Don't cross that line, they won't be a second chance (Albarh)

Il avait menti. Alba avait encore le cœur en miette après avoir vu Léo lire son message et l’ignorer totalement pour se reconcentrer sur sa voisine. Grace. Depuis Chamonix, plus rien n’allait entre eux, et plus les jours passaient et plus la confiance s’émiettait. Ils s’étaient pourtant dit leur amour en Thaïlande, mais c’était peut-être que sous l’euphorie de leur ancienne rencontre. Alba avait passé le reste de son après-midi à la galerie, retenant les larmes et se plongeant dans le travail. Il était temps de rentrer quand elle reçu un message de Léo. Il mentait. Non, il n’était pas avec un ami, enfin une ancienne connaissance. Il était avec Grace, celle vers qui il l’avait quitté une fois. Les larmes commençaient à couler parce qu’elle sentait au fond d’elle que c’était la fin. Ils ne se parlaient pas, ils étaient toujours tendu quand ils étaient ensembles. A quel moment cette relation avait-elle tourné ainsi ? Alba était incapable de trouver le point de départ, tout ce qu’elle savait c’était que ça faisait mal. Elle resterait à la galerie ce soir, enfin jusqu’à tard dans la nuit pour ne pas croiser Léo. De toute façon, Jon était chez lui, elle n’aurait qu’à rentrer chez elle. Mais pas pour l’instant, elle ne pouvait pas rentrer à l’endroit où il y avait son odeur et ses affaires, alors elle restait dans sa galerie, son havre de paix. Quelques heures après, alors qu’elle était plongée dans un dossier, des voix lui fit perdre sa concentration. C’était les jeunes d’en face qui sortait du studio de danse encore allumé. Sans réfléchir, elle prit ses affaires et rejoignait son voisin. La dernière fois, Conchobáhr avait été merveilleux avec elle, alors qu’elle n’allait pas bien. Elle s’était sentie écoutée et importante. Elle saluait les derniers jeunes qui la connaissaient depuis le projet qu’ils avaient fait ensemble. Il était là Conchobáhr en train de ranger la bazar de la soirée. « Salut ! » Disait-elle d’une voix tendre avec un sourire. « Je n’ai pas de champagne, mais je voulais te remercier pour la dernière fois. » Elle ne savait pas ce qu’elle faisait là, mais le sourire de l’homme suffisait à réparer un peu les maux de la photographe.

Cette conversation avec Pippa me trottait dans la tête depuis Chamonix. Nan, trotter, c’est tout mignon, c’est tout doux. Ça ne me trottait pas dans la tête, ça hantait mes pensées, ça dévorait mes rêves pour les transformer en délibérations internes nocturnes. Sans relâche, ses lèvres bougeaient dans mes souvenirs, prononçant les mots je peux plus rester indifférente à ce qui se passe en moi quand je te vois. Fuck, elle était mariée à Liam, je me fichais bien des raisons de ce mariage, sur papier et dans leur vie c’était quand même leur réalité selon tout le monde autour d’eux. J’étais furieux. Furieux qu’elle me plante ces idées-là dans la tête en sachant fort bien qu’on ne pouvait acter sur les envies qu’elle m’avait clairement démontrées. Pippa aurait eu envie d’être avec moi. De mon côté, ça faisait plus d’un an maintenant que je voulais la sortir de ma tête. Tout comme j’avais voulu me sortir Alba de la tête, pour les mêmes raisons : on ne pouvait pas être ensemble. Quelle malchance de m’amouracher de femmes inaccessibles. Je devais avoir un sacré mauvais karma pour que ça m’arrive, les unes après les autres, me rappelant que j’arrivais toujours second dans la course, ou pire encore, loin derrière. Nice guys finish last. Avec toutes ces histoires et ces remises en question, j’avais du mal à me concentrer ce soir. Les jeunes étaient là, tout près de moi, et moi j’étais si loin d’eux. Sans doute sentirent-ils que je n’avais pas tout à fait le cœur à la danse, puisque dès que vingt-et-une heure sonna, ils quittèrent tous l’organisme sans trop traîner comme ils le faisaient habituellement. Moi, dans ma tête, je ne cherchai même pas à les retenir avec de légères conversations. Je les saluai, me scotchant un sourire aux lèvres, jusqu’à ce que le dernier referme la porte et que je me retrouve seul. Je fermai les yeux, soupirai, puis retourner au local de miroirs pour commencer à passer le balai. Je sursautai légèrement en entendant la voix d’Alba derrière. Je me tournai vers elle. « Hey ! » Tout d’un coup une vague d’apaisement me traversa. Elle avait toujours eu cet effet sur moi, même si entre elle et moi, c’était tout aussi complexe qu’avec les autres. « La dernière fois ? » Demandais-je, pas assez alerte pour être sur la même longueur d’ondes. Puis, j’allumai enfin. J’hochai la tête. « À Chamonix. » Déclarais-je. « T’as pas à me remercier, Alba, tu sais bien que je serai toujours là pour toi. » Même si ce n’était qu’en ami. Je préférais être ça, que rien du tout pour elle.

Ça faisait des semaines qu’Alba avait des doutes et aujourd’hui, Léo venait de planter le dernier coup de lame. Blessée, Alba n’était pas le genre de femme à rentrer se morfondre dans son lit, c’était même tout le contraire. Elle l’était triste et désemparée, mais elle ne comptait pas laisser Léo la mettre plus bas que terre encore une fois. Ils allaient devoir parler, mais pas ce soir, elle ne voulait pas. Elle reçu un message de lui. Il voulait la voir mais pas cette fois. Elle resterait tard à la galerie et elle n’avait pas menti. Elle entendait les jeunes du bâtiment d’en face sortir. Etrange. Il était bien tôt, et en voyant la lumière elle avait senti le besoin d’aller le voir. La dernière fois, Conchobáhr avait été un ami. Il l’avait écouté et consoler avec bienveillance. Parfois, elle se trouvait injuste avec lui, alors qu’un an plus tôt il avait exprimé ses sentiments. Elle les avait partagé parce que le danseur ne la laissait pas indifférente, mais elle avait choisi à ce moment-là. Peut-être qu’elle avait fais le mauvais choix ce jour-là. Elle saluait quelques jeunes qui lui expliquait que leur prof n’était pas très en forme. Il balayait et Alba souriait. « Je sais que tu seras toujours là ! » Disait-elle en souriant. Puis elle s’approchait un peu. « Kenneth m’a dit que tu n’allais pas très bien … » Elle laissait sa phrase en suspend, essayant de trouver ce qui n'allait pas. Pourtant, il avait ce sourire chaleureux et ses yeux qui pétillaient. « Tu sais que je suis là aussi. » Toujours. Conchobáhr était un de ses amis et même si leur relation avait toujours été branlante, s’il avait besoin de parler, elle serait là pour lui.

Mes deux mains se posèrent sur l’extrémité du balai, sur lequel je me tenais appuyé, droit, tandis que je regardais Alba rentrer dans la salle de danse. Je lui souris, toujours agréablement surpris quand je la voyais traverser la porte de mon établissement. Elle m’apprit que Kenneth, un de mes habitués des soirs de semaine, lui avait révélé que je n’allais pas très bien. Je grimaçai légèrement. « J’essaie pourtant de laisser mes tracas à la porte d’entrée quand j’viens ici. Faut croire que j’sais pas assez bien le cacher. » Admis-je, bouleversé de savoir que les jeunes fréquentant l’organisme avaient pu remarquer que je n’étais pas au top de ma forme. Pour eux, j’essayais toujours de me montrer sous mes meilleurs jours même quand c’était la tempête dans ma tête. Pour eux je voulais être un pilier puisqu’il en manquait souvent dans leur vie. Malheureusement, j’étais moi aussi un simple humain et parfois, les événements de la vie me rattrapaient et m’affectaient. Alba répliqua qu’elle aussi, elle était là pour moi, tout comme je l’avais été pour elle à Chamonix. J’hochai la tête, délaissant le balai en l’appuyant sur le mur le plus près de moi. « Je sais. » J’haussai les épaules. « J’saurais pas trop te dire où j’ai la tête de toute façon. J’sens que ce serait pas mal redondant pour toi, aussi, en fait. C’est juste la même histoire qui se répète sans cesse, la même que celle qu’on a vécue l’année dernière. Je me retrouve dans la même situation encore une fois et … dans le même rôle, aussi. Du coup j’suis en train de me dire que y’a vraiment un problème avec comment j’fais les choses. » Je croisai les bras, un rire gêné s’échappant d’entre mes lèvres. « J’m’excuse pour cette diarrhée verbale. J’pense qu’effectivement j’ai une crotte sur le cœur. » Admis-je en riant encore un peu.

Quand Kenneth lui avouait que Conchobáhr n’allait pas bien, elle n’hésitait plus à le rejoindre. Ils avaient peut-être arrêté de se fréquenter romantiquement, il restait un ami. Elle lui souriait tendrement. « Tu sais que t’es plutôt facile à lire. » Disait-elle avec bienveillance. Conchobáhr c’était un livre ouvert, une personne qui ne sa cachait et vivait toutes ses émotions. C’était une bonne chose que les jeunes puissent le voir vulnérable parce que ça montrait toute la force qu’il avait pour se relever des pires moments. Doucement elle s’approchait de lui. Il pouvait se confier à elle. Ce soir, ce n’était peut-être pas une bonne idée, mais Alba ne dirait rien de ce qui se passe avec Léo. Après tout c’était son histoire entre lui et elle. La blond en avait marre de se battre contre un homme qui pouvait repartir du jour au lendemain. Ce café avec Grace était l’élément de trop dans une spirale infernale qui ne s’arrêtait pas depuis des mois. Si Concho voulait s’exprimer, elle était là Alba. L’entendre encore parler du fait qu’il est un deuxième choix brisait le cœur de la blonde. Avait-elle été bête de laisser cet homme partir alors qu’il était tout ce dont elle pouvait rêver ? Dans le fond, elle espérait qu’il ne parle pas de Freja. Elle s’approchait de lui, se posant à côté de lui sur ce mur. « Ne t’excuse jamais de ressentir le besoin de parler. » Disait-elle avec douceur. Puis elle soupirait. Elle se sentait bien à ses côtés, c’était si simple de parler avec Conchobáhr. Tellement plu simple que Léo. Il était à l’écoute, il disait ce qu’il ressentait et Alba n’avait pas besoin de deviner. « Je crois que j’ai fais une erreur … » Avouait-elle. C’était la colère qui parlait mais pas que parce que Conchobáhr avait toujours compté pour Alba. « Je crois que j’aurai du te choisir toi ! » Sa gorge se serrait à ses mots appréhendant un peu la réaction de son voisin.

J’aurais aimé l’être un peu moins, facile à lire. Premièrement parce que je n’arrivais donc pas à me montrer comme la personne forte que je voulais être pour les jeunes. Deuxièmement parce que généralement, les femmes semblaient aimer le mystère chez un homme. Avec moi, vraisemblablement, il n’y avait absolument aucun mystère. Je grimaçai tout légèrement. « C’est pas un compliment. » Déclarais-je tout simplement, n’ayant cependant aucune animosité dans la voix. Je savais qu’Alba ne voulait pas mal faire en disant cela, qu’elle était pleine de bienveillance. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle était venue, après avoir entendu les paroles de Kenneth. Parce qu’elle voulait être là pour moi, me soutenir, m’écouter. Elle se rapprocha d’ailleurs de moi, s’adossant au même mur que moi. Nous étions côte à côte, un peu paumés dans cette vie qui ne nous ménageait pas. Je ne savais pas où elle en était avec Léo mais la dernière fois que nous nous en étions parlé, ça n’allait pas fort. Et entre-temps, de mon côté ça avait également été pas mal éprouvant avec Pippa et nos sentiments qui n’avaient pas été assez bien enfouis. « C’est vrai qu’avec toi j’ai jamais senti que j’parlais trop … » Admis-je avec un sourire, la regardant furtivement. Elle soupira ensuite dans le silence, avouant des paroles qui m’achevèrent. D’abord Pippa et puis elle ! Je fermai les yeux en m’éloignant brusquement du mur, et d’elle, du même coup. « Tu vas pas t’y mettre aussi ! » Lançais-je. « T’as eu le choix ! J’étais là et j’aurais tellement voulu être avec toi ! Mais tu l’as choisi lui et j’ai respecté ça. C’est pas juste de vouloir revenir en arrière maintenant. C’est pas juste pour moi de me dire ça. » Mais malgré ma colère qui me semblait un déjà-vu de ma conversation avec Pippa, j’avais envie d’être là pour Alba, de savoir pourquoi elle me disait cela et ce qui s’était passé avec Léo depuis Chamonix. Alors mon regard se radoucit alors que je la regardais avec tristesse, les bras ballants.

Perdue. Voilà ce qu’elle était Alba. Et surtout elle était triste. Léo s’éloignait vers d’elle et ce sentiment d’abandon qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps, revenait comme un coup de poignard. C’était Kenneth qui alertait Alba, s’inquiétant pour son professeur de danse. Conchobáhr avait une place important dans la vie de la blonde. Ils s’étaient revus à Chamonix, alors qu’Alba s’était effondré dans ses bras. Le lendemain, ils avaient passé la journée ensemble avec leur deux enfants. Pendant un instant, elle s’était demandé si elle n’avait pas choisi la mauvaise personne. Avec Conchobáhr c’était doux et simple, un coup de foudre qui ne faisait pas mal. Ce n’était pas une insulte de lui dire qu’on pouvait le lire. « Si c’en est un. » Affirma-t-elle, alors qu’elle se posait à côté de lui. « C’est rare de connaître une personne avec autant de sincérité dans ses mots et ses gestes. » Elle ignorait ce sentiment qui l’habitait, une pointe de culpabilité. Léo lui en voudrait de la savoir avec lui. Il lui en voudrait de ces pensées qu’elle avait concernant le danseur. Puis elle se souvenait que quelques heures auparavant, il l’avait vu avec Grace. Et sans aucun scrupule il lui avait menti avant de se replonger dans sa conversation avec son ex avec le sourire. Alba n’avait pas été jalouse avant qu’elle ne rencontre le photographe. Elle chassait cette culpabilité, de toute façon, elle ne lui faisait pas confiance après cette journée. Tous les souvenirs de la Saint-Valentin revenait au fond d’elle. Ce jour dans ce bain, elle avait un choix et peut-être qu’elle commençait à le regretter. Pourquoi se compliquait-elle la vie avec Léo, alors que Conchobáhr était tout ce dont elle pouvait espérer. Les mots s’échappaient et voilà qu’elle parlait de regret. Mais elle ne s’attendait à cette retour violent de la part de Conchobáhr. Il était triste. Et elle aussi. « Je suis désolée … » Elle ne faisait que ça, s’excuser. Son regard pénétrait celui du danseur qui était si triste. « Je vais partie, ça vaut mieux. » Disait-elle alors qu’elle s’éloignait de lui. Il avait raison, elle n’avait pas le droit de lui dire ça, ce n’était pas juste pour lui.

Je détournai le regard alors qu’Alba me disait qu’il était rare de rencontrer quelqu’un de sincère dans ses mots et dans ses gestes. J’haussai les épaules. « C’est peut-être que t’as pas vu les mauvais côtés de ma personne encore, aussi. J’pense pas que c’est tout le monde qui dirait que je suis sincère. » À commencer par les deux mères de mes enfants, qui pour des raisons différentes, pourraient relever des moments un peu moins glorieux de mes relations. Et puis il y avait Theodore avec qui je m’étais disputé à Chamonix, jusqu’au point où aucun retour en arrière n’était possible. Je n’étais pas le mec gentil qu’Alba voyait. À travers son regard, je voyais l’image que j’avais bien voulu renvoyer de moi, mais ce n’était pas la vérité pleine et entière. Si ça l’était, j’aurais probablement la vie dont je rêvais, non ? Je ne serais pas aussi seul. Malheureusement, la plupart des femmes dont je tombais amoureux en choisissaient un autre. Alba figurait désormais sur cette liste-là puisqu’à la Saint-Valentin, elle m’avait clairement fait comprendre que c’était Léo vers qui elle se dirigerait dorénavant. Je n’avais plus insisté. Cette fois-là dans le bain avait été, selon moi, notre toute dernière fois, la ponctuation finale à notre histoire qui n’en avait pas vraiment été une, avec le recul.  Mais voilà que la blonde me laissait croire autrement, m’avouant avoir fait une erreur, affirmant qu’elle aurait dû me choisir moi. Ces mots-là ressemblaient bien trop à ceux de Pippa, Pippa qui avait choisi de demeurer auprès de Liam malgré ça. Alors je savais, au fond de moi, qu’Alba retournerait elle aussi vers Léo après. Je le savais et pourtant, alors qu’elle s’excusait et s’éloignait, prête à partir, je lui lançai : « Non ! Non, reste, s’il-te-plaît. » Je m’avançai vers elle pour que mes gestes soient encore une fois en accord avec mes paroles. Je posai une main douce sur son poignet, pour la retenir sans pour autant la forcer. « T’as raison. T’aurais dû me choisir moi. Moi j’t’aurais jamais mis dans cet état, Alba. J’aurais tout fait pour te rendre heureuse. J’t’aurais … » Je secouai la tête avant de me dire fuck it et de poser mes mains sur ses joues pour approcher son visage du mien et l’embrasser avec empressement.

Alba avait une idée précise sur le danseur. Conchobáhr était peut-être le plus grand regret d’Alba. Ils ne s’étaient pas rencontrés au bon moment, malheureusement. Mais une vie avec Concho aurait été douce pour la photographe et elle le savait. « On ne fait jamais l’unanimité Concho ! » Evidemment que certaines personne ne l’aimaient pas. Mais pour Alba, jamais elle n’avait rencontré un homme aussi doux et à l’aise à parler de sentiment. Tout en lui était rassurant. Peut-être que justement, Concho lui apportait une sécurité qu’elle n’avait pas. Mais d’un autre côté, il était aussi l’interdit et la transgression. Depuis le début, il y avait des obstacles. D’abord Freja, puis ensuite Léo. Ce n’est que très récemment qu’elle avait appris que les deux hommes ne s’aimaient pas. Les paroles qu’elle lui avait dites dans ce bain résonnaient dans la tête de la blonde. Ce jour-là, elle lui avait fait du mal en choisissant Léo. Déjà à Noël, elle culpabilisait d’avoir craqué avec lui. Concho méritait une belle personne. Une personne qui n’aimerait que lui et ce jusqu’à la fin de sa vie. Il ne méritait pas Alba qui changeait d’avis et profitait de la douceur du danseur pour se consoler. Il lui en voulait, sa façon de lui parler et d’hausser la voix sur elle montrait à quel point elle l’avait blessé avec ces paroles. Le mieux à cet instant était de partir. C’est la main douce de Concho qui stoppait la photographe dans son élan. Il voulait qu’elle reste. « Je te fais du mal. » Répondait-elle à mi-mot. Les mots que clamaient Conchobáhr étaient doux et durs. C’était le genre de mot qu’elle aimerait entendre tous les jours. Pourtant ils étaient si vrais dans la bouche de Concho. Avec lui, elle aurait été heureuse et elle le savait. Mais elle n’eut pas le temps de répondre. Il l’embrassait avec empressement, comme pour pallier un manque de ces derniers mois. Et Alba répondait à ce baiser, même si elle savait que c’était la dernière chose qu’elle aurait du faire. Elle plaquait le danseur contre le mur, retrouvant avec aisance le plaisir qu’elle avait de l’embrasser et de se sentir unique dans ses bras. Relâchant ses lèvres, elle fixait son regard. « Je sais … tu m’aurais rendu heureuse. » Et sans attendre, elle retrouvait ses lèvres.

J’aurais aimé la faire, l’unanimité, pourtant. Je détestais l’idée qu’on puisse ne pas m’aimer pour x ou y raison. J’avais toujours mal vécu ce rejet-là, peu importe de qui il venait, peu importe pour quelle raison. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’à l’époque, lorsque je me faisais intimider à l’école, je préférais en rire devant les autres, pour faire croire qu’on riait avec moi et pas de moi, j’encaissais tout plutôt que de me défendre, juste pour être un peu plus aimé. Ou qu’on ne remarque pas à quel point je ne l’étais pas, encore moins par moi-même. Je manquais à ce point de confiance, et je n’avais pas le même détachement qu’Alba pour me dire que c’était normal, qu’on ne pouvait pas plaire à tous. « Peut-être. » Avais-je juste répondu, en haussant les épaules. J’aurais surtout voulu être aimé par les personnes dont je désirais recevoir l’amour. Ça n’avait jamais été le cas, du moins jamais assez longtemps, ou jamais assez fort. Même ma mère avait décidé de m’abandonner, elle avait préféré mourir plutôt que de continuer à s’occuper de moi. Ça me commençait assez mal dans la vie. C’était à la source de tous mes problèmes de confiance. De mes problèmes d’attachement. De ce geste que je posai, arrêtant Alba dans son élan de départ. Elle ne me choisissait pas et elle me faisait du mal, oui, elle le disait elle-même. Et je voulais quand même qu’elle reste et qu’elle me désire, rien que pour la nuit sans aucun doute, mais au moins je l’aurais, cette nuit-là. Pendant quelques heures ce serait moi qu’elle choisirait, et ce serait un pansement temporaire, avant de me sentir abandonné de nouveau. Je l’embrassai, faisant fi de tous les drapeaux rouges dans ma tête, ayant besoin de son corps, ayant besoin de son affection. Alba répondit finalement favorablement à ce baiser, me plaquant contre le mur, intensifiant l’échange. Elle admettait que je l’aurais rendue heureuse, utilisant encore ce temps de verbe qui me confirmait que ça n’irait pas plus loin que ce soir. Je continuai malgré tout, la déshabillant du regard et de mes mains, enlevant mes propres vêtements, les envoyant valser autour de nous avec rapidité, pressé de la retrouver, pressé de me perdre en elle.

Avec le temps, elle savait que plusieurs personnes ne l’appréciaient pas. Ç’avait été le cas avec certaines copines de Léo, ou d’autres hommes ou femmes. Alba ne faisait pas l’unanimité, loin de là et la photographe pouvait être une vraie peste quand elle le désirait. Mais jamais elle ne l’avait été avec Conchobáhr. Non, lui il avait vu d’autres facettes d’elle. Son indécision avait fait plus de mal au danseur que son côté peste. Ne voulant blesser personne, la jolie blonde avait fini par blesser tout le monde. Des fois, elle se demandait si elle n’aurait pas mieux fait de rester à Brisbane. Jon aurait été encore éloigné de son père mais elle se serait éviter des tas d’histoires douloureuses. Puis finalement, elle n’aurait jamais rencontré Concho. Même si leur histoire n’était pas parfaite et pas digne d’une comédie romantique, cet homme elle l’aimait à sa façon. Les choix elle en avait fait, et retourner avec Léo en avait été un. Aujourd’hui, elle se demandait si ç’avait été le bon. Lui, il était en train de boire un verre avec Grace, celle qui avait été la raison d’une énième rupture entre eux. A ce moment-là, la jeune maman n’avait pas réfléchi, fonçant tête baissée vers le danseur. Qu’elle était égoïste Alba, profitant de l’amour que lui portait Conchobáhr pour panser les maux que Léo lui avait fait. Son cerveau était déconnecté de la réalité. Les mots brutaux de Conchobáhr servait de leçon à Alba. Oui, avec lui elle ne pleurait pas toutes les larmes de son corps. Avec lui, elle savait qu’il l’aurait traité avec respect et amour. Peut-être qu’ils auraient pu former cette famille particulière, sachant que leurs enfants s’appréciaient déjà. Mais Jon était loin de ses pensées, très loin. Si seulement, elle avait pensé un peu à lui, elle ne répondrait pas au baiser brûlant de cet homme. Il aurait été là pour lui rappeler qu’elle essayait de faire fonctionner son couple avec Léo. A la place, elle détruisait tout pour du réconfort. Mais quel réconfort ! Conchobáhr n’était pas le premier homme venu. Non, il était cet autre pour lequel elle avait eu et avait encore peut-être des sentiments. Même si l’exclusivité était une valeur du couple qu’elle formait avec Léo, Alba avait toujours été ainsi. Jeune femme insouciante qui était persuadée que l’amour n’était pas unique. Elle laissait ses vêtements valser dans la salle de danse, profitant de chaque mouvement et chaque caresse de Conchobáhr. C’était à la fois doux et brutal, palliant un manque et un froid qui s’était installé entre eux. Ils s’abandonnaient dans les bras de l’autre oubliant les engagements qu’ils avaient prit avec d’autres personnes. « Je suis désolée de te faire tant de mal. » Chuchotait-elle entre deux baisers. Ils finissaient l’un sur l’autre au sol de la piste de danse. Cette pointe de culpabilité commençait à envahir la blonde. Oui elle avait des sentiments pour Conchobáhr, elle ne pouvait pas le nier. Mais Léo, elle l’aimait d’un amour déraisonnable et ce soir elle venait de tout gâcher …

Même si notre relation avait été plus souvent douloureuse qu’heureuse, même si le nombre de déceptions ne se comptait plus sur les doigts d’une main, moi qui m’étais fait tellement d’espoirs par rapport à Alba, même si je savais que ça ne mènerait finalement à rien elle et moi … jamais je n’aurais pu souhaiter que nos chemins ne se soient jamais croisés. Elle avait emmené une autre dimension à ma vie, Alba, une autre vision de la famille. J’aurais pu m’imaginer avec elle et notre famille des plus atypiques. Elle m’avait appris à accepter que je n’avais pas une petite famille nucléaire. Elle m’avait permis de rêver à plus d’enfants encore, qu’ils soient biologiquement les miens ou pas. Elle m’avait appris à m’ouvrir à tout un éventail de possibilités, et à les aimer, ces possibilités. Je ne vivrais pas tout ça avec Alba mais peut-être que ça me faciliterait les réflexions avec une autre, un jour, bien plus tard. Je n’avais pas de chance en amour mais je pouvais continuer d’y croire, rien qu’un peu, pour ne pas complètement baisser les bras. Alors malgré toutes les embûches, j’étais quand même reconnaissant d’avoir Alba dans ma vie, même si c’était de cette manière-là, en étant son amant vers qui elle courait lorsque son cœur devenait trop lourd. Je m’en fichais, actuellement, d’être un pansement, d’être une parenthèse pour oublier le reste d’une phrase trop dure à lire. J’avais juste besoin de retrouver son corps et de m’engourdir l’esprit rien que pour quelques heures. J’accueillais volontiers cet égarement dont elle faisait preuve, ne cherchant surtout pas à la raisonner. La raisonner voudrait dire qu’elle repartirait de là d’où elle venait et moi, je resterais ici, triste et esseulé. Plutôt que d’user de mots dangereux qui auraient pu lui faire changer d’idée, je l’embrassai pour la convaincre de rester dans mes bras. Mes baisers étaient doux mais empressés, mes mouvements décidés. Je l’attirai vers la salle aux miroirs, la pièce adjacente au hall d’entrée. Dans le mouvement elle me murmura qu’elle était désolée de me faire tant de mal. Je secouai la tête. « Chuuut … » Soufflais-je. « Ne dis rien. Pas maintenant. » Je m’allongeai au sol et l’attirai avec moi. Les lumières avaient été fermées par les jeunes et les grandes vitres ne laisseraient donc rien voir de l’extérieur vers l’intérieur. Nos derniers pans de vêtements enlevés, je laissai mes jambes s’emmêler à celles d’Alba, laissant nos corps retrouver la chaleur l’un de l’autre et sentir toute l’excitation nous gagner.

tw : relations sexuelles

Si Freja n’avait pas existée, si Léo n’avait jamais croisé le chemin d’Alba, alors probablement serions-nous ensemble, Alba et moi. Ou peut-être que nous ne nous serions jamais rencontrés. Peut-être que sans la norvégienne et le photographe, nos destins n’auraient pas été liés. Je l’ignorais. Chose certaine, si nous nous étions rencontrés sans toutes les embûches autour de nous, Alba et moi on aurait été heureux. On aurait été une petite famille atypique mais ô combien unie. Pas de chichi, pas de tracas, que de simplicité. Après tout, ce n’était pas notre relation à nous qui était complexe, c’était toutes les autres autour, qui gravitaient autour de la nôtre. Lorsqu’Alba et moi étions ensemble tout était tellement doux et simple, la conversation coulait tout naturellement, nos corps semblaient déjà se connaître par cœur, nos valeurs s’accordaient. On aurait pu croire qu’on était faits pour être ensemble, et pourtant … Pourtant elle en avait choisi un autre. Et j’en choisirais également une autre, plus rapidement que je ne le pensais d’ailleurs. Mais ce soir Alba avait voulu oublier Léo et dans ma tête, Pippa n’était jamais bien loin mais elle ne prenait pas encore toute la place. J’avais donc entraîné la blonde dans la salle de répétition, l’allongeant au sol avec moi en la suppliant de se taire, de ne pas se confondre en excuses, pas maintenant pas alors que nos corps se désiraient autant. Elle s’abandonna rapidement à l’acte, nos jambes s’entremêlant et nos souffles ne faisant plus qu’un, même lorsqu’elle m’implora de lui faire l’amour. Sans plus attendre, l’impatience grandissante, je l’embrassai langoureusement avant de m’insérer en elle, débutant des vas-et-viens précipités, presque sauvages, parce qu’au fond cet acte en était un de souffrance, de désespoir, tout ça mêlé à l’amour et le désir. C’était une formule empoisonnée qui bientôt nous rattraperait.