I won't cross that hidden danger line |ft Eve

Il était huit heures quand Eve ouvrit la boutique. Elle aimait arriver en avance, nettoyer un peu la salle et le comptoir. Par-dessus tout elle aimait l’odeur des pâtisseries qu’elle sortait du four et des mélanges d’arômes entre thé et café. Pour bien commencer sa journée, elle avait opté pour un thé noir aromatisé à la fleur d’oranger. Un parfait mélange entre acidité, douceur et dureté. Elle aimait aussi préparer la bibliothèque, les livres étaient libre accès pour les personnes désirant se poser quelques heures. Et chaque matin Eve mettait en avant deux ou trois livres, qu’elle avait lu. Ses employés arrivaient vers huit heures trente pour commencer le service, il y avait toujours du monde le matin pour prendre soit un café à emporter ou un thé. Il arrivait aussi souvent que certain viennent se poser, parfois quelques minutes ou parfois de longues heures pour travailler. Les premiers clients arrivaient apportant un peu d’animation dans le salon. Eve se chargeait de prendre les commandes et préparer les boissons. Même si elle n’aimait pas le goût du café, elle adorait les préparer essayant de faire de jolies dessins avec les différents laits. Elle était une experte en thé connaissant pratiquement par cœur les minutes qu’il fallait à chaque thé pour être infusé. Il y avait une petite dizaine de personne, et pour le moment elle restait derrière le comptoir. Souriante et très commerciale, elle observait sa clientèle qui se ressemblait plus ou moins. A part cet homme qui était rentré quelques minutes plus tôt. Habillé de façon étrange, il avait l’air dans son monde. Elle haussait les épaules Eve et continuait sa besogne. Plusieurs longues minutes plus tard, la blonde vêtue d’une robe mi-longue à rayure bleue et blanche, était perdue dans ses pensées. Elle n’entendit que vaguement qu’une personne s’adressait à elle. Se retournant vivement, elle offrit à la personne un sourire d’excuse. C’était l’homme à la tenue étrange et sombre. Seul la croix rouge apportait une petite touche à cette tenue bicolore. Il se tenait en face d’elle, commandant un nouveau café. « Bien sûr. » Répondit-elle toujours avec ce sourire. Elle se retournait pour commencer la préparation, mais il changeait d’avis. Le faisant face une nouvelle fois, elle regardait ce qu’il pointait. « Un scone ? » C’était assez connu comme pâtisserie, enfin surtout en Grande-Bretagne mais Eve adorait les préparer. « Votre thé vous le voulez beaucoup épicé ou peu ? » Une fois qu’il lui répondit, elle l’invita à se rassoir, elle lui apporterait sa commande. Quelques minutes plus tard, munie d’un plateau elle s’approchait du faux blond. Elle voyait ses tatouages dans son cou dépasser sa chemise. Il en avait beaucoup. C’est en posant le scone et le thé sur la table qu’elle remarqua le dessin. Elle y reconnut sa boutique, quelques-uns de ses employés et elle. « C’est impressionnant, mais il vous manque peut-être un peu de perspective. » Disait-elle sans réfléchir, avant de rougir bêtement, mal à l’aise d’avoir critiqué le dessin d’un de ses clients.

C’était une chouette matinée et si Eve n’était pas aussi professionnelle elle aurait pu siffloter un petit air. Mais le géant en face d’elle lui avait coupé toute envie de siffler. Il était impressionnant et il était décalé de l’ambiance du café. Mais il restait un client qui en plus n’avait pas pris un mais deux cafés et il commandait en plus un thé et un scone. Puis Eve n’était plus le genre de personne à juger les gens sur leur physique. Pourtant elle aurait des choses à dire sur lui. Cette couleur de cheveux non naturel lui donnait un air encore plus mystérieux, ce noir. L’omniprésence du noir adoucit par le noir et le rouge n’apportait aucune gaieté dans la tenue. Puis les nombreux tatouages qu’elle pouvait voir trahissait le nombre impressionnant de ceux cachés. Elle n’en avait pas de tatouage Eve parce qu’on lui avait toujours dis que son corps était le temps de Dieu et qu’il était parfait tel qu’il était. Elle doutait de la perfection de son corps ayant quelques complexes par ci par là mais pas suffisamment pour les camoufler avec des dessins. Il avait une façon de prononcer le mot scone et de parler anglais, sûrement un accent des pays de l’est de l’Europe, mais elle n’en était pas sûr la petite blonde. Elle hochait la tête à sa demande et ensuite à son affirmation. Il voulait des épices alors Eve ne retiendra pas sa main, enfin assez pour ne pas que ce soit infect. Elle se mettait au travail posant délicatement la préparation du thé dans la bouilloire. Chez elle, on n’avait pas qu’une tasse de thé mais une petite bouilloire pour avoir le plaisir de prendre deux ou trois petites tasses de thé. Revenant avec le café, elle se permit une petite remarque sur le dessin réussi. Timide dans sa vie personnelle, elle l’était un peu moins au travail parce qu’elle était dans son élément. Sauf qu’elle rougit de honte quand le blond ferma précipitamment son carnet après sa remarque. « Pardon je n’aurai pas dû. » Elle posa tout sur la table, pressée de le laisser seule. Mais il s’intéressait à elle, enfin plutôt à son talent de dessinatrice. « De temps en temps. » Disait-elle en haussant les épaules pendant qu’elle l’observait discrètement. Jamais elle n’avait un tel homme dans Bowen et pourtant elle avait toujours vécu ici. Ou peut-être qu’elle n’avait jamais fait attention. Elle reprit un peu de confiance quand il lui demanda ce qu’elle avait mis dans le thé. Un peu paniquée néanmoins, elle était peut-être en train de parler avec quelqu’un qui s’y connaissait. « Anis, cannelle, gingembre et cardamome. Il y aussi quelques écorces d’agrumes pour apporter un peu d’acidité. » Elle espérait avoir juste pour ne pas froisser ce client particulier. Au vue de ses cernes il devait être fatigué et doutait de sa confiance.

Il n’y avait que quelques endroits où la timidité d’Eve s’envolait pour laisser place à cette jeune femme assez sûr d’elle. D’abord dans l’église de son père, où elle avait grandi. Tout le monde la connaissait et elle connaissait tout le monde. A tel point que parfois elle avait l’impression d’être espionné par les fidèles pour le compte de son père. Au sein de sa famille aussi, Eve se sentait libre d’être celle qu’elle était. Cette jeune femme douce. Puis au Tea’Rese, son salon de thé qui était pour elle un véritable endroit de paix. Elle se sentait chez elle, adorait ses employés et sa clientèle. Mais très vite sa vraie nature reprenait le dessus notamment quand elle regardait le carnet de dessin d’un nouveau client, qui d’un n’avait pas envie de lui montrer et qui ne lui avait pas demandé son avis. Elle était mal à l’aise. C’était la première fois qu’elle avait à faire à ce genre de personne. Il n’était jamais venu ou en tout cas elle ne l’avait jamais vu quand elle était là. Le rouge se dessinant sur son visage, elle baissait la tête un peu honteuse et répondit à sa question sur le thé. Il avait l’air d’être exaspéré par son comportement. Il vérifiait les dires d’Eve, souriant légèrement quand il remarqua que tout était présent dans la théière et Eve se permit un léger sourire de soulagement. Elle n’aimait pas ne pas bien faire son travail et ne pas satisfaire les personnes qui entrait dans sa boutique. Elle voulait qu’ils se sentent comme chez eux, ayant le plaisir de regoûter aux douceurs de leur enfance, même si c’était Vegan. Après tout Eve essayait de montrer qu’on pouvait tout aussi bien manger sans avoir de protéine animale. Deux ans maintenant qu’elle faisait ce régime et elle ne manquait de rien et avait découvert de nouvelles saveurs. Elle allait le laisser déguster ce thé et ce scone. Mais il bougeait, rouvrant le carnet à l’endroit où elle était dessinée, mais cette fois-ci elle détourna le regard du carnet pour croiser ceux du faux blond. Quelques secondes plus tard ses joues avaient repris cette teinte rouge et elle détournait le regard. Le kit de dessin du client se trouvait en face d’elle et il se leva imposant sa taille à Eve, et lui proposant sa chaise. Est-ce qu’elle avait cinq minutes ? Evidemment, elle pouvait faire des pauses quand elle le souhaitait. Surtout en milieu de semaine où le salon était beaucoup moins remplis que les week-ends. Deux autres personnes travaillaient avec elle ce matin et elle pouvait les laisser cinq minutes. « Je … Oui bien sûr. » Elle n’avait pas le droit à l’erreur Eve, après lui avoir fait une remarque sur ses dessins précédents. Discrètement et légèrement elle s’asseyait en face de cet homme imposant et impressionnant. Il l’avait dessiné alors naturellement elle pensait qu’il demandait la même chose. « Je vous dessine ou vous préférez autre chose ? » Jamais ça ne lui était arrivé ce genre de situation, mais Eve dessinait depuis son enfance. Elle avait même prit des cours pour perfectionner son coup de main.

Elle était perturbée Eve parce que son salon n’accueillait que très rarement ce genre de personne. Pas que ça ne la gênait, mais elle ne savait pas comment agir. Il détonnait avec l’ambiance de la pièce, imposant on ne voyait que lui. On voyait quelques tatouages qui sortaient de sa chemise mais qui signifiait qu’il y en avait d’autres encore caché. Il avait les trait durs et le regard froids et Eve faillit sursauter quand il se retourna vers elle, agacé de son comportement. Pourtant avec sa clientèle habituelle, elle aurait reçu des sourires de leur part, lui demandant des conseils ou des explications. La moitié des dessins et des peintures dans la boutique avait été créés par elle. Eve en achetant la boutique voulait la décorer à son image, faire une boutique où elle se sentait bien. Evidemment rien ne reflétait sa foi parce qu’Eve ne voulait pas d’un salon de thé chrétien. A une époque, elle avait même pensé que ce salon pourrait être un moyen pour aider sa mission d’évangéliser. Mais plus maintenant, elle ne voulait plus, trop consciente de l’importance de la liberté des gens de choisir. Elle ne voulait pas vraiment rester trop longtemps avec cet homme, préférant lui offrir de la solitude pour déguster son thé et son scone. Elle ne s’attendait pas à sa requête. Eve ne voulait pas dire non, elle avait trop peur de mettre en colère cet homme qui paraissait aux antipodes d’elle. Alors elle hochait la tête, pendant qu’il installait tout. Sauf qu’elle se sentait un peu obligé et n’avait aucune idée de ce qu’elle pouvait dessiner. Et il ne l’aidait pas. Alors elle fermait les yeux prenant le risque de dessiner la dureté de ses traits. Au moins ça changerait de la douceur de Gabriel, ce petit bout de chou qu’elle dessinait souvent. Elle avait l’impression de jouer sa vie, s’il estimait qu’elle ne dessinait pas bien, elle avait peur de sa réaction. Alors qu’il prenait son thé, elle souriait légèrement quand elle remarque qu’il aimait bien. Au moins elle avait réussi ça. « Evitez de trop bouger. » Disait-elle un peu durement, trop concentré par le dessin. Mais elle se rendit compte de façon de parler et leva la tête rapidement, choquée par sa propre voix. « S’il vous plaît. » Disait-elle cette fois-ci avec une voix toute timide. Elle se concentra sur son visage, sans aucune timidité parce qu’elle était concentrée. Dans un autre contexte elle aurait sûrement rougit jusqu’aux oreilles. Joue qui se teinta lorsqu’il lui demanda son prénom. Et pourquoi il voulait revenir ? Ce n’était pas vraiment le genre d’endroit où il aimait aller. Ou peut-être que si. Eve s’en voulait de le juger rien qu’à son physique. « Eve. » Elle par contre continuerait à l’appeler Monsieur, parce qu’elle n’arriverait pas à dire autre chose. Il était un client, un client qui en imposait. Elle lâchait son stylo par contre quand il lui posait une question trop étrange. « Oui, souvent. Des anniversaire par exemple. » Elle prévoyait déjà celui de Gabriel dans les prochains jours sachant déjà quel gâteau allait régaler les petits monstres invités. « Pourquoi ? » Demanda-t-elle. Pourquoi est-ce que ça l’intéresserait ? En attendant sa réponse elle détourna son regard de celui de l’homme en face d’elle, reprenant son stylo et continuer le dessin. Il ressemblait à quelque chose quand même, même si cela restait très schématique puisqu’elle ne comptait pas faire un vrai portrait qui lui prendrait des heures.

Alors qu’elle replongea son regard vers la feuille, elle souriait légèrement, heureuse qu’il accepte de ne pas bouger. Il était trop différent d’elle et Eve n’avait jamais été douée pour cerner les personnes. Tant d’année maintenant qu’elle vivait dans le même monde, que parfois la réalité de l’autre monde était trop brutal. Brutal au point qu’il remettait ses certitudes à néant. Mais il n’avait pas besoin de le savoir, surtout qu’elle n’avait pas changé. Juste, elle n’était plus cette femme intolérante, elle s’ouvrait au monde. Et si cette ouverture comprenait une conversation avec cet homme étrange elle l’acceptait. Il lui faudra sûrement une soirée pour se remettre de regard froid et ce visage dur et brut. Elle aussi aurait voulu un thé pour se calmer. Elle tremblait légèrement, mais en concentrant son énergie elle arrivait à la focaliser que sur ses jambes et non dans sa main qui tentait de dessiner. Elle avait lâché son prénom, trop facilement. Mais l’avantage ce n’était qu’un son, une syllabe, l’avantage d’un petit nom. Un prénom trop dur à porter. Encore si ses parents n’étaient pas de fervents chrétiens, peut-être qu’elle n’aurait jamais ressenti une telle pression. Déjà elle avait failli à cette pureté, comme la première Eve, elle avait découvert le pêché. Peut-être était-ce sa destinée, et sans ça elle sera encore retranché dans ses idées rétrogrades, aveugle. Sans ça, elle n’aurait jamais pu découvrir l’immensité de différences sur cette planète. Elle était plongée dans ses pensées, elle ne s’attendait pas à une telle question. Alors elle lui répondait. C’était assez logique en soit qu’elle fasse les anniversaires, il y avait beaucoup plus de gourmandises sucrés que salés dans son salon de thé. Mais le matin, on pouvait trouver quelques délices salés. Elle essayait d’innover Eve, d’inventer de nouvelles rencontres, mélanger les goûts et de surprendre ses clients. Il paraissait trop froid et cela effrayait un peu la blonde, mais elle ne se démonta pas. « J’ai juste répondu à votre question. » Elle posait son stylo, peu désireuse de s’éterniser sur cette place. Le dessin n’était pas parfait, et loin d’être beau. Il y avait matière à critiquer, et encore beaucoup de trait à effacer. Heureusement qu’il y avait une gomme, alors elle la saisissait, effaçant les traits qui lui avait permis de dessiner proportionnellement ce visage. En revanche, elle ne s’était pas éternisée sur les tatouages, le rendant vierge de dessin. Peut-être que si elle avait eu plus de temps ou l’envie, elle les aurait dessiner. Comme ça. Ok, ça suffisait à Eve. S’il voulait être curieux c’était son problème. Elle croisait son regard. Evidemment qu’elle connaissait. C’était un endroit où jamais elle n’avait mis les pieds. Ses parents auraient été choqués si jamais il voyait leur unique fille se rendre dedans. « Oui vaguement. » Elle avait toujours vécu à Bowen, elle connaissait bien la ville, mais ça il n’avait pas besoin de le savoir, surtout que le cabaret se trouvait dans un quartier qu’elle évitait habituellement. Ses yeux s’ouvrirent sous l’étonnement. Oui elle s’était attendue à une demande pour un anniversaire, un mariage, un baptême ou autre mais pas pour le cabaret. « Vous savez que c’est vegan ? » Elle préférait être honnête. Elle connaissait trop bien les personnes qui refusaient de manger quelque chose de vegan parce que ça l’était. Et le Tea’Rese était connu également pour ça. En même temps, elle tendit le dessin à au blond.

Elle se demandait Eve à cet instant pourquoi elle prenait le temps de dessiner cet homme. Elle avait tant à faire. Pourtant ce regard électrique et ce corps froid l’avait persuadé à rester. La peur parlait peut-être, même si elle n’avait pas peur. L’ambiance de Tea’Rese l’apaisait. C’était chez elle, son cocon, sa maison et il en fallait beaucoup pour casser cette sérénité. Mais lui, il brisait cette ambiance, pas forcément en mal. Il était l’élément perturbateur de cet endroit. Sauf que la blonde voulait que cet endroit soit ouvert à tous, un lieu où les différentes personnalités et les différents milieux peuvent se rencontrer. Est-ce qu’elle se serait arrêter dans la rue pour parler à l’homme en face d’elle, sûrement pas. Elle découvrait son métier et le cabaret raisonnait en elle comme quelque chose de mal. Combien de fois avait-elle entendu du mal de cet endroit. Et pourtant, Eve trouvait ça injuste de juger des personnes en raison de leur aspiration et leur profession. Lui ne devait pas se poser toutes ces questions. Naturellement il lui proposait une sorte de collaboration. Ce qui mettait Eve presque mal à l’aise. Déjà, jamais on ne lui avait proposé ce genre d’événement, habituée la plupart du temps aux anniversaires ou aux baptêmes. Puis, elle renvoyait souvent l’imagine de cette jeune femme coincée qu’elle était sûrement. Prise de court Eve sortait la première excuse qui lui vint en tête. Excuse stupide qui avait le don d’énerver la blonde qui passait son temps à défendre le régime vegan. Elle sursauta à sa remarque trop violente pour elle et fronçait les sourcils. « Je n’ai pas dit ça. » Trop longtemps elle avait jugé Eve pour continuer. « C’est juste que souvent c’est mal vu. » Elle haussait les épaules avant de rire. En plus d’être froid il était plus têtu. « Ce serait bête de perdre ses clients. » Disait-elle en riant, alors qu’elle l’observait. Son sourire s’étirait légèrement en regardant le dessin et les joues d’Eve commençait à chauffer, qu’elle cachait presque immédiatement. Mais la chaleur ne disparaissait pas et quelques rougeurs se dessinaient au compliment du blond. « C’est gentil. » Elle avait dû mal Eve à recevoir des louanges sur son travail. Pendant un moment elle s’était lancée dans cette entreprise pour évangéliser les personnes, remplir la mission de Dieu. Mais ce n’était plus vraiment le cas aujourd’hui. Essayant de retrouver son calme et son sérieux, Eve se leva prenant le papier. « Je vous contacterais pour vous donner ma réponse. » Elle hochait la tête pour le saluer avant de retourner derrière le comptoir pour reprendre son service.