- Entdeckung -
Un meurtre à Bowen, c’était un évènement exceptionnel – mais le genre d’évènement exceptionnel dont se serait bien passé l’Inspecteur David Brossman. Hélas, aussi petite et tranquille que fusse la ville, le vice et les tragédies ne l’épargnaient guère. Enfin … tout ce qu’il savait pour le moment, c’est qu’on avait découvert le corps d’une jeune femme – cela pouvait tout autant être un suicide ou un accident. Aucune de ces perspectives n’étaient plus réjouissantes que la possibilité d’un homicide, et ne l’était pas non plus celle qu’il allait devoir en tout cas annoncer une très mauvaise nouvelle à la famille de la défunte. Ce qu’il détestait faire ; malgré les années, il ne s’y était jamais vraiment habitué.
L’homme venait d’arriver sur place ; il allait pouvoir constater les choses par lui-même. Un agent en uniforme releva la tête vers lui et le salua d’un sourire poli. L’inspecteur le salua à son tour avec un signe de tête. «
Quelle est la situation ? », demanda-t-il, allant droit au but comme à son habitude. «
Une passante a découvert le corps sans vie d’une jeune femme, il y a environ une demi-heure », commença à expliquer le policier. «
Son sac à main a visiblement été fouillé, et aucune trace d’un téléphone portable. » Brossman fronça les sourcils – tout portait à croire à un vol qui aurait mal tourné. «
Une idée sur l’identité de la victime ? », demanda-t-il ensuite. «
Oui. On a retrouvé son passeport près du corps. Une certaine … euh … Meike Bergmann, 25 ans. Allemande, apparemment une touriste. » Voilà qui ne facilitait pas les choses, songea l’Inspecteur, lorsqu’il lui faudrait contacter sa famille … Même s’il n’était pas pressé de le faire, bien évidemment. C’était toujours un moment terrible à vivre, même pour lui. Bien sûr, il tentait de ne pas le montrer, il tentait de rester fort … parce qu’il fallait bien qu’il le fasse. Il n’aurait pas tenu si longtemps dans ce métier s’il s’était laissé submergé par ses émotions.
«
Personne n’a touché au corps ? » interrogea l’Inspecteur. «
Non, la témoin dit qu’elle a tout de suite appelé la police. Vous voulez l’interroger ? Elle est juste là. » Il pointa du doigt une jeune femme en larmes, assise non loin de là au bord du trottoir, un autre policier penché sur elle. C’était un affreux moment pour elle aussi, l’Inspecteur le savait bien. Personne ne s’attend à trouver un cadavre pendant sa petite balade matinale, ou peu importe ce qu’elle faisait d’autre. «
Plus tard », décida Brossman. «
Il faut que j’examine la victime. » Le légiste était déjà sur place, lui renseigna son interlocuteur. «
Très bien, je vais lui parler. » Enfilant une paire de gants que lui tendit l’agent en uniforme, il se dirigea précautionneusement vers le corps, prenant garde à ne pas contaminer la scène de crime.
La jeune femme était étendue sur le dos. Sa tête basculée sur le côté regardait de ses yeux bleus encore grands ouverts l’Inspecteur qui s’approchait à pas mesurés ; mais ils ne pouvaient plus voir que le néant. Brossman grimaça légèrement en découvrant la jeune femme – et ne put s’empêcher de la trouver belle. Il savait que c’était inapproprié, mais … quel gâchis, songea-t-il. L’Inspecteur reprit rapidement sa contenance, releva la tête vers le médecin légiste qui avait fait un pas vers lui. «
Bonjour, Inspecteur. » Brossman lui fit un signe de tête. «
Ouais, bonjour. Bon … vous avez inspecté le corps ? Qu’est-ce que vous pouvez me dire pour le moment ? » Le légiste montra du doigt le front encore ensanglanté de la jeune femme. «
Un seul coup à l’avant du crâne, avec une arme contondante. A priori, elle est morte sur le coup. » Tant mieux, songea Brossman, si elle n’avait pas souffert. «
Pas d’autres blessures, de ce que j’ai pu voir pour le moment, pas de traces de lutte non plus. » L’Inspecteur fronça les sourcils. Pas de traces de lutte … «
A-t-elle été agressée sexuellement ? », demanda-t-il. «
A première vue, non. Il faudra que je l’examine de plus près. » Brossman hocha la tête. «
Bien sûr, bien sûr … ceci dit, il y a déjà quelque chose qui m’interpelle. » Le légiste le regarda d’un air interrogateur. «
L’absence de traces de lutte … ça ne colle pas avec l’hypothèse du vol qui aurait mal tourné. Elle aurait au moins tenté de se défendre, même si l’agresseur était armé. Et puis … » L’homme se releva, montra d’un signe de tête les affaires de la victime, éparpillées autour d’elle – le contenu de son sac à main que l’agresseur avait ensuite abandonné là. «
S’il s’agissait d’un vol, l’agresseur se serait enfui avec le sac, ou bien il l’aurait laissé là dans la panique. Il n’aurait pas pris le temps de le fouiller. »
Le légiste regarda Brossman dans les yeux. «
Ce serait … un assassinat ? » L’Inspecteur fit oui de la tête. «
C’est trop tôt pour le dire, mais … peut-être bien. Les affaires de la victime laissées sur place, ce serait peut-être pour qu’on croit à la thèse de la tentative de vol qui aurait dégénéré. » En somme, on avait peut-être voulu maquiller le crime, conclut l’Inspecteur. Pourquoi ? L’assassin avait peut-être simplement l’espoir d’échapper à quelques années de prison de plus s’il se faisait prendre. Ou bien … cela cachait autre chose ? Même cette hypothèse ne convainquait pas entièrement l’Inspecteur.
«
Mais il semblerait que l’assassin ait quand même prit quelque chose », déclara le légiste. «
Regardez ici … », fit-il en désignant une marque circulaire, sur un des doigts de la victime. Brossman se pencha. Il savait déjà ce que le médecin allait lui expliquer : «
Elle portait une bague, juste là. Le tueur lui a enlevée. Sans violence, sinon une partie de la peau aurait pu être arrachée. Donc, post-mortem, visiblement. » Le voleur serait donc resté auprès de la victime, pensa Brossman, prit le temps de lui retirer sa bague, mais n’aurait pas pensé à prendre le reste des affaires de la jeune femme ? Non, non, cela ne collait pas ! S’il s’était véritablement s’agit d’un homicide involontaire, l’agresseur se serait enfui dans la panique. Il s’agissait donc bien … d’un assassinat. «
Un des uniformes m’a dit qu’on n’avait pas retrouvé de portable sur la scène, peut-être que le meurtrier l’a pris aussi », déclara Brossman. «
Peut-être est-il dans une de ses poches ? Je n’ai pas regardé », répondit le légiste. «
Ouais. C’est mon boulot, ça. Laissez-moi voir », fit-il en se relevant.
«
Rien sur elle … » conclut Brossman, après qu’il ait fini d’examiner et de fouiller la victime, toujours avec précaution. Quelle étrange affaire, se dit-il. Le tueur s’était donné du mal pour faire croire à un simple vol ayant dégénéré, alors qu’il savait apparemment très bien ce qu’il faisait. Il avait pris le temps de voler la bague de la jeune femme, et de la fouiller pour lui prendre son téléphone – car elle en avait forcément un ; l’Inspecteur n’avait à aucun moment pensé à l’éventualité inverse. Pourquoi ces deux objets en particulier avaient tant intéressé l’assassin, alors que la jeune femme portait d’autres bijoux qui avaient tout autant d’attrait pour un voleur ? Il y avait une raison, cela ne faisait aucun doute.
Brossman poussa un long soupir. Cette affaire ne s’annonçait pas aussi simple qu’il l’avait imaginé lorsqu’il avait mis le premier pas sur la scène de crime. Beaucoup de questions lui venaient déjà en tête. Et cela n’allait pas aller en s’arrangeant, il le savait … Le témoignage de la femme qui avait découvert le corps apporterait sans doute lui aussi son lot de questions. La journée ne venait que de commencer, et elle allait être longue.
A suivre ...
code par drake.