'cause i'm a bad liar, now you know you're free to go (eflo)

Comment lui dire ? Comment lui dire qu’après le concert de la fête de la mangue, tu t’es perdu avec Freja et que vous avez couché ensemble ? Comment lui dire que tu ne pensais à rien à ce moment là ? Comment lui dire qu’elle était enceinte ? Beaucoup trop de questions te taraudent en ce moment, tu es actuellement entrain de faire les 100 pas dans ton appartement entre ta chambre et la cuisine. Tes colocataires te dévisagent, ils comprennent pas trop ce qui t’arrive. Mais la nouvelle que Freja t’avait annoncé quelques jours plus tôt, tu ne pouvais plus faire semblant de l’ignorer. Il fallait que tu assumes. « Bon, euh… j’reviens à toute ! » dis-tu à Elias et Azriel en t’arrêtant net dans le salon. Tu récupérai ton skate pour fendre la nuit et partir à la rencontre de ton anglaise. Sur le trajet, tu essayais de trouver les mots que tu pouvais lui dire, les choses qui étaient le plus important à mettre en avant. Tu sais même pas pourquoi t’as couché avec Freja alors que tu es éperdument amoureux d’Effy ! Quel idée, hein ? Vous aviez rendez-vous au skatepark, et tu lui avais demandé de but en blanc de te retrouver. Une fois là-bas, tu faisais quelques pentes, histoire de te vider l’esprit. Mais tu savais quelle tournure prendrait cette soirée. Elle allait finir mal, tristement et tu vas surement pleurer toutes les larmes de ton corps. Tu lui fais du mal, et ça te tue de lui faire du mal. Tu t’arrêtais, tu jetais ton skate sans vergogne. Par chance, il ne cassait pas. Tu allais le chercher et tu t’asseyais dessus, prenant ton visage entre tes mains. Tu ne voulais pas qu’elle arrive, pas maintenant, t’étais pas prêt pour ça. Et pourtant, ça allait se passer. Tu prenais une cigarette dans ton paquet, et tu l’allumais. La lumière du réverbère était ta seule lumière, ainsi que celle de ta clope. Et tu attendais, comme ça, en tailleurs sur la board, prêt à tout avouer et briser le coeur de la femme que tu aimes.

@Effy Shepperfield

Naïve. C'était ce qu'elle penserait d'elle-même plus tard cette nuit, en se revoyant mentalement rejoindre Milo au skate park. Elle rejouerait ce scénario en boucle dans sa tête, pour lui chercher des issues différentes. Issues qui n'existaient pas. Effy slalomait sur la route, perchée sur son skate, habillée d'un gilet long par-dessus son top et son short pour parer à la fraîcheur des nuits hivernales. Elle avait bien senti dans le message assez direct et hâtif de Milo qu'il y avait quelque chose, mais elle ne s'inquiétait pas outre mesure. Ils n'étaient pas du genre à toujours communiquer avec de longues phrases romantiques et des emoji cœur dans tous les sens. Alors jusque-là, il n'y avait pas lieu de se poser de questions. Elle tira sur sa clope alors qu'elle arrivait à leur endroit, celui qui les avait vus sous toutes leurs formes, de deux paumés défoncés à des copains d'une complicité incroyable, cet endroit qui avait vu leurs quatre-cent coups et leurs baisers volés, leurs dérapages et leurs rires sous ecsta, qui les avait perdus de vue un moment ensemble aussi, le béton lisse ne se présentant que pour l'un ou pour l'autre durant des mois, pour les voir mieux se retrouver aussi, différemment. Pour les voir nouer quelque chose qui dans le fond avait toujours été là, ce lien irrévocable qui faisait trembler leurs myocardes. Aujourd'hui, le béton gris qui accueillit silencieusement le skate de l'Anglaise, allait être témoin d'encore autre chose. « Hey. What's up ? » lança la brune dans l'air encore léger du début de soirée en descendant nonchalamment de sa planche. Son détachement se mua vite en un froncement de sourcils perplexe, remarquant que Milo, assis sur son skate, avait l'air dépité. Angoissé, même. Non, ce n'était pas ça. Quelque chose d'autre flottait autour de lui. Il était foncièrement triste. « Hé, qu'est-ce qu'il y a ? » s'inquiéta Effy, venant s'accroupir face au musicien, sans être un instant préparée aux tourments du garçon qui allaient vite devenir les siens.

Ces questions qui te taraudent l’esprit ne s’en vont pas. Parce que tu sais comment ça va se finir après que tu ai finalement dit toutes ces choses. Elle allait t’en vouloir, c’est normal, qui es-tu pour la juger ? Une annonce de tromperie, c’est jamais facile. Tu as eu des copines qui t’ont trompé mais toi, tu as toujours été réglo, sur tout. Clairement, tu te sentais comme une vieille merde, et tu méritais tout le malheur du monde. Arrive au skate park, un nombre incalculable de sentiments te traversaient. La haine, la tristesse, la colère, l’amour. Effy allait t’insulter de tous les noms, et tu la laisserai faire. Toi-même tu t’insultes, dans ta tête. Assis sur ta board, le regard vissé vers tes pieds, tu fumais ta cigarette comme si c’était la dernière. Une voix au loin venait te surprendre. Elle était là. C’était le moment. Tu sentais l’inquiétude dans sa voix quand elle s’approchait de toi et qu’elle te demandait ce que tu avais. Tu levais tes yeux pour te connecter aux siens, désemparé. Les larmes étaient là, elles étaient apparues sur ton visage au moment où tu as entendu l’écho de sa voix résonner dans la nuit. Tu te pinçais les lèvres, sans savoir comment lui dire. « Je… j’suis.. » commenças-tu par dire en avalant un sanglot. Tu fermais les yeux et tu jurais dans ta langue natale. « Bordel ! » dis-tu simplement en essuyant une larme sur ta joue. Une fois que tu ouvrais les yeux, tu prenais une taffe de ta cigarette comme pour te donner du courage. « J’suis désolé » dis-tu simplement alors que tu étais entrain de craquer totalement. Les émotions étaient là, on ne peut pas te reprocher d’être un coeur de pierre pour le coup. C’était réel, tu étais vraiment désolé. Mais ces mots ne suffiront malheureusement pas…

Elle n'avait aucune idée de ce qui se tramait. L'idée que le garçon qu'elle aimait ait pu faire preuve d'une telle trahison ne lui traversait pas l'esprit. Au contraire, si l'inquiétude la gagnait en voyant Milo s'effondrer, elle pensait d'abord à d'autres raisons. Quelque chose de grave s'était produit, c'était évident. De son fait ou non. Avait-il fait une rechute ? Dans les multiples scénarios qui lui venaient en tête, c'était celui qui lui paraissait le plus plausible. Et jamais elle n'aurait jugé le musicien pour ça. L'Anglaise posa sa cigarette, passant de sa position accroupie à une posture assise en tailleur face au brun. Ses sanglots lui perçaient le cœur, même si elle ne comprenait pas l'origine de ses maux. Pas encore. Doucement, ses doigts fins vinrent chercher les mains de Milo. « Hey... » murmura-t-elle avec une douceur qu'on lui entendait rarement. Elle ne pouvait nier qu'un fond d'angoisse lui enserrait l'estomac, mais elle était à des lieues de s'imaginer de quoi il en retournait réellement. « What's going on ? » demanda-t-elle sur un ton empreint de douceur, enveloppé d'une douce chaleur. Oui, quelque part, il y avait toujours cette petite voix qui lui disait qu'elle ne voulait pas entendre la suite. Mais ce n'était qu'une minuscule appréhension, son cerveau trouvant bien d'autres raisons à l'état affligeant de Milo, et Effy souhaitait de tout son être apaiser sa douleur en cet instant.

Tu ne pouvais pas lui dire alors qu’elle était là pour toi, prête à te consoler. Non, la soirée prendrait une autre tournure dans les secondes à venir. Au moment où elle prenait tes mains, tu sentais ton coeur se briser. Tu sentais que c’était le moment où il fallait tout dire. Tu lâchais ses mains, tu te levais de ton skate et tu faisais les cent pas, encore. T’aura bien marché aujourd’hui, à force de marcher et de réfléchir. Tu passais une main sur tes yeux, tu balayais les larmes que tu avais commencé à laisser tomber sur tes joues. « J’ai couché avec Freja » dis-tu simplement d’un trait, d’une voix assez forte. Tu ne la regardais pas, tu te contentais de pleurer dans ton coin comme un idiot mais il manquait quand même une information. « Et elle est enceinte » ajoutas-tu en suivant, la voix un peu plus calme mais brisée par les sanglots. Voilà, tu te doutais qu’à partir de ce moment-là votre couple était fini, qu’elle allait partir sans dire un mot. Mais en même temps, c’est de ta faute, tu n’avais qu’à pas coucher avec l’une de tes meilleures amies, sans aucune raison valable. Tu étais heureux dans ton couple, et toi tu gâches tout en couchant avec une de tes amies. T’as même pas l’excuse de l’alcool puisque tu ne bois plus et que tu ne consommes plus de stupéfiants. C’était arrivé, toi-même tu te posais la question. « Engueules-moi, détestes-moi, quittes-moi, j’suis prêt à tout » souffles-tu en fermant les yeux, sentant les larmes couler silencieusement sur tes joues. Tu étais dos à elle, tu ne voulais pas voir le regard d’Effy, tu ne voulais pas voir le jugement qu’elle pouvait te porter.

Les mains vides alors que Milo retirait les siennes, la belle Anglaise le regardait aller et venir, agité, désemparé. Elle fronça les sourcils, le suivant silencieusement du regard. Elle savait qu'il n'était pas impossible que ce qui allait suivre lui mette un coup à l'âme. Mais elle n'était pas préparée à sentir sa respiration se couper net, un vent glacial traversant tout son être comme une décharge électrique. Elle eut l'impression qu'on venait de lui foudre un coup de poing à l'estomac. Abasourdie, Effy ne broncha pas, calme comme un océan avant la tempête. Non, elle n'était pas prête à ça. Une rechute, un délit, peu importe. Mais son coeur n'était décidément pas préparé à se faire déchirer en deux, d'une poigne forte et cruelle. Pas à apprendre que l'homme qu'elle aimait l'avait trompée. Trahie. Avait choisi de s'offrir à une autre, une amie proche par-dessus le marché, même rien que pour quelques moments charnels. La brunette n'eut pas le temps de reprendre son souffle que déjà, Milo lui infligeait un deuxième électrochoc. Elle était enceinte. Incapable de mouvoir un muscle, l'expression blanche, Effy fixait le vide, alors que tout se dépliait dans sa tête. Se mettait en place au ralenti, alors qu'elle découvrait la vérité sur tout ce qui se tramait depuis des semaines. Finalement, lentement, comme dans un autre monde, elle se redressa, faisant face au garçon. Son visage imperturbable semblait avoir revêtu un voile de déception. C'était ça, avant la colère : une énorme déception qui lui tombait dessus comme une chape de béton, avec des conséquences qui allaient être dramatique. « Donc, à moins qu'elle ait une extraordinaire grossesse supersonique, ça s'est passé il y a plusieurs semaines ? » souleva Effy, la voix calme mais sifflante comme un serpent. Elle dévisageait Milo, sourcil arqué en attendant une réponse à cette question passive-agressive. Ça faisait des semaines qu'il lui mentait à la gueule, sans pression. Il l'avait trompée. Il y avait des semaines. Et il n'avait rien dit, continuant à la voir comme si de rien n'était. Juste sous ses yeux. Engueules-moi, détestes-moi, quittes-moi, j’suis prêt à tout. Ah ben sans blague, merci pour l'autorisation, poto. Elle allait se gêner, tiens.

Tu te sentais comme une merde. À vrai dire, tu étais une merde à ce moment là. Quelle idée de tromper sa copine alors que tout se passait bien dans votre couple, pour une fois ? Il faut croire que vous êtes adepte du drame et de la tragédie. Mais au moins, tu l’avais dis. Certes, il était trop tard. Certes, tu avais pris ton temps pour te confesser mais pourtant, tu avais sauté le pas, ce soir. Il n’y avait pas de meilleur remède que de dire la vérité, même si elle était dure à dire. Elle ne disait rien, pendant quelques secondes. C’était assez stressant. Toi, tu étais clairement entrain de t’effondrer, dos à elle, dans ton coin. Son silence te faisait encore plus de mal. Tu n’aurai pas su quoi dire de ton côté, si les rôles étaient inversés. Mais le mal, c’est toi qui le causait. C’était ta faute si les choses étaient ainsi. La voix calme d’Effy te sortait dans tes pensées. Un ton qui était trop calme, même. Ça faisait plusieurs semaines. Oui, mais tu n’avais pas réussi à le lui dire. C’était pas une excuse, pas du tout. Mais c’était la vérité. « Oui » soufflas-tu simplement. T’avais envie de t’échapper, de partir loin d’ici pour te réfugier dans ton lit où tu serai seul face à tes pensées. « Je sais que ça ne vaut peut-être rien mais… j’suis désolé » ajoutas-tu alors que tu te retournais vers elle. Tu séchais tes larmes d’un coup de manche de la chemise que tu portais. Mais tu n’avançais pas vers elle. Tu avais peur de sa réaction. Tu te doutais qu’elle était déçue, et toi tu étais tellement en colère contre toi.

Il pouvait bien se sentir comme une merde, parce que c'était exactement ce qu'il était aux yeux de la brune, à cet instant. Enfin, était-ce vraiment ça, ce sentiment amer, cette acidité sur les bords de son âme ? Ou bien était-ce le fait qu'elle se fustigeait de ne pas l'avoir vu venir ? De s'être crue assez bien pour vivre une histoire d'amour avec lui, celui qui était son meilleur ami depuis tant d'années ? Parce qu'autant ils s'étaient perdus l'un en l'autre durant longtemps, autant ils avaient pris des chemins différents, après un temps. Milo avait pris un chemin différent. Celui d'une vie plus saine, équilibrée, celui d'un combat contre ses démons, qu'il comptait bien gagner. Tandis que la jeune Anglaise, elle, s'était toujours sentie à part, et amputée de son meilleur partenaire de vices quand il avait changé de route. Elle pensait tout ça derrière eux. Elle avait beaucoup travaillé pour cesser de fuir le bonheur, de fuir l'amour que le musicien voulait déverser sur elle. Elle avait fait énormément d'efforts pour se défaire de son fatalisme pesant et de ses spirales infernales. Peut-être que c'était ça, finalement. Qu'ils n'avaient jamais été faits pour continuer le chemin ensemble. Effy en eut presque la nausée, quand son copain admit que cela faisait des semaines que Freja et lui avaient couché ensemble. Elle le savait déjà, évidemment, malgré sa question, plutôt rhétorique. Si l'amie de Milo était enceinte, leurs ébats ne dataient pas de la veille. Mais l'entendre de sa bouche, l'entendre avouer rien qu'avec ce "oui" qu'il lui mentait depuis des semaines, lui nouait l'estomac. La belle brune serra les dents quand il s'excusa, se faisant violence pour ne pas lui renvoyer ses excuses à la gueule. Dans le regard du Français, elle pouvait lire toute la peine mais aussi la crainte qu'il ressentait. Et elle ne disait rien, parce qu'elle partageait ces exacts sentiments. Parce que cette crainte, elle était la même pour eux deux : celle d'une histoire qui s'achevait. Dans la douleur, la colère et le ressentiment. Mais elle ne parvenait pas à le formuler. Son cœur faisait trop de bruit en se déchirant en lambeaux, que pour qu'elle puisse faire la place aux mots qu'elle devait dire. « So then, why are you crying ? » reprit Effy, la voix dure, glaciale, son regard océan transperçant sans scrupules le garçon. Elle gagnait du temps. Remuait le couteau dans la plaie. Tout pour ne pas se précipiter vers la finalité qui les attendait.

C’était une sacré belle connerie que tu avais fait et un sacré bordel que tu étais entrain de causer. Mais même toi, tu ne savais pas pourquoi tu avais fait ça. T’avais besoin de plaire, de montrer que tu plaisais ? Ou peut-être de sceller cette amitié avec Freja ? Tu ne savais pas. La seule chose que tu savais c’est qu’il était temps d’en parler à Effy et de lui faire comprendre que tu étais désolé pour tout ça. Tu savais qu’elle t’en voudrait, et c’est normal. Toi-même tu t’en voulais déjà pour deux. Voir même pour trois. Tu lui avais demandé d’arrêter la drogue pour toi, tu lui avais fait subir la cure de désintoxication. Mais c’était pour son bien. Enfin, c’est ce que tu te tuais à dire. Quand elle te demandait pourquoi tu pleurais, tu te stoppais net. Tu l’aimais, tu étais fou amoureux d’elle mais pourtant tu avais pêché, et tu pensais qu’elle essayerai de comprendre tes larmes. Pas tes actes, parce qu’ils étaient incompréhensibles. Tu te retournais pour lui faire face, désemparé. « Parce que même si j’ai fais ça, je t’aime » soufflas-tu simplement. « Parce que j’suis une merde, que je sais que cette relation va se terminer à partir du moment où l’un de nous quittera cet endroit » ajoutas-tu simplement en plongeant ton regard dans ses yeux bleus perçants. Tu ne t’étais pas rapproché d’elle, parce que tu ne te sentais pas légitime d’être à ses côtés. Sa voix dure et brutale t’avait brisé un peu plus, déjà que ton coeur était entrain de tomber en morceaux après cette annonce.

hj:

Elle savait ce qu'il allait dire. Pourtant elle n'aurait pas cru qu'il articulerait ces mots de façon si juste, de la manière exacte dont elle les pensait. Effy retenait toute la peine que son myocarde déversait par litres dans son âme, mais les paroles de Milo étaient suffisamment justes et véridiques pour l'achever. Pour briser ce masque de glace dont elle se parait, pour affronter la tempête. Il disait très exactement, mot pour mot, ce qui allait se passer. Quand l'un deux quitterait la structure autrefois rassurante du skate park, laissant l'autre à l'abandon de ses états, cela signifierait qu'une relation serait morte. Qu'un bonheur potentiel aurait été meurtri dans l’œuf. Un bonheur auquel Effy avait fini par croire, malgré ses milliers de réticences et ses innombrables couches de protection. Pourtant, la brune se faisait violence pour soutenir son regard, malgré ces mots plein de sens. Ses iris d'un bleu captivant débordaient maintenant de larmes, toute tentative de les retenir étant vaine. « Why the hell did you... » commença-t-elle, la voix éclatée en mille morceaux de douleur, son regard perçant se refermant sur des larmes qu'elle n'avait pas envie de montrer, mais le fait était là. Elle crevait de mal, point. Et entendre Milo lui dire qu'il l'aimait, était sans doute la pire torture de toutes. Elle ne termina pas sa phrase, les sanglots et la haine bloquant sa gorge. Là, tout de suite, elle se sentait très exactement comme elle s'était toujours vue : une moins que rien. Une cause perdue d'avance, une âme qui n'en valait pas la peine. Et la sincérité dont le photographe chargeait ses paroles ne pouvaient rien y faire. « Whatever. » conclut-elle avec un haussement d'épaules dépité. Elle saisit son skate d'une main, pourtant incapable de tourner les talons, de quitter l'image du garçon qu'elle aimait. Ils savaient qu'à la minute où elle tournerait les talons, cette histoire se consumerait sur elle-même.

Ce sentiment de tout perdre, de tout lâcher, il était affreux. Et pourtant c’était ce que tu ressentais. Tu savais qu’en lâchant cette histoire, ça allait faire l’effet d’une bombe. Et c’est ce qui arrivait. Tu faisais face à l’anglaise, tu voyais qu’elle se donnait du mal pour ne pas pleurer et qu’elle voulait être forte, plus forte que tu ne l’étais actuellement. Tu essayais de ravaler tes larmes, de les balayer d’un coup de la manche de ta chemise. Mais ça allait continuer, tu savais que ça ne se terminerait pas aussi facilement. Votre relation allait se terminer, là, dans les instants qui vont suivre et ça te déchire le coeur. Mais tu ne peux t’en vouloir qu’à toi-même, pour ça. Tu ne peux pas blâmer quelqu’un d’autre. « Je sais pas ce qu’il m’a prit… » dis-tu en soufflant. T’avais besoin de plaire, c’était l’effet du concert, des gens qui scandent ton nom. Et tu n’avais pas trouvé la brune dans la foule, alors tu en avais choisi une autre. C’est horrible de dire ça, mais c’était ça, pourtant, la vérité. Lorsqu’elle attrapait son skate entre ses mains, tu sentais que la corde allait bientôt céder et se briser en deux parties bien distinctes. « J’suis désolé » soufflas-tu dans un murmure, la voix brisée par un sanglot que tu n’as pas pu gardé en toi. Elle n’avait surement pas entendu, elle allait surement te le renvoyer à la gueule si jamais ce murmure avait été plus élevé que prévu. Tu te mordais les lèvres pour éviter de pleurer encore, et de montrer ta peine. Mais vous le saviez très bien, quand elle partirait sur son skateboard, ça serait la fin de votre relation. Et ton coeur se briserai une fois de plus en mille morceaux.

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Elle avait envie de lui jeter son skate à la figure, ou de hurler, ou de juste se retourner et tracer sa route en le laissant tout seul avec sa culpabilité. Mais elle était incapable de faire tout ça. Elle avait beau vouloir mettre le plus de distance possible entre elle et le skateur en cet instant, son corps restait à la fois terrifié à l'idée de perdre sa drogue la plus importante : lui. Son âme était prête à se déchirer, fragilisée par brises de douleur régulières, et elle avait l'impression qu'il ne suffisait plus que d'un pas pour qu'elle entende résonner en elle la peine de cette rupture, crier dans chaque recoin de son esprit. Alors elle restait juste là, à écouter ce que Milo avait à lui dire, bien qu'elle ait envie de lui renvoyer chacun de ses mots à la gueule. Seulement elle était si terrassée par la tristesse qu'elle n'avait pas l'énergie d'être agressive. Tout ce qu'elle pouvait faire, là tout de suite, c'était rester là et se faire encore plus de mal, s'imprégner goutte par goutte du poison qu'elle se voyait obligée d'ingérer. « Ça s'est passé quand ? » reprit Effy, bien consciente qu'elle retournait volontairement le couteau dans la plaie, insistant sur le dernier mot pour qu'il comprenne bien qu'elle voulait un moment exact. Comme si ça allait l'aider à comprendre ce qui s'était passé. C'était peut-être ça qu'elle cherchait, même si ça ne changerait rien, à part resserrer l'étau glacé autour de son cœur. Elle ne répondit pas aux énièmes excuses du garçon, de celui sur qui elle avait pensé toujours pouvoir compter. Sa personne. Celle qui avait révolutionné ses peurs et ses erreurs. Fallait croire que finalement, c'était lui, la plus grosse erreur qu'elle ait commise. Ou peut-être l'inverse. Elle était son erreur à lui. Ces pensées qui la traversaient étaient comme des ronces s'enroulant autour de son être, alors qu'une nouvelle larme roulait sur sa joue. Elle planta à nouveau un regard d'acier dans celui de Milo, le forçant à une réponse claire et transparente. Même si elle allait crever de mal, elle voulait savoir. Pas par masochisme, mais parce qu'inconsciemment, elle voulait récolter chacun de ses faux-pas et s'en constituer une armure. Parce que c'était plus facile d'être en colère que d'avoir mal. Et putain, ce qu'elle crevait de mal, là.

Si la jeune anglaise te disait qu’elle t’avait trompé, tu lui en aurai voulu à mort. Alors tu comprends que de son côté, ça soit la même chose. Pourtant, elle ne laissait pas transparaître son mal-être. Tu te doutais que tu venais d’assener un coup de poignard dans son dos. D’autant plus que Freja est tombé enceinte après votre nuit ensemble. Quelle idée tu avais eu là ? La question demeure toujours… Mais tu l’avais fais, c’était trop tard et tu ne pouvais pas faire de retour en arrière. « Après le concert de la fête de la mangue » soufflas-tu simplement, passant une main sur ton front. Elle était là ce soir-là, Effy. Vous n’aviez pas pu vous voir parce qu’il y avait trop de monde. C’était sur Freja que tu étais tombé à la place d’elle. Et maintenant, tu t’en mordais les doigts. Pour autant, tu ne vas pas rayer la norvégienne de ta vie et si jamais ce bébé voit le jour, tu t’en occupera, du moins comme tu peux. Du haut de tes 29 ans, tu es encore un enfant et tu ne sais pas si tu pourras devenir père aussi facilement. Comment prendre soin d’un bébé quand on a encore du mal à gérer sa propre vie ? Un père alcoolique et toxicomane, qui est infidèle, c’est pas très glorieux. Mais tu vas t’efforcer à devenir la meilleure version de toi-même, comme ce soir. C’est pour ça que tu as avoué tout ça à Effy aujourd’hui, il fallait que la vérité sorte et que tout le monde soit au courant. Tu ne voulais pas de non-dit et marcher sur des oeufs sans arrêts. Mais tu connaissais les conséquences de cette révélation…

La réponse lui fit l'effet d'un coup de poing à l'estomac, la douleur lui broyait les tripes, et elle eut même l'impression que le sol tangua pendant une ou deux secondes. C'était donc à ce moment-là. Les images de la soirée se rediffusaient en continu dans son esprit alors que la douleur palpitait à ses oreilles, dans un vacarme assourdissant. Ça ne servait strictement à rien de ressasser ce moment déjà lointain, qui avait paru si inoffensif à Effy à l'époque. Que dalle. C'était le moment où Milo avait commencé à mentir. Celui où son meilleur ami avait choisi quelqu'un d'autre. La brune déglutit difficilement, une nouvelle fois, peinant à rester dans le moment présent, à ancrer ses pieds dans le sol. Elle le détestait de lui faire si mal. Se détestait de le laisser faire. Et pourtant elle était toujours bloquée, au milieu de ce skate park. À redouter comme une conne le moment où ils s'en iraient séparément. À paniquer à l'idée de le voir tourner le dos et s'en aller. Ou elle-même faire volte-face, et laisser le guitariste seul avec ses regrets. Tout ça était insupportable. L'Anglaise avait l'habitude de prendre la fuite dans ce genre de situations, mais ici, elle n'y parvenait tout simplement pas. Elle restait plantée là, à faire face à son bourreau, le dévisageant sans aucune pitié, mais ses larmes salées abîmant ses joues pâles. « Juste... Va-t'en. » murmura la belle brune, d'une voix bien moins convaincante que ce qu'elle aurait souhaité. Sa gorge le brûlait. Tout son être saignait. « Va-t'en ! » cria-t-elle cette fois, la rage et la peine transperçant sa voix tremblante, brisée de sanglots réprimés.