You can't start a fire without a spark [Damon]

Commettre de mauvaises actions, se conduire mal, c’est faiblesse d’après de nombreux dires. Mais n’est-ce pas parce que, par nature, nous sommes faibles, que nous nous laissons aller au mal ? Si Lincoln est faible, ne serait-il pas normal que ses forces l’abandonnent dès qu’il relâche son effort ? La vie peut-elle être un perpétuel effort contre la faiblesse ? Si la faillite ne l’est pas, la faille n’est-elle pas inévitable ? L’homme peut aimer le mal parce qu’il a en lui un principe de perversion et se trouve, pour ainsi dire, toujours déjà perverti, entraîné sur la pente du mal. Seulement, certains hommes n'ont-ils pas uniquement un penchant radical au vice? Le mal n’est-il pas, non seulement quelque chose de réel dans la réalité de la mauvaise action, une fois celle-ci accomplie, mais ce qui fait la réalité même de cette action, le fait de vouloir être mauvais ou de désirer le mal parce qu’on est trop faible pour bien vouloir, parce qu’on n’est pas à la hauteur du bien ? Lincoln n’a-t-il jamais été à la hauteur du bien ? Ces derniers temps, on pourrait croire qu’il pouvait y avoir du bien en lui. Non pas parce qu’il avait cessé son trafique, non pas parce qu’il n’avait plus envie d’observer le pathétisme humain. Non, la raison est ailleurs. La raison réside en une personne qu’il avait pu voir plus ou moins régulièrement ces derniers temps. Bien que cela le tuerait certainement de se l’admettre, mais quelque chose de différent s’est éveillé en lui, quelque chose d’inattendu. Ce qui était supposé n’être que des parties de jambes en l’air, résonnent désormais un peu différemment pour Lincoln. La preuve se trouve dans cette obscure invitation qu’il avait envoyé à Damon, le conviant à le rejoindre à une trentaine de kilomètres de Bowen, là ou Lincoln avait acheté une petite ferme, non pas pour devenir fermier, mais pour gérer certaines affaires loin des agitations citadines. Une attention toute particulière, préserver Damon car ce dernier jouissant d’une notoriété qui ne lui permettait pas de s’afficher ainsi avec n’importe qui…et surtout pas une personne comme Lincoln. Mais le problème est là : Lincoln devrait s’en foutre éperdument de ce détail. Alors pourquoi n’est-ce pas le cas ? Il l’ignore, car il ne veut pas y penser. Ce n’était pas un « rendez-vous », comme on l’entend. C’était juste une énième rencontre, loin de son appartement qui commençait à devenir lassant, loin du quotidien, loin des coups de téléphone incessants. Juste une rencontre, pour laquelle il avait préparé lui-même un repas, mis en suspend ses calculs, oublié ses contacts, mis en pause ses contrôles. Non, tout ça, ce n'est rien.
Perché à l’une des fenêtres de la maisonnette au beau milieu de nulle part, il fumait tranquillement son joint en attendant la venue de Damon, se demandant d’ailleurs si ce dernier allait arriver un bon port…

Il n'aurait jamais pensé qu'il finirait par s'attacher à quelqu'un, enfin, est-ce qu'il était en train de s'attacher à Lincoln ? Il s'était souvent retrouvé entre ses bras, plus qu'il n'aurait pu le penser. Il aimait y être, il s'y sentait bien, compris, inconsciemment. Il aurait parié que celui-ci serait parti rapidement en voyant la popularité de l'américain, mais il était resté encore présent, à chaque fois, à chaque rencontre, à chaque soirée. Un plaisir coupable pour l'acteur qui se trouvait à aimer cette relation, à se retrouver bercer dans les bras d'une personne qu'il laissait de plus en plus dans son cœur et dans son esprit. Il n'en avait pas encore parlé avec quelqu'un de son entourage, il avait trop peur d'avancer les choses, de se prendre le revers de la médaille en se retrouvant sous la vérité de ce qui pouvait être cette relation. Damon, pour le moment, pensait surtout à son manque d'affection, celui-ci étant en train de se remplir de plus en plus à ses rencontres avec l'asiatique, à ses moments avec lui, à ce genre de tête à tête à la quel il était invité, comme maintenant. À plusieurs kilomètres de la ville où ils avaient pour habitude de se retrouver, dans un appartement au-dessus d'un bar, dans un lit que Damon connaissait parfaitement bien désormais.
Ça ne fut pas long comme voyage et Damon se retrouvait à être quelqu'un d'impatient. Il avait pris sa voiture et il était parti rapidement de son appartement pour rouler les quelques kilomètres qui pouvaient le séparer d'une nouvelle rencontre avec l'asiatique. Lincoln, est-ce qu'il était capable de se dire qu'il y avait quelque chose de plus qu'un partenaire de ses désirs ? Il ne devait pas se prendre la tête pour ce genre de choses, il ne devait pas mettre un nom sur cette relation. Mais il se sentait néanmoins obligé. Il était à présent arrivé. Sortant de sa voiture, il s'avança tranquillement jusqu'à la porte pour frapper, et y découvrir certainement encore une bonne soirée.

Il y pensait, au pétrin dans lequel il s’était mis. Oui, un pétrin, une relation qui prenait de plus en plus de terrain sur lui. Il pensait trop à Damon, il s’intéressait chaque jour davantage à un homme, qu’il sait pourtant pertinemment, qu’il le fuira à la seconde même ou il saura ce qu’occupe réellement les journées et même soirées de Lincoln. Si jusqu’ici, l’acteur ne s’est jamais montré indiscret et s’est contenté des paroles que Lincoln pouvait donner comme réponses à ses questions ou aux échanges qu’ils ont eu jusqu’à présent. A un moment ou à un autre, les choses voudront plus de profondeur, plus de découverts, et ça le bouffera un peu trop. Ainsi étaient ses pensées, et elles continuèrent à l’être lorsqu’il observa de loin une voiture se rapprochait de la maisonnette. Il quitta la fenêtre de l’étage pour descendre jusqu’à l’entrée. C’était trop tard, il y est, il l’attendait, il avait pris gout et il ne savait pas comment cesser le tout, ou simplement rebrousser chemin.

Il ouvrit la porte, et sans perdre une seconde, il tira Damon vers lui sans un mot, ferma la porte et alla trouver ses lèvres. Les effleura du bout des siennes. Baiser timoré. Résistant à la passion qui l’appelait. Mais il en avait besoin, il en avait envie, il devait regouter, ressentir, revivre. Sa bouche alla chercher la sienne pour jouer avec ses lèvres, pour happer sa langue. Avant de ne calmer son palpitant et de laisser son regard s’ouvrir sur cet océan bleu, sourire espiègle aux lèvres. « Je suis impressionné, tu ne t’es même pas perdu en route… » Certes, ce n’était pas très loin, mais c’était assez bien discret comme petite ferme. D’habitude, les clients qui venaient ici pour affaires l’appeler toujours pour une ou deux indications, mais pas Damon. « Tu sens bon » Murmurait-il à son oreille, humant son odeur, lui volant un autre baiser avant de se détacher et l’inviter à se mettre à l’aise. « T’as faim ? » Demandait-il en disparaissant vers la cuisine…

Il lui en avait posé des questions sur lui, autant qu'il avait pu le faire sur l'acteur, parce qu'il voulait en connaître plus sur celui qui venait dans ses bras et qui rendait ses nuits plus accueillantes. Il ne voulait pas non plus en savoir de trop, peut-être qu'il n'était pas aussi important pour connaître toute la vie de Lincoln aujourd'hui. Sauf que Damon commençait à se laisser aller au goût et au plaisir de l'asiatique, bien qu'il pouvait certainement se plonger dans d'autres chairs. Comme marqué, charmé, voire ensorcelé, c'était toujours le brun qu'il voulait voir, celui qui venait à son esprit quand on lui posait la question d'un quelconque copain dans sa vie sans oublier parfois ses commentaires qui lui faisaient du mal à chaque fois. Gay et acteur n'étaient pas souvent ensemble et il le comprenait... Et oubliait une fois que Lincoln était là. Il n'avait pas encore parlé de cette relation à quelqu'un, certainement parce qu'il ne voulait rien dire avant que les choses soient mises au point entre eux. C'était difficile de se lancer dans quelque chose en sachant son statut.

Il aurait pu se perdre, mais il avait fait attention le long de la route pour ne pas faire du grand n'importe quoi, il n'avait pas envie de se perdre mais surtout de perdre du temps sur ce que l'asiatique avait peut-être préparé pour cette rencontre. Cet endroit, il était au calme, quelque chose que Damon aimait plus que tout. Il n'attendait pas longtemps, que ce soit pour rentrer dans la maison mais aussi pour goûter aux lèvres de celui qui devenait presque sa drogue. « Je suis impressionné, tu ne t’es même pas perdu en route… », son sourire se plaça sur ses lèvres avant de se mettre à rire. « J'ai un bon sens de l'orientation... et aussi un très bon téléphone avec un GPS...», il se mit à rire à nouveau, profitant de cette proximité qui le brûle presque. « Tu sens bon », un frisson de cette proximité dont il pouvait raffoler, de ses soirées dans ce lit qu'il aimait tant... Malheureusement il partit aussi vite dans ce qui devait être une cuisine. « T’as faim ? », il passa une main dans sa chevelure avant de se mettre à regarder autour de lui. « Honnêtement, je n'ai pas mangé un vrai repas depuis un bon moment, je crois que le boulot m'emporte un peu de trop... », et il le sentait parfois dans sa fatigue.

Alors qu’il venait de disparaître dans la cuisine afin de vérifier si tout était au point. Sa concentration était aussi connectée sur l’autre coté de ces murs, ou il releva que Damon, devait certainement se sentir épuisé, trop pris par son boulot au point de n’avoir pas eu de repas correct depuis longtemps. « J’ai bien fait de nous préparer quelque chose alors » Dit-il sur un sourire que Damon ne pouvait voir. Si Lincoln restait un homme qui prenait son business au sérieux et qu’il exigeait que rien ne trépasse, il savait aussi lâcher un peu et rétrograder la vitesse, autrement, il se sentirait esclave par cela, guidé uniquement par son boulot-loin d’être conventionnel. Lincoln a toujours désiré la liberté d'être, de faire, de penser. Sans que quiconque ne vienne lui casser les pieds. Il pense qu'il a réussi à obtenir cela. Et il voulait la même chose pour Damon, à condition qu'il lui appartienne en même temps. Une condition muette, jamais dictée, qu'il se plaisait à croire déjà exaucée. Avoir le sentiment d’être libre. Je ne parle pas ici de, justement, se penser libre, mais plutôt d’un point de vue purement psychologique et physiologique. Il pouvait comprendre que Damon soit passionné par son boulot, il admirait même ça en silence, mais il pensait que l’acteur devait aussi penser à lui-même, en dehors de ce cadre-là. « Tu pourrais venir me filer un coup de main ? » Cuisiner ? Lincoln avait appris à le faire à travers ses années en solitaire, il a bien souvent navigué seul et ne pouvait compter que sur lui-même avant de n’arriver à là ou il se trouvait aujourd’hui. Toutefois, cuisiner pour autrui ? En voilà un fait inédit ! « Tu peux prendre les assiettes qui se trouvent dans le placard du haut et les emmener à la table du salon ? » Dit-il en se tournant vers l’acteur qui venait d’entrer dans la cuisine. Durant une seconde, Lincoln avait oublié que ce placard là contenait une boite suspecte qui abritait une poudrette magique. Et bien qu’il n’y ait aucune raison que Damon la prenne ou la remarque vraiment, la panique avait déjà fait son effet. Dans un élan vif, il se précipita vers le placard que Damon venait d’ouvrir et le referma brutalement. Sur un sourire navré, il laissa sa main sur le placard et tourna son regard sur l’acteur qui semblait surpris par ce geste. « J’ai oublié, elles ne se trouvent pas dans ce placard… » En manipulateur, il détourna sur le champ la conversation pour effacer la scène précédente, ses deux mains se portant sur les épaules de Damon afin d’effectuer un léger massage en ajoutant. « Et puis, tu bosses trop et je t’ai invité pour que tu te détendes, pas pour que tu me files un coup de mains sur quoi que ce soit… » Son visage était parfaitement détendu, même bienveillant, son sourire suivit la tendance. « Je t’ai préparé mon plat préféré, du moins, la version non épicée » Parce qu’il s’était souvenu que Damon n’aimait pas trop ça, tout en poursuivant les rotations sur ses épaules parfaitement bâties, il ajouta sur le même ton détendu. « Baguettes ou fourchette ? » Il laissa l’une de ses mains basculer sur le côté pour ouvrir le tiroir se trouvant à proximité, fourchettes, cuillères, baguettes et serviettes s’y trouvaient. Damon n’avait plus qu’à emporter ce qu’il fallait. « Je te rejoins dans une minute » Ce n’est qu’à cet instant là que Lincoln sentit qu’il pouvait à présent revenir vers sa marmite pour éteindre le feu et souffler de la gaffe qui aurait pu se produire…