you know you make my world light up. (jules)

you know you make
my world light up

La veille avait été une journée longue et plutôt difficile pour Charlie. Plus encore pour Jules. Il avait été admis en urgence à l'hôpital, les heures d'examens s'étaient égrainées lentement, une par une, minute par minute. La bonne nouvelle, quand on était résidente en chirurgie, c'est que quand un proche se retrouvait à l'hosto, on pouvait se sentir chez soi tout en passant sa vie entre ces murs blancs. Aujourd'hui, Charlie pouvait donc travailler sans trop s'inquiéter, puisqu'elle passait dans la chambre de Jules dès qu'elle le pouvait. Il avait majoritairement dormi, au début, mais elle tenait à descendre à son étage régulièrement, déjà pour avoir les dernières infos de son médecin, et puis pour se rassurer. Le voir, en chair et en os, bien vivant, aidait à l'apaiser. Il était peu après deux heures de l'après-midi et la brunette prit enfin sa pause déjeuner. Les médecins étaient encore occupés avec Jules et elle avait préféré attendre pour pouvoir passer sa pause avec lui. Elle passa rapidement par la cafétéria, glissant un sandwich et un fruit pour elle dans son sac, et les choses les plus alléchantes qu'elle puisse trouver pour son meilleur ami. C'était plus sympa qu'un plateau-repas fade de l'hôpital. Deux étages plus tard, elle toqua à la porte de la chambre du garçon et entra sans attendre de réponse. Il était réveillé. « Tiens, le Beau au Bois Dormant, j't'ai pris le top du top de la cafet'. » dit-elle en déplaçant le plateau qui venait d'être apporté à Jules, pour sortir devant lui un sandwich bien garni, un yaourt aux fruits et deux muffins appétissants. « Tu vas me faire le plaisir de faire le plein de graisses. » poursuivit-elle avec un air autoritaire, celui qu'elle prenait parfois avec ses patients en bas âge. Un sourire éclaira néanmoins son visage. Elle prit aussi les médicaments sur la table de nuit, sortant les pilules nécessaires qu'il devait prendre avec le repas. « Alors, t'es sage avec les docteurs ? J'espère que tu les dragues pas déjà. » plaisanta-t-elle. On sentait qu'elle voulait amener un petit rayon de soleil dans cette chambre, mais quelque chose dans sa voix exprimait à quel point elle avait peur.

La veille, Charlie était venue en panique te chercher chez toi alors que tu étais au fond du sceau. C’était la première fois que ça arrivait depuis bien longtemps. Tu avais eu peur d’appeler ta soeur parce que tu savais que tu l’aurai beaucoup trop alarmé. Même si ta meilleure amie avait quand même eu peur, tu savais qu’elle était dans le domaine médical et qu’elle pouvait être plus apte à comprendre et analyser tes symptômes. Alors c’est pour ça que tu l’avais appelé elle au lieu de quelqu’un d’autre. Ça avait été une soirée très mouvementé pour vous deux mais tu avais été rapidement pris en charge par les médecins et on t’avait admis à l’hôpital pour une durée indéterminée.


Au petit matin, tu avais appelé ta soeur jumelle pour la prévenir de ton état, quand même. Et elle avait fondu en larme. Tu ne voulais pas qu’elle s’inquiète alors tu lui proposais de venir dans la soirée, une fois son boulot terminé. Tu savais que ta meilleure amie allait passer rapidement alors tu avais terminé ton appel avec la blonde. Et une fois cet appel terminé, quelqu’un entrait dans ta chambre avec un masque et même au travers de ce masque, tu reconnaissais la jeune Meers. « Ça me va bien comme surnom, tiens » dis-tu avec un sourire en coin. Elle venait de te ramener de quoi manger mais t’avais pas vraiment faim, on va pas se le cacher. « Cha, j’ai pas faim… » soufflas-tu péniblement. Tu savais que tu allais devoir manger ça avant qu’elle ne sorte de la chambre mais pour l’instant, t’étais un peu barbouillé à cause des médicaments qu’on venait de te donner. « Tu sais, j’suis pas un de tes patients de pédiatrie, me parles pas comme un gamin » dis-tu avec un rire. « Non m’dame, j’ai dragué personne mais la p’tite infirmière elle est pas mal » ajoutas-tu en faisant un clin d’oeil à ta meilleure amie.

Jules souriait. Faiblement comparé à leurs joutes de blagues habituelles, mais c'était déjà ça. Peu importe la gravité des choses, leur moteur à eux deux, c'était l'humour, parce que bon, valait mieux rire que pleurer. Il rebondissait déjà sur le surnom flatteur qu'elle lui avait donné. « J'avoue, j'm'attendais plus à Dark Sidious, mais tu t'en sors bien jusqu'ici. Préviens-moi quand tu passeras du côté obscur de la Force, que j'me fasse pas une attaque en te voyant. » rétorqua la chirurgienne avec un haussement d'épaules, sur le ton le plus anodin qui soit, en s'installant nonchalamment au bout du lit. Un petit sourire en coin malicieux étirait néanmoins le bord de ses lèvres. Ça pouvait paraître rude comme humour, mais ça avait toujours été la façon de faire de Charlie. Rentrer dedans, ne pas s'apitoyer, utiliser le rire pour combattre la tristesse. C'était sans doute un moyen de garder le contrôle, aussi, et ne pas laisser son émotivité la submerger. Dédramatiser le plus possible, parce que la réalité était trop dure à supporter pour son petit cœur tout mou. Puis elle, elle aurait préféré qu'on la fasse rire que de marcher sur des œufs et avoir une tête d'enterrement. « Je sais. Mais j't'ai pris le sandwich le plus cher de la cafet', alors s'il te plaît fais honneur à mon compte en banque... » répondit la brune ensuite en forçant un regard suppliant qu'elle plongea dans celui de son meilleur ami. « Ou au moins le muffin au caramel beurre salé ? J'ai mis toute ma volonté pour pas le bouffer sur le trajet, pitié, sors-moi de cette torture ! » continua-t-elle, théâtrale comme toujours, portant le dos de sa main à son front en se penchant en arrière comme dans les vieux films surjoués. « Ben oui ça je sais, ils m'écoutent bien plus que toi ! » répliqua Charlie en lui tirant la langue. « Tu manges ce putain de muffin et j't'arrange un rencard. » dit-elle ensuite après que Jules ait mentionné son infirmière. Elle posa un regard de défi sur le garçon, son doigt pointé sur le muffin en question, tentant de reprendre un air semi-autoritaire. Oui, elle savait que c'était dur. Qu'il avait pas faim, qu'il était crevé, qu'il avait peur. Mais elle aussi, elle avait trop peur pour sa santé que pour lui laisser du répit. Elle avait trop peur de le perdre que pour lui laisser le choix.

Tu riais à la référence de Charlie. « J’t’en foutrai des Dark Sidious, j’ressemble à Obi-Wan, jeune je précise, c’est tout ce que j’accepte » dis-tu en faisant à moitié la tronche. Mais tu reprenais rapidement ton sérieux en attrapant le sandwich qu’elle venait de t’emmener. Tu prenais sur toi en tapant un croc à l’intérieur même si on va pas se le cacher mais tu n’avais pas vraiment faim. Alors tu regardais Charlie, mâchant le pain de façon peu délicate et tu tirais la langue une fois que tu avais fini ta première bouchée de sandwich. « Satisfaite ? » dis-tu en tapant un deuxième croc dans le sandwich. Il fallait bien que tu manges, ça faisait déjà plusieurs jours que tu n’avais rien avalé et tu étais tout faiblard. C’était pas la meilleure des solutions de s’affamer en attendant que la fin arrive. Tu faisais honneur à ta meilleure amie et à ce qu’elle t’avait emmené. « Ça va, ça va, j’vais manger mais à mon rythme, ok ? » dis-tu à la jeune femme pour la rassurer. Tu prenais le temps d’avaler ta deuxième bouchée de sandwich avant de répondre à ton amie qui te prenait, visiblement, pour un enfant de l’étage dont elle s’occupe. « Ah ouais ? T’arrives à avoir de l’autorité sur eux ? » demandas-tu avant de rire doucement. C’était bon enfant, tu savais que Charlie pouvait être autoritaire quand elle le voulait. Et surtout avec toi, elle avait toujours réussi à te faire prendre tes médicaments, à ne pas repousser tes rendez-vous et à te faire remonter la pente quand tu pensais être au plus bas. « Crois-moi je vais le manger en entier si c’est comme ça ! » dis-tu avec un sourire en coin et ton regard de charmeur.

La réponse plutôt prévisible de son ami fit lever les yeux au ciel à l'Australienne, mais son sourire malicieux ne trompait personne. Au moins, il était toujours capable de se la péter, c'était bon signe, non ? « C'est ça, et moi j'suis R2. » Jules fit naître une vraie expression de contentement chez elle en s'attaquant à son sandwich, et elle hocha vigoureusement la tête quand il lui demanda si elle était satisfaite. « Très ! » affirma-t-elle. Elle se doutait que rien que l'action de manger était difficile, que ça demandait même trop d'énergie à son corps de mâcher et qu'il avait probablement l'estomac en vrac. Mais autant elle gardait une façade taquine et détendue, autant intérieurement, elle ne perdait pas de vue les objectifs concernant la santé de Jules. Elle était sa meilleure amie, mais malheureusement pour elle dans ce cas, elle était aussi médecin. Ce qui voulait dire qu'elle savait plutôt bien ce qui était bon ou mauvais signe, les choses à surveiller, les probabilités de complications, ou de... La jeune résidente secoua la tête comme pour ne pas terminer la formulation de ces pensées. Ça lui déchirait le cœur. Tout ce qu'elle voulait, c'était déconner avec son meilleur pote et puis avoir de l'espoir, comme n'importe quel visiteur lambda. « Évidemment ! C'est quand même moi qui leur sauve la vie, alors t'inquiète que j'ai le respect qu'on me doit. » répondit-elle avec ses faux airs de superstar. Clairement, elle n'était pas la seule à leur sauver la vie, c'était toute une équipe qui s'occupait d'un patient et ce n'était pas son petit input qui faisait toute la différence. Puis bon, y en a qui venaient pour une rage de dents, la mort n'était pas au tournant de chaque chambre d'hôpital. Mais comme bien souvent, Charlie aimait exagérer. « Ah ben voilà, il te fallait juste une petite motivation. » conclut la brunette avec une mimique. « D'ailleurs elle est très gentille, très douce en plus... » continua-t-elle avec un air convainquant, même si elle riait un peu, c'était surtout histoire de s'assurer que Jules ferait le plein de calories. « Bon, après, entre nous... C'est pas le pingouin qui glisse le plus loin. Mais tu lui répéteras pas que j'ai dit ça, hein. » fit-elle sur le ton de la confidence après un regard à la porte, glissant sa main à côté de sa bouche même si personne ne pouvait les voir ni les entendre. Elle pouffa de rire par la suite, croisant le regard complice de Jules. Ça faisait du bien de rire comme des cons ensemble, comme si tout allait bien, comme s'ils sirotaient un jus pressé sur un banc en critiquant les passants, comme des adolescents débiles. Bien qu'autour d'eux, tout n'était que murs blancs, appareils de monitoring, analyses et plateau-repas.

« Charlie, je t’adore hein mais toi t’es Chewie » dis-tu en lui faisant un coeur avec tes doigts. Tu savais qu’elle allait surement te réprimander pour ce genre de réflexion mais tu lui ferai tes yeux doux d’homme malade. Tu prenais enfin une bouchée dans ton sandwich pour satisfaire ta meilleure amie et en effet, elle souriait et te confirmait que ça la rendait heureuse de te voir manger. Même si tu étais ballonné et que tu avais la nausée, fallait bien que tu avales quelque chose. Tu n’allais surement pas manger la totalité du sandwich mais tu allais lui faire honneur en mangeant quelques bouchées pour ne pas avoir rien dans l’estomac. Tu sentais déjà que ça te faisait un peu mal au ventre mais bon, si tu devais le vomir dans les toilettes dans une heure, tu le ferai. Au moins, tu avais fais plaisir à Charlie en mangeant un peu. « Le respect qu’on me doit… non mais ça va les chevilles, oui ? » dis-tu en éclatant de rire face aux airs de stars de ta meilleure amie. Bien sûr, tu ne doutais pas de l’autorité qu’avait la jeune femme sur les enfants. Pour avoir déjà fait plusieurs tours à cet étage, tu voyais qu’elle y était respectée mais aussi très aimée des pauvres petits malades qui passaient des longs séjours ici. Elle avait réussi à capter ton attention et à te forcer à croquer une nouvelle fois dans ton déjeuner en te disant qu’elle t’arrangerait un coup avec l’infirmière si tu mangeais. « Ça pour être douce, j’l’ai remarqué » dis-tu en faisant tes yeux charmeurs à Charlie. Mais la réflexion de la jeune interne te faisait énormément rire. « Ah ouaaaais, t’es comme ça ! » dis-tu en riant. « De toute façon, j’ai pas demandé à ce qu’elle soit intelligente pour l’avoir dans mon lit, non ? » ajoutas-tu avec un léger rire. Tu te sentais hors de ta chambre d’hôpital en parlant comme ça avec la brunette. C’était naturel, vous rigoliez tous les deux sans penser à l’hôpital et aux multiples analyses. Un peu, oui, mais ça restait bon enfant pour te permettre de t’échapper l’espace d’un instant.

D'un geste des plus matures, ceux qu'on lui connaissait bien, Charlie répondit à son meilleur ami par une grosse langue rose sortant d'entre ses lèvres. « Chewie is gonna kick your ass. » rétorqua-t-elle en répondant au coeur de Jules par un beau doigt du milieu. Deux gros gamins, comme ils l'avaient toujours été, mais avec une dose d'amour indéfectible. « Oui oui regarde, elles sont très belles ! » s'amusa la jeune résidente en levant ses pieds au-dessus du lit, tirant son pantalon de travail pour agiter les chevilles en question à la vue de Jules. Les éclats de rire du journaliste sonnaient comme une délivrance à ses oreilles, et très vite elle se joignait à lui. Quand elle était avec Jules, elle avait l'impression d'être avec un frère, ou un meilleur copain de maternelle. Comme avec quelqu'un qui la connaissait depuis qu'elle était née. Elle ne voyait tout simplement pas sa vie sans lui. Elle ne pouvait accepter que cette personne ne soit pas là pour l'entendre débarquer en furie et débiter à toute allure un nouveau drame, ou pour rire à gorge déployée aux blagues les plus lourdes et puériles de l'histoire de l'humanité, ou encore pour être son adversaire dans les défis les plus stupides. Ils parlèrent de l'infirmière qui avait tapé dans l’œil de Jules – comme beaucoup d'autres femmes – et Charlie lui confiait presque honteusement ce qu'elle pensait réellement de ses capacités cognitives. C'était pas très gentil, et la réaction de Jules, bien qu'elle soit pour l'embêter, lui fit plaquer une main sur sa bouche avant d'afficher un regard penaud. Mais Jules et elle ils aimaient bien bitcher un peu sur les gens, les passants, comme deux ados avec un pois chiche à la place du cerveau. Ils le pensaient pas vraiment, mais ça restait un peu méchant. « Chuuuut ! Si j'ai les poils d'un patient rasé pour une opération d'il y a deux mois dans mon prochain lunch, je saurai pourquoi. » affirma-t-elle, avec un doigt de mise en garde à l'attention de Jules qui n'avait pas intérêt à aller baver ça ailleurs. « Tu es d'un charme et d'une finesse irrésistible, Keynes. » ironisa l'Australienne avec un soupir et ses iris au ciel, avant de pouffer de rire.

La relation entre Charlie et toi, c’était ça. Vous tirer la langue, vous faire des doigts d’honneur et des bonnes blagues. Tu ne pouvais pas t’empêcher de rire à la phrase de ton amie. Et en plus elle te montrait ses chevilles au sens littéral. Heureusement qu’elle était là pendant que tu tais fermé entre ces quatre murs blancs qui t’angoissaient au possible. C’était tellement un bonheur de l’avoir auprès de toi. Tu regardais l’heure qui tournait tous les jours, attendant que la brunette puisse avoir une pause pour venir te voir et prendre du temps à rester auprès de toi. Vous en venez à parler de la belle infirmière qui s’occupait de toi tous les jours. Ta meilleure amie ne semblait pas trop apprécier la jeune femme que toi, tu aurai bien eu dans ton lit. Mais tu n’avais pas vraiment le moment de penser à ça, c’était plus histoire de dire que tu allais bien et que tu étais toujours toi-même. Même si tu n’étais pas forcément en capacité de draguer. « J’dirai rien, parce que si j’te crame, j’me crame et c’est pas le but ! » dis-tu avec un léger rire. Bon, c’est pas prêt d’arriver mais bon. « Je sais, c’est pour ça que tu m’aimes » dis-tu en lui faisant un bisou sur la joue. Mais tu voulais passer la blague encore plus loin alors tu te lançais dans un monologue, en face d’elle. « Mais j’en ai rien à faire de cette infirmière, c’est toi que j’aime et avec qui je vous finir mes jours, Charlie » dis-tu en te glissant en face d’elle. Tu prenais le plastique du sandwich que tu froissais et que tu accrochais en rond comme une bague et tu lui tendais. « Est-ce que tu veux bien m’épouser et passer le reste de ta vie à mes côtés ? » demandas-tu en tenant la bague entre ton index et ton pouce. « Sachant que ma vie va bientôt se terminer, mais j’ai pas masse de thune, déso » soufflas-tu avec un sourire en coin pour pousser la blague un peu plus loin.

C'était rafraîchissant de papoter et de plaisanter comme s'ils étaient au café plutôt qu'entre ces murs, dans ces circonstances. C'était sans doute un jeu d'illusionniste, mais c'était bon d'y jouer, rien qu'un moment. De prétendre. Charlie oubliait facilement la maladie de Jules, parce que ça lui était trop insupportable de faire face à la réalité de sa condition. Alors ils parlaient des potentielles conquêtes du brun, Charlie balançant entre les encouragements et les moqueries, comme d'hab, comme des ados un peu cons. « C'était là toute ma tactique. » affirma Charlie avec de grands hochements de tête appuyés, elle qui n'avait absolument aucune tactique de ce genre, bien sûr. La brune, elle causait souvent à tort et à travers, tellement pressée et excitée que les mots franchissaient ses lèvres avant d'être passés entre deux neurones. C'était autant une qualité qu'un défaut, pouvant donner des fous rires mémorables tout comme des bourdes monumentales. Mais il y avait des personnes sublimes dans son entourage qui ne lui en tenaient pas rigueur, comme Jules. Puis, il était un peu de la même trempe, à deux ils auraient pu écrire des encyclopédies de conneries. « Et c'est de mes chevilles qu'on parle... » rétorqua la jeunette avec une moue sarcastique, Jules affirmant sans pression que c'était pour ça qu'elle l'aimait. Et il avait entièrement raison, c'était très exactement ça. Elle sourit même de toutes ses dents quand il embrassa sa joue. Au milieu de leurs bêtises, certaines choses étaient d'une véracité indiscutable et enrobées d'une affection impossible à ne pas voir. Bien sûr, c'étaient toujours des moments brefs, parce qu'avec eux deux il fallait toujours que ça prenne une tournure absurde ou exagérée. C'est pourquoi Charlie rentra totalement dans le jeu. « Pour le meilleur et pour le pire ? Dans la richesse ou la pauvreté ? » s'emballa la brunette en posant une main sur sa poitrine, l'air tout aussi sérieux, avançant déjà ses doigts tendus pour que Jules lui passe sa bague de fortune. Mais Charlie fronça bien vite les sourcils quand la blague de son meilleur ami prit une tournure plus noire, et elle le fusilla du regard. Bon, un petit sourire en coin vint quand même agiter le bord de ses lèvres, parce que c'était dark mais c'était drôle, elle pouvait pas s'empêcher de le reconnaître. « Jules, faut vraiment tout t'apprendre. J'vais te montrer comment on fait une demande en mariage dans les règles de l'art. » grommela-t-elle en lui prenant l'emballage de plastique – la bague, pardon – des mains, un air déterminé sur le visage. Elle posa un genou à terre, à côté de son lit, mimant de ses mains une boîte renfermant la bague. « Jules Keynes, je n'ai pas encore trouvé la bague parfaite, mais j'ai trouvé l'homme parfait. Je veux vivre aux côtés de tes blagues ratées jusqu'à la fin de mes jours. Je promets de t'être toujours fidèle et de t'offrir les plus belles barres de rire de ta vie, dans la joie et dans la douleur, de t'aimer et de t'honorer tous les jours de ma vie. Feras-tu de moi la femme la plus comblée de ce monde en acceptant de m'épouser ? » Sa tirade terminée, récité d'un ton clair et on ne peut plus serein, Charlie termina par un clin d'oeil vindicatif. « Avoue, j'te pète en demande en mariage. » ajouta-t-elle dans un chuchotement sans se départir de son air satisfait.

Faire le con avec ta meilleure amie, c’est bien une des choses qui te faisait oublier que tu étais dans ce foutu hôpital. Mais les câbles, les perfusions et les masques te le rappelaient assez vite. Charlie arrivait quand même à ramener cette bouffée d’air frais dans ta vie, et tu en avais besoin en ce moment. Tu tirais la langue à ton amie, elle qui essayait de te piéger. Vous rigoliez tellement que tu venais de lui faire une fausse déclaration, une fausse demande en mariage. Et c’était là le plus drôle, puisqu’elle rentrait clairement dans ton jeu, la brune. « In sickness and in health » soufflas-tu quand elle te posa à ton tour une question. Mais elle n’était pas satisfaite, encore moins de la fausse bague que tu lui avais tendu et ça te faisait rire. Surtout ta phrase de fin, sur le fait que tu n’en avais plus pour très longtemps à vivre. « Fais donc mieux, vas-y, j’te regarde » dis-tu avec un léger rire. Et elle y allait en grande pompe, Charlie. Franchement, tu aurai même pu y croire. Elle y mettait tout son coeur et toute son âme. Tu souriais bêtement en l’écoutant parler, tu te disais que si jamais elle prononçait sincèrement ces mots à quelqu’un, sans la partie comique bien sûr, il ou elle serait bien chanceux de l’avoir. « Okay, dude, t’as gagné pour cette fois » dis-tu avec un sourire en coin. « Tu m’as presque donné envie de t’épouser » ajoutas-tu avec un rire.

C'était ce qu'elle voulait être pour lui, Charlie, la bouffée d'oxygène dont il avait besoin, remplacer de fichu masque à l'allure bien trop morose. Mais ça, malheureusement, elle ne pouvait pas le faire, même avec toute la volonté qui vibrait dans sa peau. Elle aurait voulu le guérir comme par magie, comme Marraine la Bonne Fée. Mais elle ne pouvait pas, et était trop bien formée médicalement que pour croire autre chose. La condition de Jules était grave, point barre. Les statistiques était là, et aussi bonne médecin et amie en or soit-elle, elle ne pouvait pas les changer. Cette vérité creusait au fond de son être une blessure handicapante, une gêne qu'on pouvait supporter au quotidien, mais jamais totalement oublier. Jules, c'était son oxygène à elle aussi, et elle ne pouvait concevoir une vie sans lui. L'idée qu'il vienne à disparaître, qu'il rentre dans ces statistiques funestes, lui était insupportable et pouvait la mettre au bord de l'angoisse. Alors ils riaient, encore et encore, comme pour maintenir la réalité à distance, prétendant qu'elle ne pouvait pas les atteindre avec leur bouclier de blagues et d'amitié. Comme leurs concours de demandes en mariage, aussi ridicule que beau, en un sens. Demander le brun amicalement en mariage, c'était non seulement dans ses cordes mais totalement sincère, même si fidèle à elle-même, elle ne lésinait pas sur les tournures humoristiques. « Je gagne toujours, Juju. » sourit-elle d'un air fier. « Je sais, mais va falloir faire la file parce que la liste des prétendants est longue. » plaisanta la chirurgienne en conservant son air parfaitement sérieux, se relevant pour venir s'installer dans le lit à côté de Jules, lui faisant signe de se pousser. Elle n'avait plus beaucoup de temps avant de repartir voir ses jeunes patients, et même si elle ne montrait rien, elle était déjà un peu tendue à l'idée de laisser son meilleur ami. Comme si les risques qu'il disparaisse allaient augmenter une fois qu'elle aurait franchi la porte de sa chambre. C'était faux, mais ça restait une possibilité qui angoissait profondément la jeune fille. Et qui la mettait en colère, aussi. C'était injuste. C'était dégueulasse. Et elle avait envie de foutre une claque à la vie pour tenter de lui prendre Jules.

Tu savais que c’était pas une partie de plaisir pour elle de venir te voir dans ta chambre d’hôpital. Mais le fait qu’elle vienne ça te faisait le plus grand des biens. Tu n’avais plus l’impression d’être malade mais juste d’être Jules Keynes, le rigolo de la bande, son meilleur ami qui la fait rire quand elle en a besoin et quand elle en a envie. Sa présence signifiait tout pour toi, et tu étais bien perdue sans elle. « J’te l’accorde pour cette fois » dis-tu avec un léger rire. A vrai dire, elle avait gagné la bataille des demandes en mariage et tu devais l’admettre. 1-0. Mais c’était bon enfant. En parlant d’enfant, elle allait devoir retrouver ses petits patients qui l’attendent et n’attendent qu’une chose, c’est eux aussi d’avoir une demande en mariage digne de ce nom de leur docteur préférée. « Je rivaliserai jamais avec eux, je le sais depuis le début » dis-tu avec un air faussement dramatique. Tu admirais la façon dont Charlie était passionnée par son métier, aussi glauque qu’il puisse l’être. Mais tant que ça la rendait heureuse, tu était heureux. Alors qu’elle s‘installait dans le lit avec toi, tu levais un bras pour qu’elle vienne se poser contre toi. C’était un geste d’amour, oui, mais d’amour fraternel. Tu savais que si jamais tu venais à disparaître, ça causerai sa perte, à Charlie, et tu ne le voulais pas. Tu avais remis un masque sur ton visage, vu qu’elle s’était approché, mais ça te t’empêchait pas de la regarder et de lui sourire. « Promis, ça va aller » soufflas-tu alors que tu serrai ta meilleure amie dans tes bras. Cette situation te tuait à petit feu mais elle tuait aussi la brune qui en pâtissait énormément. Et tu trouvais ça injuste qu’elle soit autant en peine, même si elle ne te le disait pas forcément.

Elle esquissa un petit sourire, qu’elle appuya pour qu’il soit même un brin insolent, quand le brun admit qu’il ne pouvait rivaliser avec les autres prétendants – imaginaires – de Charlie. Mais malgré ses efforts pour ne pas faire peser ses inquiétudes sur Jules, la mine de Charlie s’était assombrie. Elle était venue se blottir contre lui, comme une enfant qui cherche le contact sécurisant de sa famille, le réconfort de sentir la présence de l’autre tout contre elle. Elle faisait tout pour ne pas se faire bouffer toute crue par ses émotions, mais c’était de plus en plus difficile. Parce qu’elle avait peur. Elle avait toujours occulté cette crainte de la maladie de son ami, la glissant sous le tapis bien épais de blagues et de conneries qu’ils faisaient ensemble. Là, elle n’avait plus le choix. Ils n’avaient plus le choix. La malédiction était là devant eux, les regardant dans les yeux. Et Charlie masquait une panique difficile à contrôler, qui se transformait en colère, et même parfois, en colère contre Jules. C’était totalement con, et elle tuait ces élans émotionnels dans l’œuf. Mais elle l’aimait tellement, que parfois, elle lui en voulait d’être dans sa vie, si c’était pour qu’elle ait cette constante menace qu’il disparaisse. C’était totalement injuste, et celui qui devait être le plus terrorisé et en colère dans cette histoire, c’était bien lui. Mais la brunette ne parvenait pas toujours à contrôler cette peur de l’abandon qui prenait parfois des contours de rage. Elle ferma les yeux très fort, comme pour bannir ces sentiments déplacés, se pelotonnant un peu plus contre son meilleur ami quand il la serra dans ses bras, se raccrochant à cette promesse, même si son esprit était suffisamment scientifique pour savoir qu’il ne pouvait rien promettre du tout. Mais elle ne le contredit pas. Elle brisa finalement leur étreinte, même si elle n’en avait aucune envie. La journée continuait. Aussi frustrant et angoissant que cela soit, elle ne pouvait rien faire d’autre. Elle n’eut cependant pas la force de lâcher une énième blague, ni même d’envoyer un clin d’œil. Elle aurait voulu. « Je repasse te voir après mon shift. » fit-elle d’une voix douce, et pleine de chaleur, un ton plus posé qu’on lui connaissait moins, face à l’ouragan de son caractère.

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