i never needed anybody's help in any way but now these days are gone (perring)

La mâchoire d'Aisling se crispa à la réponse de Perry. Ses doigts se resserraient autour de son verre d'eau qu'elle faisait tourner entre ses doigts. La blonde n'était pas connue pour être délicate. Ca, il le savait très bien. Elle espérait qu'il n'était pas venu la voir en pensant qu'elle dirait amen à tout et le soutiendrait dans ses choix, lui dirait qu'il était un pauvre petit malheureux. Parce que ce n'était clairement pas le cas.

-Elle t'en empêchera si elle veut, Perry.

Ses yeux bleus glaçant se fixèrent dans ceux du père de sa fille.

-Je sais que t'as une armée d'avocats bien payés. Probablement que tu n'hésiteras pas à les utiliser si vraiment tu veux voir cet enfant. Mais c'est sa mère. Sa mère. C'est à elle de décider. Tu ne peux pas débouler dans la vie des gens et tout envoyer voler. Tu ne peux pas. Et tu le fais tout le temps.

Comme quand il avait laissé Siobhan chez elle pour s'envoler pour le Texas, puis qu'il était revenu comme une fleur en demandant une garde partagée. Sans doute que Perry avait grandi en étant traité comme le roi du monde, malgré ses drames familiaux, mais il fallait qu'il se rende compte que cette situation avait une fin, qu'il avait passé l'âge et qu'il avait des responsabilités.

-Essaye de penser un peu plus à cet enfant, et un peu moins à toi.

Réfléchir un peu plus loin que le bout de son nez est une tâche bien difficile pour Perry. S’il est du genre généreux et présent pour ses amis, il pense aussi beaucoup à lui, à ce qu’il peut ressentir sans vraiment s’intéresser à ce que les autres peuvent en penser. Heureusement il peut compter sur Aisling et sa franchise pour lui remettre les idées en place. C’est sans doute une des raisons qui l’a poussé à vouloir plus avec elle qu’une simple histoire d’un soir. Elle ne lui pardonne rien et n’hésite pas à lui balancer les vérités quand il le faut. Le jeune homme baisse la tête, tel un enfant pris sur le fait, honteux. Elle a raison, s’il a les moyens d’avoir cet enfant, de le voir, ce n’est pas pour autant qu’il doit le faire. Il ne pourra jamais acheter l’amour de son fils, qu’il en ait la garde ou non. « Désolé. » articule-t-il, ne sachant pas trop quoi répondre d’autre. « T’as raison. C’est lui qui compte. » Et si pour que son fils soit heureux il ne doit pas être trop présent dans sa vie, il fera au mieux de s’en contenter même si ça le rend malheureux lui. « Tu m’en veux toujours ? » demanda-t-il alors, sentant que cette histoire fait écho à la leur. Les choses sont apaisées depuis un moment entre eux, ils ont une entente cordiale et même une amitié qui a réussi à se créer mais il se doute bien qu’elle ne lui pardonnera sans doute jamais complètement de ne pas avoir été plus présent quand elle en avait besoin. Il était reparti pour être auprès de sa mère malade et avait oublié le reste.

La mine de Perry se transforma immédiatement en quelque chose qui ressemblait à un chien battu. Elle soupira légèrement. En vérité, elle était plutôt soulagée qu'il ne s'enfonce pas dans son idée de n'en faire qu'à sa tête parce qu'il avait appris qu'il avait un fils. Perry n'était pas méchant, Aisling pouvait même parfois le trouver trop gentil, mais il se comportait souvent en enfant gâté, et perdait les pédales quand il s'agissait de sa progéniture.

-Oui, et je sais que tu le sais, Perry.

Que c'était son fils qui comptait, pas son ego de père.

-Essaye de... prendre du recul, avant d'aller parler à la maman.

Il maximiserait sans aucun doute ses chances de succès ainsi. Les choses devaient se faire progressivement. Il ne pouvait pas tout avoir tout de suite.

-Je suis sûre que ça ira si vous prenez votre temps. Si elle t'a dit que tu étais le père de son enfant, j'imagine que ce n'est pas pour te fermer complètement la porte.

Sinon, c'était un peu stupide, non ? Surtout si elle avait été son amie et que, du coup, elle le connaissait plutôt bien.
La blonde fut surprise de sa question. Pourtant, il était évident que c'était elle qui venait de remettre ça sur la table. Elle secoua doucement la tête de droite à gauche avant de relever les yeux vers lui.

-Non, les choses se sont tassées depuis. Je ne l'oublierai probablement jamais, mais c'est un peu fort de dire que je t'en veux. Disons que tu as toujours su faire preuve d'une extrême indélicatesse, j'espère que tu t'en rendras compte un jour.

Son ego surdimensionné et sa vantardise font plutôt sourire et rire les gens en général, parce qu’il arrive à tourner tout cela en auto-dérision et que ses amis l’apprécient tel qu’il est. Mais lorsque viennent les sujets un peu plus sérieux, ceux qu’il essaie toujours de fuir, ses défauts ressortent bien comme des défauts. Oui Perry est un petit enfant qui a toujours eu tout ce qu’il voulait alors forcément quand on lui dit non ou que les choses ne se passent pas comme il aimerait parce que tout ne tourne pas autour de lui, il boude, il se plaint et devient rapidement insupportable. Il veut que les choses se passent à sa façon et oublie souvent ce que les autres peuvent penser, c’est le cas avec Luke mais aussi avec Jackson avec lequel il ne se rend pas compte que les choses ne vont pas si bien qu’il ne se l’imagine. « Je sais pas si à la base elle avait prévu de me le dire...on s’est croisé par hasard en ville, je savais pas qu’elle était revenue. Mais oui faut que j’essaie de réfléchir calmement à tout ça. » Il a tendance à faire les choses dans la précipitation, à ne pas être patient pour deux sous, quand il veut quelque chose c’est tout de suite. Avec son argent il peut se permettre d’acheter des choses quand il en a envie mais avec les gens, il ne peut pas vraiment se permettre de faire une crise. « Oui je sais que j’dis jamais les trucs qu’il faut quand faut parler des trucs sérieux, mais j’suis pas fait pour les trucs sérieux, ça m’fait flipper. » tente-t-il de se justifier un peu.

Aisling prit le temps de la réflexion sur la situation. Peut-être que la mère ne lui aurait jamais dit s'ils ne s'étaient pas croisé. En même temps... Après autant d'années, ça arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais elle aurait très bien pu ne rien lui dire du tout aussi, et s'inventer un problème qui l'a fait soudainement disparaître.

-Mais si elle a fini par te le dire, c'est qu'elle n'est pas complètement fermée à l'idée, elle aurait pu mentir.

Elle arqua un sourcil quand il se défendit en lui disant qu'il n'aimait pas parler de choses sérieuses. Elle était particulièrement bien placé pour le savoir. Et c'était bien pour ça qu'elle avait rapidement compris que ça ne pourrait pas marcher, la deuxième fois qu'ils avaient commencé à se fréquenter... intimement. Aisling n'était pas faite pour être avec un gamin. Au moins, plus ils le réalisaient et mieux c'était.

-Je pense que beaucoup de gens aimeraient ne pas avoir de discussions sérieuses et encore moins conflictuelles.

Elle soupira doucement.

-Mais tu as des enfants Perry, alors c'est inévitable.

Il doutait et forcément ça le mettait dans des états pas possibles. Perry n’est pas du genre à beaucoup douter, à beaucoup se poser de questions, il fait les choses comme elles viennent, vivant à l’instinct sans vraiment se poser pour réfléchir deux minutes. Réfléchir, ce n’est pas dans ses habitudes non plus, ce qui lui a causé plusieurs fois des déconvenues, la jeune femme en face de lui peut bien en témoigner. « J’pense que le fait que j’ai Penny et Sio ça a aidé. » Au moins ça montre qu’il n’est pas complètement irresponsable puisqu’il a la garde de ses deux enfants, l’une la moitié du temps. Et s’il avait été complètement à côté de la plaque, même les meilleurs avocats n’auraient pas manqué de lui retirer la garde d’au moins Sio puisqu’elle aurait très bien pu vivre chez sa mère. « Ouais je sais...mais bon moi j’aime avoir des enfants parce que j’peux faire des activités avec eux en faisant j’le fais que pour eux alors qu’en vrai les châteaux gonflables c’est trop bien, peu importe l’âge ! J’me rends compte qu’au bout d’un moment, j’peux pas échapper éternellement aux conversations sérieuses. » soupire-t-il finalement. Il n’y a pas seulement le fait d’avoir des enfants, mais de grandir, d’avoir les gens autour de soi dont les préoccupations changent et les problèmes aussi. Il a parlé avec Jamie de sa maternité et avec Jackson il arrive toujours plus ou moins à esquiver les choses à coup de baisers.

Il était forcément plus facile de faire confiance à quelqu'un qui avait déjà des enfants, ça elle pouvait tout à fait le concevoir, et hocha doucement la tête. Si elle avait été la jeune femme en question, qu'aurait-elle fait ? Elle ne l'aurait pas gardé, sans doute. Elle n'avait pas besoin de beaucoup se creuser la tête.

Elle ne put s'empêcher d'avoir un sourire amusé alors qu'il affirmait avec aplomb le divertissement des châteaux gonflables. Et elle l'imaginait aussi très facile s'écraser sur un enfant en jouant, lui arrachant un rire incontrôlé. Elle secoua la tête, poussant un petit soupire.

-Oui je sais, que tu aimes faire des trucs d'enfants avec les enfants. Tant mieux.

Elle essayait de ne pas le braquer, après tout, il semblait se rendre compte lui aussi de la réalité.

-Non, tu ne peux pas. Mais tu sais, généralement, ça fait du bien après qu'on les ai eu. C'est un mauvais moment à passer.

Dans sa tête Perry n’a pas beaucoup grandit depuis ses huit ans. Il y a comme deux parties de lui, une qui aime regarder des dessins-animés, aller à la fête foraine pour jouer à chaque stand et jouer à des jeux d’enfants et une autre qui aime passer du bon temps accompagné dans un lit, boire des mojitos et s’occuper de ses enfants de manière relativement responsable malgré tout. Il aime aussi s’occuper de ceux des autres. L’avantage de vivre en coloc est qu’il peut laisser ses enfants à ses colocataires quand il n’est pas là. Enfin, il essaie toujours de faire un maximum de choses quand il n’est pas dans sa semaine de garde avec Sio et Penny est maintenant suffisamment grande pour ne pas avoir besoin de quelqu’un pour s’occuper d’elle. Et quand les autres ne sont pas là, il est toujours content de s’occuper de leurs enfants pour la soirée. Il sourit à Aisling avant de lui répondre « Oui même si jouer avec les enfants c’est vraiment la partie fun du truc. » Faire les lessives, préparer à manger, sachant qu’il ne sait pas cuisiner, ou changer les couches quand il y en a encore besoin, c’est le côté moins glamour de la parentalité. Et la partie moins fun de la vie pour Perry, ce sont les conversations sérieuses. « C’est vrai, genre là j’me sens mieux...mais j’crois que je préfère encore en éviter la plupart. » répond-il en toute honnêteté. Certes avoir confié ses peurs à Aisling lui a fait du bien, pour autant il ne sait pas si chaque discussion pourrait avoir la même finalité et plutôt que d’essayer, notamment avec Jackson, il préfère encore jouer les aveugles et ignorer les signes qu’il serait bien d’avoir une discussion sérieuse à cœur ouvert.

Elle esquissa un sourire. Evidemment qu'il y avait plein de trucs moins amusants que de jouer avec les enfants. Elle aussi savait bien qu'il fallait leur faire à manger, les laver, et toutes ces choses qui prenaient du temps, surtout quand les petits bouts y mettaient de la mauvaise volonté.

-La plus fun, peut-être. Moi je crois que j'aime bien quand c'est l'heure des câlins.

Quand Siobhan venait se glisser dans ses bras après les cours et restaient sans se décider à courir partout toutes les 5 minutes. Harper pour le moment, n'avait pas vraiment d'autre choix que de subir les câlins de ses parents.

Aisling leva légèrement les yeux au ciel quand il affirma qu'il préférait éviter la plupart des conversations sérieuses. Visiblement, il ne grandirait jamais, c'était acté. Comme elle venait de le dire, elle avait bien conscience de la difficulté que c'était et n'aimait pas vraiment ça non plus. Elle avait passé sa vie à dire qu'elle ne voulait pas de relation sérieuses. Ca impliquait tout ce qui allait avec. Mais elle se rendait bien compte qu'on ne pouvait pas laisser pourrir un problème.

-Tu devrais penser aux autres, Perry. Parce que peut-être qu'à force, un jour, tu te retrouveras seul.

Elle ne voulait pas spécialement lui faire peur. Seulement lui faire part d'une réalité. Il pouvait bien en faire ce qu'il voulait.

En entendant la jeune femme évoquer les câlins, qui sont pour elle le moment qu’elle préfère avec ses enfants, Perry sourit. En grandissant Penny est moins câline que lorsqu’elle était petite, elle prend peu à peu son indépendance vis à vis de son père, l’adolescence ! Siobhan n’en est pas encore à ce stade, heureusement car quand tous ses enfants auront grandit, ça lui manquera d’en avoir un dans les pattes. « Évidemment ! » répond-il en souriant. Il a toujours été tactile alors que ce soit avec ses amis ou ses enfants, il aime les câlins et les chatouilles. Il admet, honnêtement et sans grande surprise, aimer malgré tout éviter les conversations sérieuses, même si elles peuvent beaucoup aider à se décharger de certains fardeaux. Forcément Aisling lui répond avec franchise, comme elle en a l’habitude. « Ouais je sais, j’essaie de changer mais c’est pas simple. Oui je sais tu vas me dire que rien n’est simple, que c’est normal. Mais tu as tout le temps raison c’est agaçant aussi. » répond-il avec un sourire malgré tout. Forcément la perspective de se retrouver seul un jour l’effraie, il aime être aimé, être entouré, avoir du monde autour de lui. Sa plus grande peur est de ne plus être apprécié. Les conversations sérieuses ne faisaient pas forcément parti du lot quand il était plus jeune mais avec le temps, la vie se complique, que ce soit la sienne ou celle des autres, elle est moins insouciante et il faudra bien qu’il l’admette.

Même si ça ne se voyait pas toujours au premier abord, Aisling et Perry avaient quelque points communs, et visiblement, vouloir câliner leurs enfants en était un. Ce qui était plus étonnant pour la blonde qui n'était pas particulièrement tactile, que pour l'Américain.

Elle eut d'ailleurs un regard de surprise alors que Perry lui disait qu'elle avait toujours raison, avant d'éclater de rire. Elle n'aurait sans doute jamais pensé d'entendre ça de lui, et surtout pas avec autant un résignation. Cela n'empêcha pas un petit sourire satisfait d'apparaître sur le bord de ses lèvres.

-Si tu fais les questions et les réponses, à quoi je sers !

Elle lui tira la langue avec amusement.

-Mais c'est agréable de savoir que tu te rends enfin compte que j'ai toujours raison.

Elle tourna le regard vers la porte un instant.

-Est-ce que tu voulais me parler d'autre chose ?

Malgré leurs discussions parfois compliquées, la plaisanterie n’était jamais loin à présent que leur relation se fait plus amicale. C’est sans doute cette complicité malgré leurs différences, sur environ tout, qui les a rapprochés à leur rencontre. Mais la complicité ne suffit pas à construire quelque chose avec quelqu’un, ils s’en sont bien rendus compte. Les choses n’auraient pas pu marcher entre eux et il n’est pas plus mal qu’elles se soient terminées avant qu’ils ne finissent beaucoup trop impliquées dans leur relation. Enfin, elles ne se sont pas totalement terminées puisqu’ils ont une fille qui les oblige à se fréquenter, en toute amitié à présent. Perry ria avant de lui répondre. « Prend pas trop la confiance non plus ! Des fois j’ai raison aussi. » Ce qui est bien plus rare et concerne souvent des sujets bien moins sérieux que ceux dont ils ont pu discuter. « J’pense que je vais arrêter là ma séance de quatre vérités sinon j’vais en oublier et j’ai envie d’avoir encore un peu d’ego quand je sors d’ici. » Même s’il y a tout un tas de choses où elle pourrait le bouger un peu, à commencer par sa relation amoureuse, qui si elle en est encore à ses débuts, pourraient bien finir comme la leur, en une séparation sur la plage par peur de trop s’impliquer.

Un sourire amusé restait aux lèvres d'Aisling. Parfois il avait raison ? Elle aurait bien aimé le contredire juste pour la contrarier. Juste pour le taquiner. Comme ils pouvaient le faire avant. Avant. On ne pouvait pas dire qu'elle repensait à cette époque avec nostalgie. Elle n'y repensait pas tellement. Beaucoup de choses avaient évolué dans sa vie et tout cela semblait appartenir à un autre univers.

-Sans doute, je ne sais pas juste pas sur quoi exactement.

Aisling hocha doucement la tête quand il lui disait vouloir clore cette séance. Elle n'était pas particulièrement douce, mais enfin, il le savait déjà. Il savait à quoi s'attendre, assez pour qu'elle considère ne pas avoir à culpabiliser.

-C'est une sage décision je crois.

Elle finit par se lever, allant dans l'escalier pour appeler sa fille.

-Siobhan, tu vas pouvoir aller avec papa.

Perry sait que s’il a besoin de faire un peu dégonfler son ego parfois beaucoup trop imposant, il peut venir voir Aisling qui n’hésitera pas à lui dire ce qu’elle pense sans passer par quatre chemins. Ses autres amis sont également là s’il a besoin de revenir un peu les deux pieds sur terre mais ils ne sont pas aussi francs que la jeune femme. « Si j’voulais j’pourrais avoir plein d’exemples mais j’ai pas envie d’y réfléchir là. » trouva-t-il comme excuse. Il doit bien avoir raison plusieurs fois dans sa vie, il n’est pas si nul en conseils non plus mais avec sa mémoire approximative et sa propension à inventer pour se mettre à son avantage, il n’est pas sûr que ce soit le bon moment pour se lancer dans des exemples. Tandis que la jeune femme appelle leur fille pour qu’elle puisse partir avec Perry, celui-ci lui dit en souriant « Merci. » Même s’il sait que ses problèmes ne sont pas arrangés, il a au moins les idées un peu plus en place sur les événements de sa vie et sur la façon de ne pas tout ramener à lui. Il attrape le sac de sa fille et sa main, une fois qu’elle a dit au revoir à sa mère.

fin