hot - you could be the one (vemo)

J’entreouvre la porte de ma chambre pour vérifier qu’il n’y a personne dans le salon. Je fais ça depuis plusieurs jours, c’est ridicule. J’espère juste ne croiser personne quand je vais jusqu’à la salle de bain ou quand je pars. Le chemin jusqu’à la porte d’entrée n’est pas très long mais j’ai toujours peur d’entendre la porte de la chambre d’Elmo s’ouvrir. Depuis le concert de la fête de la mangue et notre baiser improvisé, je l’évite et je crois que lui aussi. Je crois que j’ai besoin d’un peu de temps pour me rendre compte de ce qui est en train de se passer et de tous les bouleversements dans ma tête. Ça fait des années que je vis avec la certitude qu’il est mon meilleur ami, mon coloc, mon poto à la vie à la mort mais en aucun cas quelqu’un dont je suis amoureuse, dont je rêve la nuit. Mais depuis ce baiser j’ai l’impression que toutes mes certitudes sont remises en question. Comment est-ce qu’une chose pareille a pu arriver ? Et pourquoi, pourquoi faut-il que ça me tombe dessus maintenant. Ma vie amoureuse a toujours été désastreuse  mais je pensais pas que ça pouvait être pire et que ça vienne aussi foutre en l’air mon amitié la plus importante. Parce que clairement je peux pas faire comme si y’avait rien, on m’a déjà fait garder assez de secrets envers Elmo, celui-là je peux pas le garder pour moi. Enfin, pas trop longtemps, là je peux encore un peu. Mais tandis que je suis presque arrivée jusqu’à la salle de bain, j’entends une porte s’ouvrir, je me retourne, en pyjama pas coiffée et à peine réveillée, pour voir Elmo sortir de sa chambre. Je suis complètement figée.

Ce plan de merde avec Vega – soyons honnêtes – était en train de prendre une toute autre tournure pour Elmo. En proposant qu’ils se marient pour qu’il puisse rester en Australie maintenant que son visa étudiant était expiré, il s’attendait juste à une belle blague qui serait bien sérieuse aux yeux des autres mais absolument ridicule pour Vega et lui. Ils avaient prévu mettre le paquet, mentir comme ils respiraient, en s’inventant un amour dégoulinant l’un pour l’autre. Vega l’avait d’ailleurs pris par surprise en mettant ce plan-là à exécution plus rapidement que prévu, au concert signalant la fin de la Fête de la mange. Devant tout le Monkey Squad elle l’avait embrassé, avec une passion qu’il n’aurait pas vraiment imaginé chez elle et surtout pas dans ce rôle qu’ils s’étaient donné. Elmo s’était senti tout bizarre par la suite, premièrement parce que ça l’avait complètement pris de court, deuxièmement parce qu’il avait été incapable de justifier ça correctement auprès de ses bandmates, troisièmement parce qu’il fallait l’avouer, ce baiser échangé ne l’avait pas complètement laissé de marbre. C’était pas ça, le plan. C’était pas fake it until you make it. C’était fake it, point barre. Il dormait plutôt mal ces dernières nuits, sachant que Vega était deux pièces plus loin, comme ça avait toujours été le cas sauf que là y’avait un truc différent. Il le sentait chez elle aussi, d’ailleurs, ce changement. Elle était sans doute gênée par la gêne d’Elmo ou un truc du genre. Ils n’en avaient pas reparlé. Mais quand il ouvrit la porte de sa chambre ce matin et qu’il la vit près de la salle de bain, comme un p’tit daim devant les phares d’une voiture, il sut que leur relation ne serait plus jamais la même. « Bon matin. Ehm. T’allais aux toilettes ou t’en revenais ? J’dois pisser. » Au moins il pouvait encore lui parler normalement.

Je me sentais débile à marcher dans le salon telle une voleuse pour pas me faire repérer par mes colocs. Je me demande si Jules a capté quelque chose ou s’il se dit juste qu’on est pas mal occupé ces derniers jours pour faire des soirées entre colocs. Quand la porte d’Elmo s’ouvre j’aurais pu filer jusqu’à la salle de bain et faire comme si je n’avais rien vu ou entendu mais à la place je me fige sur place. Une petite pointe de déception me transperce lorsqu’il me demande simplement, comme si rien ne s’était passé, si les toilettes sont dispos ou pas. Je me tourne vers lui. Je peux pas continuer à l’éviter surtout si lui n’en a absolument rien à faire de notre baiser et que les choses n’ont rien changé de son côté. Je vais clairement pas rester la meilleure amie amoureuse en secret qui souffre en silence. Tant pis si je dois le perdre, si je dois déménager et que je perds les choses qui sont les plus importantes dans ma vie à l’heure actuelle, mais je dois parler. Déjà pour cette histoire de toilettes. « Vas-y si tu veux. » Je lui dis en relâchant les épaules. J’aurai juste à retourner dans ma chambre et l’éviter à nouveau mais au bout d’un moment faut bien se lancer. Quand il passe à ma hauteur, je l’attrape par le bras. Au moment où je fais ça, mon cœur fait un bond. Je tente de capter son regard même si ça fout mon estomac en vrac de le regarder sans savoir ce qu’il ressent lui et si je suis la seule conne à être chamboulée. « Va falloir qu’on parle. » Je lui laisse pas franchement l’option de dire non. Au pire il n’y a que moi qui parle, ce n’est pas grave. Je ne sais pas exactement ce que je pourrais lui dire mais en tout cas je peux pas continuer comme ça.

C’aurait été encore plus bizarre, à son avis, si Vega avait filé aux toilettes en l’entendant ouvrir sa porte, comme si elle se précipitait pour qu’elle ne le voit pas, alors que clairement, il l’aurait vue. Il préférait encore qu’elle fige en le voyant mais qu’au moins ils se voient, plutôt que de continuer à forcer l’évitement de cette façon. Elmo il l’aimait beaucoup, Vega. Jusqu’à maintenant il avait pensé l’apprécier comme une grande amitié qui ne s’effrite jamais, une amitié inconditionnelle, mais il réalisait après ce baiser qu’ils s’étaient peut-être trop convaincus, tous les deux, en ne cessant jamais de se dire qu’ils se connaissaient trop et qu’ils se trouvaient trop dégueu pour tomber amoureux, et blabla. « Ben, je sais pas, tu y allais ou pas ? » Mais comme l’envie d’Elmo était pressante et que Vega ne semblait pas trop décidée, il s’avança vers la salle de bains. En la croisant, elle l’attrapa par le bras, le stoppant dans son élan vers le petit coin. « Uh ? » Il tourna la tête vers elle, baissa un peu les yeux pour croiser son regard, elle qui était un peu plus petite que lui. C’était intense, cet échange, un peu trop sans doute, mêlé à ça le contact de la main de Vega contre la peau d’Elmo, qui frissonnait en raison de cette proximité qu’ils s’étaient eux-mêmes retirée ces derniers jours. Fuck, ce qu’elle lui manquait, sa meilleure amie. Il espérait que ce plan à la con et ces sentiments étranges ne viendraient pas foutre en l’air leur amitié de plusieurs années. Il pouvait prendre sur lui et refouler ce qu’il ressentait, mais il ne voulait pas la perdre en cours de route, ça jamais. « Ouais, ok, laisse-moi juste aller pisser et je reviens après. Au salon ? » Ils hochèrent la tête, se séparèrent, elle vers le couloir menant au salon, lui allant s’enfermer dans la salle de bains. Il revint deux minutes plus tard, après avoir fait son petit pipi matinal et s’être lavé les mains. Il alla à la cuisine en premier, se prenant un bol de céréales, parce qu’une discussion trop sérieuse avec l’estomac vide, c’était pas du génie. Il leva la boîte de céréales et en brassa le contenu pour attirer l’attention de Vega au salon. « T’en veux ? »

J’ai l’impression que chaque interaction entre nous va être awkward temps que les choses ne seront pas dites. On parle juste d’aller pisser et je panique un peu intérieurement, qu’est-ce que ça va être pour le reste ! « C’est pas pressé. » Je lui dis pour que cette histoire de priorité pour les toilettes soient vite évacuée. Quand je l’attrape par le bras, il y a un micro moment où on se regarde sans rien dire avant que j’ouvre la bouche. J’essaie de lire dans son regard ce qu’il peut penser. Je le connais par cœur Elmo, même quand il me dit pas les choses j’arrive en partie à les capter parce que ça se voit dans son attitude. Là je vois bien que c’est différent mais je n’arrive pas à savoir si c’est parce qu’il ressent la même chose que moi ou si c’est parce qu’il a compris que je ressens un truc mais que lui non. Oui je me prends beaucoup trop la tête et ça fait des jours que c’est comme ça. Il accepte ma demande, je hoche la tête et je vais vers le salon tandis qu’il va aux toilettes. Je l’attends sur le canapé, ma tête posée sur un de mes genoux pliés. Je tourne la tête lorsque je l’entends secouer un paquet de céréales. « Oui vas-y. » Je lui réponds avec un mince sourire. Je n’ai pas faim, enfin mon estomac se tord trop pour que je songe à avaler un morceau pour l’instant. J’attends qu’il revienne avec le paquet et son bol. « Est-ce que je suis folle ou y’a un truc ? » Je lui demande en me tournant vers lui. Je me dis que je lui en demande peut-être trop de bon matin alors qu’il n’a même pas encore avalé son petit-déjeuner. « Enfin j’veux dire...je sais que moi y’a un truc mais j’ai l’impression que toi aussi en fait, ou alors j’me fais juste des idées. »

« Moi oui ça l’est pas mal. » Pressé, I mean. Elmo il fallait toujours s’enlever de son chemin le matin parce qu’il avait du mal à se retenir. Il avait la très fâcheuse habitude d’aller dormir en ayant envie de pisser mais dès qu’il était sous les draps, c’était trop tard s’il s’en rendait compte, il était trop confortable et trop paresseux pour se relever et marcher jusqu’à la salle de bain. En plus, ça risquait de le réveiller et il ne se rendormirait que plusieurs heures après. Ça lui donnait le temps de faire trop de bêtises en scrollant les réseaux sociaux, ça. Bref, tout ça pour dire qu’il se réveillait donc toujours avec une forte envie de pipi qu’il devait soulager dans la minute. Malgré cet avertissement Vega l’arrêta quand même dans le couloir, pour lui demander s’ils pouvaient se parler, après. Il acquiesça, le cœur se serrant un peu, et c’était un peu trop pour son corps qui ne savait plus quelle priorité gérer : l’empêcher de pisser par terre ou calmer son cœur. Le barista alla donc s’enfermer aux toilettes, fit sa petite besogne, et revint à la cuisine pour se servir un bol de céréales. On pourra constater qu’avant de pouvoir discuter, Elmo devait avoir comblé ses besoins de base. Il eut au moins la décence de proposer à Vega de combler les siens aussi, en secouant la boîte de céréales pour lui offrir un bol à elle aussi, qu’elle accepta. « Ok, coming right up. » Il sortit deux bols, versa des céréales et du lait, plongea deux cuillères dedans, oublia de ranger le lait au frigo, et alla s’asseoir au salon auprès de Vega. « Un truc ? Quel truc ? » Demanda-t-il avec la bouche déjà pleine. Évidemment il savait de quoi elle parlait, mais il n’avait pas envie de se lancer le premier. Elle continua donc, mais ce n’était guère plus clair. « J’ai peut-être un truc … Ça dépend de c’est quoi toi, ton truc. » Non mais s’il lâchait son truc à lui et que pour Vega c’était pas du tout ça, il risquait de mettre leur amitié en péril et ça, ça ne l’enchantait pas.

Je connais suffisamment Elmo pour savoir que de toute façon il n’en a rien à faire de me laisser la priorité aux toilettes si lui veut y aller. Mais je m’en fous parce qu’il y a franchement plus grave que ça actuellement. J’accepte sa proposition de céréales même si je n’ai pas faim et lorsqu’il se ramène avec les deux bols, je trouve ça plutôt cute et je m’en veux par la même occasion de trouver ça cute. Je laisse mes céréales sur la table basse, n’ayant pas le courage de les dévorer comme lui peut le faire. N’y-a-t-il vraiment rien qui puisse lui couper l’appétit ? Ou en fait peut-être que pour lui rien n’a changé et qu’on n’est pas du tout sur le même bateau. Je ne parle pas clairement parce que ça me fait flipper. Je préfère sonder sa réaction avant d’en dire plus. Je sais pas si son truc c’est le même que le mien mais il a aussi un truc. Mais bon le connaissant, son truc pourrait ne rien à voir avec le mien, ça pourrait aussi bien être une demande pour que j’aille lui chercher un burger pour le dîner que de m’informer qu’il compte ramener quelqu’un à l’appart. « Bon….comme je sais qu’avec ton courage légendaire tu voudras jamais parler en premier, j’vais bien être obligée de me lancer. » Je lui dis en soupirant. Au pire ça sera moi qui me tapera la honte et créera le malaise mais tant pis. « C’est par rapport à ce qu’il s’est passé l’autre jour, à la fête de la mangue. » Je sens mon cœur se serrer en sachant ce que je vais dire ensuite. « Bah j’sais que je peux être très bonne actrice mais au bout d’un moment je jouais plus vraiment. » Quand je suis arrivée telle la petite amie éperdue que je suis censé être, je riais intérieurement, ça a continué un peu quand j’ai commencé à plaquer mes lèvres sur les siennes mais après j’avais vraiment envie qu’on continue à s’embrasser, même si ça m’a complètement fait flipper. J’ai essayé de faire comme si de rien n’était, parce que bon c’était pas censé être la première fois qu’on s’embrasse, d’après notre fausse histoire. J’ai carrément peur de ce qu’il va dire et s’il va comprendre surtout.

Il n’y avait pas grand-chose qui puisse couper l’appétit d’Elmo, pas même ce sentiment bizarre qu’il traînait en-dedans de lui depuis plusieurs jours. Certaines personnes cessaient de manger face à l’anxiété, l’angoisse, la nervosité. Lui, ça ne l’affectait pas de cette manière-là. C’était plutôt son sommeil qui avait écopé, parce qu’il n’arrivait pas à se sortir Vega de la tête, malgré ses tentatives de penser à quelqu’un ou quelque chose d’autre avant de s’endormir. C’était de penser à elle qui le berçait le plus, mais ça le faisait flipper en même temps, ce qui créait une combinaison parfaite pour l’insomnie. Mais manger, manger non, ça, rien ne l’arrêtait. Il continua donc à manger ses céréales en faisant même couler un peu de lait le long de son menton, puis sur son t-shirt, alors qu’il écoutait Vega. Il attendait, plutôt, qu’elle crache le morceau. Est-ce que ce serait le même morceau que lui ? (Et je ne parle pas ici du lait, mais bien des sentiments). À entendre ses premières paroles, Elmo eut confirmation que c’était lié au même événement, en tout cas. Il hocha la tête, reposant enfin son bol de céréales sur la petite table du salon, et essuyant son menton. Il sentait que ça deviendrait plus sérieux – enfin, il le sentait depuis qu’il était allé pisser, mais là, ça se rapprochait vraiment du moment clé. « Toi non plus, hein ? » Admit Elmo avec un tout petit rire tout gêné. De gars plein d’assurance il devint gamin un peu mal à l’aise, qui ne sait pas trop où se mettre. Ses jambes et ses bras lui semblèrent tout d’un coup tellement, mais tellement longs et encombrants, sur ce fauteuil. « J’dis pas que toute cette histoire devient réelle pour moi, genre, j’serais pas prêt à te marier pour de vrai et tout, c’est pas ça, mais … J’pense que dans le fond c’est pas anodin que je t’en aie parlé à toi. J’pense que … que ça signifiait peut-être quelque chose quand même, pour moi. » Il n’y avait personne d’autre que Vega avec qui il avait envie de vivre ce plan à la con. Et tout plein d’autres plans peut-être.

Je flippe, vraiment beaucoup. J’essaie de ne pas trop lui montrer et de rester relativement calme face à tout ça mais au fond je suis complètement paniquée de la tournure que prenne les choses. Je ne peux pas m’empêcher de sourire quand je le vois galérer à manger ses céréales. C’est donc de ce mec dont je suis en train de tomber amoureuse ? Un gars qui arrive pas correctement à boire du lait sans en mettre partout ? L’amour c’est vraiment mystérieux quand même. Je lui avoue à demi-mot la vérité, sans tout dévoiler non plus. Je me dis que si je ne dis pas totalement tout, il y a toujours moyen de revenir un peu en arrière mais qu’après c’est foutu. Même si je lui dis pas tout, vu ce que je ressens, c’est foutu dans tous les cas, je pourrais jamais faire comme si de rien n’était et lui mentir sur tout, tout le temps. A chaque fois qu’il y a eu des mensonges entre nous ça a fragilisé notre relation. Je relève mon regard vers lui quand il semble me dire que pour lui non plus le jeu d’acteur n’en a pas été un jusqu’au bout. Il m’explique que s’il m’a demandé à moi pour qu’on se marie, pour de faux, c’est peut-être pas juste que je suis sa meilleure amie et globalement la personne la plus proche de lui mais que depuis le début il devait y avoir quelque chose, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. « T’es en train de me dire qu’on ressent la même chose...globalement ? » Je préfère être à peu près sûre même si je comprends que mes sentiments ne sont pas à sens unique. « Au moins il n’y en a pas un de nous deux qui va foutre en l’air notre amitié...on fonce tous les deux vers notre fin...enfin notre fin en temps que meilleurs amis. » Parce que je sais pas trop ce qu’il a en tête mais pour moi c’est clairement impossible qu’on mette tous les deux nos sentiments au placard pour rester les meilleurs amis du monde et qu’on vienne parler de nos conquêtes respectives comme si aucun de nous ne serait jaloux.

À la question de Vega, Elmo haussa les épaules. Leur discours semblait concorder – pour une fois. C’était assez étrange de constater que les sentiments s’étaient réveillés en même temps. Tout ça en raison d’un baiser qui avait tout changé. Comme s’il n’avait suffit que de ça, que de la rencontre de leurs lèvres, après plusieurs années d’amitié, pour qu’ils ouvrent enfin les yeux. C’était un peu comme Blanche-Neige qui se fait réveiller par le baiser du prince mais pour les sentiments dormants des colocataires. « Globalement … j’pense que oui. » Le barista ne pouvait pas être certain à 100% qu’ils ressentaient exactement la même chose, qui peut l’être d’ailleurs ? Même des amoureux de dix ans ne peuvent savoir s’ils s’aiment de la même manière, de la même intensité. « Rien empêche qu’on demeure des meilleurs amis, non ? » La question aurait pu être interprétée de plusieurs façons. Par là, est-ce que l’italien était en train de dire qu’il ne voulait pas tenter quoi que ce soit de plus sérieux avec Vega, ou bien qu’il souhaitait tout ça en même temps ? C’aurait mal été connaître Elmo de ne pas savoir qu’il voulait le beurre, l’argent du beurre et la laitière. « Ben, je veux dire que … Même si j’sais pas trop où on va se situer, maintenant que tout ça c’est dit, ben … j’en ai pas d’autres que toi, des meilleures amies. Ça reste toi quand même. » Alors le reste, ce serait juste un bonus. Dans les faits, Elmo et Vega faisaient déjà tout un tas de trucs que les couples font. Ils cuisinaient ensemble – enfin, Vega donnait les ordres et Elmo faisait ce qu’il avait envie de faire -, ils regardaient des séries à deux et n’avaient pas le droit de regarder le prochain épisode sans l’autre, ils avaient des amis en commun, ils vivaient ensemble, tout ce qu’il manquait … c’était la petite touche un peu plus intime.

On y va tous les deux à tâtons, pas trop sûrs de nous. On arrive à peu près à se comprendre, il faut dire que même sans trop parler on arrive souvent à capter ce que l’autre pense. Mais là le sujet est tellement délicat que je suis pas franchement sûre de complètement comprendre ce qu’il pense et ce qu’il ressent. Je lui dis que du coup on doit dire adieu à notre amitié, pas pour ne plus se voir mais pour évoluer vers une autre relation ou alors je me fais complètement des idées. Je fronce les sourcils quand il me dit qu’on peut toujours rester meilleurs amis. Je suis pas franchement sûre de comprendre où il veut en venir. Il tente un peu d’éclaircir son propos mais ça m’aide pas des masses. « Je comprends pas trop ce que tu veux. » Je lui avoue, perplexe. Est-ce qu’il veut juste qu’on mette tous les deux nos sentiments sous le tapis pour continuer notre vie comme si de rien n’était ? Est-ce qu’il se fout de moi depuis tout à l’heure et je suis la seule à avoir ressenti un truc ? « Enfin bien sûr que j’ai envie d’être ta meilleure ami, toujours, mais j’ai pas envie d’être juste ça. Depuis qu’on s’est embrassés j’ai envie de recommencer et je suis très sûre que ça rentre dans le cadre de meilleure amie ça. » Je suis même sûre que ça rentre pas dedans. Il y a bien sûr des amitiés qui sont parfois un peu plus que ça, des sex-friends, mais avec Elmo on n’a jamais été comme ça, s’embrasser et tout le reste, jusqu’à ce qu’on le fasse l’autre jour, ça ne m’avait jamais traversé l’esprit sérieusement. J’attends qu’il me réponde, que je sache un peu vers où on va tous les deux.

Elmo balança la tête vers l’arrière en soupirant d’exaspération. Heureusement qu’il avait déposé son bol de céréales au préalable, autrement il se le serait complètement renversé dessus, désorienté. Il rebaissa la tête quand Vega reprit la parole pour dire qu’elle avait envie d’être sa meilleure amie, oui, mais pas que. C’était ce que voulait dire Elmo lui aussi, au fond, ils disaient la même chose mais pas de la même manière. Ils n’avaient pas les mêmes skills de communication, ou en tout cas, pas les mêmes expressions. « J’ai pas envie d’être que ça non plus, depuis qu’on s’est embrassés j’veux juste le refaire et faut que je me parle pour arrêter d’y penser ! » Il se redressa, assis bien droit, mais cette position sérieuse ne dura pas bien longtemps alors qu’il se cambra vers l’avant, ses coudes posés sur ses cuisses écartées, les mains jointes l’une à l’autre au milieu. « Ce que je veux dire c’est que … j’ai pas envie de changer de meilleure amie. C’est toi, ma meilleure amie. Alors … qu’est-ce qui nous empêcherait d’être à la fois de meilleurs amis, à la fois, des … enfin, ensemble ? » Dire qu’ils étaient des amoureux c’était peut-être précoce mais en même temps on ne pourrait pas dire qu’ils étaient rapides en affaires, qu’ils ne se connaissaient pas assez, etc. Ils se connaissaient depuis des années alors si les sentiments se développaient, ce n’était pas pour des illusions qu’ils se faisaient l’un de l’autre. Au contraire, ils se connaissaient sous leurs pires jours, aussi. Et s’aimaient malgré tout. « Tu me connais, j’veux … le meilleur des deux mondes. » Il haussa les épaules, un sourire aux lèvres. Elle était belle, là, Vega, toute nerveuse, toute gênée. Il aurait eu envie de s’approcher, de l’embrasser, le fait de savoir que c’était aussi vrai de son côté, ça décuplait le désir.

Heureusement qu’Elmo éclairci sa pensée parce que sinon je crois que j’aurais été déçue et paniquée. Mais non, on est bien sur la même longueur d’onde. C’est une constante chez nous, même si on est différents et qu’au final ça peut paraître un peu improbable des fois qu’on s’entende s’y bien, on arrive toujours à s’accorder, à être en équilibre et à se comprendre. Même si bon des fois ça prend un peu plus de temps, comme là. Je me mords légèrement la lèvre quand il me dit qu’il aimerait bien qu’on recommence à s’embrasser. J’aimerais bien aussi mais je me fais violence pour d’abord régler cette histoire. Parce que là je sais que si on s’embrasse, on va pas faire que ça ou alors je serai vraiment surprise de la part d’Elmo et un peu vexée aussi. « Nan mais t’imagines même pas...l’autre jour, j’t’ai vu passer. Bon comme j’t’évitais j’ai rien dit mais j’ai maté ton cul. Merde ! J’me suis vraiment dit que y’avait un truc qu’allait pas. » Ce n’est pas la première fois que je regardais ses fesses mais c’est la première fois que je les regardais en me disant que je le trouvais sexy et que j’aurais bien aimé le plaquer contre le mur le plus proche pour l’embrasser fougueusement. Ça c’est bien la première fois que je me le dis. Il veut qu’on soit à la fois meilleurs amis et ensemble, donc en couple, i guess même s’il n’a pas l’air trop sûr de lui. « Le truc c’est que tu pourras plus venir te plaindre auprès de ta meilleure amie de ta copine ou alors je risque de pas être franchement très objective dans mon jugement. » Je lui réponds en souriant. De base je prends pas toujours son parti même si avec seulement sa version de l’histoire il s’arrange toujours pour ne pas être le coupable mais je le connais pour savoir qu’il n’est pas blanc comme neige. « Ouais tu veux à la fois avoir la meilleure amie du monde et la meilleure copine du monde, j’te comprends c’est tentant. » Je lui dis avec un sourire en coin avant de me pencher vers lui pour le prendre dans mes bras.

Un rire amusé s’échappa d’entre les lèvres d’Elmo, même si le moment était quand même pas mal plus sérieux que ce à quoi ils étaient habitués, la réplique de Vega sur ses fesses flattait son égo déjà surdimensionné. Et ça ne le surprenait pas tellement non plus, son booty était assez bien rebondi ! « Im-po-ssible que ce soit la première fois que tu l’aies maté. On passe pas à côté de ça sans loucher. » Dit-il en se levant un peu du canapé pour se cambrer et relever le derrière, question que sa meilleure amie ait vraiment une belle vue sur son popotin. Il se rassit par la suite en riant, avant de reprendre son sérieux pour mieux expliquer le fond de sa pensée par rapport à leur statut de meilleurs amis et de couple. Le commentaire de Vega faisais pas mal de sens aux oreilles d’Elmo. Il venait souvent se plaindre de Bella à sa colocataire, à l’époque. Là, il ne pourrait venir se plaindre de Vega ni à sa colocataire ni à sa meilleure amie, parce que Vega, elle était tout ça. « Shit. T’as raison. J’ai besoin d’une nouvelle meilleure amie. » Constata-t-il en se demandant qui ce pourrait être. Il y avait bien Gladice, mais sachant qu’il se doutait qu’elle avait/avait eu un crush sur lui, c’était peut-être pas très cool de sa part. Ce pourrait être Aura, ils étaient dans le même band, tous les deux italiens. Ouais, vendu, Aura était sa nouvelle meilleure amie. Quand le barista parla de vouloir le meilleur des deux mondes, évidemment la jeune femme tourna ça au plus gros compliment du monde pour elle. Elmo leva les yeux au ciel et rit. « Tu comprends ce que tu veux comprendre. » Il se décala un peu vers elle sur le canapé, pour l’accueillir dans ses bras. Ses doigts caressaient le dos de Vega et son cœur battait tout d’un coup d’une toute autre manière que lors de leurs précédents câlins. Il enfouit un moment son visage dans le cou de sa colocataire, avant de reculer sa tête pour la regarder, leurs lèvres si proches, et de finalement briser l’écart, relâcher la tension, et l’embrasser avec pas mal plus de certitude et d’assurance que ce jour-là sur la plage.

Je ris en levant les yeux au ciel quand il prend immédiatement la grosse tête sur ses fesses. Il faut que je pense à présent à pas trop lui faire de compliments. Avant ça allait, au moins physiquement, je n’avais pas franchement grand-chose à dire mais à présent je me rends compte que je le trouve beaucoup plus intéressant physiquement. Quand il me monte ses fesses je jette un coup d’œil avant de détourner le regard. Pas question que je lui saute dessus avant qu’on ait mis les choses au clair tous les deux. Il réalise finalement, en faisant se connecter ses deux neurones, que si je suis sa copine et sa meilleure amie, ça sera un peu compliqué de venir se plaindre de sa vie de couple. Enfin avant qu’il se passe ce qu’il est en train de se passer, on peut dire qu’on était presque à 90 % en couple, il manquait juste les sentiments et le sexe globalement. Mais on vit déjà ensemble, on passe une partie de nos soirées tous les deux et on s’engueule pour des trucs de couple. Il aura pas beaucoup plus à se plaindre maintenant. « Tu trouveras pas mieux, faut que tu t’y prépares. » Il est pas le seul à pouvoir prendre le melon. Moi non plus je trouverais pas mieux que lui comme meilleur ami mais bon, j’ai l’impression qu’on a bien décidé de lâcher le projet d’être juste meilleurs amis. Je lui tire la langue avant de venir me caler dans ses bras. On s’est souvent fait des câlins, si bien que quelqu’un qui rentrerait à l’improviste à l’appartement un soir où on regarde une série aurait pu croire qu’on était ensemble, tous les deux blottis l’un contre l’autre. Sauf que là au lieu de s’en tenir à un simple câlin amical, ma tête se relève et nos regards se croisent, puis nos bouches se rapprochent et voilà le deuxième baiser de notre vie, cette fois pas pour de faux. Entre deux baisers je lui demande « Du coup j’suis ta copine ou alors tu vas me jeter après la première nuit ? » Pour la deuxième option, je suis presque sûre que c’est pas dans ses plans, pas avec moi, il pourra pas me fuir sachant qu’on est colocs à part s’il décide de retourner en Italie. Mais pour la première, j’ai besoin de savoir. C’est peut-être un peu avec tout ce qu’il vient de se passer mais je n’ai pas envie de vivre une énième mésaventure amoureuse, pas avant d’avoir un peu vécue notre histoire.