you see only what you want to see but that’s me in your peripheral vision (fede)

C’est vrai que ta mère avait un peu bousculé les choses dans ta relation avec ta petite amie. Mais elle avait vu juste. Dans ton regard, elle avait vu à quel point tu étais amoureux et à quel point tu voulais finir ta vie avec elle. Et puis, ta soeur avait déjà un enfant, elle voulait que ça continue comme ça dans la famille. Que vous aillez chacun votre vie de famille bien posée, et que vous soyez heureux. « Oui, mais elle t’organiserai des rendez-vous avec des nanas qu’elle aime bien pour que tu finisses avec » dis-tu avec un rire. « Crois-moi, elle l’a déjà fais » ajoutas-tu avec un peu plus de sérieux. Quand tu étais encore jeune adulte, elle avait organisé des rendez-vous avec des filles qu’elle connaissait pour que tu les rencontres. Enfin vous connaissez les mamans, elles veulent que vous soyez casé et heureux. C’était le cas de la tienne. Et en plus une mamma italienne, c’est encore pire. Tu riais à sa remarque. « C’est pas faux » répondis-tu toujours en riant. Tu t’étais calmé au niveau des soirées depuis que tu n’étais plus au Wojna’s. De 1, les soirées étaient moins intense au Hendrix et de 2, tu avais rencontré l’amour de ta vie. Et ça compte beaucoup, ça. « Promis, je te dirai ça » dis-tu à ton ami. Tu avais hâte que Leti rencontre Oskar. Vous étiez assez proche tous les deux, tu trouvais ça même bizarre de pas lui avoir présenter avant, parce que ça compte beaucoup pour toi. Tu envoyais brièvement un message à la concernée pour l’informer et tu rangeais ensuite ton téléphone. Ensuite, tu prenais une gorgée de ta bière, imitant ton ami. « J’sais pas si c’est le meilleur remède mais en tout cas ça fait du bien » dis-tu avec un léger rire. C’était un service assez rapide, tu étais content. T’espérai que la bouffe arrive vite aussi. « Ecoute, pas trop mal ! J’ai récupéré pas mal de clients de l’ancienne propriétaire du shop et ils sont tous satisfait de mon travail donc c’est cool ! » avouas-tu à ton ami avec un sourire. « Quand est-ce que j’te fais un petit quelque chose ? » demandas-tu avec un sourire en coin.

Tu éclatas de rire en entendant ce que la mère de Fede lui avait réservé, à une époque : des rendez-vous avec des demoiselles qu’elle aimait bien. Tu penchas ta tête vers l’arrière en riant, pensant à ta mère tout d’un coup. Elle te manquait grave. T’aurais même été prêt à endurer ces rendez-vous à l’aveugle, si c’était pour passer un peu plus de temps avec elle. Tu regardas Fede à nouveau en secouant la tête. « J’en déduis que ça n’a pas trop fonctionné, ses plans. » Puisque Fede se mariait à une femme qu’il avait rencontrée ici. « J’parie que si j’étais encore au Mexique, ma mère essaierait elle aussi d’me matcher avec toutes les petites voisines. » Tu ris. Ça ne risquait pas de fonctionner pour toi, mais pas parce que le courant ne passerait pas, juste parce que … bah, t’étais pas vraiment prêt pour un tel engagement, toi. Te marier, ça te faisait un peu flipper comme idée. Tu vivais beaucoup trop au gré de tes envies pour te dire que tu t’engageais à vouloir la même chose, la même personne, jusqu’à la fin de tes jours. Et t’allais quand même pas te marier en mode ça durera le temps que ça durera. Ça ne risquait pas de passer auprès de ton hypothétique flamme, ni auprès de Dieu. Pour le moment, tu te contenterais de vivre tout ça à travers les autres, à commencer par Fede et Letícia qui filaient le parfait bonheur. Ton ami te tiendrait au courant pour cette petite soirée dédiée à la première rencontre entre sa fiancée et toi-même. Tu commençais déjà à penser au menu que tu pourrais leur concocter. Quand tu recevais, t’aimais recevoir les autres comme des rois. Tu pris une gorgée de bière en réfléchissant à tout ça, pendant que Fede était sur son téléphone, avant de lui demander comment la business se portait. « Cool, cool, cool. Ça aide de reprendre la clientèle de quelqu’un d’autre c’est clair, ça facilite les premières années. Pis le bouche-à-oreille va se faire vite avec le talent qu’t’as, j’me fais pas de soucis. » Tu souris à sa question. « J’me retiens souvent de t’envoyer des idées, j’vais être accaparant sinon. Mais ça se peut fort bien que je passe sous ton aiguille très … très bientôt. » Admis-tu avec un même sourire en coin que celui de Fede. Quelques minutes plus tard, vos plats arrivèrent et tu attaquas ton burger avec appétit.

« En effet, non ! » confirmas-tu à ton ami avec un rire. « En plus c’était généralement des filles un peu coincé, très bien rangé dans leur vie. Pas du tout ce qui me plaît en général » ajoutas-tu toujours en riant. Mais heureusement, elle avait vite compris que tu tomberai amoureux tout seul, sans son aide. Surtout que tu étais parti assez tôt en Australie, alors forcément, elle ne pouvait plus rajouter son petit grain de sel dans tes relations sentimentales. « On a tous les mêmes mères. Celles qui veulent nous caser alors qu’on en a pas forcément besoin » dis-tu à l’égard de ton ami quand il parle de sa mère. Jamais tu n’aurai pensé que tu allais te marier, c’était une chose vraiment à laquelle tu n’avais jamais pensé mais quand tu avais rencontré Leticia, tu savais que c’est avec elle que tu finirais tes jours et avec qui tu aurais des enfants. Elle était la femme de ta vie et ça, personne ne pouvait te faire changer d’idée. Et tu n’avais même pas eu besoin de ta mère pour trouver la femme de tes rêves. Puis pour changer de sujet, vous parliez un peu de business. Tu t’étais installé récemment au salon d’une tatoueuse. Et finalement, elle t’avait laissé la gérance du salon et tu t’étais retrouvé seul. Alors forcément, ça aide d’avoir trouvé une place aussi rapidement et surtout de gérer seul son entreprise. « Ouais ça aide beaucoup ! J’avais déjà une petite clientèle quand je tatouais dans ma chambre. Mais là c’est plus professionnel et ça marche mieux, forcément » répondis-tu avec un sourire. Tu prenais une gorgée de ta bière avant de reprendre. « J’fais ma pub sur les réseaux mais clairement, le bouche-à-oreille ça marche mieux. Si t’as des potes ou des collègues qui veulent se faire tatouer, parles de moi » ajoutas-tu en faisant un clin d’oeil à ton ami. Tu avais déjà une bonne clientèle mais ça faisait toujours plaisir de trouver de nouvelles personnes à tatouer. « Faut pas hésiter, fratello ! Je t’attends avec plaisir » répondis-tu avec un sourire en coin.

Tu grimaças quand Fede te parla des filles coincées et bien rangées dans leur vie. Toi non plus c’était pas du tout ton genre de femmes. T’étais peut-être même pire que ton pote là-dessus, parce que t’avais tendance à aimer les femmes-tempêtes, celles qui détruisaient tout sur leur passage à commencer par elles-mêmes et leurs relations. La noirceur t’allumait. Tu ne connaissais pas Letícia mais de ce que tu avais entendu, elle n’était pas non plus la plus grande des rebelles. Le juste milieu dont Fede avait besoin, tout simplement. Ouais, il était vraiment bien tombé. « Ouais, j’te comprends, même si tu vas t’marier, j’t’imagine quand même bien mal dans une petite routine trop ordonnée. » Et t’avais beau pas être prêt pour le mariage, ce n’était pas parce que tu avais une vision bien stricte de cette institution. Le mariage pour toi ça n’équivalait pas à vie casanière et barbante. Il y avait mille et une manières de garder la flamme vivante et brûlante, même une fois la bague passée au doigt, ça t’en doutais pas. « On les aime comme ça. » Dis-tu tout simplement à propos de vos mères. Tu savais que ton ami portait la sienne dans son cœur autant que toi pour la tienne, malgré la distance. Tu le questionnas finalement sur ce salon de tatouage qu’il avait récupéré assez vite après s’y être installé. C’était quand même une sacrée chance qu’il avait eu. Fede était comme toi là-dessus : vous préfériez gérer vous-mêmes vos business. « J’ferai passer le mot chez les nouveaux au Wojna’s qui te connaissent pas. T’as un bon bassin de potentiels clients, là. » Affirmas-tu avant de prendre une gorgée de ta bière. Au moins il avait déjà un client en toi, et d’ailleurs t’allais sans doute bientôt revenir à son salon mais pas pour l’inviter à aller manger un morceau. « I know you do.. » Ça paraissait que Fede aimait ce qu’il faisait et encore plus quand il avait la chance de tatouer des amis. Tu n’irais jamais voir un autre tatoueur que lui, ça il pouvait en être sûr. Vos plats arrivèrent et tu croquas dans ton burger sans attendre. Les échanges se firent plus rares pendant que vous dévoriez vos repas – ta mère t’avait appris à ne pas parler la bouche pleine, et comme c’était délicieux et qu’une bouchée n’en attendait pas une autre …

Tu voyais la grimace que faisait ton ami et ça te faisait rire. La petite routine bien rangée, c’était pas pour vous. Même si tu étais en couple et que tu allais te marier, il y avait définitivement un changement mais tu étais toujours le même gars qui aime surprendre et casser la routine. « C’est clair, c’est pas du tout mon genre » répondis-tu à ton ami avec un léger rire. Mais bon, ta mère avait essayé de te caser avec quelqu’un et de te faire comprendre que tu devais te marier assez vite pour qu’elle soit fière de toi. Finalement, elle avait adoré ta future femme et elle t’avait dit que tu avais bien fais d’attendre pour te marier avec elle. Et comme bon fils à maman que tu es, tu avais quand même attendu son approbation avant de faire quoi que ce soit. Si tu te mariais à Letícia dans quelques semaines, c’était aussi parce qu’elle t’avait poussé à faire ta demande. Mais tu ne regrettais pas d’un pouce. « J’aurai pas dis mieux » avouas-tu à ton ami. Tu l’aimais ta mère, et tu savais que lui aussi, il était très proche de la sienne. Ensuite, tu parlais de ta petite entreprise au mexicain, lui disant que tu faisais maintenant et qu’il faudrait qu’il vienne faire un tour. « Les employés du Wojna’s sont mes meilleurs clients » dis-tu dans un rire. Tu avais déjà tatoué pas mal de vos anciens collègues, surtout quand tu faisais encore des tatouages dans ta chambre. Et ils avaient été tous satisfait, notamment Oskár que tu avais tatoué plusieurs fois. Vos burgers arrivaient rapidement à la table et vous vous jetiez dessus tous les deux. Une faim de loup que vous aviez alors vous ne parliez plus et vous vous contentez de mâcher. Une fois les deux burgers terminés, tu te laissais aller sur ta chaise et affichais un grand sourire. « Quelle bonne idée tu as eu de venir me chercher pour un bon repas comme ça » soulignas-tu à ton ami, toujours avec ton sourire.

Nul doute que les employés du Wojna’s étaient les meilleurs clients de Fede. Sans pourtant discriminer lors des embauches, c’était étonnamment à peu près toujours le même style de personne qui débarquait dans les cuisines ou dans la salle à manger. Des gens peu matinaux, des gens qui n’suivaient pas trop les règles, des gens qui préféraient largement discuter entre eux que de servir les clients, des gens qui s’étaient dit, il y a belle lurette, je ne me ferai qu’un seul tatouage et qui ne comptaient maintenant plus le nombre de dessins sur leur peau. Tu généralisais, of course il y avait des exceptions, et heureusement que ces personnes-là étaient là pour parfois vous ramener un peu à l’ordre, autrement le Wojna’s ne roulerait pas aussi bien qu’il le faisait actuellement. À travers les conneries il fallait aussi bosser. « J’en doute pas une seconde. » Avais-tu répondu tout simplement, en souriant. Vos burgers arrivèrent et tels deux animaux affamés, le silence se fit maître entre vous deux pendant que vous mangiez avec appétit. Quelques paroles ici et là, mais pas grand-chose. Ça ne te stressait pas, de toute façon, tu n’allais pas éterniser le repas juste pour le plaisir, vous étiez ici pour bouffer et c’est ce que vous faisiez. T’étais probablement l’une des personnes les plus confortables dans le silence, même partagé. Tu terminas ton burger une ou deux minutes avant Fede, mais t’occupas quand même ta bouche à terminer ta bière. Tu te sentais déjà beaucoup mieux que lorsque t’étais arrivé. « J’passerai plus souvent, des lunchs express comme ça, ça nous permettra d’mieux nous tenir à jour sur c’qui se passe dans nos vies. » Parce que lorsque vous vous retrouviez avec d’autres, vous ne preniez pas aussi bien le temps de discuter. « Bon, j’priverai pas ton salon de ta présence plus longtemps, d’toute façon j’dois retourner à Las Velas pour ouvrir et voir si j’ai eu des réservations de dernière minute. » Tu levas la main vers le serveur pour lui faire signe que vous étiez prêts à payer.

Les employés du Wojna’s étaient tes plus fidèles clients mais ceux qui consommaient dans ce bar aussi. Surtout que la plupart des employés avaient connu les tatouages dans ton premier appartement que tu avais avec Lucie et où tu tatouais dans ta chambre. Ils avaient donc le plus suivi ton évolution que certains de tes clients. Et puis, comme certains étaient des anciens collègues à toi, tu leur faisais des remises, comme ils t’en faisaient sur les boissons. Les burgers arrivaient rapidement et vous remplissiez tous les deux votre panse dans le silence en lâchant quelques mots par-ci, par-là. Mais pas de réelle conversation. C’est normal en même temps, vous aviez la bouche pleine et surtout vous aviez bien faim tous les deux. Venait la fin du repas, où tous les deux vous finissiez vos bières en même temps et tu élargissais un sourire. « C’est clair, faut qu’on se fasse ça plus souvent hermano » dis-tu avec un sourire en coin. Toi aussi, tu pouvais aller le voir plus souvent à son club de voile ou même dans le bar où vous aviez bossé ensemble. C’était plus sympa que de manger seul dans l’arrière boutique. « Pas de soucis ! Je passerai un de ses jours pour voir si j’suis toujours aussi mauvais avec une voile » dis-tu avec un léger rire. Le serveur venait pour vous encaisser et vous sortiez du restaurant. « Ciao, fratello » dis-tu avec un sourire en coin. Puis tu reprenais ton chemin vers le salon, pour réouvrir pour l’après-midi pendant que ton ami partait à son club de voile.

FIN DU SUJET.