Revoir enfin Dahlia, cet après midi, m'avait remplis de bonheur. Nous étions enfin de nouveau ensemble, Nous avions enfin de nouveau la liberté de nous voir autant que l'envie nous prendrait. Olympe n'avait pas été la dernière à manifester son plaisir lors de ces retrouvailles.
Elles étaient belles, toutes trois, dans le hall pourtant si fade et fonctionnel de l'aéroport qu'on aurait pu le croire conçu pour accentuer le blues de ceux qui laissent s’envoler un être cher.
Mes amoureuses enlacées, avec cette tendresse fusionnelle qui n'appartenait qu'à elle, dont je ne me lassais pas d'être le témoin privilégié... Notre fille accrochée à la jambe de sa maman voyageuse. J'étais non seulement heureux, mais fier, d'avoir eu le privilège de pouvoir former avec elles une si belle famille... Et tout le désir que m'inspirait mes amantes magnifiques, tout l'amour intelligent qu’elle pouvaient me renvoyer avec une prodigalité imméritée, même le fait qu'elles m'aient accordé ce cadeau magnifique qu'est la parentalité, ne parvenait jamais à véritablement dissiper ma crainte qu'un jour, elles cessent d'être aveuglées par leur générosité, qu'elles voient à quel point je suis ordinaire, et que ce rêve éveillé prenne hélas fin.
J'avais beau vouloir chasser ces pensées de mon esprit pour m'abandonner pleinement de ma joie compersive, à chaque fois que je les retrouvais, ces craintes remontaient...
Pas longtemps, car l’énergie positive irradiant de Circé, la force vivifiante émanant de Dahlia avaient un tel pouvoir de contagion sur mes humeurs qu’elles finissaient toujours par m'emporter dans leur bonheur, que je partageais alors sans vergogne, avec délectation.
Lorsque nous avions fait halte, en chemin, pour déposer Circé et Olympe dans la maison qui avait abritée nos premiers élans complices, Dahlia tenta de dissimuler son regret de devoir si vite se séparer d'elles.
Pour dissiper cette ombre dans l'humeur de mon aimée, une fois seuls dans le fourgon , chargé des caisses contenant ses toiles en sus de ses bagages, j'avais instinctivement repris nos marques, un peu brutes, en lui donnant une bourrade tendrement atténué dans l'épaule, avant de l'embrasser à pleine bouche, pour lui dire mieux qu'avec de pauvres mots à quel point son retour m'enchantait.
Nous avons pris le temps nécessaire pour décharger et ranger les affaires de Dahlia, nous chamaillant un peu, nous taquinant pas mal, nous couvant du regard, nous provocant de la prunelle, aiguisant nos appétits prédateurs, jouissants comme deux félins pervers à l'affut de leur proie, qu'ils savent à leur merci, mais dont ils retardent pour mieux le savourer, insistent de la capture.
Chaude journée, et ce n'était pas la conséquence exclusive des conditions météorologiques...
On avait quand même eu le temps de prendre une petite bière, fraiche, directement à la boite, dans notre cour commune, et j'avais tout particulièrement savouré cet instant, tellement chargé de fragrances de complicité masculine, alors que mes mains caressaient sous ses vêtements son corps doux, tout en courbe, féminin en diable.
Dahlia était une addition de contrastes improbablement harmonieux, et, même si cela faisait 10 ans que j'étais invité à vibrer dans les vortex de ses énergies tumultueuses, à m'imbiber de ce miracle qu’elle constituait en associant l'inconciliable en théorie avec une élégance et une facilité déconcertante... Je restais toujours aussi stupéfait par qui elle était qu' au premier jour.
Le temps de rejoindre notre amoureuse et notre fille étant venu, j'avais prétexté, fallacieusement préférer qu’elle conduise, en désignant sa moto. Elle savait que j'aimais piloter, mais moins que m'accrocher à ses hanches rondes et moelleuses tandis qu’elle nous ferait tanguer avec maestria sur l'asphalte pour mieux faire grimper notre taux d'adrénaline!
Et je savais qu’elle aimait ça autant que moi... Que ce soit la bécane, mon désir, ou mener par intermittence le jeu!
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La salade préparée par Circé était parfaite.
Sainement nourissante, à l'image de celle qui l'avait composée, haute en couleur, à l'image de Dahlia la flamboyante, faite de tendre associé au croquant, à l'image de la plénitude que me procurait mes compagnes. Toute la merveilleuse et inestimable délicatesse de Circé, magicienne jusqu'au plus profond de l'âme, au point de pouvoir transcender de simples légumes crus!
Olympe avait joyeusement mélangé le tout, éclaboussant un peu la jolie nappe dans son emportement, ajoutant ainsi sa juvénile et vivifiante touche de bonheur à la soirée!
Pas de drame à cause de trois taches et deux feuilles de laitue vagabondes. Le plaisir d'être ensemble n'aurait été gâché par aucun de nous pour un si futile prétexte.
D'autant qu'elle ne s'était pas démontée, en essuyant au mieux la sauce et en nettoyant les menus dégâts causés par l'atterrissage forcé des crudités sur le parquet.. Vraiment, des belles énergies, qui m'ont conduites jusqu'au moment ou j'ai rejoint les miennes sous les étoiles, à la fraîche, allongé dans ce jardin que je considérais encore affectivement comme notre.
Grosse émotion d'ailleurs, au moment de la séance de cosmologie impromptue, légère et poétique entamée par Circé pour édifier notre fille.... Qui en avait extrait, avec sa redoutable pertinence coutumière, jusqu'à l'essence symbolique.
Moi, je vivais alors une sorte de régression quasi primale, parce que cette étoile, dont aujourd'hui j'use du nom en guise de prénom, symbolise rien de moins que ma renaissance, ici, auprès des deux corps, des deux esprits, et des deux âmes qui étaient par ce doux soir quasi estival, encore allongées prés de moi.
Les doigts amants de Circé pressaient les miens. Je ressentais entre elle et moi une complicité fusionnelle, qui me poussait instinctivement à laisser ramper mon bras encore libre contre son ventre pour chercher la main de Dahlia, comme si mon instinct comprenait plus rapidement que mon esprit la nécessité de fermer une sorte de boucle énergétique pour nous fondre tous trois, enfin, à nouveau...
J'avais envie de leur dire combien je les aimais toutes deux, mais la vague qui me traversait, portée par le courant fort qui circulait entre nous trois, me submergeait de par l'intensité du trouble qu’elle provoquait en moi. Et puis, de toute façon, j'avais pas de mots pour leur dire...
Mon sentiment récurent d'incapacité à me montrer digne d'elles , pourtant ne parvenait pas à s'installer vraiment, tant ce qui vibrait en nous était loin de toute mesure, de tout jugement, de toute notion d'équilibre ou d'équité.
C'était simplement nous, et c'était bon et bien!
Papa, j'arrive pas à attraper la lampe sur l'étagèreLa petite voix acidulée d'Olympe me rappela à une autre réalité, faite elle aussi d'une infinie tendresse, d'une richesse extraordinaire... Notre fille, la merveille que nous étions en train d'aider à se développer.