i want everything or nothing at all. (oskár)

C’est dans ces moments que t’aurais aimé avoir une application de Holbourne Island avec la carte et votre géolocalisation sur l’île. Ça aurait peut-être pu vous guider pour des raccourcis, ou au moins vous encourager dans votre progression. C’aurait peut-être aussi l’effet tout contraire, vous démotivant en voyant à quel point vous en mettiez, du temps, à parcourir deux mètres. Avec les roches et les racines qui se présentaient à vous depuis quelques minutes, vous aviez perdu en vitesse, et à ce rythme Aïnhoa aurait pu l’embarquer sur le ferry de demain matin, le résultat aurait été le même. Heureusement que ton voilier était bien équipé pour naviguer de nuit, comme ça l’heure n’était pas tellement un critère à prendre en considération, mais quand même. Tu préférais quand même avoir un peu de clarté au moment de monter cette Yahama à bord, autrement tu risquais d’abîmer ton embarcation et ça, Oskár, ça te plairait pas tellement. Une pause s’imposa à vous et à ton tour, tu aéras ton t-shirt, détrempé. « Dire que cette randonnée était supposée être ma mise en forme de la journée. Tu trouvais que c’était pas assez ? » Lâchas-tu avec un ton d’humour. Elle ne pouvait même pas savoir, Aïnhoa, ou juger de ça, vous n’étiez pas venus ensemble et elle n’avait aucune idée de ta condition physique. Heureusement qu’elle n’était pas trop mal, ta forme, ça te permettrait de ne pas faire une crise cardiaque en pleine poussée de la moto à travers cette jungle. « Oh, c’est rien, ça me fera une drôle d’histoire à raconter. » Dis-tu en riant. T’espérais que l’histoire se terminerait quand même de manière un peu plus héroïque et que tu ramènerais Aïnhoa et sa motocyclette à bon port. Si c’était un échec total et que vous deviez faire le chemin en sens inverse en constatant que ton voilier ne pouvait ramener le bolide, tu te trouverais bien con. Cette histoire-là elle resterait secrète le plus possible. Tu attrapas la gourde que la slameuse te tendait. « Thanks. » T’en avais une dans ton sac mais t’avais l’impression que vous auriez besoin de toute l’eau nécessaire, alors tu partagerais ta propre gourde quand celle-ci serait terminée. T’en bus quelques gorgées avant de la tendre à la jeune métisse de nouveau. « Rendu ici on n’a plus trop le choix, c’est soit on continue soit on revient sur nos pas pour refaire pas mal de distance, et c’pas mon genre de baisser les bras. » Tu te repositionnas donc derrière la moto, prêt à repartir. Tu sentais que t'avais un petit regain d'énergie. T'espérais que ça dure.

Taraudée par ce besoin presque impératif d’atteindre l’objectif, qui était de ramener sa Yamaha avec elle par tous les moyens et quitter l’île, et à la fois, la culpabilité d’imposer son obstination à Oskár, la slameuse s’excusa alors qu’ils prenaient une pause, devant ce parcours du combattant dont ils n’étaient pas encore sortis. Elle n’avait aucune envie d’abandonner, mais elle se rendait bien compte que ce n’était pas la partie la plus raisonnable de son caractère qu’elle montrait là, et elle ne voulait pas abuser de la gentillesse du Mexicain. Elle rit de bon cœur quand ce dernier détendit l’atmosphère faite d’efforts et de fatigue avec un trait d’humour. « Je ne me permettrais pas d’émettre le moindre jugement sur ta forme physique, tu sais ! » répliqua-t-elle sur le même ton. Elle hocha la tête quand il répondit à ses excuses. Une drôle d’histoire, oui, un jour peut-être, mais pas tout de suite. Oskár ne paraissait toutefois pas prêt à renoncer non plus. Il ne fallait pas lui dire deux fois, à Aïnhoa. Certains auraient peut-être demandé s’il était bien sûr, mais s’il disait être partant pour atteindre leur but, elle n’allait pas chipoter. « Le mien non plus. » assena la belle brune en reprenant elle aussi sa position, une fois la gourde rangée, pour qu’ils puissent continuer leur marche de l’enfer. Ils n’avaient pas fini de suer, mais comme l’avait mentionné le garçon plutôt, on pouvait se dire que c’était une petite mise en forme. Au bout d’un moment qui parut long, mais impossible à évaluer, le terrain sembla enfin se faire un peu moins intrépide, et plus plat, facilitant leur passage. Il était temps, car les bras et les cuisses d’Aino commençaient franchement à souffrir le martyre, et le plaisancier et elle n’échangeaient maintenant plus qu’à peine quelques mots, gardant tout leur souffle disponible. Ce changement de relief fut un soulagement pour ses muscles et son mental, même s’ils n’étaient pas encore sortis du bois – littéralement. Mais le bois en question semblait pourtant s’éclaircir petit à petit, le chemin un peu plus dégagé, et même vers une légère descente. « Tu reconnais quelque chose ? J’ose pas trop y croire, mais j’ai l’impression qu’on est plus bien loin… » chuchota la brunette, sans trop savoir pourquoi elle parlait à voix basse. C’était peut-être l’ambiance feutrée dans laquelle ils évoluaient depuis tout à l’heure, sous le couvert des arbres, et la luminosité bien moindre qui en résultait, en plus du ciel de fin de journée.

Le contraire t’aurait surpris, qu’Aïnhoa se permette ce genre de commentaires. Toi non plus, t’étais pas du genre à passer des remarques pareilles. Juste quand ça te concernait toi et seulement toi. Bon, ça t’était peut-être arrivé une ou deux fois avec des amis, mais sur le ton de la blague - même si t’étais conscient que ce n’était sans doute pas amusant pour la personne qui se sent réellement mal dans sa peau. « Je me doute. » Répondis-tu donc, avec un simple sourire, prenant une dernière gorgée d’eau avant de remettre sa bouteille à la slameuse. T’étais prêt à repartir, à pousser ce bolide, même si t’avais aucune idée de la distance vous séparant encore de ton bateau. Tu le disais, c’était pas ton genre d’abandonner si vite, et le sien non plus apparemment. « Good. » Dis-tu avec un enthousiasme renaissant. Comme quoi cette pause avait été juste ce qu’il vous fallait. Vous étiez pas mal moins bavards pendant cette dernière partie de la marche extrême. Tu gardais ton souffle, tu te préservais. Vous étiez probablement plus près de ton voilier que du quai du ferry, là. Vous ne pouviez donc réellement plus revenir en arrière. Arriver à l’autre bout de l’île était votre seule option. Le sentier redevint enfin un peu plus praticable, les roches et les racines laissant place à un sentier sablonneux bien tapé, ce qui vous permettait de pousser les roues sans trop de mal. « J’me souviens que je me suis dit que je commençais la randonnée en montant, ce qui signifiait que je n’aurais qu’à redescendre à la fin … On doit bientôt arriver à la plage. » La légère descente devint légèrement plus abrupte. « Ok, maintenant faut pas la lâcher, ce serait bien con qu’on l’échappe et qu’elle roule jusque dans le palmier en bas. » Là, le coût des réparations ferait peut-être moins plaisir à Aïnhoa. Le duo parvint à faire rouler la motocyclette tout en douceur, et à se retrouver dans un bain de soleil de fin de journée. En effet, le soleil était bien bas à l’horizon. Son voilier était amarré au quai, juste devant ce spectacle. « We made it. » Il se tourna vers Aïnhoa et, posant la moto contre son flanc, il leva les bras vers elle pour un high five. « WE MADE IT. »

L’espoir de la jeune maman d’arriver au bout de leurs peines fut confirmé par Oskár, qui semblait se souvenir un peu de son parcours, et acquiesçait sur le fait qu’ils touchaient au but. Elle rit doucement quand il fit remarquer que leurs efforts n’étaient pas terminés et qu’il s’agissait maintenant de ne pas lâcher le bolide. « Ouais, allons-y doucement. » ajouta Aïnhoa avec une moue amusée, alors qu’elle gardait solidement la Yamaha sous contrôle dans la descente, malgré une envie de courir jusqu’en bas de la pente maintenant qu’ils y étaient presque. Et finalement, enfin, la mission fut accomplie, alors qu’ils sortaient enfin de ce périple de l’enfer qui avait mis leurs muscles à rude épreuve. « YEAH ! » s’écria-t-elle en tapant dans les mains du garçon, avec une nouvelle énergie insufflée par le but atteint. Pas qu’elle n’y avait pas cru, mais tout de même, elle ne comptait pas en arrivant sur l’île, se retrouver dans un tel pétrin et devoir fournir autant d’efforts. Heureusement qu’Oskár avait été là pour l’aider, et elle était bien consciente qu’elle lui devait une fière chandelle. « Damn it, quelle aventure ! Je t’en dois une belle. » s’exclama-t-elle, son visage perlé de sueur retrouvant un sourire éclatant malgré son air lessivé. Clairement, cette fin de journée n’était pas celle qu’elle s’était imaginée. « Comment tu veux qu’on s’y prenne, maintenant ? » reprit rapidement la brunette, qui n’aurait sans doute l’esprit totalement tranquille que lorsque sa moto bien-aimée serait en sécurité sur le continent.

T’avais plus de bras, Oskár, ils étaient complètement dead à force d’avoir poussé sur la Yamaha d’Aïnhoa, et pourtant t’arrivas quand même à lever les mains pour taper dans celles de la slameuse. C’était l’énergie de la victoire, ça, et non plus du désespoir ! Vous aviez réussi à vous rendre jusqu’au quai où était amarré ton voilier. Bon, il vous fallait encore trouver le moyen de le monter dans l’embarcation, mais rendu là, plus rien ne t’effrayait. « Tu m’en fais vraiment voir de toutes les couleurs à chaque fois qu’on se voit ! » Au moins, lors de sa chute à Chamonix, elle ne l’avait pas entraîné avec lui. Elle se reprenait aujourd’hui, visiblement, en le faisant souffrir lui aussi. « J’ai peut-être une idée, attends … » Tu laissas Aïnhoa tenir sa motocyclette par elle-même pendant que tu montais dans ton voilier. Tu te rendis jusqu’à la porte qui menait vers l’intérieur du bateau. La porte était une porte coulissante, détachable, en bois plutôt solide. T’avais qu’à la faire glisser vers le haut pour la retirer. Elle pourrait faire office de rampe afin de faire rouler la moto jusqu’à l’intérieur. « Ok, voyons voir si c’est assez long … » Tu ouvris la porte métallique qui faisait office de rambarde lorsqu’elle était sécuritairement fermée, et tu positionnas la porte de sorte à ce qu’elle prenne appuie sur le quai. « Ok, ça fonctionne ! Heureusement qu’il n’y a pas trop de vagues. Ça devrait pouvoir tenir en place, surtout avec le poids de la moto qui ira dessus, ça ne bougera plus. » T’avais pas expliqué ton plan à Aïnhoa mais tu te disais que l’image parlait d’elle-même, elle n’avait pas besoin que tu détailles davantage, quoi. « Tu pousses et je la tire vers l’intérieur ? » Proposas-tu puisque t’étais déjà à bord.

« Hé, c'est toi qui est toujours au mauvais endroit au mauvais moment ! Enfin, selon le point de vue. C'est peut-être moi qui me met dans des galères au bon endroit et bon moment. » rit Aïnhoa en réponse au garçon. Pour sûr, ils avaient eu leur dose de péripéties pour la semaine à venir, avec ce périple improbable. Périple qu'elle n'aurait jamais pu faire sans Oskár, parce que lui, il avait eu son aventure de la journée alors que rien ne l'y obligeait. La jeune slameuse ne comptait pas l'oublier. Elle trouverait un moyen approprié de le remercier en temps voulu, mais présentement, elle était trop concentré sur sa moto, malgré une première étape victorieuse. Alors qu'elle interrogeait son ami quant à l'étape suivante, désormais inquiète de comment monter l'engin sur le bateau, sans abîmer l'un ou l'autre, le brun semblait déjà avoir quelques idées de comment procéder, commençant à démonter la moitié de son voilier, ou c'était en tout cas ce que voyait Aino. Elle avait bien de la chance d'être tombée sur quelqu'un d'aussi dégourdi, parce que ni une ni deux, il avait mis en place une rampe qui semblait relativement safe pour faire monter la Yamaha à bord. « Alors j'me suis toujours considérée comme débrouillarde, mais toi, t'es du genre à faire pâlir McGyver de jalousie, quoi. » commenta la brunette d'un air qui ne masquait pas son admiration. « Let's go. » Elle approcha donc la moto de la rampe de fortune, la poussant lentement et attentive à la stabilité du passage, alors qu'Oskár venait l'aider. Et incroyable mais vrai, au bout de tant d'efforts pour amener le deuxième amour de sa vie de l'autre côté de l'île, ils y étaient, la moto était sur l'embarcation. Si la deuxième phase du sauvetage avait été bien plus simple, être enfin au bout de leurs peines arracha un cri de joie à la jeune femme, qui se tourna dans un élan de joie vers le plaisancier pour lui sauter au cou. « Tu m'as sauvé la mise, j'pourrais t'embrasser là ! » s'écria-t-elle en l'enlaçant, tellement heureuse que cette fin de journée bien mal partie, se solde sur une fin joyeuse. Il n'y avait plus qu'à rentrer, enfin, sur le continent, appeler une dépanneuse pour venir chercher sa moto, récupérer Laël, et souffler pour la soirée tout en réfléchissant à comment repay Oz comme il se devait.

« C’est peut-être un peu des deux, alors. » Mais avec du recul, même si Aïnhoa le lui en faisait toujours voir de toutes les couleurs, c’est vrai, ce n’était cependant jamais désagréable. Ce n’était donc peut-être pas un mauvais endroit ou un mauvais moment. Comme elle, c’était une bonne chose que le destin les mette sans cesse sur la même route. Ça, c’était sans s’imaginer qu’ils n’allaient pas trop se recroiser de toute la prochaine année, parce qu’Oskár allait se perdre dans une histoire d’amour trop grande et trop complexe pour lui. Pour le moment, ce qui était assez simple, c’était d’inventer une rampe afin d’y rouler la Yahama de la slameuse. La porte coulissante de la cabine du voilier ferait l’affaire. Il rit à la comparaison d’Aïnhoa sans même trop comprendre, ce que la jeune femme ne tarderait pas à réaliser quand il demanda : « Qui ? » Oskár n’avait pas grandi avec les téléséries américaines, ou très peu. De toute façon, il préférait largement les films. Aïnhoa se contenta de rire en balayant le sujet de la main, s’empressant plutôt de tester la rampe improvisée. La Yahama passa sans soucis, Oskár et Aïnhoa l’enlignant correctement, chacun de leur côté. Une fois sur le voilier, ce dernier pencha évidemment davantage du côté où la moto se trouvait, mais rien qui les empêcherait de naviguer jusqu’à Bowen. Oskár poussa un petit cri de victoire tout en accueillant la jeune femme dans ses bras, la pressant contre lui avec un sourire aux lèvres. « C’est rien, j’t’assure. Allez, go, on rentre. » Le ferry était visible, au loin, et ils ne tardèrent pas à lever les voiles afin de faire la course avec lui. Ils perdirent, évidemment, mais ils avaient gagné encore en complicité, tous les deux, et c’était pas mal tout ce qui importait. Ça, et le fait que la Yahama d’Aïnhoa était revenue sur la terre ferme, enfin.  

TERMINÉ