étais déçu d’être en défense, j’ai fait p’tit peu trop de conclusions. »

Un éclat de rire traversa la bordure de tes lèvres, t’espéras que ça n’avait indiqué à personne votre position. Après tout, il fallait vraiment connaître le terrain par cœur pour savoir exactement où se diriger pour aller récupérer le drapeau. D’autant plus que les gestionnaires du site changeaient d’emplacement pour les bases à chaque partie, question que les habitués ne puissent justement pas savoir directement quel chemin prendre. C’était un véritable labyrinthe, là-dedans, alors si quelqu’un t’avais entendu rire ça aurait pu vous trahir, Vega, toi, et toute l’équipe d’ailleurs. « Non malheureusement j’connais personne dans l’autre équipe qui m’énerve, j’crois. J’avoue que ça doit être satisfaisant. T’as pas quelqu’un en tête, toi, sur qui je pourrais tester ? » Tu souris, avant de répondre à la question initiale avec un peu plus de précision : « J’imagine pas Chelsea être très douée en paintball alors si c’est elle qui est en approche, j’crois qu’on est safe. Quoiqu’elle est pro de jeux vidéo, alors, qui sait … Ça l’emporterait peut-être sur sa personnalité. » Réalisas-tu à voix haute. Peut-être que tu serais surpris, peut-être que ce serait Chelsea qui aurait la meilleure stratégie grâce à son expérience en jeux vidéo, et que ce serait Luna qui malgré son côté badass, irait dans tous les sens sans aucune logique. Vega déclara par la suite que vous n’alliez pas vous entre-tuer, puisque vous sembliez avoir quelques points communs dans vos perceptions. « Ça ne devrait pas. » Répondis-tu avec amusement. Malgré ça, Vega semblait encore avoir une image de toi un peu violente. T’aurais peut-être pas dû lancer la conversation avec elle en boudant de ne pas pouvoir arpenter les couloirs du terrain en te cachant pour mieux tirer sur tout le monde. C’est vrai que ça pouvait avoir envoyé le mauvais message. « J’aime le jeu, j’aime être dans le feu de l’action. Ça veut pas dire que j’ai envie d’tuer tout le monde. » Tu haussas les épaules. « Juste de les éliminer et d’les couvrir bien comme il faut de notre peinture. Après tout, c’est notre équipe la meilleure, non ? » Tu tournas la tête vers elle. « On domine.  Le jeu. » Et tu voulais aussi dominer cette partie de paintball, d’où le fait que t’avais été déçu de pas pouvoir t’en assurer, ça, en allant au front.  

Il n’a pas l’air de détester ses collègues, juste de vouloir les embêter un peu ingame, rien de bien méchant. Il me demande à mon tour si j’ai quelqu’un sur qui j’aimerais bien passer mes nerfs. « Chez les mandarines y’a mon ex mais je sais même pas s’il est dans la partie. » Je n’ai pas fait gaffe aux autres équipes, trop concentrée à chercher mon binôme parmi les jaunes. De toute façon si Nikolaj avait été là, je lui aurais pas adressé la parole ni un coup d’œil donc ça ne change pas grand-chose. « J’pense que les jeux vidéos ça doit aider, au moins pour la théorie. Après ça dépend à quoi elle joue parce que j’ai pas mal joué à Animal Crossing mais je pense pas que ça soit très utile ici. » C’est pas trimer pour rembourser les prêts de ce capitaliste de Tom Nook qui va franchement m’aider à manier un pistolet tireur de balles de peinture. J’aime bien jouer aux jeux vidéos, même des jeux de combats parfois parce que bon je suis pas si extrême dans mon idée de la non-violence mais je préfère les jeux chill. Les cosy games comme on les appelle, des jeux qui font juste du bien et qui donnent pas envie de balancer son clavier ou sa manette à travers la fenêtre. Je joue aussi à des jeux moins cosy comme Hitman par exemple, pas franchement la définition d’un jeu wholesome puisqu’il s’agit de tuer des cibles en jouant les agents secrets. Oskár me confirme bien qu’il aime bien juste tirer sur des gens parce qu’il s’agit du paintball et que c’est marrant et parce qu’il a des choses à prouver ou je sais pas quel autre bullshit peuvent sortir les mecs machistes qui savent plus quoi inventer. « Ouais t’as raison, personne peut nous battre. » Enfin il ne faudrait pas trop prendre la confiance non plus. Justement quelqu’un arrive à se faufiler pas très loin de nous mais avec la discrétion d’un bulldozer donc on l’entend arriver, je fais signe à mon binôme, restant silencieuse pour pas qu’on se fasse repérer. Je passe en mode furtif, je crois que je me fais vite au jeu au final.

Tu haussas les sourcils en apprenant que l’ex de Vega se trouvait dans la team adverse. Mais peut-être pas dans la partie en tant que telle. « Comment il s’appelle ? » Ça te ferait potentiellement un bon target pour les prochaines parties si t’étais davantage dans le feu de l’action. Tu essayas de te repasser dans ta tête les mecs que tu connaissais chez les Mandarines. Il n’y en avait même pas, en fait.  Ce serait difficile de reconnaître son ex rien qu’avec son nom comme tu ne connaissais aucune tête dans ce groupe. Au pire, t’éliminerais juste tout le monde – avais-tu pensé une seule seconde faire autrement ? Tu parlas rapidement de Chelsea parce que t’avais capté, après avoir pensé que sa personnalité timide jouerait contre elle dans le jeu, qu’en fait avec les jeux vidéo elle s’en tirerait sans doute pas mal. Tu souris quand Vega parla d’Animal Crossing. « Nan, elle fait dans le First Person Shooting, encore heureux que ce soit avec sa manette et pas dans une réalité virtuelle super développée. On serait dans la merde. » Dis-tu avec un sourire. Tout d’un coup, t’avais bien envie de te retrouver face à Chelsea dans ce labyrinthe, en fait. Ça te permettrait de voir un tout nouveau visage de cette fille qui avait du mal à avaler un verre de rhum au complet. Songer à tout ça te donnait un boost d’énergie, t’en pouvais plus de te tenir juste ici sans action alors que tout se passait là-dedans, là-bas. Vega semblait elle aussi se hyper un peu, lâchant que t’avais raison, que personne pouvait vous battre. « There you go. » Lâchas-tu en la regardant avec un sourire fier, mais rapidement ton attention se retourna vers l’un des corridors parce que des pas qui n’étaient pas vraiment subtils se firent entendre. Tous les deux sur la même longueur d’ondes, vous aviez alors commencé à vous communiquer par signes, allant vous cacher en longeant le mur que le joueur allait bientôt dépasser, pensant sans doute que votre base avait été laissée à découvert. Nan, vous étiez pas noobs. Tu positionnas ton fusil pour pouvoir tirer dès que tu verrais la silhouette du joueur rentrer dans le quadrilatère. Le con, il courut vers le drapeau sans même vérifier la zone. Vega tira en même temps que toi, et de belles éclaboussures de peinture jaune éclatèrent sur le one-piece du joueur des Mandarines. « Take that, motherf***** ! » Lâchas-tu avec plein d’entrain, levant la main vers Vega pour qu’elle tape dedans. « Gg !  »

Ça me faisait sourire qu’Oskár soit prêt à dégommer Nikolaj si jamais il venait à apparaître. Enfin je pense qu’il dégommerait n’importe qui vu son envie d’utiliser son pistolet. « Nikolaj, tu le reconnaîtras, il a une tête de con. » Typiquement le genre bad boy agaçant dont l’héroïne du film tombe amoureuse et découvre finalement qu’il a un grand cœur. Moi j’ai juste découvert que c’était un gros con et que ne jamais le rencontrer aurait été la meilleure chose qui puisse m’arriver. Mais bon c’est le passé, j’ai fini par avaler cette erreur de parcours et la relativiser. Sans ça mon amitié avec Elmo n’aurait pas été aussi forte, je serai partie de Bowen et je n’aurais sans doute jamais eu cette idée de création de lieu inclusif sur laquelle je travaille depuis quelques mois maintenant. Oui j’essaie de voir le positif. Bon visiblement la collègue du jeune homme, experte en jeux vidéos, n’est pas trop spécialisé en jeux de gestion mignons mais en bons gros jeux de tirs, exactement comme ce qu’on est en train de faire. « Même avec une manette je pense que niveau stratégie elle nous défonce ! » Plus qu’à espérer que les autres de l’équipe ne soient pas trop nuls. Avant de partir ils avaient l’air de bien discuter entre eux de la stratégie d’attaque à adopter donc j’imagine qu’ils doivent un minimum s’y connaître au moins l’un ou l’une d’entre eux. Tandis qu’on se félicite de notre super équipe, des pas peu discrets se font entendre. On se parle alors par signe avec Oskár, allant se cacher pour ne pas rester ultra-visibles à côté du drapeau. Dès que la cible qui semble venir la fleur au fusil, approche, on lui tire dessus. La moitié de mes balles le loupe mais mon coéquipier s’en sort bien mieux que moi, pas trop étonnant. « Tu t’y fais vite à tirer sur les gens. » Je lui dis en riant avant de taper dans sa main. « On devrait peut-être trouver un coin où se cacher en gardant le drapeau en visuel histoire que si quelqu’un d’un peu plus discret arrive, il nous dégomme pas en deux secondes. » Je lui propose alors.

Une tête de con, ça aussi ça t’arracha un rire, bordel, il te faudrait apprendre à rire en silence, autrement t’allais vous trahir, toi qui voulais pourtant tellement gagner. « Mais qu’est-ce qu’il t’a fait ? » Demandas-tu, sans forcément attendre de réponse mais s’il y en avait une, tu l’écouterais. T’en avais pas grand-chose à faire des petites querelles de couple, c’est un peu pour ça que tu t’étais tenu loin des relations amoureuses pendant longtemps, jusqu’à ce que Sahar bouleverse tout ton équilibre. À coup de querelles, justement. Mais si ce Nikolaj avait quelque chose de plus gros, de plus con, que t’apprenais de sales coups de sa part envers Vega, peut-être que tu le dégommerais bien comme il faut, ouais. C’était con, cette Fête de la mangue ne durait pas bien longtemps mais déjà, tu te sentais protecteur envers les autres pamplemousses. Vous étiez une équipe. C’est d’ailleurs pour ça, aussi, que tu partageais autant d’infos sur les joueurs que tu connaissais de l’autre côté. Chelsea était un de leurs atouts pour ce jeu de paintball alors forcément, fallait que Vega soit au courant de ses skills. « Ouais, probablement. » Admis-tu à propos de la gameuse qui vous défonçait sans doute, niveau stratégie. Au moins, vous étiez pas complètement nulles vous deux non plus, en tout cas dès qu’un adversaire se fit entendre, les bons réflexes vous trouvèrent. Il n’eut même pas le temps de mettre la main sur le drapeau, il était déjà couvert de peinture. Il retourna bredouille au point de départ. « Je me suis dit : au cas où c’est Nikolaj. » Mais à voir la réaction de Vega, ce n’était pas lui, ou alors elle avait une sacrée pokerface. « Toi t’as une dent contre ce mur on dirait. » Dis-tu en pointant le mur derrière l’endroit où se trouvait l’homme-mandarine. Il y avait quelques ronds de peinture jaune par-ci par-là. C’était aussi ça, le paintball. « Le mieux se serait qu’on soit bien cachés à des côtés opposés pour qu’on puisse surveiller chaque corridor et avertir l’autre, mais avec cette fichue corde, c’pas possible. Quel coin nous permettrait d’avoir le meilleur visuel ? » Demandas-tu en regardant autour de vous, analysant l’espace.

Malgré les années, ma haine envers Nikolaj persiste. Elle est bien moindre qu’avant mais lorsque je pense à lui ou que je parle de lui, rien de bien ne me vient en tête. On ne s’est pas parlé depuis une éternité, j’ai toujours évité les choses qui pourraient me ramener vers lui, même Ash de qui je me suis éloignée parce qu’ils étaient trop proches tous les deux. J’espère juste qu’un jour il quittera la ville et que je n’aurais plus jamais l’occasion de le croiser. Je pourrais partir aussi mais déjà ça serait un peu renoncer et aussi j’ai fini par me convaincre de rester, juste parce que l’idée d’être loin d’Elmo me déprimait. Quand il a parlé de son visa qui expirait, je me suis sentie si triste qu’il puisse partir et qu’on se voit plus tous les jours. Mais bon on va continuer à se voir tous les jours et même à être mariés ! « Il m’a menti, il m’a trompé et a retiré la dernière once de naïveté que je pouvais encore avoir à ce moment là. » Je résume alors. En même temps si j’avais été un peu moins aveugle et candide à cette époque là, j’aurais bien vu que ça ne pourrait mener qu’à la catastrophe cette relation, globalement à sens unique. Oskár me parle des autres personnes qu’il connaît dans l’équipe adverse. Pas longtemps après justement un type de la team adverse se pointe tranquillement et évidemment il se retrouve vite plein de peinture. Je ris quand mon coéquipier me dit qu’il a tiré beaucoup plus de coups que nécessaire au cas où ce soit mon ex. « Non il avait l’air trop sympa. » Ce qui est vrai. « Je suis sûre c’est un agent double. » Je lui dis en parlant du mur qui est devenu un peu plus jaune à cause de mes tirs. A présent qu’on sait que des ennemis peuvent s’infiltrer, il faudrait qu’on se cache. A cause de la corde, on ne peut pas faire la stratégie optimale, visiblement, je n’y connais rien. On doit donc trouver un endroit où se mettre tous les deux qui soit suffisamment bien placé. Je scrute les alentours avec le jeune homme. « Là, on pourrait peut-être se mettre un peu en hauteur. Le seul truc c’est que s’ils contournent complètement le camp, on les verraient peut-être pas arriver. » Je lui dis en montrant une petite butte un peu cachée.

Ta coéquipière de défense t’expliqua grosso modo ce que son ex Nikolaj lui avait fait. Mensonges et tromperies, le mix parfait pour détruire une relation, quoi. Et la pauvre qui pensait encore pouvoir avoir confiance en tout le monde et surtout en la personne qu’elle aimait, à ce moment-là. « Ah, ouais. Il n’a pas juste une tête de con, donc. » Il l’était, con. Parce que t’avais beau penser qu’il fallait rapidement se désillusionner des relations parfaites et belles et toutes roses, dans la vie, tu ne pensais pas non plus que tout amour était voué à l’échec. On pouvait faire confiance à certaines personnes, dans une certaine mesure, jusqu’à un certain point. Mais son ex avait clairement tout foiré, lui. Tu décrivis rapidement deux autres joueuses que tu connaissais dans l’équipe adverse, mais à peine cette discussion terminée, un adversaire filait vers votre drapeau. Ce n’était ni Chelsea ni Luna, c’était un mec, tu pensas que c’était peut-être le fameux Nikolaj du coup tu t’en donnas à cœur joie avec ton fusil. Tu le barbouillas de peinture, le pauvre, et probablement de quelques ecchymoses demain. « Trop sympa ou trop stupide, de foncer comme ça vers le drapeau sans surveiller ses arrières, mais ok. » Repris-tu, avant de désigner le mur que Vega n’avait pas raté. Tu ris quand elle le soupçonna d’être un agent double – le mur. Tu secouas la tête face à son humour. Tu analysas ensuite votre base, cherchant le meilleur coin où vous planquer pour pouvoir mieux réagir lors de la prochaine invasion, parce que tous les membres de leur équipe ne devaient pas être aussi nuls que le premier, quand même. « Peut-être que tu peux t’mettre en haut de la butte et que malgré la corde j’peux me positionner un peu plus bas, ça nous permettrait peut-être de couvrir un peu plus visuellement. » Proposas-tu, même si t’étais pas convaincu de ton plan. T’avais l’habitude de faire tout par toi-même, de pouvoir te déplacer librement dans le jeu, pas d’être attaché à une corde à quelqu’un d’autre. Ça compliquait pas mal les choses, quand même.

Ça me fait toujours du bien de me défouler sur Nikolaj et si je peux étaler un peu plus sa réputation aux autres, ça me va. Maintenant je pense qu’il est assez connu comme un type pas fiable pour ne plus avoir grand monde, ou peut-être les personnes naïves comme je l’étais à l’époque. En tout cas Oskár est de mon côté. En même temps il n’a pas trop le choix étant donné qu’on est accroché ensemble, que j’ai une arme, certes factice, entre les mains et que je n’ai clairement pas fait un portrait flatteur à mon ex, mais il le mérite. « Il a le package complet. » je souligne. Si seulement j’avais été un peu plus méfiante. Enfin je dis ça mais je me fais toujours avoir maintenant, je crois que depuis cette époque ma vie amoureuse est maudite et que chaque fois qu’il y a une lueur d’espoir, quelqu’un vient la piétiner. Je profite de cette remontée de haine pour me défouler un peu sur le type qui s’est aventuré la fleur au fusil vers nous. Bon, je touche plus le mur qu’autre chose parce que je suis clairement nulle en tir, vu que je n’en ai jamais fait. On cherche ensuite un endroit où nous mettre pour bien avoir une vue sur les environs et bien protéger notre base, parce que c’est quand même notre boulot. Mon coéquipier propose que je me mette en hauteur et lui en contre-bas, si la corde entre nous est assez longue. « On peut essayer. » J’approuve avant de me diriger vers l’endroit désigné pour monter dessus. La corde n’est vraiment pas pratique et je galère un peu. « Je pense que je peux pas me mettre debout sinon ça sera trop court mais accroupie ça peut le faire...mais je sais pas pendant combien de temps je peux rester comme ça. »